Quaresima:quinta settimana

La nourriture : un regard sur
l’histoire humaine et sur l’avenir
auprès de Dieu

Carême 2020 : cinquième semaine

Dans les semaines passées, je me suis laissé prendre par des textes de l’Ancien Testament. Pendant ces deux dernières semaines, je veux prendre en main le Nouveau Testament. Le premier texte c’est une page de l’Évangile de Matthieu, là où Jésus parle de la conclusion de l’histoire et de l’avenir qui attend les justes.
31 Quand viendra le Fils de l’homme dans sa gloire et tous les anges avec lui, alors il s’assiéra sur son trône de gloire 32 et devant lui se rassembleront toutes les nations et il séparera les gens les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres, 33 il placera les brebis à sa droite et les chèvres à gauche. 34 Alors le Roi dira à ceux de sa droite : « Venez, bénis de mon Père, héritez le royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. 35 Puisque j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais étranger et vous m’avez accueilli, 36 nu et vous m’avez vêtu, j’étais malade et vous m’avez visité, j’étais en prison et vous êtes venus auprès de moi ».
37 Alors les justes lui répondront en disant : « Seigneur, quand t’avons-nous vu affamé et t’avons nourri, ou assoiffé et t’avons donné à boire ? 38 Quand t’avons-nous vu étranger et t’avons accueilli ou nu et t’avons vêtu ? 39 Quand t’avons-nous vu malade ou en prison et sommes-nous venus auprès de toi ? » 40 Et répondant le Roi leur dira : « Je vous dis, c’est la vérité : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de mes frères les plus petits, vous me l’avez fait à moi » (Matthieu 25,31-40).

Dans cette page, Jésus parle de son retour à la fin des temps. Sa venue sera comme celle d’un « roi », un roi berger, un roi qui prend soin de ses brebis. Ce comportement du Fils de l’homme est dans la ligne de ce que le psaume demandait aux fidèles : « Reconnaissez : c’est Yahvéh qui est Dieu ! Il nous a faits et nous sommes à lui, nous sommes son peuple, le petit bétail de son pâturage » (Psaume 100,3). Dans la page de l’Évangile, la première phrase que le Roi adresse à ses brebis c’est : « Venez, bénis de mon Père » (v. 34). Il s’agit

d’une invitation, une invitation pleine de tendresse. En effet, les brebis sont bénies, bénies éternellement par le Père et elles entreront dans le royaume qui a été préparé pour elles « depuis la fondation du monde ». Cette affirmation fondamentale est suivie d’une motivation vraiment révolutionnaire : le Roi, le berger considère qu’il a été objet des actions que les croyants ont accomplies en faveur des personnes les plus marginalisées : l’affamé, l’assoiffé, l’étranger, le sans habits, le malade, l’homme en prison. Cette affirmation surprend les personnes bénies par le Père : quand ces personnes se sont-elles ainsi comportées par rapport au Roi ? En effet, ces personnes lui demandent : « Seigneur, quand t’avons-nous vu affamé…. ? » Et la réponse du Roi berger est très claire : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de mes frères les plus petits, vous me l’avez fait à moi » (v. 40). Pour un chrétien, une motivation plus importante pour partager la nourriture avec un frère ou une sœur n’existe pas.

Cette nécessité de partager la nourriture avec les personnes marginalisées est soulignée aussi dans le Coran. Je pense en particulier à la sourate 76 titrée « L’homme », en arabe « al-’Insân ». Il s’agit d’une méditation sur la destinée de l’être humain. Elle contient des enseignements précieux sur le comportement que Dieu nous conseille d’adopter dans cette vie, afin de parvenir au Paradis. C’est ce qu’on lit dans les versets suivants :
5 Les bons boiront d’une coupe dont le mélange sera de camphre, 6 une source dont boiront les serviteurs de Dieu et qu’ils feront jaillir en abondance. 7 Ils remplissent leurs vœux et ils craignent un jour dont le mal s’étendra.
8 Ils donnent la nourriture, malgré leur amour (pour la nourriture), à l’indigent, à l’orphelin et au prisonnier. 9 « C’est pour la face de Dieu que nous vous nourrissons. Nous ne voulons de vous ni rétribution ni remerciement » (Sourate 76,5-9).

Au Paradis, les bons boiront une liqueur exquise et parfumée (« kafûr » en arabe), un breuvage merveilleux qui parviendra d’une source céleste. Et cette source est l’image de l’inépuisable miséricorde de Dieu. Cette source est pour les personnes qui, dans leur vie, partagent leur nourriture avec les pauvres, en donnant non seulement le superflu mais ce à quoi elles tiennent. Et ce comportement, qui naît de l’amour pour les marginalisé(e)s, n’a pas – comme but caché – le désir de recevoir des louanges ou des remerciements. Au contraire, ce comportement est de la pure gratuité, un don d’amour. Laissons-nous prendre

par le message fascinant que l’Évangile et le Coran nous donnent.


En grec, le participe du verbe « bénir » est au parfait ; il évoque donc une action définitive, qui durera éternellement.

Ainsi A. Mello, Évangile selon saint Matthieu. Commentaire midrashique et narratif, Cerf, Paris, 1999, p. 439.

Pour cette remarque et sur les suivantes, je remercie Meriam-Herzog Tourki, Paroles du Coran pour aujourd’hui, Mediacom, Amiens, 1998, p. 386ss.

Pour cette traduction cf. Le Coran. Texte arabe et traduction française, par ordre chronologique selon l’Azhaar, avec renvoi aux variantes, aux abrogations et aux écrits juifs et chrétiens, par S. A. Aldeeb Abu-Sahlieh, L’Aire, Vevey, 2009, p. 486.

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