Ramadan 2016: première semaine

Il est le Doux

Ramadan 2016: première semaine

 di Renzo Petraglio

L’année passée, le ramadan a été – pour moi comme pour toi, chère amie et cher ami – l’occasion pour réfléchir sur Dieu Miséricordieux. Cette année, j’aimerais profiter du ramadan pour réfléchir sur Dieu qui est « le Doux », « latîf » en arabe.

Et cette semaine, je veux prendre mon temps pour lire une petite section de la sourate 6, titrée « al ’Ancâm », c’est-à-dire « Les troupeaux ». Le titre fait référence au verset 136, où le texte évoque certaines pratiques religieuses des Arabes polythéistes : ils offraient à Dieu une partie de leurs troupeaux, une autre partie aux divinités tribales. Le refus de l’idolâtrie et l’affirmation du Dieu unique traversent la sourate entière. Dieu, nous dit la sourate à la fin du verset 101, est « celui qui a créé toute chose et qui connaît tout ».

Et le texte continue en ces termes :

102 Tel est Dieu, votre Seigneur ! Il n’y a point de divinité excepté Lui, le Créateur de l’Univers. Adorez-Le ! C’est Lui qui protège toutes les créatures.

103 Les regards ne l’atteignent pas et lui, il atteint les regards.

Il est le Doux, le Bien-Informé.

104 Des clartés intérieures vous sont parvenues de la part de votre Seigneur (Sourate 6,102-104a).

 

Au centre de cette petite section, le Coran nous présente Dieu comme « le Doux », et cet adjectif surprenant est rare dans le Coran, tandis que le terme suivant, « le Bien-Informé » ou « parfaitement Connaisseur », est beaucoup plus fréquent. Si, dans le verset 102, Dieu est présenté comme celui « qui protège toutes les créatures », celui qui prend soin de chacune d’elles, le verset 103 met en relief la délicatesse de ses soins, sa douceur. En effet, la racine arabe évoque l’idée de s’approcher très près de quelqu’un, d’être bienveillant, bon, aimable, délicat.

L’accent mis sur les soins de Dieu pour ses créatures et sa douceur ne doit pas nous faire oublier que Dieu est au-delà de tout, tout ce que nous pouvons dire de lui ou comprendre de son identité. Voilà pourquoi le Coran, après avoir évoqué Dieu comme protecteur et avant de le présenter comme doux, affirme : « Les regards ne l’atteignent pas et lui, il atteint les regards ». Ici l’arabe a un terme qui signifie suivre et rejoindre, arriver et atteindre, comprendre et saisir.

Enfin, le verset 104 revient – au moins d’une façon indirecte – sur l’idée de Dieu comme inaccessible, comme celui que nos regards n’atteignent pas. Malgré toutes nos limites, nous pouvons avoir un ‘accès’ à Dieu, des « visions par le cœur, non par les yeux ».

Cette page du Coran me rappelle, mon ami(e), le chapitre 33 du livre de l’Exode. Le texte nous présente un dialogue entre Moïse et Dieu. Voici le texte :

17 Et dit, Yhwh, à Moïse : « Tu as trouvé grâce à mes yeux et je te connais par (ton) nom ».

18 Et (Moïse) dit : « Fais-moi voir, s’il te plaît, ta gloire ».

19 Et (Dieu) dit : « Moi, je ferai passer toute ma beauté en face de toi,

et je proclamerai devant toi le nom “Yhwh” ;

et je ferai grâce à qui je ferai grâce, je ferai miséricorde à qui je ferai miséricorde ».

20 Et il dit : « Tu ne pourras pas voir ma face, car l’humain ne pourrait me voir et vivre »

(Exode 33,17-20).

 

Et le récit se termine d’une façon très délicate. Moïse est invité à se tenir dans un lieu tout près de Dieu. C’est un espace dangereux. Mais Dieu lui assure : « Quand passera ma gloire, je te mettrai dans le creux du rocher et, de ma main, je t’abriterai tant que je passerai. Puis j’écarterai ma main, et tu me verras de dos ; mais ma face, on ne peut la voir » (vv. 22-23).

Bref : la page du Coran comme celle de l’Exode insistent sur le fait que Dieu dépasse toutes nos possibilités : nous ne pouvons pas, avant notre mort, le voir. Mais, dans notre vie de tous

les jours, nous pouvons faire l’expérience de sa délicatesse, sa douceur, sa miséricorde (littéralement ses entrailles maternelles). Voilà les traces, pour le dire avec l’image suggérée par l’Exode, de son passage tout près de nous. Et avec toi, mon amie, avec toi, mon ami, je veux les découvrir, ces traces, pendant cette semaine de ramadan et dans les jours que Dieu me donnera de vivre.

 

> testo in pdf

> Ramadan 2016

 


Cf. Le Coran. Traduction française et commentaire, par Si Hamza Boubakeur, Maisonneuve & Larose, Paris, 1995, p. 481.

Cf. A. Godin et R. Foehrlé, Coran thématique. Classification thématique des versets du Saint Coran, Editions Al Qalam, Paris, 2004, p. 52 (pour l’adjectif « Bon, Doux ») et p. 143s (pour « Informé, parfaitement connaisseur »).

M. Gloton, Une approche du Coran par la grammaire et le lexique. 2500 versets traduits – lexique coranique complet, Albouraq,  Beyrouth, 2002, p. 670, nr. 1363.

M. Gloton, Une approche du Coran par la grammaire et le lexique. 2500 versets traduits – lexique coranique complet, Albouraq,  Beyrouth, 2002, p. 378, nr. 0473.

Cf. Le Coran. Traduction française et commentaire, par Si Hamza Boubakeur, Maisonneuve & Larose, Paris, 1995, p. 473. Cf. aussi Abû Ja ‘far Muhammad Ibn Jaîr at-Tabari, Commentaire du Coran. Abrégé, traduit et annoté par P. Godé, Editions d’art les heures claires, Paris, 1989, tome V, p. 173.