Carême 2019 : cinquième semaine

« Pardonne-nous nos errements
car nous aussi nous pardonnons à quiconque est notre débiteur »
(Luc 11,4)

Carême 2019 : cinquième semaine

Voici, dans la version de Luc, la deuxième partie du Notre Père :

3 Notre pain, le (pain) essentiel, donne-le-nous chaque jour ;
4 et remets-nous nos errements,
car nous aussi nous remettons à quiconque est notre débiteur ;
et fais que nous n’entrions pas en tentation (Luc 11,3-4).

Parmi les demandes que Jésus nous invite à adresser au Père, celle qui concerne le pardon est la seule qui est composée de deux phrases. Les deux ont le même verbe « pardonner », la première à l’impératif « pardonne », la seconde à l’indicatif « nous pardonnons ». En nous adressant au Père, nous – en tant que communauté – nous lui demandons : « pardonne-nous nos errements ». Ici, le texte grec utilise le mot « hamartia », fréquemment traduit en français avec « péché ». Mais, dans le grec biblique, « hamartia » correspond à l’hébreu « hatta’t ». Et ce mot signifie « faillite », « but manqué », car il dérive d’un verbe qui correspond au français « manquer la cible », « ne pas atteindre le but » . A travers la première partie de notre phrase, Jésus nous invite à demander pardon au Père pour nos errements, pour nos faillites comme individus et comme croyant(e)s .
La seconde partie de la phrase nous dit avec quelle attitude nous devons demander le pardon de Dieu. La requête que nous adressons au Père présuppose une attitude intérieure qui se tourne vers le Père et qui – en même temps – rétablit nos relations envers les autres , envers « quiconque est notre débiteur ». Oui, nous invoquons le pardon de Dieu et nous sommes, en même temps, disposé(e)s à pardonner à nos frères. En effet, comme nous sommes pardonné(e)s par le Père – et le Père dans sa miséricorde ne peut pas nous refuser son pardon – nous pardonnons et nous ne pouvons pas refuser le pardon à nos frères et

sœurs .
C’est seulement ainsi que nous pouvons accomplir ce que Jésus demandait aux foules : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne portez pas de jugement contre personne, et Dieu ne vous jugera pas non plus ; ne condamnez pas les autres, et Dieu ne vous condamnera pas ; pardonnez aux autres, et Dieu vous pardonnera » (Luc 6,36-37).

Le lien entre le pardon donné par Dieu et le pardon que nous pouvons donner à nos frères et sœurs a des antécédents dans l’Ancien Testament, en particulier dans le livre du Siracide. Dans ce livre composé par un sage juif vers l’an 180 avant la naissance de Jésus, l’auteur oppose vengeance et pardon. La vengeance est réservée à Dieu (Deutéronome 32,35.43 ; Isaïe 47,3) ; pour les humains le seul chemin possible et sensé est le pardon. D’ici l’impératif :

Pardonne à ton prochain l’injustice commise ;
alors, quand tu prieras, tes errements seront remis (Siracide 28,2).
Et ce message du Siracide reviendra encore plusieurs fois dans la tradition juive.

Le lien entre le pardon donné par Dieu et le pardon donné par les humains retentit aussi dans le Coran. Pour être plus précis, je pense à une section de la sourate 3. Ici, dans les versets 130-138, le Coran nous montre Dieu qui aime les personnes qui font le bien. Je me limite à citer deux versets :

133 Précipitez-vous vers le pardon donné par votre Seigneur
et vers un jardin aussi large que les cieux et la terre,
préparé pour ceux qui respectent Dieu,
134 pour ceux qui sont charitables – qu’ils soient à l’aise ou dans les difficultés –
pour ceux qui savent réprimer leur colère et pardonner à leurs semblables,
car Dieu aime les bienfaisants (Sourate 3,133-134).

Ici, avec une expression très intense, le Coran nous pousse à nous « précipiter » vers le pardon de Dieu et vers un jardin – le paradis – que Dieu a préparé pour celles et ceux qui savent pardonner. Ce lien entre le pardon que nous pouvons donner aux autres et le pardon que nous recevons de Dieu revient aussi dans d’autres textes du Coran. C’est le cas du la sourate 64 où on lit :

Si vous excusez, si vous passez outre et si vous pardonnez,

(sachez que) Dieu est pardonneur et miséricordieux (Sourate 64,14).

En terminant cette page sur le pardon, je veux prier avec toi, mon ami, ma chère, avec les mots qu’un inconnu a laissés, dans un camps d’extermination, tout près d’un enfant mort:

Seigneur,
souviens-toi non seulement des hommes de bonne volonté,
mais aussi de ceux de mauvaise volonté.
Ne te souviens pas de toutes les souffrances
qu’ils nous ont infligées.
Mais souviens-toi des fruits que nous avons portés grâce à nos souffrances :
notre esprit de fraternité, la loyauté, le courage, la générosité et la grandeur de cœur
qui ont fleuris de tout ce que nous avons souffert.
Et, quand ces hommes arriveront à ton jugement,
permets que tous ces fruits que nous avons fait naître soient leur pardon.

 

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