Avent 2014_I-semaine
Cultiver la terre
(Avent 2014 : première semaine)
Pendant ces semaines de l’avent, je veux revenir, chère amie, cher ami, sur une intervention récente du pape François. C’était à la fin d’octobre, pour la rencontre mondiale des mouvements populaires. On affrontait les problèmes de l’exclusion et de la pauvreté dans la société d’aujourd’hui.
Parmi ces problèmes, François a évoqué, d’abord, les problèmes liés à la terre. A ce propos, le pape est intervenu en disant: «Au début de la création, Dieu a créé l’homme, gardien de son œuvre, le chargeant de la cultiver et de la protéger. Je vois qu’il y a ici des dizaines de paysans et de paysannes et je me félicite avec eux parce qu’ils protègent la terre, la cultivent et le font en communauté».
Dans ces mots, le pape fait référence au récit de la Genèse, là où on lit:
7 Et donne forme, Jhwh Elohim, à l’humain poussière de la terre ;
et il souffle dans ses narines un souffle de vie, et devient, l’humain, un être vivant.
8 Et plante, Jhwh Elohim, un jardin en Eden, du côté de l’est,
et il met là l’humain qu’il a formé.
9 Et fait pousser, Jhwh Elohim, hors de la terre
tout arbre agréable à voir et bon pour la nourriture,
et l’arbre de la vie au milieu du jardin,
et l’arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais.
15 Et prend, Jhwh Elohim, l’humain et il le place dans le jardin d’Éden
pour le cultiver et pour en prendre soin (Genèse 2,7-8.15).
Cette page a été composée par un écrivain d’il y a trois millénaires, un écrivain d’une immense délicatesse. Pour composer son récit, l’auteur part d’un constat: il y a une relation profonde entre l’humain et la terre ou, pour le dire en hébreu, entre adàm et adamàh. L’humain est donc ‘terrestre’, fragile, poussière. Mais cette fragilité que toi et moi noussommes, cette fragilité est le résultat de l’action de Dieu, Dieu qui – comme un potier – donne forme à sa création en la caressant de ses mains. Et dans notre faiblesse nous ]sommes soutenus par un souffle qui est un don de Dieu.
Et Dieu, nous dit le narrateur, se comporte comme une maman qui veut créer un petit espace pour l’enfant qu’elle a mis au monde, un espace fruit de sa délicatesse, un espace qui devient la joie de sa créature. D’ici l’image du jardin, l’Eden, un mot hébreu qui signifie délices. Et c’est dans ce jardin que Dieu va mettre l’humain, un jardin «pour le cultiver et pour en prendre soin».
Personnellement j’ai toujours de la peine à traduire ces derniers mots. En effet, le narrateur utilise un verbe, le verbe ‘avad, qui signifie – en même temps – cultiver et rendre un culte. Bref: dans la mesure où je cultive la terre et je prends soin d’elle, je rends un culte à Dieu, j’honore Dieu, je réalise ma relation profonde avec Dieu.En réfléchissant sur cette double signification du verbe hébreu, je me rappelle aussi d’un texte du Coran. C’est un texte qui me met devant les yeux deux façons de vivre ma vie quotidienne, l’une avec un regard à la vie future, l’autre en fixant mes yeux seulement sur le présent. Je cite:
19 Dieu est plein de bonté envers ses serviteurs.
Il attribue des biens à qui il souhaite, il est fort et puissant.
20 Pour quiconque a voulu labourer pour la vie ultime,
nous faisons prospérer son labour.
Pour quiconque a voulu labourer pour cette vie immédiate,
nous accordons quelque chose qui s’y rapporte.
Mais dans la vie ultime, il ne lui sera pas alloué de part (Sourate 42,19-20).
Même dans ce texte, l’accent est surtout sur la bonté et la générosité de Dieu. Et l’humain, dans son activité, a la possibilité de répondre à la générosité de Dieu. Il peut y répondre avec un regard à la vie future et à Dieu, mais il peut aussi fermer les yeux, oublier Dieu et la vie à venir.
Ces différents textes sont une invitation à nous engager, dans toutes nos activités, à labourer, à protéger la terre, à la cultiver et à en prendre soin – toutes et tous ensemble – d’une façon généreuse. Mais en prenant conscience du fait que, dans notre engagement de chaque jour, nous pouvons labourer le champ de la vie future, c’est-à-dire nous pouvons vivre notre dialogue, notre relation profonde avec Dieu. Et Dieu va nous soutenir. Il nous l’assure. Il dit: «Nous faisons prospérer» ce labour.