Carême 2019 : 6ème semaine

« Fais que nous n’entrions pas en tentation » (Luc 11,4)

Carême 2019 : 6ème semaine

Voici, dans la version de Luc, la deuxième partie du Notre Père :

3 Notre pain, le (pain) essentiel, donne-le-nous chaque jour ;
4 et remets-nous nos errements,
car nous aussi nous remettons à quiconque est notre débiteur ;
et fais que nous n’entrions pas en tentation (Luc 11,3-4).

La dernière requête, que nous lisons dans le Notre Père selon la version de Luc, contient une forme verbale difficile : en grec « mê eisenegkês ». Ce verbe signifie «porter vers», «transporter», « introduire ». Dans le Nouveau Testament, il est utilisé surtout au sens matériel : porter un malade à l’intérieur d’une maison (Luc 5,18-19), conduire quelqu’un dans une synagogue (Actes 17,20), porter au temple (Hébreux 13,11).
Dans l’Ancien Testament, ce verbe traduit presque toujours un verbe qui signifie « entrer ». En hébreu, comme en araméen, ce même verbe peut être utilisé dans une forme verbale ‘causative’, donc une forme verbale qui signifie « faire entrer ». Dans ce cas, comme dans notre texte de Luc, la négation « mê » doit être liée au verbe « faire » ou au verbe «entrer» ? Dans le premier cas, en français on traduira « ne fais pas entrer », dans le second « fais qu’on n’entre pas». L’original araméen qu’il y a derrière le texte grec de Luc peut donc signifier «fais que nous n’entrions pas dans la tentation » ou «ne nous introduis pas dans la tentation». Devant ces deux traductions, on doit évidemment choisir la première. En effet, ce n’est pas Dieu celui qui nous fait entrer ou qui nous introduit dans la tentation.
Voilà pourquoi les évêques de Belgique et de France – en suivant la ligne du pape François – ont décidé de modifier la traduction du Notre Père. En effet, depuis il y a deux ans, ils ont changé – dans la liturgie – la partie finale de cette prière. A la place de « Ne nous soumets pas à la tentation », ils nous invitent à dire : « Ne nous laisse pas entrer en tentation ». De cette façon, la prière en français est aussi plus proche de celle en kirundi : « Ntudutereranye ibitwosha nabi », « Ne nous laisse pas seuls dans les tentations ».

D’autre part, cette traduction de la dernière demande du Notre Père est en ligne avec le message de Jésus et, plus globalement, avec le message du Nouveau Testament. En effet, selon le Nouveau Testament, Dieu ne tente personne. C’est ainsi que dans la lettre de Jacques on lit :

13 Que personne, quand il est tenté, ne dise : « Ma tentation vient de Dieu ».
Car Dieu ne peut être tenté par le mal et il ne tente personne

14 Chacun est tenté par sa propre convoitise, étant entraîné et séduit par elle (Jacques 1,13-14).
Dans cette même ligne, dans l’Ancien Testament, le poète du Psaume 141 – au verset 4 – demandait à Dieu : « Ne laisse pas que mon cœur se plie vers des paroles ou des actions méchantes ».
Et pour ce qui en est du Coran ? Voici une petite section de la sourate 22.

11 Parmi les humains, il en est qui adore Dieu conditionnellement :
si un bien l’atteint, il s’en rassure,
et si une épreuve l’atteint, il tourne la face perdant (ainsi) la (vie) ici-bas et la (vie) dernière.
Voilà une perte manifeste !
12 Il appelle, en dehors de Dieu, (une divinité) qui ne peut ni lui nuire ni lui profiter.
Voilà le combe de l’égarement !
13 Il appelle celui dont la nuisance est plus proche que le profit.
Quel détestable allié (il se donne), et quel détestable compagnon !
14 Mais ceux qui croient et qui pratiquent le bien,
Dieu les fait entrer dans des jardins sous lesquels courent les rivières. Dieu fait ce qu’il veut.
(Sourate 22,11-14).

Ici, le Coran nous met devant les yeux un contraste évident. D’un côté celui qui adore Dieu « conditionnellement » ou, littéralement, « au bord (d’un précipice) » : c’est la personne qui se sent rassurée « si un bien l’atteint » ; mais « si une épreuve l’atteint », elle tourne la face loin de Dieu. Et ce verset semble faire référence surtout à ceux qui, parmi les Arabes, pratiquaient l’islam tant qu’il leur permettait d’en tirer profit et de se sentir rassurés, mais, devant des difficultés et au moindre revers, ils redevenaient idolâtres.
Par rapport à ceux qui se comportent ainsi, bien différente est la façon de celles et ceux

« qui croient et qui pratiquent le bien ». Ces personnes, même si une épreuve les atteint, ne tournent pas la face et restent fidèles à Dieu. Mais d’où peuvent-elles trouvenr la force pour continuer à vivre dans la foi et pour s’engager dans le bien ? Le Coran nous le dit dans ses derniers versets : « Dis : Je me réfugie auprès du Seigneur des humains, le roi des humains, Dieu des humains, contre le mal du tentateur furtif qui souffle la tentation dans le cœur des humains » (Sourate 114,1-5).
C’est le moment de terminer cette page. Et, comme nous sommes désormais dans la semaine sainte, comment oublier Jésus qui, à la veille de sa mort, au mont des Oliviers, recommandait à ses disciples : « Priez pour ne pas tomber au pouvoir de la tentation » (Luc 22,40). Ensuite Jésus s’éloigne pour prier le Père en disant : « Père, si tu veux, écarte de moi cette coupe… pourtant, que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se réalise ! » (Luc 22,42). Ensuite, après avoir terminé sa prière, il vient à nouveau chez les disciples qui se sont endormis de tristesse. Il leur dit : « Levez-vous et priez afin de ne pas tomber au pouvoir de la tentation » (Luc 22,48).

A toi, ma chère, mon cher ami, bon courage. Levons-nous pour prier comme le Coran et Jésus dans l’Évangile nous recommandent.

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