Eliminer un frère et raconter des mensonges

Eliminer un frère et raconter des mensonges

Ramadan 2014: troisième semaine

 di Renzo Petraglio

 

A propos des frères de Joseph, voici ce que je lis dans le Coran :

15 Lorsque (les frères) sont allés avec Joseph et se sont mis d’accord pour le jeter dans les profondeurs de la citerne, nous avons révélé à Joseph: « Tu auras à leur rappeler cet acte, au moment où ils s’y attendront le moins ».

16 Le soir, ils viennent chez le père en pleurant. 17 Ils disent : « Ô notre père, nous sommes allés jouer à la course, nous avons laissé Joseph auprès de nos effets et le loup l’a dévoré. Mais tu ne nous croiras pas, même si nous sommes véridiques ».

18 Et ils viennent avec sa tunique tachée d’un sang de mensonge. Le père dit alors : « Je pense plutôt que vos âmes ont voulu rendre jolie pour vous une affaire… Belle endurance ! Dieu est l’aide contre ce que vous venez de me dire » (Sourate 12).

Avec seulement peu de mots la narration évoque l’élimination de Joseph. Ils ont obtenu de Jacob le permis de partir avec Joseph. Et maintenant ils le conduisent avec eux et se mettent d’accord de le jeter dans la profondeur de la citerne. L’accent est sur la décision en commun ; mais l’action des frères qui jettent Joseph pour le faire disparaître n’est pas décrite directement. Au contraire, le Coran voit l’action du point de vue de Joseph. En effet, dans cette expérience tragique, Joseph n’est pas seul. Dieu est tout près de lui et lui parle, lui révèle l’avenir : il rencontrera de nouveau ses frères et il leur parlera de l’action qu’ils sont en train, maintenant, d’accomplir. Dans sa détresse, Joseph écoute la voix divine et ne cède pas au découragement : voilà un ‘signe’ important que le Coran me propose et te propose1, mon amie, mon ami.

Le Coran évoque ensuite, d’une façon très rapide, comment les frères retournent chez leur père en pleurant. C’est dans le verset 16. Mais la narration me met devant les yeux, tout de suite, le dialogue entre les fils et leur père2. De la part des fils, il y a seulement des mots faux et une action

fausse : la présentation de la tunique « tachée d’un sang de mensonge » (v. 18). Quant à Jacob, il comprend le mensonge que ses fils lui ont dit et montré. Il comprend et il leur explique : « vos âmes ont voulu rendre jolie pour vous une affaire… », une affaire que Jacob se refuse de qualifier. Et il ne peut qu’assumer une attitude de patience, d’endurance3, et mettre en Dieu sa confiance.

Quant à la Bible, l’action des fils pour tromper leur papa est décrite avec des détails. Mais leur parole, par rapport à la narration coranique, est plus discrète :

31 Les frères prennent le vêtement de Joseph, ils égorgent un bouc de chèvre et ils plongent le vêtement dans le sang. 32 Ils envoient le beau vêtement et ils le font venir vers leur père et ils disent : « Nous avons trouvé ceci. Regarde, s’il te plaît. Est-il le vêtement de ton fils, ceci, ou non ?

33 Il regarde et dit : « Le vêtement de mon fils ! Une bête méchante l’a dévoré ! Il a mis en pièces, oui, il a mis en pièces Joseph ». 34 Et déchire, Jacob, ses habits, et il met un habit de deuil sur ses reins, et il prend le deuil pour son fils pendant de nombreux jours.

35 Et se lèvent tous ses fils et toutes ses filles pour le consoler. Mais il refuse de se laisser consoler et il dit : « Oui, en deuil je descendrai vers mon fils, au séjour des morts ! » Et pleure, lui, son père (Genèse 37).

Certes, la parole des fils est plus discrète : « Regarde, s’il te plaît. Est-il le vêtement de ton fils, ceci, ou non ? ». Et Jacob fait confiance à leur supposition : « Le vêtement de mon fils ! Une bête méchante l’a dévoré ! Il a mis en pièces, oui, il a mis en pièces Joseph » (v. 33).

La réaction de Jacob, c’est le deuil, le deuil sans fin, jusqu’à la mort. Et dans son deuil, il est accompagné par le mensonge de tous ses enfants : « Et se lèvent tous ses fils et toutes ses filles pour le consoler ».

C’est le moment de terminer. Et je pense à toi, mon amie, mon ami. Je pense à toi et à d’autres personnes qui, ici au Burundi, ont reçu des menaces, des menaces de mort, parfois. Et je pense à ceux qui, ici au Burundi, vivent une situation comparable à celle de Jacob, un papa qui avoue : « Oui, en deuil je descendrai vers mon fils, au séjour des morts ! ». Je pense à des mamans, qui ne peuvent pas se livrer à la résignation et qui doivent trouver la force de dire : « Belle endurance !

Dieu – et seulement Dieu – est l’aide ».

A toi, ma chère, à toi mon cher, une accolade de

Renzo

 

1 Cf. Il Corano, a cura di A. Ventura, Mondadori, Milano 2010, p. 576.

2 Dans le texte arabe, les versets 15 et 16 sont des propositions subordonnées, en tension vers le verset 17, là où les frères parlent à Jacob. Cf. Le Coran, traduction et commentaire par Si-Hamza Boubakeur. Sourates VI-XV, Enag Editions, Alger, 1994, p. 588. Pour une traduction qui conserve la syntaxe de la phrase en arabe, on peut lire Le Coran. Essai de traduction par J. Berque, Editions Albin Michel, Paris 1995, p. 246.

3 Pour le mot arabe, fréquemment traduit par patience ou constance, on peut lire la voix sabr dans Encyclopédie de l’Islam. Tome VIII, Brill, Leiden 1995, pp. 705ss.

 

 

> testo in pdf

> Ramadan 2014