Eucharistie: 20 juin 2021

12ème dimanche du Temps Ordinaire – Année B

Dieu prend soin de nous et aussi de nos peurs.

 

Première lecture

La première lecture de ce matin est une page du livre de Job. Plusieurs fois, Job – dans son poème – avait protesté devant le silence de « El », le Dieu de la tradition religieuse[1]. Maintenant, vers la fin du livre, c’est « Yhwh » qui intervient, Yhwh qui est le Seigneur du peuple de Dieu[2], Yhwh qui est Celui-qui-est et que nous ne pouvons pas imaginer. Et il répond « du milieu de la tempête » (v. 1), la tempête qui le révèle et le voile en même temps.

Dans sa réponse, Dieu interroge Job : est-ce que Job était là lorsque Dieu a créé la terre et quand les étoiles se réjouissaient en contemplant l’œuvre de Dieu ?

Après cette partie que nous ne lirons pas ce matin, Dieu interroge Job sur l’origine de la mer (vv. 8-11). L’origine de la mer est présentée comme une naissance, un accouchement impétueux[3], une sortie du « ventre de la terre ». Ensuite Dieu, comme une maman, va prendre soin de la mer comme d’un nouveau-né. Dieu va lui mettre des « langes » – le mot revient seulement ici dans toute la Bible – et des vêtements : les nuages et le brouillard. Et plus tard, lorsque la mer se comporte comme un enfant désobéissant, Dieu lui impose des limites : « Tu viendras jusqu’ici, pas plus loin » (v. 11).

L’idée qu’il y a derrière cette image est très claire : Dieu qui prend soin de ses créatures et nous protège de la mer et de toute puissance, qui peut nous menacer. Écoutons.

 

Lecture du livre de Job (38,1.8-11)

1 Et répond, Yhwh, à Job

– du milieu de la tempête – et lui demande :

8 « Qui a fermé les portes pour retenir la mer

quand elle s’élança et est sortie du ventre de la terre,

9 quand je fis de la nuée son vêtement

et je l’ai enveloppée dans des langes d’obscurité épaisse,

10 quand j’ai cassé son élan et marqué une limite

en plaçant devant elle une porte barrée,

11 quand j’ai dit à la mer :

« Tu viendras jusqu’ici, pas plus loin ;

ici s’arrêtera l’orgueil de tes vagues » ?

 

Psaume

Le psaume 107 nous présente une liturgie dans le temple de Jérusalem, une liturgie pour remercier Dieu en chantant (vv. 1-3). Ensuite, un après l’autre, les chanteurs se lèvent[4] : ils chantent, chacun, l’intervention de Dieu.

Le premier chanteur (vv. 4-9) présente les caravanes perdues dans le désert : des personnes confrontées avec la faim, la soif, à la recherche d’une ville où habiter. Et ces personnes, Dieu les a libérées de l’angoisse et les a guidées vers une ville.

Le deuxième chanteur (vv. 10-16) évoque des prisonniers enfermés dans des lieux ténébreux : mais Dieu les a libérés en coupant leurs chaînes.

Le troisième chanteur (vv. 17-22) nous présente des personnes malades. Elles sont sur le chemin de la mort. Et la mort est comme une fosse, une citerne de laquelle un homme tout seul ne réussit pas à sortir. Mais, même pour ces personnes qui sont dans leurs fosses, il y a l’intervention de Dieu : elle est le signe de son amour et elle accomplit des merveilles. De cette partie qui évoque les personnes malades et l’intervention de Dieu qui les sauve, nous lirons seulement la dernière strophe (vv. 21-22). Ces personnes guéries, le chanteur les invite à rendre grâce à Dieu pour son amour et pour les merveilles qu’il accomplit.

Dans les strophes suivantes (vv. 23-31) nous écouterons le quatrième chanteur, un chanteur qui nous présente des hommes de mer. Les Hébreux n’étaient pas un peuple de navigateurs ; pour eux, la Méditerranée était un espace de tempêtes, un espace habité par des puissances menaçantes[5]. Et les personnes « qui partent en mer sur des navires » (v. 23) ne sont pas des touristes : elles « exercent leur métier[6] sur les grandes eaux » (v. 23). Et dans leur profession, ces personnes peuvent voir « les œuvres de Yhwh et ses merveilles en haute mer » (v. 24).

Mais, dans la strophe suivante, le poète évoque une situation terrible : les gens de mer « étaient lancés vers le ciel et descendaient au fond de la mer » (v. 26). Et cette image de l’abîme nous rappelle le cantique de Moïse, le cantique de l’Exode, quant les Juifs peuvent pénétrer au milieu de la mer à pied sec, tandis que les abîmes (Ex 15,5)[7] recouvrent les Égyptiens.

La strophe successive insiste à nouveau sur la situation tragique des marins : « Ils se sentaient comme devant la mort » (v. 26c) et « toute leur sagesse était désorientée » (v. 27b).

Dans cette situation sans issue, comme nous le dit l’avant-dernière strophe, « Ils ont crié à Yhwh dans leur peur terrible et il les a fait sortir de leurs angoisses » (v. 28). Et ici, le verbe « sortir » nous renvoie encore à l’Exode lorsque Dieu fait sortir Israël de l’Égypte et de la mer[8]. Et le poète de notre psaume nous rassure : Dieu « a réduit la tempête au silence et les vagues se sont apaisées » (v. 29).

Et dans la dernière strophe (vv. 30-31) le poète peut conclure en disant : ces gens de mer « se sont réjouis de ce retour au calme et Dieu les a guidés au port désiré »  (v. 30). Et ici nous avons le seul emploi, dans toute la Bible hébraïque, du mot « mâhôz » qui signifie « port ». Et ce port est un port spécial : c’est le port désiré, le port où seulement Dieu a pu les conduire. D’ici la réaction du poète : « Qu’ils rendent grâce à Yhwh pour son amour et ses merveilles pour les fils des humains ! » (v. 31).

Voilà l’exhortation que notre chanteur – comme les trois chanteurs précédents (vv. 8. 15. 21) – adresse aux personne mentionnée dans son récit et aussi à chacune et à chacun de nous.

Quant à nous, la liturgie nous invite à faire nôtre ce refrain en disant à la fin de chaque strophe :

Rendez grâce au Seigneur car il est bon :
éternel est son amour !

 

Psaume 107 (versets 21-22. 23-24. 25-26ab. 26c-27. 28-29. 30-31)  

21 Qu’ils rendent grâce à Yhwh pour son amour

et ses merveilles pour les fils des humains !

22 Qu’ils lui sacrifient des sacrifices en signe de reconnaissance,

et qu’ils crient de joie en racontant ce qu’il a fait.

Refr. :  Rendez grâce au Seigneur car il est bon :

éternel est son amour !

 

23 Ceux qui partent en mer sur des navires

et exercent leur métier sur les grandes eaux,

24 ces gens-là ont vu les œuvres de Yhwh

et ses merveilles en haute mer.

Refr. :  Rendez grâce au Seigneur car il est bon :

éternel est son amour !

 

25 D’un seul mot, Dieu a fait venir un vent de tempête

qui a soulevé les vagues.

26ab (Les gens sur le bateau)  étaient lancés vers le ciel

et descendaient au fond de la mer.

Refr. :  Rendez grâce au Seigneur car il est bon :

éternel est son amour !

 

26c Ils se sentaient comme devant la mort.

27 Pris de vertige, comme des gens qui ont trop bu,

ils ne pouvaient plus rester debout

et toute leur sagesse était désorientée.

Refr. :  Rendez grâce au Seigneur car il est bon :

éternel est son amour !

 

28 Ils ont crié à Yhwh dans leur peur terrible

et il les a fait sortir de leurs angoisses :

29 il a réduit la tempête au silence

et les vagues se sont apaisées.

Refr. :  Rendez grâce au Seigneur car il est bon :

éternel est son amour !

 

30 Ils se sont réjouis de ce retour au calme

et Dieu les a guidés au port désiré.

31 Qu’ils rendent grâce à Yhwh pour son amour

et ses merveilles pour les fils des humains !

Refr. :  Rendez grâce au Seigneur car il est bon :

éternel est son amour !

 

Deuxième lecture

Dans une longue section de la Deuxième lettre aux Corinthiens, Paul évoque les difficultés et la grandeur du ministère apostolique. Pour l’apôtre, la seule référence c’est le Christ. Voilà pourquoi Paul peut écrire : « L’amour du Christ nous prend entièrement » (v. 14). Oui, l’amour que le Christ a pour nous[9] est la seule référence. Et cet amour – pour nous et aussi pour tous les humains[10] – a été sans limite jusqu’à la mort : il « est mort pour tous » (vv. 14 et 15). Mais le Christ est lié à l’humanité entière : ce qu’il a vécu est destiné à devenir réalité pour tous les humains. Voilà pourquoi « tous ont part à sa mort » (v. 14). Ils « ne vivent plus pour eux-mêmes. Ils vivent pour le Christ » (v. 15).

Enfin, et c’est la conclusion que Paul met devant nos yeux et nos consciences, nous devons choisir : accepter ou refuser ce que le Christ, profondément uni à toute l’humanité, a accompli : celui qui accepte cela « est dans le Christ ». C’est une affirmation surprenante. A travers cette expression, Paul nous dit que les chrétiens sont un seul groupe et, comme un seul groupe, ils forment un seul corps dans le Christ[11]. En poursuivant sa phrase, Paul – en reprenant une tournure qu’on lit dans le livre d’Isaïe (Is 43,18-19 et 65,17)[12] – affirme : le chrétien « est une nouvelle créature » (v. 17). C’est le changement vécu par Paul : il a connu le Christ d’une manière humaine ; il s’est opposé à son message annoncé par des croyants ; il a aussi persécuté ses disciples (cf. At 9,1s ; 22,4 ; 26,10s). Mais maintenant, il voit le Christ, sa vie et son message, d’une façon totalement différente (v. 16). Laissons-nous prendre, nous aussi, profondément, par ce changement radical, par cette « réalité nouvelle » qui est là, définitivement. Engageons-nous, donc, à vivre cette réalité nouvelle, à vivre pour le Christ et pour les autres[13].

 

Lecture de la Deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens (5,14-17)

14 L’amour du Christ nous prend entièrement quand nous pensons à ceci : un seul homme, le Christ, est mort pour tous, donc, tous ont part à sa mort. 15 Le Christ est mort pour tous ; ainsi, les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes. Ils vivent pour le Christ qui est mort pour eux et qui pour eux a été réveillé de la mort.

16 Voilà pourquoi, à partir de maintenant, nous ne considérons plus personne d’une manière purement humaine. Même si, autrefois, nous avons considéré le Christ d’une manière seulement humaine, maintenant nous ne le considérons plus ainsi. 17 Donc, si quelqu’un est dans le Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé, voici qu’une réalité nouvelle est là, définitivement.

Parole du Seigneur.

 

Évangile

 Le chapitre 4 de l’Évangile de Marc est le chapitre des paraboles. En effet, dans ce chapitre, Jésus parle du Royaume qui est en train de se réaliser. Mais, à la fin de ce chapitre, il y a le récit de Jésus qui, dans son voyage vers la rive orientale du lac de Tibériade, calme une tempête qui vient de se déchaîner. Cet acte d’apaiser la tempête, Jésus l’accomplit à travers sa parole adressée au vent et à la mer : « Silence ! Tais-toi » (v. 39). Marc nous montre ainsi que la parole de Jésus est efficace comme l’intervention de Dieu que nous avons écoutée dans le livre de Job (38,11) et dans le psaume : « il a réduit la tempête au silence et les vagues se sont apaisées » (Ps 107,29)[14].

La page de Marc se termine avec les disciples qui s’interrogent sur l’identité de Jésus : « Qui donc est-il, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » (v. 41). Ils ont réveillé Jésus avec une intervention impertinente[15] : « Maître, nous allons mourir. Cela ne te fait rien ? » (v. 38). Et maintenant, en s’interrogeant sur Jésus, ils restent prisonniers de la crainte[16]. Et nous ? Est-ce que nous arrivons à la fois, à mettre notre confiance en lui ?

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (4,35-41)

Toute la journée, Jésus avait parlé à la foule. 35 Ce même jour, le soir venu, Jésus dit à ses disciples : « Allons de l’autre côté du lac ». 36 Et les disciples quittent la foule et prennent Jésus, comme il était, dans la barque. Il y avait aussi d’autres barques à côté d’elle.

37 Et survient une violente tempête : les vagues se jetaient dans la barque au point que, déjà, la barque se remplissait d’eau. 38 Et lui, à l’arrière du bateau, la tête appuyée sur un coussin, il dormait. Ses disciples le réveillent et lui disent : « Maître, nous allons mourir. Cela ne te fait rien ? »

39 Réveillé, Jésus reproche le vent et dit à la mer : « Silence ! Tais-toi ! » Et le vent cessa et un grand calme se fit. 40 Puis il dit aux disciples : « Pourquoi avez-vous si peur ? Vous n’avez pas encore de foi ? » 41 Ils furent pris d’une grande crainte et ils disaient entre eux : « Qui donc est-il, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »

Acclamons la Parole de Dieu.

 

Prière d’ouverture

 

Je t’invoque dès l’aube.

Dieu, je t’invoque dès l’aube,

aide-moi à prier et rassembler mes pensées ;

seul, je ne le peux pas.

En moi sont les ténèbres, près de toi la lumière.

Je suis seul, mais toi, tu ne m’abandonnes pas,

je suis découragé, mais toi, tu me secours ;

je suis inquiet, mais auprès de toi est la paix,

en moi est l’amertume, mais près de toi la patience.

Je ne comprends point tes voies,

mais tu connais le juste chemin pour moi.

Père du ciel,

louange et grâce à toi pour ta bonté et ta fidélité.

Seigneur Jésus Christ, tu étais pauvre et misérable,

prisonnier et délaissé comme moi. Aide-moi.

Esprit Saint. Donne-moi la foi

qui me sauve du désespoir, du laisser-aller.

[Dietrich Bonhoeffer, pasteur exécuté par le nazisme : 1906-1945]

 

Prière des fidèles

* La page de Job nous invite à prendre conscience de nos limites. Dieu nous parle « du milieu de la tempête », la tempête qui révèle Dieu et le voile en même temps. Nous ne pouvons pas comprendre vraiment les interventions de Dieu. Mais, même dans les situations les plus terribles, mettons notre confiance en Dieu. Il nous assure qu’il met des limites au pouvoir de la mort : « Tu viendras jusqu’ici, pas plus loin ».

* Le psaume nous invite à faire comme ceux qui partent en mer sur des navires. Notre vie présente certainement des tempêtes. Mais ces tempêtes peuvent devenir des expériences à travers lesquelles nous découvrons Dieu qui nous accompagne toujours. Que sa présence nous fasse « sortir » de nos angoisses ou, au moins, qu’elle nous aide à les vivre différemment, avec confiance.

* Dans sa lettre, Paul nous assure : désormais, « les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes. Ils vivent pour le Christ ». Et c’est seulement en vivant uni au Christ que quelqu’un « est une nouvelle créature ». Que nous puissions vivre chaque jour en nous demandant : comment agir aujourd’hui pour vivre dans le Christ ?

* Dans l’Évangile, les disciples osent – dans un moment de panique – reprocher à Jésus : « Nous allons mourir. Cela ne te fait rien ? » Et, une fois la tempête apaisée, ils restent prisonniers « d’une grande crainte ». Jésus notre frère, aide-nous à dépasser la peur et à vivre en mettant en toi notre confiance. Toujours.

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[1] Cf. G. Ravasi, Giobbe. Traduzione e commento, Borla, Roma, 1979, p. 740.

[2] A Weiser, Das Buch Job übersetzt und erklärt, Vandenoeck & Ruprecht, Göttingen, 1963, p. 243.

[3] Cf. L. Alonso Schökel – J,-L. Sicre Diaz, Giobbe. Traduzione e commento, Borla, Roma, 1985, p. 624.

[4] Cf. G. Ravasi, Il libro dei salmi. Commento e attualizzazione. Vol. III (Salmi 101-150), EDB, Bologna, 2015, p. 208.

[5] Ainsi écrivait G. Castellino, Salmi, dans La Sacra Bibbia tradotta dai testi originali e commentata, Vol. II, Marietti, Torino , 1960, p. 251.

[6] Le terme « métier », « mela’kah » en hébreu, a une dimension économique et commerciale. Cf. G. Ravasi, Il libro dei salmi. Commento e attualizzazione. Vol. III (Salmi 101-150), EDB, Bologna, 2015, p. 213.

[7] Pour ces emplois du terme « abîme », cf. L. Koehler – W. Baumgartner, Lexicon in Veteris Testamenti libros, Brill, Leiden, 1958, p. 1019, sous la voix « tehom ».

[8] Pour le verbe « yâçâ’ » utilisé très fréquemment dans l’Exode, cf. Concordance de la Traduction Œcuménique de la Bible TOB, Cerf – Société biblique française, Paris – Villiers-le-Bel, 2002, p. 916, sous la voix « sortir ».

[9] Pour la valeur du génitif « du Christ », cf. F. Bianchini, Seconda lettera ai Corinzi. Introduzione, traduzione e commento, Edizioni San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2015, p. 117.

[10] Cf. E. Best, II Corinzi, Claudiana, Torino, 2009, p. 60.

[11] C’est le commentaire de E. Best, Op. cit., p. 63, qui renvoie aussi à Rom 12,5.

[12] Cf. F. Bianchini, Op. cit., p. 119.

[13] Ainsi G. Barbaglio, Le lettere di Paolo. Traduzione e commento. Volume 1, Borla, Roma, 1980, p. 651.

[14] Pour la relation entre le Psaume 107 et la narration de Marc, cf. E. Zenger, Psalm 107, dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger, Psalmen 101-150, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2000, p. 107.

[15] Cf. C. Focant, L’évangile selon Marc, Cerf, Paris, 2004, p. 192.

[16] Cf. S. Fausti, Il Vangelo di Marco, EDB, Bologna, 2018, p. 99. Cf. aussi, avec plus de détails, J. Mateos – F. Camacho, Il Vangelo di Marco. Analisi linguistica e commento esegetico. Vol. 1, Cittadella, Assisi, 2010, p. 414.