Carême 2021: sixième semaine
Une invitation à «réfléchir sur les mystères du Seigneur»
Nous sommes à la dernière semaine de carême et, dans ma lecture du Siracide, je veux m’arrêter sur des versets du chapitre 39. Ici notre auteur continue à parler du sage et – du sage – il nous présente un portrait idéal. Il y a une semaine, nous avons vu le sage en relation avec la loi et avec la parole de Dieu (Si 39,1-3). Mais maintenant le Siracide nous présente le sage dans sa prière, le sage qui, rempli de l’esprit donné par Dieu, médite sur les mystères de Dieu. Voici une traduction de cette page :
5Dès l’aube, il dirigera son cœur vers le Seigneur qui l’a créé,
il priera devant le Dieu très-haut :
il ouvrira sa bouche dans la prière
et, pour ses péchés, il demandera pardon.
6Si le Seigneur, le grand Dieu, le veut bien,
il sera rempli de l’esprit pour comprendre.
Alors il pourra répandre lui aussi
ses paroles de sagesse.
et dans sa prière il louera le Seigneur.
7Le sage dirigera ainsi sa volonté et son savoir,
et il réfléchira sur les mystères du Seigneur.
8Il fera briller l’instruction qu’on lui a donnée
et dans la loi de l’alliance du Seigneur avec son peuple
il mettra sa fierté (Siracide 39,5-8).
En parlant du sage, le Siracide insiste d’abord sur sa relation à Dieu : « Dès l’aube, il dirigera son cœur vers le Seigneur qui l’a créé ». La relation avec Dieu se passe d’abord dans l’intimité de la personne, au niveau du cœur. Et seulement plus tard elle se transforme en prière et en supplication pour les péchés commis. En poursuivant sa page, le Siracide nous dit que, si le Seigneur le veut, le sage « sera rempli de l’esprit pour comprendre ». Et cet esprit que le Seigneur peut lui donner va le conduire à une connaissance plus profonde, un peu comme le prophète qui prend la parole dans le livre d’Isaïe (Is 61,1)[1] et comme le sage Salomon (1 Rois 3,28 e 5,9). Grâce à ce don de Dieu, le sage pourra « répandre lui aussi » – comme les sages dont les écrits nous sont conservés dans l’Ancien Testament – « ses paroles de sagesse ».
Dans la deuxième partie de sa page, le Siracide nous donne l’élément fondamental de la réflexion du sage : « il réfléchira sur les mystères du Seigneur ». Et, parmi ces mystères, parmi ces réalités cachées[2] il y a « l’alliance du Seigneur avec son peuple ».
En lisant ces caractéristiques du sage fidèle à Dieu, je pense aussi à un texte du Coran. Voici comment on peut le traduire :
163Votre Dieu est un Dieu unique. Il n’y a pas d’autre dieu que lui, le tout-miséricordieux, le très miséricordieux.
164En vérité, dans la création des cieux et de la terre, dans l’alternance de la nuit et du jour, dans la course des navires sur la mer, chargés de ce qui profite aux humains, dans l’eau que Dieu fait descendre du ciel pour redonner la vie à une terre morte, où il a disséminé toute espèce d’animaux, dans les variations des vents et des nuages soumis entre ciel et terre [à la volonté de Dieu], dans tout cela, il y a des signes pour les hommes doués d’intelligence.
165 Parmi les humains, il en est qui prennent en dehors de Dieu des idoles qu’ils aiment à l’égal de Dieu. Mais il est vrai que les croyants vouent à Dieu un amour plus profond. (Sourate 2,163-165).
Si le Siracide parlait des « mystères » de Dieu, ici, comme fréquemment dans le Coran, Dieu est présenté comme « le tout-miséricordieux, le très miséricordieux ». Et le verset 164 nous montre comment sa miséricorde nous dépasse totalement : Dieu est le créateur des cieux et de la terre ; dans son amour pour toutes les créatures, Dieu peut « redonner la vie à une terre morte », Dieu prend soin des vivants à travers la mer et aussi à travers « les variations des vents et des nuages ». Voilà comment Dieu nous permet de découvrir, à travers des signes, son amour, qui dépasse totalement notre capacité de le comprendre, ou – pour le dire avec les mots du Siracide – ses « mystères », ses secrets.
Et, si nous réfléchissons sur sa miséricorde, nous ne pouvons que l’aimer, l’aimer d’un « amour plus profond ». Que cet amour nous soutienne dans ces jours et jusqu’à la fin de notre vie, quand nous serons accueilli(e)s dans les bras de Dieu. Et sur ce chemin, ma chère, mon ami, nous serons ensemble.
[1] B. M. Zapff, Jesus Sirach 25-51, Echter Verlag, Würzburg, 2010, p. 265s.
[2] La traduction grecque utilise ici l’adjectif pluriel neutre « réalités cachées, soustraites au regard ».