Eucharistie, 6 juin 2021

10ème dimanche du Temps Ordinaire — Année B

« Si quelqu’un fait la volonté de Dieu, cette personne-là est mon frère et ma sœur et ma mère» (Mc 3,35)

 

Première lecture

La première lecture est une page très connue du livre de la Genèse. L’auteur évoque l’intervention de Dieu après que le premier couple a désobéi à l’ordre de Dieu.

Pour parler de Dieu, le narrateur utilise une formule très solennelle : « Yhwh Élohim ». Le premier terme est un terme plein de respect, au point que les Juifs n’osent même pas le prononcer : ils se limitent à dire « Adonai » c’est-à-dire « Seigneur ». Quant au terme « Élohim », il signifie Dieu, et la terminaison « -im » en souligne la majesté.

Pour parler du couple, le narrateur utilise « Adam » et « ’ishâh ». Le deuxième mot est un terme commun, il signifie « femme », et plus tard le narrateur indiquera son nom propre « Ève », qui signifie « vivante », « mère de la vie ». Au contraire, « Adam » est un terme… à mi-chemin ; il peut être utilisé comme un nom commun qui signifie « terrestre, lié à la terre » (« adamah » en hébreu), fragile[1]. Mais il peut être utilisé aussi comme un nom propre, comme c’est le cas dans la page de ce matin[2].

Dans le récit que nous allons lire dans un instant, Dieu interroge d’abord Adam et ensuite la femme qui n’ont pas respecté la parole de Dieu et ont mangé du fruit défendu.

Les interrogations à Adam veulent aider l’homme à prendre conscience de ce qu’il vient d’accomplir. L’homme s’est caché parce qu’il a eu peur, il a eu peur parce qu’il était nu. Il a pris conscience d’être nu, quand il a désobéi à Dieu et il a mangé du fruit. Enfin, pour justifier sa désobéissance, l’homme accuse la femme et, indirectement, Dieu lui-même[3] : « La femme que tu m’as donnée pour compagne, c’est elle qui m’a donné (du fruit) de l’arbre, et j’ai mangé » (v. 12).

Si l’homme se déresponsabilise et accuse la femme d’être responsable de l’acte en question, la femme fait de même : elle accuse le serpent d’être le responsable : « Et dit, la femme : Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé » (v. 13). Et avec cette déclaration de la femme, Dieu termine son interrogatoire. Le récit ne dit pas pourquoi le serpent s’est comporté ainsi et, de cette façon, l’origine du mal… reste inexpliquée[4].

La dernière partie de notre récit est une parole que Dieu adresse au serpent. Dieu exprime sa malédiction : « Parce que tu as fait cela, tu es maudit parmi tous les animaux et toutes les bêtes des champs » (v. 14). Voilà la constatation de Dieu à propos du serpent[5]. Et le dernier verset – à propos de la relation entre le serpent et les humains – utilise le terme « hostilité », « ’aibah » en hébreu. Dans Genèse 3,15, ce mot – très rare en hébreu[6] – n’évoque pas une inimitié limitée dans le temps ; il s’agit d’une hostilité durable. Et cette hostilité n’existe pas entre les humains et les animaux ni entre les humains et les animaux sauvages. Elle est seulement entre les humains et le serpent[7]. Enfin, pour le présent et aussi pour l’avenir, cette hostilité vise la mort de l’adversaire : la descendance de la femme « te meurtrira à ta tête, et toi, tu la meurtriras à (son) talon » (v. 15). Dans cette phrase, le même verbe (shoûf » en hébreu et « têréô » dans le sens de « guetter » en grec) convient aussi bien à l’humain qu’au serpent[8]. Chacun des deux vise la mort de l’autre et est – l’un pour l’autre – une menace[9].

 

Lecture du livre de la Genèse (3,9-15)

9 Lorsque Adam eut mangé du fruit de l’arbre, Yhwh Élohim l’appela et lui dit : « Où es-tu ? »

10 Et (dit) Adam : « J’ai entendu ta voix dans le jardin, et j’ai pris peur car moi je suis nu, et je me suis caché ».

11 Et dit (Yhwh) : « Qui t’a appris que tu étais nu ? Est-ce que tu as mangé (du fruit) de l’arbre dont je t’avais ordonné de ne pas manger ? »

12 Et dit Adam : « La femme que tu m’as donnée pour compagne, c’est elle qui m’a donné (du fruit) de l’arbre, et j’ai mangé ».

13 Et dit, Yhwh Élohim, à la femme : « Quoi ? Tu as fait ça ? »

Et dit, la femme : « Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé ».

14 Et dit, Yhwh Élohim, au serpent : « Parce que tu as fait cela, tu es maudit parmi tous les animaux et toutes les bêtes des champs. Sur ton ventre tu iras et de la poussière tu mangeras tous les jours de ta vie. 15 Et une hostilité je mettrai entre toi et la femme, et entre ta descendance et sa descendance : celle-ci te meurtrira à ta tête, et toi, tu la meurtriras à (son) talon ».

 
Psaume

Le psaume que nous allons lire dans un instant fait partie d’un groupe de poèmes (Psaumes 120-134) qui portent le titre « Chant des montées ». Ce titre a probablement été choisi par les responsables du culte au temple de Jérusalem. Ils voulaient ainsi indiquer des psaumes qui pouvaient accompagner les pèlerins qui, surtout dans certaines fêtes, montaient jusqu’au temple[10].

Parmi les « chants des montées », le psaume 130 – connu sous le titre latin « De profundis » – est un des psaumes les plus lus et aimés. En effet, il peut nous accompagner dans les situations les plus tristes de la vie et aussi au moment de la mort.

La première strophe (vv. 1-2) de ce poème nous introduit directement dans la situation que le poète est en train de vivre : une situation de vide dans lequel une personne se perd. C’est de cette situation que le poète lance son appel à Dieu. En effet, il dit : « Des profondeurs je t’appelle, Yhwh ! ». Le mot « profondeur », « ma‘amaqqîm » en hébreu, qu’on lit seulement cinq fois dans l’Ancien Testament[11], évoque la profondeur des eaux, la profondeur de la mer, dans laquelle on se perd et on s’approche de la mort. Et pourtant, cet appel adressé à Dieu – on pourra le constater dans les versets suivants – est prononcé… avec confiance, une confiance qui naît de la foi dans la bonté de Dieu[12].

La deuxième strophe (vv. 3-4) nous permet de mieux comprendre les « profondeurs » dans lesquelles le poète – et l’humanité toute entière – se trouve : « les fautes ». Ces fautes nous enlèvent toute dignité. Le poète le dit très clairement : « Si tu gardes (dans ta mémoire) les fautes, Yah, Seigneur, qui pourra se tenir debout ? (v. 3). Et dans cette phrase, on doit remarquer les deux expressions : « Yah » et « Seigneur ». La deuxième nous présente Dieu comme un souverain dans sa grandeur, sa perfection, sa justice, une grandeur devant laquelle on ne peut que se prosterner en reconnaissant ses fautes. Mais, toujours à propos de Dieu, le poète utilise aussi le terme « Yah », une expression très intime et familière avec laquelle on s’adresse à Yhwh. Et cette dimension intime revient dans le verset suivant qui mentionne un thème nouveau : comme réaction à nos fautes, il y a le pardon de Dieu. Le poète déclare à Dieu : « Mais[13] avec toi (est) le pardon ». Il s’agit d’un pardon immérité, un pardon qui nous surprend toujours et qui nous pousse à respecter Dieu et à l’aimer[14].

Dans la troisième strophe (vv. 5-6), le poète exprime à Dieu toute sa confiance. Il sait que Dieu écoute son cri lancé depuis les profondeurs. Voilà pourquoi il espère, il espère[15] et il attend. Il attend sur la parole de Dieu, la parole qui, seule, peut le pardonner et lui donner la force pour changer, pour s’ouvrir – d’une façon définitive – vers Yhwh. Et cette attente est le fruit d’une décision intense[16]. C’est l’attente d’une parole qui peut tout changer ; cette attente n’est pas comparable à l’attente des veilleurs, des veilleurs qui attendent le passage de la nuit « vers le matin », vers un nouveau jour. Le poète nous le dit, avec insistance, à la fin de la strophe : « Mon âme (est) vers le Seigneur plus que les veilleurs vers le matin, oui, plus que les veilleurs vers le matin ».

Enfin, la dernière strophe (vv. 7-8). Ici, le poète manifeste très clairement sa relation avec son peuple. Auparavant, au verset 3, il avait mentionné – en général – « les fautes ». Mais maintenant ce terme est référé à l’ensemble du peuple. En parlant de Dieu, le poète déclare : « Et lui, il libérera Israël de toutes ses fautes ». Cela est possible si Israël se comporte comme le poète. Le poète disait : sur la parole de Dieu « j’attends » (v. 5). Et, en terminant son poème, il invite le peuple à s’ouvrir à partager cette même attitude : « Attends, Israël, Yhwh » (v. 7). Pourquoi cette attitude ? Elle a son fondement dans l’attitude de Dieu : « avec Yhwh (est) l’amour, et en abondance avec lui la libération ». L’affirmation est très insistante : « avec Yhwh », « avec lui ».

Quant à nous, faisons nôtre cette affirmation du poète qui souligne l’amour et la libération qui sont « avec » le Seigneur. D’ici notre refrain à la fin de chaque strophe :

Avec Yhwh est l’amour,
et en abondance avec lui la libération.

 

Psaume 130 (vv. 1-2. 3-4. 5-6. 7-8)

1 Chant des montées.

Des profondeurs je t’appelle, Yhwh !

2 Seigneur, écoute ma voix,

que tes oreilles soient attentives à la voix de mes supplications !

Refr. :  Avec Yhwh est l’amour,

            et en abondance avec lui la libération.

3 Si tu gardes (dans ta mémoire) les fautes, Yah,

Seigneur, qui pourra se tenir debout ?

4 Mais avec toi (est) le pardon,

pour que tu sois profondément aimé.

Refr. :  Avec Yhwh est l’amour,

            et en abondance avec lui la libération.

 

5 J’espère, Yhwh ; mon âme espère

et sur sa parole j’attends.

6 Mon âme (est) vers le Seigneur

plus que les veilleurs vers le matin,

oui, plus que les veilleurs vers le matin.

Refr. :  Avec Yhwh est l’amour,

            et en abondance avec lui la libération.

 

7 Attends, Israël, Yhwh,

car avec Yhwh (est) l’amour,

et en abondance avec lui la libération.

8 Et lui, il libérera Israël de toutes ses fautes.

Refr. :  Avec Yhwh est l’amour,

            et en abondance avec lui la libération.

 

Deuxième lecture

Pour ce dimanche (et aussi pour les suivants), la liturgie nous propose la Deuxième lettre de Paul aux Corinthiens. Paul avait fondé la communauté de Corinthe en séjournant dans cette ville pendant une année et demie. Même après son départ pour aller porter la Bonne Nouvelle à d’autres communautés, Paul était toujours resté en contact avec cette communauté, en écrivant plusieurs lettres aux Corinthiens. Mais seulement deux de ces lettres nous ont été conservées. Il s’agit des lettres que nous appelons « La Première lettre aux Corinthiens » et « La Deuxième lettre aux Corinthiens ».

Cette Deuxième lettre est très personnelle. En effet, Paul prend soin de la vie interne de la communauté et de la relation qui unit Paul et la communauté. C’est surtout dans cette lettre que nous pouvons découvrir “l’humanité” de Paul[17]. Il écrit : « Les gens nous attaquent de tous côtés, mais nous ne sommes pas écrasés. Ils nous font beaucoup de difficultés, mais nous ne sommes pas abattus. Ils nous font souffrir, mais Dieu ne nous abandonne pas…. Nous qui vivons, nous sommes sans cesse livrés à la mort à cause de Jésus, afin que la vie de Jésus se manifeste aussi dans notre chair mortelle » (2 Cor 4,8-11). Bref : la puissance de Dieu se manifeste dans les souffrances de l’apôtre[18] qui annonce la Bonne Nouvelle. Voilà ce que Paul peut vivre, car il est soutenu par la foi. Et il voit son expérience à la lumière du Psaume 116,10, qu’il résume ainsi : « il a été écrit, écriture définitive : J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé » (v. 13). Et la foi, chez Paul, est la foi en Dieu qui a ressuscité Jésus et qui « nous ressuscitera, nous aussi, avec Jésus » (v. 14). C’est avec ce regard vers l’avenir que Paul annonce la Bonne Nouvelle pour sa communauté. Il le dit très clairement : « Et tout ce que nous annonçons, c’est pour vous » (v. 15) [19]. Mais, à travers l’activité de l’apôtre, c’est la grâce de Dieu qui agit et qui permettra à la communauté de rendre grâce à Dieu. Donc, tout est sous le signe de la grâce : tout jaillit de la grâce de Dieu, et le résultat final est l’action de grâce à Dieu[20]. De cette façon, la grâce de Dieu atteint de plus en plus des personnes et elle fait surabonder, par une communauté accrue, l’action de grâce à la gloire de Dieu.

Dans la section suivante de sa page (4,16-5,1), Paul revient sur son existence comme apôtre. Et il insiste sur la relation entre le présent de l’apôtre et l’avenir[21]. Entre les deux il n’y a pas un contraste total, il y a une certaine continuité. Paul l’exprime avec deux images : « notre corps » (littéralement « notre homme extérieur ») et « ce qui est au fond de nous » (littéralement « notre homme intérieur »). La première image fait référence à la vie que nous vivons au milieu des autres, une vie fragile dans laquelle nous avons des souffrances et des ennuis. C’est ainsi que « notre corps s’use petit à petit » (v. 16). La seconde image, « ce qui est au fond de nous » (v. 16), évoque la nouvelle vie qui naît de notre relation avec le Christ. Notre « homme intérieur » n’est pas encore parfait, il le sera dans l’avenir de Dieu. Mais, dès maintenant, il est là « au fond de nous » et il « se renouvelle de jour en jour »[22].

Toujours pour souligner la relation entre ce que nous vivons à présent et ce que nous vivrons après notre mort, l’apôtre utilise l’image de la maison. Maintenant, notre maison est comme « une tente qui se détruit ». En effet, elle est une tente fragile, construite par des mains humaines. Mais – écrit Paul en terminant sa page – « nous le savons, dans les cieux, nous avons une maison qui dure toujours. C’est Dieu qui l’a faite, ce ne sont pas les hommes ». Voilà ce que nous savons grâce à la foi, voilà ce que « nous avons », dès maintenant : une construction faite par Dieu lui-même, Dieu qui nous attend.

Suivons donc avec attention ce message très encourageant que Paul nous livre ce matin. La confiance devant la vie et la mort peut habiter tous les humains comme elle habite l’obscure clarté d’une vie d’apôtre[23].

 

De la Deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens (4,13-5,1)

Frères, 413 il a été écrit, écriture définitive : « J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé ». Et nous qui avons le même Esprit, celui de la foi, nous aussi nous croyons, c’est pourquoi nous parlons. 14 Car, nous le savons, celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera, nous aussi, avec Jésus, et il nous placera près de lui avec vous. 15 Et tout ce que nous annonçons, c’est pour vous. De cette façon, la grâce de Dieu atteint de plus en plus de personnes et elle fait surabonder, par une communauté accrue, l’action de grâce à la gloire de Dieu.

16 C’est pourquoi nous ne perdons jamais courage. Et même si en nous notre corps s’use petit à petit, ce qui est au fond de nous se renouvelle de jour en jour. 17 Oui, nos souffrances actuelles sont légères; mais elles produisent pour nous, au-delà de toute mesure, une gloire éternelle. 18 Et notre regard ne s’attache pas à ce qui se voit, mais à ce qui ne se voit pas ; en effet, ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel. 51 Sur la terre, nous habitons dans un corps. Il est comme une tente qui se détruit. Mais nous le savons, dans les cieux, nous avons une maison qui dure toujours. C’est Dieu qui l’a faite, ce ne sont pas les hommes.

 

Évangile

 La page de Marc, que nous allons lire ce matin, est composée de trois sections.

La première – très courte (vv. 20-21) – nous présente un contraste. Jésus, descendu de la montagne, entre dans une maison, probablement celle de Pierre et d’Andrée. Avec lui, il y a les disciples qu’il s’est choisi et une foule nombreuse au point « qu’ils ne pouvaient même pas manger du pain » (v. 20). Cette attitude des disciples et de la foule contraste avec celle des proches de Jésus. Ils sortent de chez eux « pour se saisir de lui, car ils disaient : Il est hors de lui » (v. 21).

La deuxième section nous parle des scribes (vv. 22-30). Et les scribes ont une attitude bien différente par rapport à celle de la famille de Jésus. La famille veut réintégrer Jésus. Au contraire les scribes le rejettent de manière radicale. Ils disent : « Il a Béelzéboul ! » et « Par le chef des démons il chasse les démons ». Dans la première accusation, Jésus est considéré comme possédé par « Béelzéboul », et ce terme signifie « maître de la demeure », c’est-à-dire maître de la personne possédée ou maître de la terre conçue comme demeure de Satan[24]. Dans la deuxième accusation, ils interprètent les exorcismes pratiqués par Jésus comme des actions que Jésus accomplit grâce au chef des démons.

Quant à Jésus, il réagit en trois moments. D’abord (vv. 23b-26), Jésus montre qu’on ne peut pas pratiquer des exorcismes grâce au chef des démons : divisé contre soi-même, Satan irait en ruine. Ensuite (v. 27), Jésus montre que, si Satan est vaincu, c’est qu’un plus fort que lui l’a emporté. Enfin (v. 28), Jésus montre que la force qui lui permet de vaincre Satan c’est l’Esprit Saint. Si les scribes continuaient à interpréter les exorcismes mis en œuvre par Jésus comme des actions accomplies par le chef des démons, au lieu d’y reconnaître l’œuvre de l’Esprit Saint, même Dieu ne pourrait leur pardonner un tel péché qui les conduirait à une mort définitive[25].

Enfin, la dernière section de notre page (vv. 31-35), là où Jésus répond à sa famille qui l’appelle. Marc nous présente deux groupes de personnes : le premier – sa maman et ses frères- « dehors » (v. 31 et 32), le second est composé de celles et ceux « qui étaient assis en cercle autour de lui » (v. 34).

A une première lecture, la famille de Jésus semble avoir un jugement négatif sur Jésus : « ils disaient : Il est hors de lui » (v. 21). Mais on peut se demander si cette phrase ne pourrait pas être comprise de manière positive. Jésus est sorti de lui-même, s’oubliant au point de ne plus pouvoir manger. Il est tout pris par les foules, entouré par ceux qui veulent l’écouter ; il se donne entièrement, il ne s’appartient plus. C’est pourquoi ils veulent se saisir de lui[26].

Quant à Jésus, Marc ne dit pas que Jésus renie sa famille et repousse ses proches. L’Évangile se limite à dire qu’il ne laisse pas la nouvelle famille qu’il a constituée. La visite inopinée de ses familiers lui donne l’occasion de qualifier celles et ceux qui l’entourent comme ses frères et ses sœurs. (v. 34)[27].

Enfin le dernier verset souligne que le simple fait d’être assis en cercle autour de Jésus (v. 34) ne suffit pas. Il faut aussi s’engager pour faire la volonté de Dieu. « En effet, si quelqu’un fait la volonté de Dieu, cette personne-là est mon frère et ma sœur et ma mère » (v. 35). Et, dans cette phrase, il y a aussi un second élément. Si on fait la volonté de Dieu, on est frère ou sœur de Jésus. Mais on est aussi… sa mère. Et dire que ses disciples sont sa mère, c’est suggérer que, comme sa mère naturelle, ils sont appelés à le mettre au monde, à l’engendrer dans le cœur de ceux qu’ils évangéliseront[28].

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (3,20-35)

20 Jésus vient dans une maison, et vient avec lui, de nouveau, une foule, de sorte qu’ils ne pouvaient même pas manger du pain. 21 Et, ayant entendu, les gens de chez lui, sortirent pour se saisir de lui, car ils disaient : « Il est hors de lui ».

22 Et les scribes, qui étaient descendus de Jérusalem, disaient : « Il a Béelzéboul ! » et « Par le chef des démons il chasse les démons ».

23 Et, appelant près de lui les scribes, en paraboles Jésus leur disait :

« Comment peut, Satan, chasser Satan ? 24 Et si un royaume s’est divisé contre lui-même, ce royaume-là ne peut pas se tenir debout. 25 Et si une maison s’est divisée contre elle-même, cette maison-là ne pourra pas se tenir debout. 26 Et si Satan s’est dressé contre lui-même et s’est divisé, il ne peut pas tenir debout, mais une fin il a.

27 Mais personne ne peut, entrant dans la maison de l’homme fort, piller ses biens, si d’abord il n’a pas lié le fort. Alors seulement il pillera sa maison.

28 En vérité, je vous le dis : Toutes les fautes seront pardonnées aux enfants des humains et les blasphèmes qu’ils auront blasphémés. 29 Mais qui a blasphémé contre l’Esprit Saint, n’a pas de pardon pour l’éternité, mais il est coupable d’une faute éternelle ». 30 (Jésus parla ainsi) parce qu’ils disaient : « Il a un esprit impur ! ».

31 Et vient sa mère et ses frères. Et, se tenant dehors, ils envoyèrent vers lui quelqu’un pour l’appeler.

32 Une foule était assise autour de lui. Et ils lui disent : « Voici : ta mère et tes frères et tes sœurs (sont) dehors, ils te cherchent ».

33 Et, leur répondant, il dit : « Qui est ma mère et mes frères ? » 34 Et regardant autour, (vers) ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : « Voici ma mère et mes frères. 35 En effet, si quelqu’un fait la volonté de Dieu, cette personne-là est mon frère et ma sœur et ma mère ».

 

Prière d’ouverture

Me glisser dans ta main

Seigneur, je me donne

comme les fleurs répandent leur parfum

un soir d’été.

Silencieusement, simplement, naturellement.

Personne ne doit s’en apercevoir, pas même moi.

Car ce dont ils « s’aperçoivent » n’existe pas.

Ce n’est que l’éclat de verre de ma vanité,

de mon confort, de mon orgueil.

Je ne veux rien…

Ni prier, ni travailler, ni me taire, ni parler.

Je voudrais seulement

avec une âme toute de souplesse

me glisser comme un outil dans ta main.

Je veux uniquement ce que tu veux.

Et je ne considère pas ma vie comme un sacrifice,

elle ne me paraît pas pénible ou difficile.

Une seule chose est pénible : quand tu n’es pas là[29].

[Monika Timar : 1937-1962, membre d’une communauté qui vit l’idéal cistercien dans la clandestinité à Budapest, sous le régime communiste]

 

Prière des fidèles

* La première lecture nous présente une situation qui se vérifie, hélas trop fréquemment, encore aujourd’hui. Après avoir commis une faute, nous nous comportons comme Adam qui accuse la femme – et indirectement aussi Dieu – comme responsable de ce qu’il a accompli :  « La femme que tu m’as donnée pour compagne, c’est elle qui m’a donné (du fruit) de l’arbre, et j’ai mangé ». Seigneur, aide-nous à reconnaître nos fautes au lieu d’accuser les autres du mal que nous avons commis.

* Le poète du psaume nous aide à regarder vers l’avenir avec confiance. En effet, « avec toi (est) le pardon », et tu nous pardonnes avec une générosité sans fin. Mais le psaume nous indique aussi le chemin à prendre ; tu nous pardonnes, Seigneur Dieu, « pour que tu sois profondément aimé ». Ouvre notre cœur, nous te prions, pour que nous puissions t’aimer généreusement, car avec toi « est l’amour ».

* Paul nous l’a dit : l’essentiel est la foi. C’est la foi qui nous permet de vivre et d’affronter les difficultés de la vie. « Et même si en nous notre corps s’use petit à petit, ce qui est au fond de nous se renouvelle de jour en jour ». Et notre avenir, et notre mort… « nous le savons, celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera, nous aussi, avec Jésus, et il nous placera près de lui ». Accompagne chacune et chacun de nous, Dieu notre Père, sur ce chemin de la foi qui nous permet de vivre, de jour en jour, avec sérénité.

* Jésus, nous le savons, tu es notre frère. Et nous ? Comment vivons-nous cette fraternité ? La page de l’Évangile nous le dit de la façon la plus claire : « si quelqu’un fait la volonté de Dieu, cette personne-là est mon frère et ma sœur ». Donne-nous la force, même dans les petites choses, de faire la volonté de notre Père. C’est ainsi que nous serons vraiment tes frères et tes sœurs. Et nous serons aussi ta maman, des femmes et des hommes qui t’engendrent dans le cœur des personnes que nous rencontrons.

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[1] Cf. G. Ravasi, 500 curiosità della fede, Mondadori, Milano 2009, p. 10s, sous la voix « Adamo ».

[2] Cf. A. Schüle, Die Urgeschichte, Theologischer Verlag, Zürich, 2009, p. 78.

[3] Cf. C. Westermann, Genesi, Edizioni PIEMME, Casale Monferrato, 1989, p. 37.

[4] Ainsi C. Westermann, Genesis, 1. Teilband, Genesis 1-11, Neukirchener Verlag, Neukirchen-Vluyn, 1983, p. 347.

[5] Dans le v. 14, Dieu ne maudit pas le serpent, il constate la condition que le serpent vit. Cf. A. Wénin, Da Adamo ad Abramo o l’errare dell’uomo. Lettura narrativa e antropologica della Genesi. I, Genesi 1,1-12,4, EDB, Bologna, 2008, p. 84.

[6] Il est utilisé seulement en Gen 3,15, No 35,21.22 ; Ez 25,15 et 35,5.

[7] C. Westermann, Genesis, 1. Teilband, Genesis 1-11, Neukirchener Verlag, Neukirchen-Vluyn, 1983, p. 353.

[8] M. Harl, La Bible d’Alexandrie. La Genèse. Traduction du texte grec de la Septante. Introduction et notes, Cerf, Paris, 1986, p. 109.

[9] Ainsi A. Schüle, Die Urgeschichte, Theologischer Verlag, Zürich, 2009, p. 79.

[10] Cf. G. Ravasi, Il libro dei salmi. Commento e attualizzazione. Vol. III (Salmi 101-150), EDB, Bologna, 2015, p. 502ss.

[11] Isaïe 51,10 ; Ezéchiel 27,34 ; Psaume 69,3.15 et 130,1.

[12] Cf. G. Ravasi, Il libro dei salmi. Commento e attualizzazione. Vol. III (Salmi 101-150), EDB, Bologna, 2015, p. 642.

[13] Pour la valeur adversative du premier mot de ce verset, cf. E. Zenger, Psalm 130, dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger, Psalmen 101-150, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2008, p. 568.

[14] Pour la dimension de l’amour dans ce verbe hébreu fréquemment traduit avec « craindre », cf. G. Ravasi, Il libro dei salmi. Commento e attualizzazione. Vol. III (Salmi 101-150), EDB, Bologna, 2015, p. 644. On peut aussi lire H. F. Fuhs, jârê’, dans Grande lessico dell’Antico Testamento, fondato da G. J. Botterweck e H. Ringgren, Vol. III, Paideia, Brescia, 2003, col. 1013ss. A propos de ce verbe, Fuhs (col. 1030) souligne que, surtout dans les psaumes, il évoque Dieu comme une réalité qui nous dépasse, nous surprend et fait jaillir en nous la joie. Cf. Ps 40,4 ; 52,8 ; 64,10.

[15] Pour le verbe « espérer », cf. E.-J. Waschke, qwh, dans Grande lessico dell’Antico Testamento, fondato da G. J. Botterweck e H. Ringgren, Vol. VII, Paideia, Brescia, 2007, col. 889-899.

[16] En effet, en hébreu, au verset 5 nous avons une forme verbale dite « hif’il » qui signifie « décider de se mettre, intensément, dans une attitude d’attente ». Cf. Ch. Barth, jâhal, dans Grande lessico dell’Antico Testamento, fondato da G. J. Botterweck e H. Ringgren, Vol. III, Paideia, Brescia, 2003, col. 708s.  

[17] E. Best, II Corinzi, Claudiana, Torino, 2009, p. 14.

[18] Ainsi G. Barbaglio, Le lettere di Paolo. Traduzione e commento. Volume 1, Borla, Roma, 1980, p. 631.

[19] Pour cette traduction, cf. G. Barbaglio, Le lettere di Paolo. Traduzione e commento. Volume 1, Borla, Roma, 1980, p. 636, note 79.

[20] En grec, au verset 15, cette relation est exprimée par les termes : « he charis » et « eu-charistia ».

[21] G. Barbaglio, Le lettere di Paolo. Traduzione e commento. Volume 1, Borla, Roma, 1980, p. 638.

[22] E. Best, II Corinzi, Claudiana, Torino, 2009, p. 54.

[23] Ainsi M. Quesnel, Deuxième épître aux Corinthiens, dans Le Nouveau Testament commenté, sous la direction de C. Focant et D. Marguerat, Bayard – Labor et fides, Paris – Genève, 2012, p. 786.

[24] Ainsi C. Focant, L’évangile selon Marc, Cerf, Paris, 2004, p. 153.

[25] R. Meynet, L’évangile de Marc, Gabalda, Pendé, 2014, p. 113.

[26] Ibidem, p. 118.

[27] Ibidem p. 111.

[28] Ainsi écrit ibidem, p. 111. Et dans ce texte on cite Saint Jérôme qui, commentant l’Évangile, écrivait : « Ceux-là sont ma mère qui chaque jour m’engendrent dans l’âme des croyants » (Commentaire sur saint Matthieu I,II, 49,261-262).

[29] Le grand livre des prières. Textes choisis et présentés par C. Florence et la rédaction de Prier, avec la collaboration de M. Siemek, Prier – Desclée de Brouwer, Paris, 2010, p. 405.