Eucharistie: 19 septembre 2021

25ème dimanche du Temps Ordinaire — Année B

 

Des individus insultés et mis à mort… comme Jésus

 

Première lecture 

Le livre de la Sagesse a été composé vers les années 30 ou 20 avant Jésus Christ[1]. Son auteur est un juif de la ville d’Alexandrie, sur le delta du Nil, une ville dans laquelle la communauté juive est confrontée avec la civilisation grecque. Parmi ces Juifs, il y a des personnes qui ont abandonné la foi et les enseignements des pères : ils ressentent la difficulté de vivre séparés des autres égyptiens, ils veulent participer pleinement à la vie de la société qui les entoure[2] ; ils font donc cause commune avec les païens et insultent violemment ceux qui restent fidèles à Dieu[3].

La page de ce matin nous présente donc le comportement, les réflexions et les projets de ces personnes qui ont cessé de vivre dans la foi et qui refusent aussi toute norme de justice. Leur identité apparaît dans le verset 12 qui marque le contraste entre ces personnes et le « juste ». Ici, le « juste » est la personne – ou le groupe – qui, dans sa pauvreté, est restée fidèle à Dieu et à ses commandements[4] ; ce juste, ce pauvre, dans son comportement, reproche aux infidèles leurs « transgressions à la loi » – à la loi de Dieu[5] – et leur infidélité à l’éducation reçue. Voilà pourquoi ces personnes décident : « Tendons des pièges au juste, parce qu’il est désagréable envers nous[6], il s’oppose à nos actions ». Ces personnes se sentent critiquées et mises en question par le juste et par son comportement. Son style de vie est différent et, pour ces personnes, il apparaît comme une accusation vivante[7].

En poursuivant son récit, l’auteur de notre livre insiste sur le projet de ces Juifs qui ont refusé leur foi et se rangent à côté des puissants. Ces personnes décident d’accomplir quatre actions dans lesquelles la violence se manifeste de plus en plus : « Voyons si ses paroles sont vraies » (v. 17), « vérifions ce qui se passera à sa fin »[8] (v. 17), « Mettons-le à l’épreuve par l’outrage et la torture, afin de savoir jusqu’où va sa douceur et de vérifier sa constance »[9] (v. 19), « Condamnons-le à une mort honteuse car, d’après ses paroles, quelqu’un interviendra pour lui[10] » (v. 20). Et ces quatre actions sont la réaction de ces Juifs par rapport au juste et à « ses paroles » (vv. 17 et 20)[11].

Parmi les paroles du juste, nous avons surtout celles qui concernent sa relation à Dieu : le juste « se nomme enfant du Seigneur » (v. 13) et « il se vante d’avoir Dieu pour père » (v. 16). Et le verset 18, à travers l’expression « fils de Dieu », insiste sur la relation spéciale d’appartenance à Dieu et d’intimité avec lui. En effet, Dieu prend soin du juste comme de son propre fils et – le juste en est confiant – Dieu viendra le soustraire à ses persécuteurs[12].

Écoutons cette page qui nous présente le destin du juste, un destin très proche de celui vécu par Jésus. Il suffit de penser à la déclaration du verset 18 : « Si le juste est fils de Dieu, celui-ci viendra à son secours et le délivrera de la main de ses adversaires ». Ces mots anticipent les mots des scribes, des anciens et des grands prêtres au moment de la mort de Jésus. Devant Jésus sur la croix, ces personnes se moquaient de lui en disant : « Il a mis en Dieu sa confiance, que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime, car il a dit : “Je suis Fils de Dieu !” (Mt 27,43)[13].

 

Du livre de la Sagesse (2,12. 17-20)

Ceux qui méditent le mal se disent en eux-mêmes :

12 « Tendons des pièges au juste,

parce qu’il est désagréable envers nous,

il s’oppose à nos actions,

il nous reproche nos transgressions à la loi (de Dieu)

et nous accuse d’être infidèles à l’éducation que nous avons reçue.

17 Voyons si ses paroles sont vraies

et vérifions ce qui se passera à sa fin :

18 en effet, si le juste est fils de Dieu,

celui-ci viendra à son secours

et le délivrera de la main de ses adversaires.

19 Mettons-le à l’épreuve par l’outrage et la torture,

afin de savoir jusqu’où va sa douceur

et de vérifier sa constance.

20 Condamnons-le à une mort honteuse,

car, d’après ses paroles, quelqu’un interviendra pour lui en lui rendant visite ».

 

Psaume 

D’après les deux premiers versets, le psaume 54 est la prière de David lorsqu’il était persécuté par Saül. Il avait cherché refuge dans le désert de Ziph, à l’ouest de la Mer Morte, mais les habitants avaient annoncé à Saül sa présence parmi eux (comme on lit dans 1 Sam 23 et 26).

Mais, dans les versets suivants, le psaume oublie entièrement ces données historiques et fait du psaume la prière d’un homme juste, traduit en justice par ses ennemis qui veulent sa condamnation.

Dans les deux premières strophes (vv. 3-4 et v. 5), l’homme prie Dieu et lui demande « rends-moi justice ». Ensuite, il parle à Dieu de ses ennemis : ils sont des gens de son peuple, mais il les qualifie comme des « étrangers ». En effet, l’appartenance à la même ethnie ne suffit pas pour faire d’un homme, d’un violent, d’un « terroriste » (v. 5), un vrai membre de la communauté.

La troisième strophe (vv. 6.8) reprend, en ordre inverse, les mots des deux strophes précédentes : Dieu – ma vie – ton nom. A l’opposé de ceux qui en veulent à ma vie, il y a aussi ceux qui soutiennent ma vie, et Dieu fait de même (v. 6). Quant aux ennemis, à ceux qui m’espionnent injustement, le mal qu’ils accomplissent pourrait – un jour ou un autre – avoir des conséquences négatives sur ses acteurs. En tout cas, Dieu, qui est fidèle à son alliance, va les réduire au silence.

Quant au poète, aujourd’hui persécuté, il est sûr que Dieu ne l’abandonnera pas[14]. Voilà pourquoi il s’engage, dès maintenant, à offrir à Dieu une offrande spontanée, non prévue par le rituel.

Quant à nous, nous aussi menacé(e)s de temps en temps par la violence, laissons-nous prendre – comme le poète du psaume – par la confiance. Voilà pourquoi je peux vous inviter à prendre, comme refrain, ce que le poète dit au verset 6 :

Le Seigneur est parmi ceux qui soutiennent ma vie.

 

Psaume 54 (versets 3-4. 5. 6.8)

3 Dieu, dans ton nom, sauve-moi

et dans ta puissance, rends-moi justice.

4 Dieu, écoute ma prière,

tends l’oreille aux paroles de ma bouche.

Refr. :  Le Seigneur est parmi ceux qui soutiennent ma vie.

 

5 Car des étrangers se sont levés contre moi

et des terroristes en veulent à ma vie,

Ils ne tiennent aucun compte de Dieu.

Pause de réflexion.

Refr. :  Le Seigneur est parmi ceux qui soutiennent ma vie.

 

6 Voici, Dieu vient à mon secours,

le Seigneur est parmi ceux qui soutiennent ma vie.

8 Volontiers, j’offrirai un sacrifice pour toi,

je célébrerai ton nom, Yhwh, car tu es bon.

Refr. :  Le Seigneur est parmi ceux qui soutiennent ma vie.

 

Deuxième lecture

La deuxième lecture nous présente deux petits morceaux de la lettre de Jacques. L’auteur s’adresse d’abord (3,16-18) à ceux qui, dans la communauté chrétienne, pensent être des abashingantahe. Ces personnes pensent connaître la solution pour tous les problèmes et veulent l’imposer aux autres. D’ici leur intransigeance, leur fanatisme, leur esprit de rivalité, leur désir de se dresser au-dessus des autres. Mais la vraie sagesse est autre chose. Elle est « pure » (v. 17), donc sincère et loyale[15]. Elle est aussi « pacifique, douce, conciliante, pleine de bonté et de bons fruits » (v. 17) ; elle est chez ceux et celles « qui font œuvre de paix » (v. 18)[16].

Après ces considérations sur la sagesse et sur la paix, Jacques affronte – dans une nouvelle section (4,1-3) – le thème des passions, les mauvais désirs. Il utilise le terme grec « hêdonê », un mot lié à une racine grecque qui signifie « doux », « agréable ». A l’origine, le terme en question faisait référence au goût et aux plaisirs liés à la nourriture et aux boissons. Mais, ensuite, il a été utilisé pour parler aussi d’autres plaisir, l’amour, le sexe. A l’intérieur du monde juif, ce mot a été employé surtout avec une signification négative : il évoque des plaisirs et des désirs sans aucune limite, le désir de tout avoir, de tout dominer, de s’imposer partout, en détruisant une communauté[17]. Et notre lettre utilise ce mot, au pluriel, pour parler des désirs qu’une personne a de la peine à contrôler, des désirs qui peuvent s’imposer aussi dans la vie des croyants : des croyants tiraillés, des personnes lacérées et divisée intérieurement[18], remplies de désirs contradictoires, d’envies non maîtrisées, insatiables.

C’est ce que Jacques dénonce, clairement, dans le verset 2 : « Vous désirez quelque chose et vous ne pouvez pas l’avoir, alors… vous tuez. Vous avez envie de quelque chose et vous ne réussissez pas à l’obtenir, alors… vous vous lancez dans des conflits et des guerres » [19].

Avant de terminer cette seconde section sur les mauvais désirs, Jacques évoque les conséquences que tout ça a sur la prière. Si un croyant ne sait pas gérer ses désirs, ses prières sont contradictoires et n’ont plus aucun sens : on ne peut pas prier Dieu et lui demander de soutenir une vie contraire à ses principes. En priant de cette façon, dit Jacques à sa communauté, « vous demandez seulement pour satisfaire vos désirs mauvais » (v. 3).

Prenons au sérieux cette mise en garde très directe à propos de ceux qui se considèrent sages et se laissent guider seulement par leurs passions et mauvais désirs.

 

Lecture de la lettre de Jacques (3,16-4,3)

Bien-aimés, 316, là où sont jalousie et esprit de rivalité, là sont aussi le désordre et toutes sortes d’actions mauvaises. 17 Au contraire, la sagesse qui vient d’en haut est d’abord pure, puis pacifique, douce, conciliante, pleine de bonté et de bons fruits, sans partialité et sans hypocrisie. 18 Le fruit de la justice est semé dans la paix par ceux qui font œuvre de paix.

41 D’où viennent les guerres et les conflits parmi vous ? Ils viennent de vos mauvais désirs qui combattent sans cesse au-dedans de vous. 2 Vous désirez quelque chose et vous ne pouvez pas l’avoir, alors… vous tuez. Vous avez envie de quelque chose et vous ne réussissez pas à l’obtenir, alors… vous vous lancez dans des conflits et des guerres. Vous n’avez pas, parce que vous ne savez pas le demander (à Dieu). 3 Vous demandez et vous ne recevez pas parce que vous demandez mal. En effet, vous demandez seulement pour satisfaire vos désirs mauvais.

 

Évangile

Il y a une semaine, nous avons écouté, dans l’Évangile de Marc, Jésus qui annonce, pour la première fois, la nécessité de sa passion (8,31-32). Ce matin, Marc nous présente la deuxième annonce de la passion. « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes, et ils le tueront et, lorsqu’il aura été tué, trois jours après il ressuscitera » (v. 31). Ici, pour la première fois, nous avons une opposition entre « le Fils de l’homme » et « (certains) hommes ». La première expression indique l’homme dans sa plénitude, la seconde évoque – par contraste – les personnes qui refusent le Fils de l’homme en utilisant la violence[20]. Et, dans cette même phrase de l’Évangile, la brutalité de ceux qui refusent Jésus est soulignée avec le double emploi du verbe « tuer ». Les humains vont tuer celui que Dieu leur a donné comme sauveur[21].

Si la première annonce de la passion était suivie de la réaction de Pierre qui réprimande Jésus, la deuxième annonce est suivie de la réaction des disciples : ils « ne comprenaient pas cette parole ». Ils ne comprennent pas et ils refusent d’en savoir. En effet, leurs intérêts sont ailleurs.

A Capharnaüm, à la maison, Jésus interpelle les disciples : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » (v. 33). Le chemin, mentionné ici et aussi dans le verset suivant, est le chemin vers Jérusalem et vers la croix, le chemin sur lequel Jésus donnera la vie. Mais, de ce chemin, qui devrait être un chemin de formation pour apprendre à faire comme Jésus[22], les disciples font toute autre chose : « ils avaient discuté, en chemin, pour savoir qui est le plus grand » (v. 34). Par rapport à Jésus qui pense à un chemin dans lequel donner sa vie pour les autres, les disciples se croient sur un chemin de prééminence[23], ils veulent se situer au-dessus des autres. Pour Jésus, ce qui rend heureux, ce n’est pas se pousser en avant, c’est se mettre au service des autres. Accueillir les autres, surtout les plus faibles, c’est accueillir Dieu lui-même[24].

 

De l’Évangile selon Marc (9,30-37)

30 Et, sortant de là, (Jésus et ses disciples) traversaient la Galilée, et Jésus ne voulait pas qu’on le sache. 31 Car il enseignait ses disciples et leur disait : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes, et ils le tueront et, lorsqu’il aura été tué, trois jours après il ressuscitera ». 32 Mais (les disciples) ne comprenaient pas cette parole et ils avaient peur de l’interroger.

33 Et ils allèrent à Capharnaüm. Et lorsqu’il fut à la maison, Jésus les interrogeait : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » 34 Mais eux se taisaient, car entre eux ils avaient discuté, en chemin, pour savoir qui est le plus grand. 35 Et s’étant assis, il appela les Douze et il leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous ». 36 Et prenant un enfant, il le plaça au milieu d’eux et, le serrant dans ses bras, il leur dit : 37 « Qui accueille en mon nom un de ces enfants, c’est moi qu’il accueille ; et qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé ».

Acclamons la Parole de Dieu.

 

Prière d’entrée

Jésus, battement d’un cœur plein d’amour,

astre incarné dans les ténèbres humaines,

frère qui se sacrifie éternellement

pour reconstruire à nouveau l’homme,

toi, le saint, le saint qui souffre,

toi, maître et frère et Dieu

qui connaît notre faiblesse,

toi, le saint, le saint qui souffre

pour libérer les morts de la mort

et pour nous soutenir,

nous les vivants malheureux :

maintenant mes pleurs

ne sont plus seulement mes pleures,

tu pleures avec moi,

voici, je t’appelle saint,

saint, saint, toi qui souffres[25].

[Giuseppe Ungaretti, pour la mort de son fils en 1939]

 

Prière des fidèles

* Le livre de la Sagesse nous présente le juste et nous dit que « le juste est fils de Dieu ». Aide-nous, Seigneur, à nous engager pour la justice. Seulement en nous comportant ainsi, nous pouvons être vraiment filles et fils de Dieu – comme nous l’avons appris ce matin – et tu viendras à notre secours. Nous te prions.

* Le Psaume nous montre une personne qui est refusée par les siens et menacée par des terroristes. Pourtant, cette personne ne cherche pas à s’armer et à répondre avec la violence. Aide-nous, Seigneur, à apprendre le chemin chanté par le Psaume.

* Tandis que la sagesse des hommes risque de favoriser la concurrence et le chacun pour soi, la sagesse que Jacques nous propose est bien différente : elle est « la sagesse qui vient d’en haut », elle est « douce, conciliante, pleine de bonté et de bons fruits », elle veut construire la bonne entente dans la communauté. Aide-nous, Seigneur, à vivre jour après jour ce que nous avons appris ce matin : à agir dans une douceur pleine de cette sagesse.

* L’Évangile nous bouleverse totalement : chercher la grandeur et s’imposer sur les autres ne remplit pas notre vie. Notre vie n’a du sens que si nous la donnons aux autres, surtout aux plus faibles, comme une maman à ses petits et comme Dieu à chacun et à chacune de nous. Permets-nous, Jésus notre frère, de changer notre regard sur la vie et aussi sur celui que tu nous as appris à appeler « abba, papa ».

 

Prière eucharistique

Hommes

Seigneur notre Dieu,

combien de personnes insultées et tuées

ici et ailleurs, hier et encore aujourd’hui.

Et les oppresseurs, les terroristes font cela

parce qu’ils ne savent pas supporter de voir

une personne qui se conduit selon justice,

une personne dont la vie

n’est pas semblable à celle des autres,

une personne qui suit des sentiers singuliers (Sa 2,15).

 

Femmes

C’est ainsi qu’on tend des pièges au juste,

car son simple comportement est déjà un reproche

pour ceux qui font du mal et transgressent la loi (Sa 2,12).

Et fréquemment,

aux sources du Nil comme au delta à Alexandrie,

le juste est tout simplement le pauvre,

la femme veuve et sans protection,

un vieillard dont on ne respecte même pas les cheveux blancs (Sa 2,10).

 

Ensemble

C’est avec ces personnes menacées ici et ailleurs,

c’est avec ces personnes qui mettent leur confiance en toi,

c’est avec ces personnes que nous voulons te prier :

« Dieu, dans ton nom, sauve-moi

et dans ta puissance, rends-moi justice.

Dieu, écoute ma prière,

tends l’oreille aux paroles de ma bouche » (Ps 54,3s).

Et « volontiers, j’offrirai un sacrifice pour toi,

je célébrerai ton nom, Yhwh » (Ps 54,8)

car de toute détresse tu m’as délivré (Ps 54,9).

Et sachant, comme le poète du psaume,

que tu es toujours auprès de nous

et que, d’une façon toujours surprenante,

toi tu nous délivres de toutes nos détresses,

nous voulons chanter : Saint, saint, saint…

 

Femmes

Dieu fait du neuf, Dieu nous surprend

dans un homme fragile et solidaire,

solidaire avec les marginalisés, les pauvres,

les femmes mal jugées.

Il apporte la bonne nouvelle,

le pardon et la nécessité de changer,

de donner sa vie au lieu de dominer

et asservir les autres.

 

Hommes

C’est en prenant dans ses bras un enfant (Mc 9,36)

qu’il conteste ses disciples avides de pouvoir

et les autorités qui vont décider sa mort.

C’est en prenant dans ses bras un enfant

qu’il nous montre le visage maternel de Dieu,

le visage de Celui qui l’a envoyé (Mc 9,37).

 

Prêtres

En faisant confiance à Celui qui l’a envoyé,

Jésus, mal compris par ses disciples,

poursuit son chemin jusqu’à la fin.

Il sert ses disciples, il leur lave les pieds,

il partage avec eux son dernier repas.

« Et, tandis qu’ils mangeaient,

ayant pris du pain et prononcé la bénédiction,

il le rompit et le leur donna et dit :

Prenez, ceci est mon corps.

Et, en prenant une coupe, il rendit grâce

et la leur donna et ils en burent tous.

Et il leur dit : Ceci est mon sang, le sang de l’alliance,

qui est répandu pour beaucoup.

En vérité, je vous dis que je ne boirai plus

du produit de la vigne jusqu’à ce jour-là

où je le boirai, nouveau,

dans le royaume de Dieu » (Mc 14,22-25).

Avec cette attitude il est sorti affronter la mort.

Il est grand le mystère de la foi…

 

Femmes

En mourant, Jésus notre frère, tu nous as livré l’Esprit,

l’Esprit qui t’a soutenu ta vie durant.

Que ton Esprit puisse nous guider dans notre vie,

ton Esprit et la sagesse qui t’a été donnée

et qui t’a permis d’accomplir, de tes mains,

« des actes de puissance » (Mc 6,2).

De ton Esprit, de ta sagesse, nous en avons besoin :

c’est ainsi que nous pourrons accomplir,

à travers une belle conduite,

des actes dans une douceur pleine de sagesse (Jc 3,13).

 

Hommes

Nous avons besoin de ton Esprit et de ta sagesse

pour ne pas tomber dans un fanatisme amer

et un esprit de rivalité (Jc 3,14),

et pour éviter de nous dresser au-dessus des autres.

Ton Esprit et la sagesse qui vient d’en haut

nous permettra de nous ouvrir au fruit de la justice

qui « est semé dans la paix par ceux qui font œuvre de paix » (Jc 3,18).

 

Femmes

En nous livrant ton Esprit, Jésus,

tu es retourné auprès du Père

et tu nous as précédées à la table du Père.

C’est la table avec le vin nouveau,

c’est la coupe que tu partages avec celles et ceux

qui ont été tués comme toi,

avec celles et ceux qui ont été mis à l’épreuve

« par l’outrage et la torture » (Sa 2,19),

avec celles et ceux que nous avons connus et aimés

et pris dans nos bras de femmes et de mères.

 

Hommes

Dans l’attente de partager avec vous

cette coupe du vin nouveau,

nous voulons confier au bras du Père

nous-mêmes avec tous ceux et celles qui,

ici et ailleurs, sont confrontés à la souffrance.

Le pain et le vin, que nous allons partager dans un instant,

nous donneront la force de nous réconcilier

et de pardonner à ceux qui nous ont fait du mal.

Et c’est ainsi que nous pourrons regarder à la mort,

en sachant que dans la mort, même dans une mort violente,

une « visite » (Sa 2,20) aura lieu pour nous,

une visite de celui qui est Père.

Et c’est à lui que nous voulons chanter :

Notre Père…

 

Prière finale

Même parmi nous, donc,

même sur le chemin qui conduit à Jérusalem,

même à côté des autels,

il y a des compétitions pour être les premiers :

tous cherchent le siège le plus élevé.

Seigneur, réussirons-nous, un jour, à guérir ?

Et toi, au contraire, fils de Dieu, dernier entre tous…

Amen.[26]

[David Maria Turoldo, prêtre et poète, Italie : 1916-1992]

 

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[1] Cf. Vílchez Líndez, Sapienza. Traduzione e commento, Borla, Roma, 1990, p. 62ss.

[2] Cf. A. Schenker, Il libro della Sapienza, Città Nuova editrice, Roma, 1996, p. 49.

[3] Cf. Vílchez Líndez, Sapienza. Traduzione e commento, Borla, Roma, 1990, p. 66.

[4] Le livre de la Sagesse, en 2,10, établit une identité entre le pauvre et le juste. Ici, les infidèles déclarent : « Opprimons le pauvre qui est juste, n’épargnons pas la veuve, et ne respectons pas les cheveux blancs du vieillard chargé d’ans ». Cf. A. Sisti, Il libro della Sapienza, Porziuncola Edizioni, Assisi, 1992, p. 117.

[5] C. Larcher, Le livre de la Sagesse ou la Sagesse de Salomon. Vol. I, Gabalda, Paris, 1983, p. 242.

[6] Cette expression se retrouve littéralement dans la traduction grecque d’Isaïe 3,10. Cf. C. Larcher, O. cit., p. 240s.

[7] Ainsi A. Schenker, Il libro della Sapienza, Città Nuova editrice, Roma, 1996, p. 49.

[8] Le mot grec « ekbasis » n’évoque pas seulement la mort mais aussi toutes les actions et les événements qui accompagnent la fin du juste. Ainsi G. Scarpat, Libro della Sapienza. Volume primo, Paideia, Brescia, 1989, p. 192.

[9] Pour le mot « constance » (en grec « anexikakia »), cf. C. Larcher, O. cit., p. 255.

[10] En grec, cette intervention est exprimée à travers l’image d’une « visite » (en grec « episkopê »). Pour ce mot, cf. G. Scarpat, O. cit., p. 195s.

[11] H. Engel, Das Buch der Weisheit, Katholisches Bibelwerk, Stuttgart, 1998, p. 75.

[12] Ainsi C. Larcher, O. cit., p. 253.

[13] Pour la relation entre Sagesse 2,18, le Psaume 21,9 et Matthieu 27,43, cf. C. Larcher, O. cit., p. 254.

[14] Cf. F.-L. Hossfeld, Psalm 54, dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger, Psalmen 51-100, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2000, p. 92.

[15] Pour l’adjectif « pure », « hagnê » en grec, cf. F. Mussner, La lettera di Giacomo. Testo greco, traduzione e commento, Paideia, Brescia, 1970, p. 247s. Cet auteur renvoie à la traduction grecque de Prov 21,8. Ce verset évoque le contraste entre la voie tortueuse de l’homme déloyal et les actions de l’homme loyal : de ce dernier « pures et droites sont ses œuvres ».

[16] Au verset 18, les derniers mots sont interprétés différemment : parfois, au lieu de traduire « Le fruit de la justice est semé dans la paix par ceux qui font œuvre de paix », on traduit : « Le fruit de la justice est semé dans la paix pour ceux qui font œuvre de paix. Pour une discussion à propos de cette double interprétation, cf. R. Fabris, Lettera di Giacomo. Introduzione, versione, commento, EDB, Bologna, 2004, p. 261s. Cf. aussi M. Nicolaci, Lettera di Giacomo. Introduzione, traduzione e commento, Edizioni San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2012, p. 113.

[17] B. Maggioni, La lettera di Giacomo. Un itinerario di maturità cristiana, Cittadella, Assisi, 1991, p. 115.

[18] Cf. J. Assaël – É. Cuvillier, L’Épître de Jacques, Labor et fides, Genève, 2013, p. 236.

[19] Pour la structure de ces deux phrases du verset, cf. J. Assaël et É. Cuvillier, O. cit., p. 229s.

[20] Cf. J. Mateos – F. Camacho, Il vangelo di Marco. Analisi linguistica e commento esegetico. Vol. 2, Cittadella editrice, Assisi, 2012, p. 338. Ces mêmes auteurs rappellent plusieurs textes dans lesquels l’Ancient Testament utilise la tournure « dans les mains de (certains) hommes » pour mentionner la condition d’une personne maltraitée avec la violence.

[21] La forme passive du verbe « est livré » est un passif divin : le Fils de l’homme est livré par Dieu, c’est Dieu qui le donne aux humains. Cf. R. Pesch, Il vangelo di Marco. Parte seconda. Testo greco, traduzione e commento, Paideia, Brescia, 1982, p. 159.  

[22] A. Guida, Vangelo secondo Marco. Traduzione e commento, dans I Vangeli, a cura di R. Virgili, Ancora, Milano, 2015, p. 633.

[23] C. Focant, L’évangile selon Marc, Cerf, Paris, 2004, p. 356.

[24] Ainsi dans ZeBible, L’autre expérience, Société biblique française – Bibli’O, Villiers-le-Bel, 2011, p. 1750. Cf. aussi B. Standaert, Marco: Vangelo di una notte, vangelo per la vita. Commentario, EDB, Bologna, 2012, p. 524.

[25] G. Ravasi, Preghiere. L’ateo e il credente davanti a Dio, Mondadori, Milano, 2000, p. 257.

[26] D. M. Turoldo – G. Ravasi, « Nella tua luce vediamo la luce”. Tempo ordinario. Solennità del Signore. Feste dei santi, San Paolo, Cinisello Balsamo, 2004, p. 383.