La mort de Jésus, nos morts du 9 février et tous les autres

La mort de Jésus, nos morts du 9 février et tous les autres

Vendredi saint (18 avril 2014)

 

La voix d’une jeune fille devant sa mort

Pour commencer cette veillée, nous allons écouter un écrivain juif qui vivait au temps de Jésus ou quelque décennie plus tard1. Nous ne connaissons pas son nom. Son livre, titré « Les antiquités juives », nous a été conservé dans une traduction latine parmi les œuvres de Philon d’Alexandrie.

Comme son titre l’indique, le livre propose une relecture de l’histoire d’Israël : à partir d’Adam et jusqu’au temps de Saül et de David.

Dans la page de ce soir, l’auteur revient à la période qui précède la royauté de Saül et de David. C’est l’époque des juges et, en particulier de Jefté, vers l’année 1100 avant la naissance de Jésus. Jefté, avant de combattre contre une peuplade installée sur le côté oriental du Jourdan, promet à Dieu de lui offrir, en cas de victoire, un sacrifice humain, la première personne qu’il rencontrera en rentrant victorieux de la guerre. La personne qu’il rencontre c’est… sa fille. Et sa fille, qui respecte la promesse que Jefté a fait à Dieu, accepte d’être sacrifiée, mais elle demande un temps d’attente, pour aller sur les collines pleurer sa mort (Jg 11,37).

Ecoutons cette plainte de la fille devant sa mort imminente.

Pseudo-Philon, Les antiquités bibliques (40,5-7)

5 Ecoutez, montagnes, ma lamentation,
soyez attentives, collines, aux larmes de mes yeux,
et portez-vous témoins, rochers, du gémissement de mon âme.
Voici comment je suis mise à l’épreuve !
Mais puisse ma vie ne pas m’être ravie en vain !
Que mes paroles pénètrent dans les cieux
et que mes larmes soient écrites face au firmament !
6 Pour moi, je n’ai pas été comblée par la chambre nuptiale
ni recouverte des couronnes de mes noces.
O mère, en vain tu as enfanté ta fille unique,
car le royaume de la mort sera ma chambre nuptiale.
Et que se perde tout parfum que tu m’as destiné ;
la robe blanche que ma mère a tissée, que la teigne la ronge ;
qu’elles se fanent, les fleurs de la couronne que ma nourrice tressa pour la fête.
Se souvenant de moi, que mes jeunes compagnes me pleurent
et gémissent à longueur des jours.
7 Arbres, inclinez vos branches et pleurez ma jeunesse !
Approchez, bêtes des forêts, et hurlez sur ma virginité !
Car mes années ont été fauchées
et le temps de ma vie a vieilli en ténèbres.

La voix d’une communauté sur sa propre condition

Après ce poème – le poème d’une fille dont la vie est détruite par un père dans sa folie religieuse – nous allons écouter une lamentation sur la condition de Jérusalem.

La ville est en ruines, ses autorités et la plupart de ses habitants ont été conduits en exil à Babylone. Personne ne protège ceux qui restent contre l’arbitraire et les exactions des vainqueurs. Les hommes capables de défendre leurs proches ont disparu. L’insécurité règne. Les alliés d’autrefois – Egypte ou Assyrie – ne peuvent plus apporter d’aide. Les plus faibles, femmes et enfants, jeunes filles et jeunes gens, vieillards, subissent la violence et la servitude. Selon l’auteur, les Judéens paient pour les fautes des générations précédentes, mais aussi pour les leurs.

Et Dieu ? Le Seigneur peut ramener son peuple à lui. Mais comment concilier le temps de Dieu, qui dure pour toujours, et le temps de la génération du poète – et de notre génération aussi – confrontée à la mort ? Peut-être est-il trop difficile d’apporter une réponse lorsque la souffrance est trop forte2.

Du livre des Lamentations (5,1-22)

1 Souviens-toi, Yahvéh, de ce qui nous est arrivé :
regarde et vois comme on nous insulte.
2 Notre pays est passé à d’autres
et nos maisons à des inconnus.

3 Nos pères ne sont plus là,
nous voilà orphelins.
Nos mères sont comme des veuves.
4 Notre eau, nous ne pouvons la boire
qu’en l’achetant,
notre bois, nous ne pouvons l’avoir
qu’en le payant.
5 Ceux qui nous font souffrir
ne nous lâchent pas.
Nous sommes épuisés,
il n’y a pas de repos pour nous
6 A l’Egypte nous tendons la main,
à l’Assyrie, pour nous rassasier de pain.
7 Nos parents ont fait le mal, ils ne sont plus là,
et nous portons le poids de leurs crimes.
8 Des serviteurs dominent sur nous :
et personne ne nous arrache de leur main.
9 Pour avoir du pain nous risquons notre vie,
en face des bandes armées des lieux déserts.
10 Comme si nous étions dans un four,
notre peau nous brûle, tant la faim nous tenaille.
11 On viole des femmes dans Sion,
des jeunes filles dans les villes de Judée.
12 Des nobles ont été pendus,
on n’a aucun respect pour les vieillards.
13 Des jeunes gens
portent la pierre qui sert à écraser le grain,

des garçons perdent l’équilibre
en transportant du bois.
14 Les vieillards
ne vont plus à la porte de la ville,
et les jeunes gens ont cessé de chanter.
15 La joie a disparu de notre cœur,
nos danses se sont changées en deuil.
16 Nous avons perdu notre honneur.
Malheur à nous,
oui, avons fauté !
17 Voici pourquoi tout notre être est malade,
voici pourquoi nos yeux sont enténébrés :
18 c’est à cause du mont Sion qui est devenu un désert
où les renards se promènent.
Mais toi, Yahvéh,
tu es roi pour toujours,
ton pouvoir royal dure de génération en génération.
20 Est-ce possible que tu nous oublies
pour toujours,
que tu nous abandonnes
pour toute la vie ?
21 Fais-nous revenir vers toi, Yahvéh, et nous reviendrons ;
renouvelle nos jours comme autrefois.
22 Est-ce que tu nous as rejetés,
vraiment rejetés pour toujours ?
Serais-tu contre nous indigné à l’extrême ?

 1 Cf. Pseudo-Philon, Les antiquités juives, II, Introduction littéraire, commentaire et index, par C. Perrot et P.-M. Bogaert, avec la collaboration de D. J. Harrington, Paris, Cerf, 1976, p. 28ss

2 Cf. ZeBible. L’autre expérience. Ancien et Nouveau Testament, Biblio’O, Villiers-le-Bel, 2011, p. 1212.

 

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