Eucharistie, 13 juin 2021
11ème dimanche du Temps Ordinaire — Année B
Le Règne : comme un petit grain…
Première lecture
Avec la première lecture nous sommes à Babylone, au sixième siècle avant Jésus Christ[1]. Nous sommes parmi les exilé(e)s. Et, parmi nous, il y a un prophète : Ézéchiel. Il vient de dénoncer la violence du souverain babylonien, Nabuchodonosor le Grand. Ce souverain s’est comporté comme un grand aigle – aux grandes ailes – qui a arraché un cèdre et a emporté la partie la plus élevée de ses branches loin de la terre où le cèdre avait grandi (Ez 17,3-4).
En écoutant le prophète Ézéchiel, tous ont compris qu’il parlait de la destruction de Jérusalem et de la déportation de ses habitants et de leur roi.
Mais le prophète ne veut pas que les exilé(e)s s’abandonnent au désespoir. Voilà pourquoi il annonce, au nom de Dieu, une énorme surprise. Dieu va intervenir. Et, de ce peuple exilé, de cet « arbre », Dieu va choisir un rameau tendre pour le planter à nouveau, sur la montagne de Jérusalem. Et il deviendra un arbre énorme, capable de donner protection aux oiseaux du pays et aussi des régions tout autour.
L’image est transparente. Le rameau tendre sera le messie à venir[2]. Il donnera protection à un peuple renouvelé, composé de toutes les ethnies : « Toutes sortes d’oiseaux demeureront… à l’ombre de ses branches » (v. 23).
Et les autres peuples, ou – dans l’image – « les arbres des champs » (v. 24), pourront aussi reconnaître que Dieu intervient et sait faire « fleurir l’arbre sec » et apparemment sans avenir, le peuple des exilé(e)s. Voilà la promesse du Seigneur.
Lecture du livre du prophète Ézéchiel (17,22-24)
22 Ainsi parle le Seigneur Yhwh:
« Et moi, je prends à la pointe du cèdre élevé
et je plante.
J’arrache à la cime de ses branches un rameau tendre ;
je le plante moi-même,
sur une montagne haute, surélevée.
23 Je le plante sur une montagne élevée d’Israël.
Il portera des rameaux et il fera du fruit,
il deviendra un cèdre majestueux.
Toutes sortes d’oiseaux demeureront sous lui,
tout oiseau recouvert de plumes
demeurera à l’ombre de ses branches.
24 Et connaîtront, tous les arbres des champs,
que moi, je suis Yhwh :
j’abaisse l’arbre élevé et j’élève l’arbre abaissé,
je dessèche l’arbre vert et je fais fleurir l’arbre sec.
Moi, Yhwh, je parle et j’accomplis ».
Psaume
Le psaume 92 est un poème composé au cinquième ou au quatrième siècle avant Jésus Christ. L’auteur raconte son expérience personnelle : il a été sauvé du pouvoir de ses ennemis. D’ici son remerciement à Dieu et sa réflexion sur le destin des personnes fidèles à Dieu et de celles qui refusent Dieu et se comportent injustement.
La structure du poème est simple.
La première strophe (vv. 2-3) utilise trois verbes importants[3], trois verbes dont la mise en acte est « bonne ». D’abord le verbe « rendre grâce », rendre grâce à Dieu en contemplant tout ce que Dieu accomplit dans notre vie. Le deuxième est le verbe « chanter », chanter le « nom » de Dieu, sa personne que nous ne pouvons pas connaître mais que nous pouvons entrevoir en pensant à ce que Dieu accomplit dans notre vie. Le troisième verbe est au verset 3 : « d’annoncer dès le matin ton amour et ta fidélité au long des nuits ». La belle tâche que nous pouvons accomplir est celle d’évoquer l’amour gratuit que Dieu a pour nous et sa fidélité qui ne s’affaiblit jamais.
Dans la partie centrale du psaume (vv. 5-12), une partie que nous ne lirons pas ce matin, c’est le poète lui-même qui prend la parole. Dans les premiers versets (vv. 5-7) et dans les derniers (vv. 11-12), il dit sa joie parce que Dieu l’a libéré des ennemis qui le menaçaient. Au contraire, dans les versets au centre de la strophe, il parle du sort de ses ennemis (vv. 8 et 10) et de Dieu qui – du ciel – domine tout et pour toujours (v. 9).
Enfin, la troisième partie de laquelle nous lirons deux strophes. Elles célèbrent le sort du juste dans son lien avec Dieu. « Le juste » est d’abord un individu qui pousse et qui grandit (v. 13). Mais toute de suite après, le poète voit d’autres personnes comme ce juste. Et elles « pousseront » dans l’intimité avec Dieu, « dans les parvis de notre Elohim » (v. 14).
La strophe suivante revient sur ce pluriel. Ces justes, même dans leur vieillesse, « fructifieront » et ils pourront continuer à « annoncer que Yhwh est droit ».
Ce poème peut donc nous encourager devant l’avenir que Dieu prépare pour ceux et celles qui lui sont fidèles et s’engagent pour être « justes ». Et, avec ce regard vers l’avenir, nous pourrons donc intervenir, à la fin de chaque strophe, en reprenant les mots du verset 2, en disant à Dieu :
Il est bon, Seigneur, de te rendre grâce !
Psaume 92 (versets 2-3. 13-14. 15-16)
2 Il est bon de rendre grâce à Yhwh
et de chanter pour ton nom, Très-Haut,
3 d’annoncer dès le matin ton amour
et ta fidélité au long des nuits.
Refr. : Il est bon, Seigneur, de te rendre grâce !
13 Le juste poussera comme un palmier,
il va grandir comme un cèdre du Liban.
14 Transplantés dans la maison de Yhwh
dans les parvis de notre Elohim ils pousseront.
Refr. : Il est bon, Seigneur, de te rendre grâce !
15 Même à l’âge des cheveux blancs, ils fructifieront,
ils seront pleins de sève et de verdeur,
16 pour annoncer que Yhwh est droit :
« Il est mon rocher ! En lui pas d’injustice ! »
Refr. : Il est bon, Seigneur, de te rendre grâce !
Deuxième lecture
Dans la Deuxième lettre aux Corinthiens, Paul évoque les éléments fondamentaux de sa vie et, en particulier, son courage et son espoir comme apôtre.
La condition de l’apôtre – et aussi celle de ses destinataires à Corinthe et la nôtre au Burundi – est présentée comme un « exil », mais un exil et, en même temps, une tension vers la demeure éternelle. L’exil, l’exil de Paul et aussi le nôtre, est un « exil loin du Seigneur »[4] (v. 6). D’autre part, quant à la mort, elle est aussi une forme d’exil ; mourir c’est « être en exil loin du corps » (v. 8) ; en effet, en mourant, nous abandonnons notre corps mortel et fragile pour recevoir un corps nouveau, spirituel, animé par l’Esprit[5].
Cette situation, un peu comme Paul, nous pouvons la vivre « pleins de confiance » (vv. 6 et 8). Ceci est possible grâce à la foi. En effet, nous savons que cet exil finira au moment de la mort, la mort qui sera la fin de l’exil et la possibilité de demeurer auprès de Dieu. Oui, la mort, la fin de notre exil, nous permettra d’être chez nous auprès du Seigneur et, littéralement d’ « habiter[6] auprès du Seigneur» (v. 8).
Mais, entre notre condition actuelle et celle que nous vivrons après la mort, il y a un élément commun ; Paul l’affirme au verset 9 : « nous désirons intensément lui plaire», nous désirons intensément plaire au Christ[7] et vivre la conduite que Dieu veut de chaque personne qui croit en lui[8].
Que cette lecture puisse intensifier ce désir de plaire à Dieu et de vivre comme lui, il le veut.
Lecture de la Deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens (5,6-10)
Frères, 6 nous sommes donc toujours pleins de confiance ! Mais nous le savons, pendant que nous habitons dans notre corps, nous sommes en exil loin du Seigneur. 7 En effet, nous marchons dans la foi et nous ne voyons encore rien. 8 Nous sommes cependant pleins de confiance et nous aimons mieux être en exil loin du corps pour habiter auprès du Seigneur.
9 Par conséquent : soit que nous habitons chez lui, soit que nous soyons en exil ici, nous désirons intensément lui plaire. 10 Car nous devons tous comparaître devant le tribunal du Christ ; alors chacun recevra selon ce qu’il aura pratiqué pendant qu’il était dans son corps : soit en bien, soit en mal.
Évangile
Dans l’Évangile de Marc, Jésus commence son activité en annonçant la proximité du Règne de Dieu. Mais c’est dans le chapitre quatre, le chapitre des paraboles, que Marc nous permet de mieux comprendre qu’est-ce que ce Règne.
De ce chapitre, maintenant nous allons écouter une petite section : deux paraboles. La première, qu’on trouve seulement chez Marc, est la parabole de la semence qui pousse toute seule (vv. 26-29). Elle met l’accent sur l’énergie surprenante qui est dans la graine. L’homme, le semeur ne peut pas s’expliquer pourquoi la semence, une fois semée, va grandir. Mais il est invité, comme chacune et chacun de nous, à vivre pleinement le temps présent, qui est celui des semailles, en faisant confiance à la productivité de la terre.
La parabole suivante, celle de la graine de moutarde (vv. 30-32), commence par une interrogation que Jésus pose aux disciples et, ce matin, à nous-mêmes : « Comment comparerons-nous le Règne de Dieu, ou en quelle parabole allons-nous le représenter ? »[9] Et ce pluriel « nous » est important. On dirait que Jésus va chercher, avec nous, les mots pour dire, les mots pour parler du Règne.
Pour en parler, Jésus nous met sous les yeux l’histoire du grain de moutarde. Quand il est semé, nous dit-il, « il est la plus petite de toutes les semences sur la terre » (v. 31). Voilà comment Jésus conçoit sa parole, voilà comment il voit le commencement du Règne de Dieu. Le résultat, apparemment pas énorme, sera une grande « plante potagère ». Mais elle donne sa protection à tous les oiseaux qui veulent « faire leurs nids sous son ombre ». Donc : le Règne de Dieu comme une protection pour toutes les personnes qui lui font confiance, le Règne de Dieu comme la nouvelle communauté universelle[10].
En écoutant, laissons-nous prendre par cette confiance que Jésus nous communique à travers son petit récit.
Lecture de l’Évangile selon Marc (4,26-34)
26 Et il disait à la foule: «Ainsi est le Règne de Dieu : comme un homme qui a jeté la semence sur la terre : 27 qu’il dorme ou qu’il soit éveillé, nuit et jour, la semence germe et grandit – comment lui-même il ne le sait pas. 28 D’elle-même la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, puis plein blé dans l’épi. 29 Et, quand le fruit le permet, aussitôt il y met la faucille, parce que la moisson est là».
30 Et il disait : «Comment comparerons-nous le Règne de Dieu, ou en quelle parabole allons-nous le représenter? 31 Il est comme un grain de moutarde : quand il est semé sur la terre, il est la plus petite de toutes les semences sur la terre ; 32mais quand il est semé, il monte et devient plus grand que toutes les plantes potagères, et il fait de grandes branches, de sorte que les oiseaux du ciel peuvent faire leurs nids sous son ombre .
33Et par de nombreuses paraboles de ce genre, il leur disait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre. 34Or, il ne leur parlait pas sans parabole, mais, en particulier, à ses propres disciples il expliquait tout.
Prière d’ouverture
Dieu des bourgeons et des racines,
Dieu qui fais naître des fleurs même sur les ruines,
comme dans la semence tu as caché toute la vie d’une plante,
ainsi, dans les choses les plus petites,
tu caches la grandeur de tes actions :
permets à nous aussi de découvrir
comment tu aimes agir en silence
surtout dans le cœur des personnes les plus humbles.
Amen.
[David Maria Turoldo, prêtre et poète, Italie]
Prière des fidèles
* La page du prophète Ézéchiel voulait encourager les exilé(e)s à Babylone. Pour qu’elle puisse encourager aussi les femmes et les hommes du Burundi qui sont au bout de leurs forces et ont perdu ou qui risquent de perdre leur confiance en l’avenir, nous te prions.
* Le psaume nous invite à découvrir, dans notre journée, l’amour que Dieu a pour nous. Il nous invite aussi à découvrir que Dieu nous reste fidèle même dans les « nuits » au pluriel, donc dans les moments les plus tragiques de la vie. Aide-nous, Seigneur, à accepter ce message du psaume, nous te prions.
* La lettre de Paul nous a encouragé(e)s. Même si nous, comme l’apôtre, « nous sommes en exil loin du Seigneur », la foi nous soutient ; elle nous permet de regarder à la mort – et aussi au-delà de la mort – avec confiance : en effet, nous pourrons « habiter auprès du Seigneur ». Tiens vivant, chez nous, de jour en jour, ce regard sur la vie, la vie en plénitude, qui nous attend auprès de toi, Jésus notre frère.
* La parabole de l’Évangile nous invite à ouvrir nos yeux sur la vie de tous les jours, sur l’action, apparemment banale, de confier à la terre un peu de semence. C’est une invitation à accomplir nos actions de chaque jour avec cette même attitude : en effet, « la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, puis plein blé dans l’épi ». Sois présent à côté de nous, Seigneur Jésus, pour nous encourager dans nos petites tâches quotidiennes, nous te prions.
* L’Évangile de ce matin nous invite à laisser tomber l’image d’un Dieu qui châtie et nous punit. Il nous parle d’un Règne qui, comme une grande plante potagère, offre à tous les oiseaux du ciel de trouver refuge et protection. Aide-nous, Seigneur Jésus, à dépasser notre peur de Dieu et à construire notre vie confiants et confiantes en lui. Nous te prions.
[1] Pour la date de cette page (probablement l’an 588) et les circonstances auxquelles l’oracle fait référence, cf. L. Alonso Schökel – J.L. Sicre Diaz, I profeti, Borla, Roma, 1989, p. 834-836.
[2] Pour la dimension messianique de cette promesse, cf. W. Zimmerli, Ezechiel. Band I (Ez. 1-24), Neukirchener Verlag, Neukirchen-Vluyn, 1969, 389-390.
[3] Pour ces trois verbes, cf. G. Ravasi, Il libro dei salmi. Commento e attualizzazione. Vol. II (Salmi 51-100), EDB, Bologna, 2015, p. 930.
[4] Pour parler de cette condition d’exil, Paul utilise – pour trois fois – le verbe « ék-dêméô », un verbe qui ne revient jamais ailleurs dans la Bible : il signifie, littéralement, « être loin du pays, du territoire » ; en effet, il est composé à partir du terme « dêmos » qui signifie « pays, territoire ». Cf. C. Spicq, Notes de lexicographie néo-testamentaire. Supplément, Éditions universitaires – Vandenhoeck & Ruprecht, Fribourg – Göttingen, 1982, p. 246ss.
[5] Ainsi G. Barbaglio, Le lettere di Paolo. Traduzione e commento. Volume 1, Borla, Roma, 1980, p. 644.
[6] En grec, aux versets 6.8 et 9, Paul utilise le verbe « én-dêméô », qui s’oppose à « ék-dêméô ». Le contraste entre ces deux verbes est marqué par les préverbes : « én » qui signifie « dans » et évoque la proximité, et « ék- » qui signifie « dehors » et « loin de ». Cf. M. Grundmann, Dêmos ktl., dans Grande lessico del Nuovo Testamento, fondato da G. Kittel, continuato da G. Friedrich, Vol. II, Paideia, Brescia, 1966, col. 901-904.
[7] Cf. E. Best, II Corinzi, Claudiana, Torino, 2009, p. 56.
[8] Ainsi F. Bianchini, Seconda lettera ai Corinzi. Introduzione, traduzione e commento, Edizioni San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2015, p. 112, note à 5,9.
[9] Pour cette double interrogation, cf. C. Focant, L’évangile selon Marc, Cerf, Paris, 2004, p. 184.
[10] Cf. J. Mateos – F. Camacho, Il vangelo di Marco. Analisi linguistica e commento esegetico. Vol. 1, Cittadella, Assisi, 2010, p. 391ss.