Tu n’abandonneras pas mon âme à la mort (Ps 16,10)

Tu n’abandonneras pas mon âme à la mort
(Ps 16,10)

Eucharistie : 4 mai 2014

 

Aujourd’hui nous allons continuer la lecture de la Première lettre de Pierre. L’auteur considère ses destinataires comme des personnes qui vivent un nouvel exode. Les Hébreux, en célébrant la Pâque au moment de sortir de l’Egypte, devaient se ceindre les reins, c’est-à-dire serrer les vêtements autour de la taille (Ex 12,11) pour pouvoir sortir en vitesse vers le désert. Et notre auteur demande maintenant de « ceindre les reins de l’esprit », d’être prêts pour un nouveau départ1.

Ce départ est sous le signe de l’espérance et de l’amour. D’abord l’espérance : il y a un don qui nous attend, la rencontre avec Jésus quand il se révélera à la fin des temps. Et en vue de cette rencontre, il y a la parole qui nous guide et nous fascine. Si Israël, au désert, cédait à la convoitise (No 11,4-34), les chrétiens doivent abandonner les désirs qui les animaient au passé. Comme des enfants obéissants, ils doivent se laisser guider par la parole, la parole du Père qui les appelle à la sainteté. Pour nous, comme pour Israël, retentit l’invitation : « Vous serez saints ». Et cela est possible. Le texte nous le dit : « Vous serez saints, car moi, je suis saint ». Et ici le mot « car » est important : c’est grâce à la force et à la sainteté de Dieu que nous pouvons changer et devenir un peu comme lui, saints, c’est-dire, différents, entièrement rénové(e)s.

En poursuivant ses réflexions, notre auteur revient sur ce changement : « La façon de vivre que vous avez reçue de vos ancêtres ne menait à rien. Mais Dieu vous a délivrés de cette façon de vivre. Il vous a délivrés par le sang précieux du Christ » (vv. 18s).

Le départ que l’auteur nous indique est aussi sous le signe de l’amour (vv. 22-25). Pour en parler, l’auteur revient sur le mot « obéissant » (v. 22). En obéissant à la parole qui nous

purifie, nous pouvons aimer sincèrement nos frères et nos sœurs : « Aimez-vous donc les uns les autres, de tout votre cœur, avec constance » (v. 22).

Et cet engagement dans l’amour est possible parce que nous sommes « nés de nouveau, grâce à la parole vivante et éternelle de Dieu ». Et cette parole vivante ne meurt ni avec les saisons, comme une fleur, ni avec la mort, comme les humains. Elle est une parole, elle est la bonne nouvelle qui nous accompagne tout au long de notre vie, jusqu’à la rencontre définitive avec le Christ.

De la Première lettre de Pierre (1,13-25)

Une espérance qui se réalise dans la sainteté

13 Ceignez donc les reins de votre esprit ! Mettez toute votre espérance dans le don que vous allez recevoir, quand Jésus Christ se révélera. 14 Comme des enfants obéissants, ne suivez pas les désirs que vous aviez autrefois, avant de connaître le Christ. 15 Dieu qui vous a appelés est saint, alors vous aussi, devenez saints dans toute votre conduite. 16 En effet, il est écrit : « Vous serez saints, car moi, je suis saint » (Lév 19,2).

17 Dans vos prières, vous appelez « Père » celui qui, sans partialité, juge chacun selon son œuvre. Alors, vivez en respectant Dieu avec confiance, pendant le temps de votre exil sur la terre. 18 La façon de vivre que vous avez reçue de vos ancêtres ne menait à rien. Mais vous le savez, Dieu vous a délivrés de cette façon de vivre. Il vous a délivrés non par des choses périssables, comme l’or ou l’argent 19 mais par le sang précieux du Christ, sacrifié comme un agneau sans défaut et sans tache. 20 Dieu l’a choisi avant la création du monde et il l’a fait connaître, pour votre bien, dans ces temps qui sont les derniers. 21 C’est par le Christ que vous croyez en Dieu, qui l’a réveillé de la mort et lui a donné la gloire. Voilà pourquoi vous mettez votre foi et votre espérance en Dieu.

L’amour des uns pour les autres

22 En obéissant à la vérité, vous êtes devenus purs, pour aimer sincèrement vos frères et vos sœurs. Aimez-vous donc les uns les autres, de tout votre cœur, avec constance. 23 En effet,

vous êtes nés de nouveau, non de pères mortels, mais grâce à une semence immortelle, grâce à la parole vivante et éternelle de Dieu. 23 La parole de Dieu vous a fait naître de nouveau. Et cette parole n’est pas comme une graine qui meurt. Elle est vivante, elle ne meurt pas, elle dure toujours. 24 Car il est écrit : « Tous les humains sont comme l’herbe et tout ce qui les rend importants est comme la fleur des champs. L’herbe sèche et la fleur tombe, 25 mais la parole du Seigneur dure pour toujours » (Is 40,6-8). Cette Parole, c’est la Bonne Nouvelle qu’on vous a annoncée.

Comme dans la première lecture, même dans le psaume 16 on parle d’un changement.

Le psaume s’ouvre avec les mots : « Prends soin de moi, Dieu, car je me réfugie en toi ». Après cette rapide prière à Dieu, le poète parle à soi-même. Il parle de la relation qu’il a maintenant avec Dieu (v. 2), mais il rappelle aussi son passé, lorsqu’il s’adressait à d’autres divinités. Il avoue : « Ceux qu’on considère des divinités sur terre, les magnifiques : tout mon plaisir était en eux » (v. 3). Et on peut penser aux idoles du prestige, du pouvoir, du succès qui ont fasciné le psalmiste et qui continuent de fasciner les gens aujourd’hui2.

Mais, à un certain moment, le poète s’est rendu compte de sa faute et de ses conséquences : « Ceux qui cherchent les faveurs d’un autre dieu ne feront que multiplier leurs tourments » (v. 4). Il s’est rendu compte de sa faute. Il a changé radicalement. Il s’est orienté totalement vers Dieu. Désormais, Dieu est tout pour lui, il est sa part, comme un terrain reçu en don, en héritage : « c’est un sort qui m’enchante » (v. 6).

Ce changement, cette orientation nouvelle vers un seul Dieu, fait naître – dans la deuxième partie du psaume – une action de grâce (vv. 7-11). En elle, le poète bénit Dieu, Dieu qui lui est proche et le conseille à travers sa conscience (v. 7). Dieu est une présence qui traverse toute sa personne, son cœur, ses entrailles, littéralement « son foie3 », sa chair et sa fragilité. C’est une présence qui traverse sa vie toute entière, même les nuits les plus sombres. Et demain ? « Tu n’abandonneras pas mon âme à la mort » (v. 10). Le poète pressent ainsi que sa communion avec un Dieu qui lui est toujours proche ne peut être interrompue, même par la mort4.

1 C. Combet-Galland, Première épître de Pierre, dans
Le Nouveau Testament commenté, sous la direction de
C. Focant et D. Marguerat, Bayard – Labor et Fides,
Paris – Genève 2012, p. 1178s. Cf. aussi J. Schlosser,
La première épître de Pierre, Cerf, Paris 2011, p. 89ss.

 2 Cf. C. M. Martini, Le désir de Dieu.
Prier les psaumes
, Cerf, Paris 2004, p. 59.

3 Cf. E. Zenger dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger,
Die Psalmen, Band I. Psalm 1-50, Echter, Würzburg 1993, p. 110.

4 Cf. J.-L. Vesco, Le psautier de David traduit et commenté,
Cerf, Paris 2006, p. 186.

 

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