Eucharistie: 26 septembre 2021

26ème dimanche du Temps Ordinaire — Année B

 

« Celui qui n’est pas contre nous est pour nous » (Mc 9,40)

 

Première lecture

En hébreu, le livre des Nombres est dit « Bamidbar », c’est-à-dire « Dans le désert ». Mais ce livre n’évoque pas seulement le cheminement d’Israël dans le désert après la libération de l’esclavage en Égypte. En effet, le voyage « Dans le désert » ce sont aussi les découragements, les révoltes à Dieu et le châtiment qui en est la conséquence : toute une génération mourra dans le désert, dont seuls les descendants sortiront[1]. Voilà le sort d’un peuple qui regarde en arrière et a la nostalgie du passé vécu en Égypte et n’ose pas regarder en avant, vers la promesse d’une terre nouvelle.

La composition du Deutéronome a connu une histoire complexe. Ce livre est le fruit de la réflexion de différents rédacteurs qui ont médité sur le thème primitif des murmures du peuple au désert auxquels ils ont attaché plusieurs événements et souvenirs[2]. C’est ce qui se passe aussi dans le chapitre 11. Ici, il y a le thème de la révolte et du châtiment du peuple (vv. 1-3), le don des cailles et la prière de Moïse qui se sent impuissant à nourrir le peuple. Mais dans ce cadre négatif, il y a une surprise : le don du souffle de Moïse au soixante-dix abashingantahe et aussi à Eldad et Médad.

Les soixante-dix, les abashingantahe se tenaient autour de la tente : ils sont, en quelque sorte, une institution, et ils reçoivent une partie du souffle qui guide l’action de Moïse et ils prophétisent autour de la tente. Au contraire Eldad et Médad « n’étaient pas sortis pour aller vers la tente, et ils se sont mis à prophétiser dans le camp » (v. 26).

Une dernière remarque. Josué, serviteur et successeur de Moïse, celui qui représente pour ainsi dire l’institution, veut que Moïse empêche Eldad et Médad dans leur rôle prophétique. Mais Moïse refuse, il souhaite et annonce une situation entièrement différente : « une prophétie libre[3] », donnée – par Dieu – à tous. Enorme l’ouverture de Moïse : « si tout le peuple de Yhwh devenait un peuple de prophètes… » (v. 29).

 

Lecture du livre des Nombres (11,24-30)

24 Et est sorti de la tente, Moïse, et il a dit au peuple les paroles de Yhwh. Et il a rassemblé soixante-dix hommes, parmi les abashingantahe du peuple, et il les a fait se tenir tout autour de la tente. 25 Et est descendu, Yhwh, dans la nuée et il a parlé à Moïse ; et il a enlevé du souffle qui était sur Moïse et il l’a donné aux soixante-dix hommes, les abashingantahe. Et il y a eu : quand s’est posé sur eux le souffle, ils se sont mis à prophétiser, mais ils n’ont pas continué.

26 Et deux hommes sont restés dans le camp : le nom de l’un Eldad, le nom de l’autre Médad. Et s’est posé sur eux le souffle – ils étaient, eux aussi, inscrits sur la liste des soixante-dix, mais ils n’étaient pas sortis pour aller vers la tente – et ils se sont mis à prophétiser dans le camp.

27 Et a couru, le garçon, et il a parlé à Moïse et il a dit : « Eldad et Médad sont en train de prophétiser dans le camp ! » 28 Et a répondu, Josué, fils de Noun – lui qui est assistant de Moïse depuis sa jeunesse – et il a dit : « Mon maître Moïse, arrête-les ! » 29 Et Moïse lui a dit : « Est-ce que tu serais jaloux – toi, pour moi – si tout le peuple de Yhwh devenait un peuple de prophètes et si Yhwh donnerait son souffle sur eux ? ». 30 Et se retire, Moïse, vers le camp, lui et les abashingantahe d’Israël.

 

Psaume

Le psaume 19 est composé de trois parties, chacune commence avec un mot qui indique le thème de la section[4].

* La première (vv. 2-7) commence en évoquant « la gloire », l’action glorieuse de Dieu dans la création :  « les cieux racontent la gloire de Dieu et le firmament proclame l’œuvre de ses mains » (v. 2). Et le soleil, le soleil qui est le reflet de la beauté et de la majesté de Dieu, est déjà une interpellation que Dieu nous adresse[5].

* La deuxième partie (vv. 8-11) parle de l’instruction que Dieu donne à son peuple. Et au thème de l’instruction le poète ajoute d’autres termes : témoignage, préceptes, commandement, parole[6] et décision. Chacun de ces termes est loué dans une phrase, tandis que la phrase suivante en souligne l’efficacité[7]. C’est ainsi que l’instruction que Dieu nous donne est qualifiée comme « parfaite », et elle est efficace : en effet elle « redonne la force de vivre ». Quant au témoignage de Dieu, il « est digne de confiance » et, dans son efficacité, il « rend sage une personne simple ».

* Dans la troisième partie (vv. 12-14), le poète parle de soi-même ; il se présente comme un « serviteur » de Yhwh, un serviteur qui dans la révélation donnée par Dieu trouve un grand avantage. En effet, l’instruction que le poète a reçue de Dieu lui permet de trouver une orientation dans la vie en évitant au moins certaines fautes accomplies consciemment. Quant aux fautes desquelles le fidèle n’a pas conscience, le poète demande à Dieu son pardon (v. 13).

Mais le serviteur reste fragile : l’orgueil[8] peut s’imposer sur lui ; il peut le pousser à se rebeller à Dieu. Devant ce danger, du cœur du poète jaillit la prière : que l’orgueil « ne domine pas sur moi et je serai « innocent d’une abondante rébellion » (v. 14).

Après avoir écouté chacune des quatre strophes qu’on lira ce matin, la liturgie nous propose, comme refrain, une phrase du verset 9 :

Les préceptes de Yhwh sont droits,
ils rendent le cœur joyeux.

 

Psaume 19 (versets 8.10.12-13.14)

8 L’instruction de Yhwh est parfaite,

elle redonne la force de vivre.

Le témoignage de Yhwh est digne de confiance,

il rend sage une personne simple.

Refr. : Les préceptes de Yhwh sont droits,

ils rendent le cœur joyeux.

 

10 La parole de Yhwh est pure et sans tache,

elle reste sans cesse valable.

Les décisions de Yhwh sont vraies,

toutes, elles sont justes.

Refr. : Les préceptes de Yhwh sont droits,

ils rendent le cœur joyeux.

 

12 Ton serviteur lui-même est illuminé par tes décisions :

pour qui en prend soin l’avantage est grand !

13 Les transgressions, qui est capable de les reconnaître ?

Quant à moi, pardonne-moi les fautes que je ne vois pas !

Refr. : Les préceptes de Yhwh sont droits,

ils rendent le cœur joyeux.

 

14 Éloigne aussi ton serviteur de l’orgueil :

qu’il ne domine pas sur moi ;

alors je serai parfait

et innocent d’une abondante rébellion.

Refr. : Les préceptes de Yhwh sont droits,

ils rendent le cœur joyeux.

 

Deuxième lecture

Vers la fin de sa lettre, Jacques s’adresse une nouvelle fois aux riches. Et il leur adresse un discours très dur, très sévère[9]. En effet, il commence avec ces deux impératifs : « Pleurez, hurlez sur les malheurs qui vont s’abattre sur vous ! » (v. 1).  Ces deux verbes, pleurer et hurler, évoquent les cris aigus, suraigus, de la lamentation funèbre[10]. Mais pourquoi les riches doivent se comporter de cette façon ? Parce que leur vie est sous le signe de la mort et les riches sont appelés à porter le deuil sur eux-mêmes[11]. En effet, la richesse trompe les riches qui mettent en elle leur confiance. La richesse, « dévorera vos chairs comme un feu » (v. 3). Et ce verbe au futur qualifie le temps présent comme « les derniers jours » (v. 3), comme le temps dans lequel Dieu va intervenir dans la vie des hommes.

Après avoir mentionné la richesse, l’or et l’argent et les trésors des riches (vv. 2-3), Jacques s’arrête sur les moyens utilisés – par les riches – pour s’enrichir (vv. 4-6). Les riches profitent des pauvres, des ouvriers et de leurs fatigues. En effet, les pauvres travaillent sur les champs des riches, mais ils ne reçoivent pas leurs salaires. Et Jacques dit aux riches : « Voici le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs » (v. 4). Ce salaire est soustrait aux pauvres, ce salaire est « retenu par vous » (v. 4). Par conséquent, ce salaire, que les riches gardent dans leurs propres maisons, « krazei » c’est-à-dire « il crie » dans les maisons des riches, il crie vers Dieu. Et le cri de cet argent volé aux pauvres se mêle aux « clameurs des moissonneurs » (v. 4), des clameurs qui « sont parvenues et restent vivantes[12] aux oreilles du Seigneur ».

Mais pourquoi les riches refusent de donner le salaire aux moissonneurs ? Jacques le dit clairement avec trois verbes : « Vous avez vécu dans le luxe sur la terre, vous avez mené une vie de plaisirs, vous avez rassasié vos cœurs » (v. 5).

En évoquant le comportement des riches qui s’engraissent comme des bêtes, Jacques ajoute un dernier détail : « vous avez rassasié vos cœurs … (comme des bêtes) pour le jour de l’abattage » (v. 5). Avec ces derniers mots, Jacques cite Jérémie 12,3. Ici, le prophète fait référence au jugement de Dieu devant les injustices commises par les méchants[13].

Et la page se termine en résumant – avec deux verbes – le comportement des riches. A travers votre comportement, vous, les riches, « Vous avez condamné, vous avez tué le juste » (v. 6). Et ici, l’expression « le juste » est utilisée pour parler du pauvre, le pauvre traité injustement par les riches. Contre les riches, le pauvre ne peut pas résister ; même s’il s’adresse aux juges, il n’est pas écouté. Le pauvre – sans opposer aucune résistance aux injustices du riche – ne peut que mettre son espoir en Dieu[14]. C’est le comportement évoqué dans le psaume 37,39-40.

Un dernier détail : à travers l’expression « le juste », Jacques évoque Jésus comme modèle, le modèle du juste par excellence. Mais Jacques pense aussi à tous ceux et à toutes celles qui se comportent conformément à la parole de Jésus qui disait : « Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil et dent pour dent. Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre » (Mt 5,38-39)[15].

 

Lecture de la lettre de saint Jacques (5,1-6)

1 Quant à vous, maintenant, vous les riches : pleurez, hurlez sur les malheurs qui vont s’abattre sur vous ! 2 Votre richesse est pourrie, définitivement, et vos vêtements de luxe sont dévorés – pour toujours – par les vers. 3 Votre or et votre argent sont rouillés définitivement, et leur rouille servira de témoignage contre vous, elle dévorera vos chairs comme un feu. Vous avez ramassé des trésors alors que nous sommes dans les derniers jours!

4 Voici le salaire des ouvriers qui ont moissonné vos champs : retenu par vous, il crie, et les clameurs des moissonneurs sont parvenues et restent vivantes aux oreilles du Seigneur tout-puissant.

5 Vous avez vécu dans le luxe sur la terre, vous avez mené une vie de plaisirs, vous avez rassasié vos cœurs pour le jour de l’abattage. 6 Vous avez condamné, vous avez tué le juste : sans qu’il vous résiste.

 

Évangile

Dimanche passé, l’Évangile de Marc nous a parlé des disciples qui discutaient « en chemin, pour savoir qui est le plus grand » (9,34). Ce matin, dans la première partie du récit (vv. 38-40), le thème est encore celui de la domination, la domination d’un groupe qui veut exclure d’autres personnes.

Marc, qui nous a présenté les disciples incapables de libérer un enfant victime d’une puissance négative (9,18), ce matin nous parle des mêmes disciples qui, voyant un homme chassant des démons, veulent l’empêcher « parce qu’il ne nous suivait pas » (v. 38). Les disciples ont des prétentions extraordinaires : il faut se mettre à leur suite, non à la suite de Jésus.

En prétendant d’être suivis, les disciples sont l’illustration vivante de la possibilité d’être loin de Jésus tout en faisant partie du groupe qui le suit[16].

Dans sa réaction, Jésus exprime d’abord sa confiance envers ceux qui agissent en faisant référence à lui. Il pense que, si une personne fait référence à lui en accomplissant un acte de libération, cette personne sera cohérente et ne dira pas du mal de lui, donc elle ne refusera pas Jésus et son message.

Enfin, la dernière phrase de cette section nous montre l’ouverture de Jésus. Ici Jésus prend ses distances par rapport aux disciples qui voulaient être les premiers dans le groupe. Jésus ne veut pas se mettre au-dessus du groupe. Au contraire, il se met au même niveau des disciples, il fait groupe avec les disciples, un groupe qu’il évoque avec le pronom « nous »[17]. Et devant un inconnu qui s’engage en faveur des humains, il déclare : « celui qui n’est pas contre nous est pour nous » (v. 40). Si des personnes, même sans faire référence à Jésus, luttent contre le mal et s’engagent en faveur des humains, ces personnes sont – consciemment ou non – ouvertes envers la communauté et solidaires avec elle. La communauté doit donc reconnaître et apprécier la coopération avec ces personnes dans la lutte contre les forces du mal[18].

Après cette première section, la seconde (vv. 41ss) nous présente le choix entre deux formes de comportement. L’une positive, l’autre négative.

Le comportement positif, le comportement orienté vers l’accueil et vers le service des autres, les chrétiens peuvent le rencontrer partout. C’est le cas d’un non-croyant qui accueille un missionnaire en voyage et lui donne un verre d’eau. Jésus nous assure : « celui qui vous donnera à boire un verre d’eau en mon nom, parce que vous êtes du Christ, en vérité, je vous le dis, il ne perdra pas sa récompense » (v. 41).

Pour ce qui en est du comportement négatif, Jésus en parle en utilisant le verbe grec « skandalizo » qui signifie scandaliser, mettre un obstacle devant le pied d’une personne et provoquer sa chute, faire tomber une personne dans le péché, rendre tremblante sa foi. Pour évoquer les dangers qu’un individu peut rencontrer dans sa vie de croyant, Jésus fait référence à trois membres du corps : la main, le pied, l’œil. Aucun organe humain, si précieux soit-il, ne mérite d’être conservé s’il blesse l’autre et empêche l’entrée dans le royaume de Dieu[19]. La décision de renoncer à une main, à un pied et à un œil évoque les actions, les orientations et les désirs[20] auxquels un croyant doit renoncer s’ils représentent un obstacle pour la foi d’un frère ou d’une sœur.

Si le croyant ne prend pas cette décision, il se réduit à rien, il se réduit à un déchet comme tous les déchets qu’on jetait dans la « gêhinnâm » (une vallée à Jérusalem), pour les brûler[21]. Au contraire, la décision de renoncer à ces actions, à ces orientations et à ces désirs, ouvre au croyant le chemin pour la vie, « la vraie vie » (vv. 43 et 45), et pour « le Royaume de Dieu » (v. 47).

 

Lecture de l’Évangile selon Marc (9,38-43.45.47-48)

38 Jean, (l’un des Douze), dit à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un qui chassait des démons en ton nom et nous avons cherché à l’empêcher parce qu’il ne nous suivait pas ». 39 Mais Jésus dit : « Ne l’empêchez pas, car il n’y a personne qui fera un acte de puissance en mon nom et qui pourra, juste après, dire du mal de moi. 40 En effet, celui qui n’est pas contre nous est pour nous ».

41 En effet, celui qui vous donnera à boire un verre d’eau en mon nom, parce que vous êtes du Christ, en vérité, je vous le dis, il ne perdra pas sa récompense.

42 Et celui qui sera une occasion de chute pour l’un de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une grosse pierre et qu’on le jette à la mer.

43 Et si ta main est, pour toi, une occasion de chute, coupe-la. Mieux vaut pour toi entrer dans la (vraie) vie avec une seule main plutôt que – en ayant les deux mains – t’en aller dans le lieu de souffrance, là où la souffrance brûle toujours comme un feu.

45 Et si ton pied est, pour toi, une occasion de chute, coupe-le. Mieux vaut pour toi entrer dans la (vraie) vie avec un seul pied plutôt que – en ayant les deux pieds – être jeté dans le lieu de souffrance.

47 Et si ton œil est, pour toi, une occasion de chute, arrache-le. Mieux vaut pour toi entrer dans le Royaume de Dieu avec un seul œil plutôt que – en ayant les deux yeux – être jeté dans le lieu de souffrance. 48 Là, les vers ne meurent pas et la souffrance brûle toujours comme un feu ».

 

Prière d’entrée

Seigneur, me voici devant Toi

avec les hommes et les femmes qui me ressemblent

comme des frères et des sœurs :

les pauvres types qui voudraient bien en sortir

mais qui n’en sortent pas : les drogués, les paumés,

les femmes de « mauvaise vie »,

tous ceux qui n’arrivent pas à résister au mal,

qui volent et qui tuent,

tous ceux qui ont perdu la foi, l’espérance, la charité…

et qui en souffrent.

 

Seigneur, Tu nous regardes encore

de ce regard d’amour

que Tu as jeté sur la femme adultère,

sur la Samaritaine, sur Marie-Madeleine,

sur le brigand pendu près de Toi.

Des profondeurs où nous sommes enfoncés,

Seigneur, nous crions vers Toi :

sauve-nous, puisque Tu nous aimes.

 

Seigneur, Tu l’as dit,

Tu n’es pas venu pour les justes,

mais pour les pauvres,

pour les malades, pour les pécheurs, pour nous.

 

Seigneur, je confie nous tous à Toi,

car je suis sûre de Toi,

je suis sûre que Tu nous sauves,

je suis sûre qu’à chacun de nous, les pauvres types,

Tu vas dire le jour de notre mort :

Tu seras ce soir avec moi dans le Paradis,

car il y aura un soir où Tu nous revêtiras de Toi, Amen.

[Sœur Emmanuelle, petite sœur des chiffonniers : 1908-2008]

 

Prière des fidèles

* Le livre des Nombres nous montre Dieu qui interpelle son peuple même au dehors des structures et de l’institution. Aide-nous, Seigneur, à reconnaître la parole que tu nous adresses à travers chacun de nos frères, croyants ou non-croyants.

* Seigneur, nous sommes faibles comme le poète du psaume. Et comme lui, nous te demandons : éloigne-nous de l’orgueil, du plaisir de nous imposer sur les autres. En effet, l’orgueil casse nos relations avec eux et avec toi, Seigneur. Au lieu de l’arrogance, donne-nous délicatesse et tendresse, et aussi la disponibilité à écouter ta parole, car « elle redonne la force de vivre ».

* Dans sa lettre, Jacques nous aide à découvrir ce qui se cache dans le désir d’amasser de l’argent : vivre « dans le luxe sur la terre », mener « une vie de plaisirs ». Et, pour obtenir ces résultats, hélas trop fréquemment, il y a des ouvriers privés de leur salaire et des justes qui risquent d’être tués. Aide-nous, Seigneur, à nous rendre solidaires avec les personnes victimes de l’injustice.

* Dans l’Évangile, Jésus conteste les apôtres qui veulent empêcher l’action de celui qui ne les suivait pas. Jésus est tolérant et il exige de nous la tolérance. Il est un homme ouvert et il exige de nous l’ouverture. Aide-nous, Seigneur, à découvrir le côté positif des actions accomplies par les autres.

 

Prière eucharistique

Hommes

Tu es un Dieu étrange et imprévisible,

et tu nous apparais surprenant

dans chaque page de la Bible.

C’est ainsi qu’un peuple rebelle,

un peuple qui suscite ta colère,

tu le surprends avec ton souffle,

le souffle pris de Moïse et donné aux abashingantahe.

Et ces hommes de la tradition,

au moins pour un moment,

se sont faits prophètes (Nb 11,25).

 

Femmes

Et deux hommes qui devaient se présenter à la tente

mais qui sont restés dans le camp,

tu les as embrassés de ton souffle, eux aussi,

et ils se sont faits prophètes.

Et Moïse, au lieu de les empêcher, s’en réjouit et souhaite :

pas seulement ces deux, mais que tout le peuple de Yhwh

devienne « un peuple de prophètes ! » (Nb 11,29).

 

Ensemble

Et ce matin, cet espoir de Moïse,

nous le partageons, nous aussi.

Notre rêve est un monde dans lequel

chaque humain s’ouvre à ta parole,

car ta parole « est pure et sans tache » (Ps 19,10)

et l’instruction que tu donnes « est parfaite,

elle redonne la force de vivre » (Ps 19,8).

Voilà pourquoi à ce Dieu qui nous parle et nous fait vivre,

à ce Dieu surprenant et trois fois saint,

nous voulons chanter en disant :

Saint, saint, saint…

 

Femmes

Jésus, notre frère, tu es venu au nom du Seigneur,

dans ta faiblesse nous découvrons le visage de Dieu,

dans ta présence parmi ceux et celles qui se présentent au Baptiste

pour avouer leurs fautes et se faire baptiser,

nous découvrons ta solidarité avec les ultimes de ce monde

et nous découvrons la tendresse avec laquelle

Dieu nous accueille et nous embrasse.

 

Hommes

Jésus, à nous qui sommes tes frères,

à nous comme à tes disciples autrefois,

tu nous apprends nos limites.

Aux douze et à tous ceux qui veulent limiter les actions des autres

parce qu’ils ne nous suivent pas,

tu déclares : « Ne l’empêchez pas,

car celui qui n’est pas contre nous est pour nous (Mc 9,39-40).

 

Femmes

Jésus, dont nous sommes les sœurs,

tu es un homme ouvert.

Tu accueilles les femmes qui,

malgré la résistance des disciples,

osent te présenter leurs enfants (Mc 10,13).

Tu es un homme ouvert, toi qui

– conscient d’être envoyé aux brebis perdues de la maison d’Israël –

tu sais accepter la requête d’une femme païenne

et la libérer de sa souffrance de maman (Mc 7,24-31).

 

Hommes

Jésus, tu es un homme ouvert, tolérant,

capable d’accepter la réalité jusqu’à la fin.

Tu as accepté à ta table, encore à ton dernier souper,

celui qui allait te livrer aux grands-prêtres.

Tu as accepté de partager ta table avec Simon,

un homme qui, avant que le coq ne chante,

allait te renier trois fois.

Tu as partagé le même repas avec des disciples qui,

quelques heures plus tard, au jardin des Oliviers,

t’abandonnant « s’enfuirent tous » (Mc 14,50).

 

Prêtres

Pendant ce même repas, « Jésus prit du pain et,

après avoir prononcé la bénédiction,

il le rompit ; puis, le donnant aux disciples, il dit :

Prenez, mangez, ceci est mon corps,

ma vie partagée avec vous.

Et prenant une coupe, après avoir rendu grâce,

il la leur donna en disant : Buvez-en tous,

car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance,

versé pour la multitude, pour le pardon des errements.

Je vous le dis : je ne boirai plus désormais

de ce fruit de la vigne jusqu’au jour

où je le boirai, nouveau, avec vous,

dans le Royaume de mon Père » (Mt 26,26-29).

Il est grand le mystère de la foi…

 

Femmes

En mourant, nous dit l’Evangile,

Jésus, nous a livré son souffle (Jn 19,30).

C’est le souffle de celui qui avait tout accompli,

le souffle de celui qui est monté auprès du Père

et grâce auquel son Père est notre Père

et son Dieu est notre Dieu (Jn 20,17),

le Père et le Dieu de nous toutes et tous

et de toutes les communautés dispersées dans le monde.

 

Hommes

C’est le souffle qui – reconnu, pressenti ou non encore découvert –

anime ceux et celles qui s’engagent pour la justice,

la solidarité, la tolérance et le respect des autres.

C’est le souffle dont nous avons besoin

pour ne pas nous laisser fasciner par les richesses,

pour ne pas rechercher le luxe et les plaisirs (Jc 5,5).

De ce souffle, nous en avons besoin

pour vivre solidaires avec les marginalisé(e)s,

les personnes accusées injustement

et qui risquent, parce qu’elles sont justes,

de mourir assassinées par les riches et les gens du pouvoir (Jc 5,6).

 

Ensemble

C’est le souffle qui a animé jusqu’à la mort ceux et celles qui nous ont précédé(e)s,

le souffle qui a encouragé ceux et celles qui ont été tué(e)s,

ici et ailleurs dans le monde,

ceux et celles avec lesquelles nous pourrons,

avec Jésus et ses disciples d’hier et d’aujourd’hui,

boire le vin nouveau dans le Royaume du Père,

de son Père et de notre Père.

A lui, en nous unissant toutes et tous ensemble,

nous voulons dire notre remerciement

et aussi la prière que Jésus nous a apprise :

Notre Père…

 

Prière finale

Dieu, tu es un père toujours à l’œuvre

et ton Christ est dispersé par toute la terre,

– un Dieu habillé d’humanité –

et ton Esprit est comme le vent

qui souffle où maintenant il souffle,

et ton règne arrive à l’improviste…

Seigneur, permet-nous d’avertir son arrivé

et de lui faire confiance.

Amen[22].

[David Maria Turoldo, prêtre et poète, Italie : 1916-1996]

 

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[1] Cf. H. Meschonnik, Dans le désert. Traduction du livre des Nombres, DDB, Paris, 2008, p. 8.

[2] Cf. J. de Vaulx, Les Nombres, Gabalda, Paris, 1972, p. 149.

[3] Ainsi H. Seebass, Numeri, vol. II, Neukirchener Verlag, Neukirchen, 2003, p. 53.

[4] Cf. E. Zenger, I Salmi. Preghiera e poesia, vol. 1. Col mio Dio scavalco muraglie, Paideia, Brescia, 2013, p. 168s.

[5] B. Piacentini, I Salmi. Preghiera e poesia, Paoline, Milano, 2012, p. 138.

[6] Les manuscrits hébreux utilisent le mot « crainte » qu’on doit nécessairement corriger en « parole » ou « déclaration solennelle ». Cf. G. Ravasi, Il libro dei salmi. Commento e attualizzazione. Vol. I (Salmi 1-50), EDB, Bologna, 2015, p. 352 et 365.

[7] F.-L. Hossfeld, Psalm 19, dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger, Die Psalmen. Bd I, Ps 1-50, Echter, Würzburg, 1993, p. 133s. Cf. aussi E. Zenger, I Salmi. Preghiera e poesia, vol. 1. Col mio Dio scavalco muraglie, Paideia, Brescia, 2013, p. 171.

[8] Pour le terme traduit avec « orgueil », cf. G. Ravasi, Il libro dei salmi. Commento e attualizzazione. Vol. I (Salmi 1-50), EDB, Bologna, 2015, p. 367. Cf. aussi L. Alonso Schökel, I Salmi, vol. 1, Borla, Roma, 1992, pp. 394 et 405.

[9] Cf. Maggioni, La lettera di Giacomo. Un itinerario di maturità cristiana, seconda edizione, Cittadella editrice, Assisi, 1991, p. 137.

[10] J. Assaël et É. Cuvillier, L’épître de Jacques, Labor et fides, Genève, 2013, p. 241.

[11] Cf. F. Vouga, Épître de saint Jacques, Labor et fides, Genève, 1984, p. 127.

[12] Le verbe utilisé par Jacques présente les clameurs des moissonneurs comme des clameurs qui sont entrées dans les oreilles du Seigneur et qui restent auprès de lui : il les a entendues et il va y répondre. Cf. F. Vouga, Épître de saint Jacques, Labor et fides, Genève, 1984, p. 130.

[13] Cf. M. Nicolaci, Lettera di Giacomo. Introduzione, traduzione e commento, Edizioni San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2012, p. 133.

[14] Cf. Schnider, La lettera di Giacomo, Morcelliana, Brescia, 1992, p. 177.

[15] F. Mussner, La lettera di Giacomo. Testo greco, traduzione e commento, Paideia, Brescia, 1970, p. 285.

[16] Ainsi C. Focant, L’évangile selon Marc, Cerf, Paris, 2004, p. 360.

[17] J. Mateos – F. Camacho, Il vangelo di Marco. Analisi linguistica e commento esegetico. Vol. 2, Cittadella, Assisi, 2012, p. 361.

[18] Cf. D. Focant, Évangile selon Marc, dans Le Nouveau Testament commenté, sous la direction de C. Focant et D. Marguerat, Bayard – Labor et fides, Paris – Genève, 2012, p. 203.

[19] Ainsi C. Focant, Évangile selon Marc, dans Le Nouveau Testament commenté, sous la direction de C. Focant et D. Marguerat, Bayard – Labor et fides, Paris – Genève, 2012, p. 204.

[20] Notre « main » peut nous permettre d’aider les autres, comme la main de Jésus, mais aussi, parfois, de leur faire du mal. Notre « pied » peut nous orienter sur le chemin avec Jésus qui a donné sa vie, mais il peut aussi nous mettre sur un autre chemin. Et notre « œil » peut nous susciter des désirs d’accueillir ou, à l’opposé, de refuser les projets de Dieu. Cf. J. Mateos – F. Camacho, Il vangelo di Marco. Analisi linguistica e commento esegetico. Vol. 2, Cittadella, Assisi, 2012, p. 370ss.

[21] J. Mateos – F. Camacho, Il vangelo di Marco. Analisi linguistica e commento esegetico. Vol. 2, Cittadella, Assisi, 2012, p. 371, note 1.

[22] D. M. Turoldo – G. Ravasi, « Nella tua luce vediamo la luce ». Tempo ordinario, solennità del Signore, feste dei Santi. Commento alle letture liturgiche, San Paolo, Cinisello Balsamo, 2004, p. 389.