Carême 2021 : cinquième semaine

Celui ou celle « qui applique toute sa vie à réfléchir sur la loi du Très-Haut » (Si 39,1)

 

Pendant cette semaine je veux me pencher avec toi, mon ami, ma chère, sur une nouvelle page du Siracide. C’est une page dans laquelle ce juif, vers les années 200-180 avant la naissance de Jésus, évoque le travail de l’artisan et du scribe, c’est à dire de celui qui s’occupe de la Parole de Dieu. Pour notre auteur ces deux personnes sont importantes. Voici le texte comme il nous a été conservé par son neveu qui, en Égypte, l’a traduit en grec :

3833 [Les artisans] ne sont pas recherchés pour le Conseil du peuple

et dans l’assemblée ils ne sont pas au premier rang,

et ils ne s’assoient pas sur le siège du juge:

et ils ne comprennent pas les dispositions du droit

34 et ils ne font briller ni l’instruction ni le droit.

On ne les trouvera pas occupés par des proverbes,

mais ils affermiront la création du monde

et leur prière concerne l’œuvre de leur profession.

391 Il en va autrement de celui qui applique [toute] sa vie

à réfléchir sur la loi du Très-Haut,

qui étudie la sagesse de tous les anciens

et s’occupe des textes des prophètes.

2 Il conserve les récits des hommes renommés

et pénètre dans les profondeurs des paraboles.

3 Il recherche le sens caché des proverbes,

il passe sa vie parmi les énigmes des paraboles (Siracide 38,33-39,3).

 

Au temps du Siracide – et encore aujourd’hui – les artisans n’étaient pas « au premier rang » dans l’assemblée et n’avaient pas de grandes connaissances au niveau du droit. Et pourtant, nous disait notre auteur au v. 32, « sans les artisans, aucune ville ne pourrait être construite ». Et maintenant, au v. 34, le Siracide affirme que, les artisans – à travers leur travail très concret – vont affermir la création du monde[1]. Cette valorisation des artisans est très surprenante. Et le Siracide l’explique dans la dernière affirmation du chapitre 38 : l’œuvre des artisans, leur contribution à la consolidation du monde est le fruit de leurs prières : en effet, « leur prière concerne l’œuvre de leur profession ».

Après cette appréciation des artisans, le chapitre 39 s’arrête sur le scribe. Le Siracide nous le présente comme « celui qui applique [toute] sa vie à réfléchir sur la loi du Très-Haut » ; il s’agit d’un homme « qui étudie la sagesse de tous les anciens et s’occupe des textes des prophètes ». Et ici les trois termes « loi du Très-Haut », « sagesse » et « textes des prophètes » font référence aux trois parties de l’Ancien Testament : le Pentateuque, les écrits de sagesse (parmi lesquels il y a aussi les psaumes) et les textes prophétiques[2]. Le scribe hébreu s’occupe donc de toute sa Bible, mais il s’entretient surtout avec Dieu ; et Dieu répond à sa prière en le comblant d’intelligence et de sagesse pour lui et pour les autres[3], comme le Siracide nous dit dans les versets que nous lirons la semaine prochaine.

Mais, pour cette semaine, je vœux te prendre encore un petit moment pour lire, avec toi, deux verset de la sourate 38, deux versets dans lesquels Dieu dit :

28 Traiterons-Nous ceux qui croient et pratiquent le bien comme ceux qui répandent la corruption sur terre ? Traiterons-Nous les vertueux comme les scélérats ?

29 Un livre béni que nous avons fait descendre vers toi, afin qu’ils méditent ses signes et que ceux qui sont doués de conscience profonde s’en rappellent ! (Sourate 38,28-29).

Le Siracide nous a présenté deux personnages bien différents : l’artisan et le sage, le premier avec ses limites et aussi son importance. Ici dans le Coran, le contraste est entre les croyants et les non-croyants, entre les personnes qui pratiquent le bien et celles qui répandent la corruption, entre les vertueux et les libertins. Et ici, le second groupe n’a aucune valeur positive et ne fait aucune bonne action. Et dans cette société Dieu intervient avec sa parole, en faisant descendre[4] « un livre béni », un livre dans lequel il y a des « signes », c’est-à-dire des « versets »[5] qui nous aident à réfléchir et à méditer[6]. A nous, donc, la possibilité, pendant ce carême et dans toute notre vie, de nous appliquer « à réfléchir sur la loi du Très-Haut » et sur la parole que Dieu a fait descendre. C’est ainsi que nous pourrons vivre comme des individus « doués de conscience profonde »[7]. Et sur ce chemin, nous serons ensemble, en nous encourageants réciproquement.

 

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[1] Pour l’interprétation de ce verset, cf. Cf. B. M. Zapff, Jesus Sirach 25-51, Echter Verlag, Würzburg, 2009, p. 262s. Pour d’autres interprétations, cf. L’Antico Testamento. Siracide con testo e note di commento a cura di G. Vigini, Paoline, Milano, 2007, p. 228.

[2] Cf. The Wisdom of Ben Sira : a New Translation with Notes by P. W. Skehan, Introduction and Commentary by A. A. Di Lella (The Anchor Bible vol. 39), Doubleday, New York, 1987, p. 452.

[3] Cf. C. Spicq, L’Ecclésiastique, dans La sainte Bible. Tome VI. Proverbes – Ecclésiaste – Cantique des cantiques – Sagesse – Ecclésiastique / texte latin et traduction française d’après les textes originaux avec un commentaire exégétique et théologique commencée sous la dir. de Louis Pirot ; contin. sous la dir. de Albert Clamer, Letouzey et Ané, Paris, 1951, p. 769s.

[4] Cf. Dictionnaire du Coran, sous la direction de M. Ali Amir-Moezzi, Éditions Laffont, Paris, 2007, p. 751 : « La descente du Livre ».

[5] Pour le terme arabe traduit par « signe » ou « verset », cf. M. Chebel, Dictionnaire encyclopédique du Coran, Fayard, Paris, 2009, p. 419s sous la voix « signes de Dieu ».

[6] Pour les différentes significations du verbe arabe que je traduis par « réfléchir » ou « méditer », cf. M. Gloton, Une approche du Coran par la grammaire et le lexique. 2500 versets traduits – lexique coranique complet, Albouraq, Beyrouth, 2002, p. 606, numéro 1177.

[7] Pour l’expression « ceux qui sont doués de conscience profonde », cf. M. Gloton, Une approche du Coran, Op. cit., p. 390s, no. 0518.