Eucharistie: 3 octobre 2021

 27ème dimanche du Temps Ordinaire — Année B

 

L’autre : un don, toujours surprenant, de Dieu

 

Première lecture

C’est probablement vers la moitié du dixième siècle avant Jésus Christ, à l’époque de David ou de Salomon, qu’un grand écrivain compose la page que nous allons écouter ce matin. Cet auteur réfléchit sur la condition humaine. Elle ne se réalise pas dans la solitude. Voilà pourquoi le narrateur fait dire à Dieu lui-même : « II n’est pas beau – pour l’humain, fragile et terrestre – d’être seul » (v. 18).

Même si l’homme est entouré des animaux qui l’aident dans ses activités, Dieu (sujet sous-entendu dans le verset 20) « pour l’humain fragile et terrestre ne trouve pas une aide comme son vis-à-vis ». Après ce constat, voilà que Dieu donne à l’homme la femme.

La femme pour l’homme, comme l’homme pour la femme, doit être une aide comme son vis-à-vis. La relation entre les deux n’est pas celle d’un seigneur et d’une servante. Le texte le souligne très clairement : l’homme peut appeler les animaux, leur donner un nom, leur imposer son autorité. Mais dans le cas de la femme, ce n’est pas l’homme qui l’appelle, qui exerce une autorité sur elle. Elle – nous dit le narrateur – « sera appelée » (v. 23) par Dieu. Seulement Dieu peut avoir autorité sur elle. L’homme peut seulement constater que la femme est faible comme lui, elle est chair et faiblesse comme lui. Et en reconnaissant la faiblesse de sa partenaire, en l’acceptant et en la caressant, l’homme reconnaît aussi sa propre faiblesse et se réconcilie avec elle. Mais dans le couple chacun découvre aussi que l’autre est « os de mes os » (v. 23). Dans l’autre il y a donc une solidité, une profondeur égale, une solidité qui dure et qui peut durer même au-delà de la mort. Et dans une rencontre d’amour, en se livrant à l’autre, « l’humain – fragile et terrestre – et sa femme » (v. 25) s’accueillent réciproquement comme personnes fragiles (chair) et, en même temps, constantes et solides (os).

Une dernière remarque. Au verset 21, nous avons – en hébreu – le mot « tardéma ». C’est un mot rare, il évoque un sommeil spécial, un sommeil à la fin duquel une personne se réveille devant une surprise. Le souhait que le narrateur nous livre avec ce mot, c’est que chacun et chacune de nous, devant son partenaire puisse toujours être surpris ou surprise par le don que l’autre est pour nous.

 

Du livre de la Genèse (2,18-25)

18 Et dit Yhwh Elohim : « II n’est pas beau – pour l’humain, fragile et terrestre – d’être seul. Je ferai pour lui une aide comme son vis-à-vis ». 19 Et Yhwh Elohim modèle, à partir de la terre, tout animal de la campagne et tout oiseau des cieux, et il les fait venir vers l’être humain, fragile et terrestre, pour voir comment il les appellera. Et tout ce que l’humain, fragile et terrestre appelle comme nom pour un être vivant, cela devra être son nom. 20 Et appelle, l’humain fragile et terrestre, des noms pour toute bête et pour l’oiseau des cieux et pour tout animal de la campagne, mais pour l’humain fragile et terrestre il ne trouve pas une aide comme son vis-à-vis. 21 Et fait tomber, Yhwh Elohim, un sommeil spécial sur l’humain, fragile et terrestre, qui s’endort. Et il prend l’une de ses côtes et referme la chair à sa place. 22 Et bâtit, Yhwh Elohim, la côte qu’il avait prise à l’humain, fragile et terrestre, en une femme et il la fait venir vers l’humain fragile et terrestre. 23 Et dit, l’humain fragile et terrestre : « Cette fois, celle-ci, os de mes os et chair de ma chair. Celle-ci sera appelée Isha, femme, car de l’homme – Ish – elle a été prise ».

24 C’est pourquoi un homme abandonne son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair. 25 Et les deux sont nus, l’humain – fragile et terrestre – et sa femme, sans se faire mutuellement honte.

Parole du Seigneur.

 

Psaume

 Le psaume 128 fait partie des « chants des montées », des chants qui accompagnaient ceux et celles qui se rendaient à Jérusalem et au mont Sion.

Sur ce chemin vers Jérusalem, il y a un homme qui n’est pas au pouvoir, il n’appartient pas à l’élite culturelle ou à la classe sacerdotale. C’est un homme du peuple, un croyant qui, comme chacune et chacun de nous, veut être fidèle à Dieu et se comporter d’après sa volonté. Et le poète du psaume – dans la première strophe – lui adresse le mot « ’ashréi », c’est-à-dire « heureux et en marche ! » (vv. 1 et 2).

Dans la deuxième strophe (v. 3), la personne qui vit une profonde relation avec Dieu nous est présentée comme une personne vraiment épanouie, une personne qui vit une relation harmonieuse avec Dieu mais aussi avec le monde, avec les autres et avec soi-même[1]. Son travail permet – à lui et à sa famille – de se nourrir autour de sa table. Pour lui, sa femme est comme « une vigne féconde » (v. 3) qui le remplit de joie.

Enfin, dans la troisième strophe (vv. 4-6), son regard vers l’avenir est plein de confiance. Son intimité avec Dieu sera toujours sous la bénédiction. Et le poète du psaume peut lui dire : « Que Yhwh te bénisse depuis Sion ! Que tu puisses voir le bien de Jérusalem tous les jours de ta vie ! (v. 5). Et le psaume se termine avec un second souhait adressé, directement, à la personne qui respecte profondément le Seigneur : « Que tu puisses voir les fils de tes fils ». Quant à ta vie dans la communauté, que tu puisses voir, jour après jour, le bien de la ville et la paix dans le pays. En effet, dans ses engagements, l’individu est solidaire non seulement avec sa famille mais aussi avec la communauté[2], et la paix de la communauté sera, elle aussi, sa joie.

Une dernière remarque. Le message global de ce psaume complète celui du psaume précédent[3]. En effet, le psaume 127 présentait la vie heureuse d’un homme comme un don de Dieu, mais le psaume de ce matin souligne que l’homme peut et doit donner sa contribution personnelle à ce « bien » et à cette « paix ».

Quant à nous, avec le protagoniste du psaume 128, nous voulons nous engager pour respecter profondément Yhwh. Et, dans cet engagement, nous pouvons faire nôtre le souhait exprimé par le poète au verset 5 : « Que Yhwh te bénisse … tous les jours de ta vie ! ». En reprenant ce souhait, nous pourrons prier, à la fin de chaque strophe, avec ce refrain :

Que le Seigneur nous bénisse
tous les jours de notre vie !

 

Psaume 128 (versets 1-2. 3. 4-6) 

1 Chant des montées.

Heureux et en marche, celui qui respecte profondément Yhwh,

celui qui va dans ses chemins !

2 Tu te nourriras certainement du travail de tes mains :

heureux et en marche, toi, quel bien pour toi !

                       Refr :   Que le Seigneur nous bénisse

tous les jours de notre vie !

 

3 Ta femme, telle une vigne féconde,

dans l’intimité de ta maison,

tes fils, tels de jeunes bananiers

autour de ta table.

                       Refr :   Que le Seigneur nous bénisse

tous les jours de notre vie !

 

4 Voici, comment est béni

l’homme qui respecte profondément Yhwh.

5 Que Yhwh te bénisse depuis Sion !

Que tu puisses voir le bien de Jérusalem tous les jours de ta vie !

6 Que tu puisses voir les fils de tes fils !

Paix sur Israël !

                       Refr :   Que le Seigneur nous bénisse

tous les jours de notre vie !

 

Deuxième lecture

Ce dimanche, et pour les six suivants, la liturgie nous propose des pages de la Lettre aux Hébreux. Nous ne connaissons pas l’auteur de cette lettre. Probablement, il s’agit d’un écrivain qui a rédigé cette lettre vers les années quatre-vingt du premier siècle. Quant aux destinataires, ils sont devenus chrétiens déjà depuis longtemps, mais ils n’ont pas connu personnellement Jésus ; ils connaissent les normes qu’on lit dans l’Ancien Testament[4] et ils sont attirés par les valeurs du culte juif[5]. A ces personnes, l’auteur souligne très fortement l’importance de Dieu, Dieu qui parle et les invite à rester enracinées dans le cycle de la Parole[6].

C’est ainsi que, dans le chapitre 2 de sa lettre, l’auteur parle de Jésus. Et il en parle en faisant référence au psaume 8, psaume duquel, dans les versets 5-7, il cite ces lignes :

5 Qu’est-ce qu’un humain, pour que tu te souviennes de lui ?

Qu’est-ce qu’un fils d’un humain, pour que tu lui rendes visite ?

6 Tu l’as abaissé un peu par rapport aux anges ;

de gloire et d’honneur tu l’as couronné ;

7 tu as mis toutes choses sous ses pieds.

Dans ces versets, le psaume parle d’un « fils d’un humain ». Quant à l’auteur de notre lettre, il applique ces versets à Jésus, le Fils d’un humain. Et, à propos de Jésus, pour parler de sa condition humaine, il utilise les mêmes mots du psaume : « abaissé un peu par rapport aux anges » (v. 9).

Ensuite, notre auteur reprend les mots que le poète du psaume utilisait pour présenter la condition de chaque humain : Dieu l’a couronné de gloire et d’honneur. Quant à notre lettre, l’auteur revient sur ces mêmes mots mais il les utilise pour évoquer les souffrances, la mort et la résurrection de Jésus. En effet, à propos de Jésus, il écrit : « nous le voyons couronné de gloire et d’honneur à cause de la mort qu’il a soufferte » (v. 9).

Et il termine cette référence à la mort de Jésus en montrant qu’elle fait partie du projet de Dieu. Le Père a accepté que son Fils soit livré à la mort[7] afin que les humains, qui étaient au-dehors de sa grâce, puissent revenir dans la grâce, dans la faveur de Dieu : « Ainsi, par la grâce de Dieu, c’est pour tout homme qu’il a goûté la mort » (v. 9). En effet, le projet de Dieu est clair : Dieu « voulait conduire une multitude de fils jusqu’à la gloire » (v. 10). Toujours en soulignant les conséquences que la mort du Christ a pour tous les humains, la lettre aux Hébreux nous présente Jésus comme « archêgos » (v. 10), un mot grec qui signifie « chef », « initiateur »[8]. Oui, Jésus est celui qui est à l’origine du salut et nous conduit au salut.

Et la page de ce matin se termine en soulignant le résultat de l’action accomplie par Jésus, la sanctification. Elle nous permet de découvrir notre origine commune en Dieu : en effet, « ceux qui sont sanctifiés sont tous issus d’un seul[9] ». Étant donnée cette origine commune dans Dieu le Père, la page de ce matin termine en soulignant la relation qui lie Jésus à chacune et chacun de nous. L’auteur nous dit : « C’est la raison pour laquelle (Jésus) n’a pas honte de les appeler frères » (v. 11). Et le mot « frère », « a-delphos » en grec – comme le mot « sœur » qui correspond au grec « a-delphê » – signifie chaque personne qui a, à son origine, le même « ventre maternel », « delphus » en grec.

 

Lecture de la lettre aux Hébreux (2,9-11)

Frères, 9 Jésus – qui a été abaissé un peu par rapport aux anges – nous le voyons couronné de gloire et d’honneur à cause de la mort qu’il a soufferte. Ainsi, par la grâce de Dieu, c’est pour tout homme qu’il a goûté la mort. 10 En effet, (Dieu), pour qui et par qui tout existe, voulait conduire une multitude de fils jusqu’à la gloire ; c’est pourquoi il convenait qu’il mène à sa perfection, par des souffrances, celui qui est l’initiateur, à l’origine de (leur) salut. 11 Car celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés sont tous issus d’un seul. C’est la raison pour laquelle (Jésus) n’a pas honte de les appeler frères.

 

Évangile

Ce matin, l’Évangile de Marc nous présente Jésus qui sort de la Galilée et prend le chemin vers la Judée, vers Jérusalem. Et sur ce chemin, voici des pharisiens qui tendent un piège à Jésus. Leur question, liée à un petit passage du Deutéronome, concerne la permission du divorce (v. 2). Mais Jésus ne s’intéresse pas aux permissions. Il met l’accent sur ce qui est prescrit, sur le projet de Dieu qu’on lit dans la Genèse. Au lieu de s’intéresser à la loi du divorce, il s’intéresse à la manière dont un homme peut s’attacher à sa femme. Et sa réponse est de l’aimer à fond, complètement, comme soi-même[10]. Si les deux s’engagent dans cette direction, ils pourront découvrir le projet de Dieu, c’est-à-dire que « Dieu a uni » (v. 9) l’homme et la femme dans une relation paritaire : un engagement commun, une joie partagée ensemble.

Et les derniers versets reviennent sur cette société paritaire. Si la société juive était intéressée seulement à ce qui, dans une relation, pouvait nuire à l’homme, l’Évangile souligne aussi le tort qu’un homme peut causer à sa première épouse en l’abandonnant : il « commet un adultère » (v. 11) envers la femme du premier mariage[11].

Après cet enseignement sur le couple homme-femme, Jésus nous parle des enfants. L’occasion est donnée par des gens qui apportent des enfants à Jésus. Ils apportent[12] des enfants « pour qu’il les touche » (v. 13). Et ce verbe, dans l’Évangile de Marc, évoque toujours une action thérapeutique[13] : toucher une personne pour la soigner ou l’encourager en lui donnant sa force[14].

Devant l’arrivée des gens avec des enfants, les disciples réagissent : « les disciples leur firent des reproches » (v. 13). Voyant cette réaction des disciples, Jésus prend la parole : « Laissez les enfants venir à moi ; ne les empêchez pas. En effet, le Royaume de Dieu est pour ceux qui sont comme les enfants » (v. 14). A travers ces paroles, Jésus corrige une attitude fausse, l’attitude des personnes qui exigent le succès, des capacités ou un certain niveau social, pour entrer dans le Royaume de Dieu. Au contraire, pour Jésus, le Royaume exige seulement la capacité d’accueillir, d’accueillir Dieu qui, à travers Jésus, se donne. Et cette capacité d’accueillir un don est une caractéristique des enfants[15]. Voilà pourquoi Jésus nous demande d’accueillir le Royaume « comme un enfant » (v. 15) sait l’accueillir[16]. Et les enfants qui accueillent le Royaume comme un don, Jésus les prends « dans ses bras » et « il les bénit ».

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (10,2-16)

2 Des pharisiens, venant vers Jésus pour lui tendre un piège, lui demandaient : « Est-il permis à un homme de renvoyer sa femme ? »

3 Mais, en répondant, (Jésus) leur dit : « Qu’est-ce que Moïse vous a commandé ? »

4 Ils dirent : « Moïse a permis d’écrire un acte de divorce et de renvoyer (sa femme) » (Deut 24,1.3).

5 Jésus leur dit : « C’est à cause de votre dureté de cœur qu’il a écrit pour vous ce commandement. 6 Mais depuis le commencement de la création, Dieu les a faits mâle et femelle (Gen 1,27). 7 A cause de cela, un homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, 8 et les deux seront une seule chair (Gen 2,24). Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. 9 Donc ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ».

10 Et, retournés à la maison, de nouveau, les disciples l’interrogeaient sur ce sujet. 11 Et il leur dit : « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère envers la première. 12 Et si elle, ayant renvoyé son mari, en épouse un autre, elle commet adultère ».

13 Des gens présentaient à Jésus des enfants pour qu’il les touche. Mais les disciples leur firent des reproches. 14 Mais, voyant cela, Jésus s’indigna et il leur dit : « Laissez les enfants venir à moi ; ne les empêchez pas. En effet, le Royaume de Dieu est pour ceux qui sont comme les enfants. 15 Je vous le dis, c’est la vérité : celui qui n’accueille pas le Royaume de Dieu comme un enfant, certainement n’y entrera pas ». 16 Et, les ayant pris dans ses bras, il les bénit en posant les mains sur eux.

 

Prière d’entrée

Heureux qui va au pas de Dieu.

Sa main calleuse

est ouvrière de la joie,

sa femme

au cœur de la maison

l’attend

comme une grappe de tendresse,

et ses fils

à la table des jours

l’entourent.

Silence orant,

paix émue.

Heureux qui aime

au vent de Dieu[17].

[Alain Lerbret, bibliste – poète : France]

 

Prière des fidèles

* La page de la Genèse nous montre un idéal : un homme qui refuse de s’imposer à sa femme, un homme conscient que seulement Dieu peut « appeler » la femme et avoir autorité sur elle. Aide-nous, Seigneur, à construire des couples sans chef et sans servante. Nous te prions.

* Le psaume chante la vie d’un homme qui n’a pas de pouvoir et n’appartient pas à une élite. C’est une personne simple, comme chacun de nous, une personne qui, dans sa fidélité à Dieu, s’engage en travaillant de ses mains, en vivant « l’intimité » dans sa maison avec sa femme, se réjouissant avec elle et avec leurs fils. Permets-nous une vie de famille à l’image de celle que nous avons chantée dans le psaume.

* La lettre aux Hébreux souligne le niveau paritaire entre homme et femme. Et la lettre nous en donne une motivation fondamentale : la femme et l’homme « sont tous issus d’un seul », de Dieu qui est notre Père. Quant à Jésus, qui est celui qui a voulu se faire un de nous, il n’a pas honte de nous appeler frères et sœurs, des personnes qui ont la même origine dans les entrailles maternelles de Dieu. Que cette prise de conscience nous aide à vivre nos relations à un niveau paritaire.

* Au-delà de toutes les expériences négatives qui peuvent arriver dans l’histoire d’un couple, l’Évangile continue à nous montrer le Dieu qui unit les deux partenaires. Que ce trait de Dieu puisse nous encourager jour après jour.

 
Prière eucharistique

Hommes

Nous voici, ce matin, après une semaine de travail.

Nous nous sommes habillés de nos habits du dimanche,

de nos habits de fête.

Mais est-ce que nous voulons vraiment fêter les autres

et leur présence parmi nous ?

Trop fréquemment, hélas, nos habits de fête

ne sont que des habits, quelque chose d’extérieur,

quelque chose pour couvrir l’inavouable

que nous portons dans nos cœurs.

 

Femmes

C’est un peu ce que nous vivons aussi

dans nos maisons.

Combien de fois

le fait de passer la nuit tout près d’un homme

pour nous n’a aucune signification !

On couche ensemble, mais il s’agit

d’une proximité physique, voire sexuelle,

tandis que le cœur de l’homme

et notre cœur de femme sont ailleurs.

 

Lectrice

Et pourtant… le Cantique des cantiques nous apprend

que l’amour est autre chose :

l’homme, le bien-aimé qui se livre à sa femme

est « comme un petit bouquet de myrrhe :

il repose entre mes seins » (Ca 1,13).

Il se livre entièrement à sa femme,

il est une protection pour elle,

comme l’oasis luxuriante d’Ein-Guèdi

qui permet la vie même dans une situation difficile,

dans le paysage désertique au bord de la Mer Morte (Ca 1,14).

 

Lecteur

Oui, comme nous lisons dans le Cantique,

« l’amour est fort comme la mort,

passion inflexible comme la gueule de la mort.

Flammes, flammes de feu, flamme de Yhwh.

Des eaux puissantes ne pourraient éteindre l’amour,

aucun fleuve ne pourrait le submerger » (Ca 8,6-7).

 

Ensemble

Cet amour nous dépasse.

Mais Dieu nous montre chaque jour

des signes de cet amour.

Il nous montre « cette flamme »

dans l’histoire d’un couple qui s’engage

sur le chemin de l’amour ;

il nous montre cette flamme dans l’affection et la bonté

d’un homme et d’une femme qui vivent ensemble

et qui ne veulent pas séparer « ce que Dieu a uni » (Mc 10,9).

Ces différents signes nous reconduisent tous

à une présence mystérieuse et sainte

de Dieu dans le monde.

Voilà pourquoi nous voulons chanter

tous et toutes ensemble : Saint, saint, saint…

 

Hommes

Jésus lui-même, à sa façon,

a parcouru ce chemin de l’amour.

« II aimait Marthe et sa sœur et Lazare » (Jn 11,5).

Et, à l’annonce de la mort de Lazare,

« Jésus pleura, au point que les Juifs eux-mêmes

disaient : Voyez comme il l’aimait » (Jn 11,35).

 

Femmes

Jésus a parcouru ce même chemin

et l’a proposé aussi

à ceux qui n’étaient pas disposés à le parcourir.

Voici un jeune qui vient en courant :

« Jésus fixa sur lui son regard, et l’aima» (Mc 10,21)

et lui proposa de s’engager, de tous ses biens,

pour les pauvres.

 

Prêtres

Jésus nous a montré

que « celui qui aime sa vie la perd » (Jn 12,25).

C’est ainsi « qu’ayant aimé les siens

qui étaient dans ce monde,

les aima jusqu’à la fin » (Jn 13,1).

Et dans son repas d’adieu, la nuit où il fut livré,

il prit du pain et, après avoir remercié,

il le rompit et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous.

Faites cela en mémoire de moi ».

Et de même la coupe, après avoir soupé, en disant :

« Cette coupe est la nouvelle alliance dans mon sang.

Faites cela, chaque fois que vous en boirez,

en mémoire de moi ».

Oui, toutes les fois que vous mangez ce pain

et que vous buvez cette coupe,

vous annoncez la mort du Seigneur,

jusqu’à ce qu’il vienne (1 Cor 11,24-26).

Il est grand le mystère de la foi…

 

Hommes

Après le repas et la nuit, terrible,

au jardin des Oliviers,

les amis de Jésus, les amis aimés,

se sont dispersés, chacun pour soi,

et ont laissé Jésus seul, tout seul.

Mais le Père n’a pas abandonné Jésus dans la mort

et l’a réveillé à la vie, une vie nouvelle.

 

Lectrice

Dans l’Évangile nous lisons :

« Une femme devient triste

quand l’heure est venue d’accoucher ;

mais quand elle a donné naissance à l’enfant,

elle ne se souvient plus de sa détresse,

elle est toute à la joie

parce qu’un humain est venu au monde » (Jn 16,21).

 

Lecteur

Et en s’adressant à ses amis, Jésus continue :

« Vous aussi vous êtes tristes à présent,

mais je vous verrai à nouveau.

et votre cœur sera plein de joie,

et cette joie, personne ne pourra vous l’enlever » (Jn 16,22).

 

Femmes

C’est pourquoi, dans tous les coins du monde,

les communautés des amis et des amies de Jésus

se rencontrent pour la fête.

Ils et elles chantent et dansent

parce que Dieu les a appelé(e)s pour vivre dans la paix (1 Cor 7,15).

Ils et elles chantent et dansent

soutenu(e)s par l’Esprit, le Consolateur

que Jésus avait annoncé avant son départ.

 

Hommes

C’est ce qu’ont fait aussi

ceux et celles qui nous ont précédés

sur les mille et mille sentiers du monde.

Ils étaient, elles étaient, chacun et chacune à sa façon,

des croyants et des croyantes,

des hommes parfois respectueux de leurs compagnes,

des femmes parfois chéries, parfois – hélas –

violées et transformées en objet.

 

Femmes

Mais pour toutes ces personnes d’hier et d’aujourd’hui

il y a – nous sommes confiantes – un espoir :

l’impératif que le bien-aimé du Cantique

adresse à son amie et que Jésus lui-même adresse

à une fillette morte à douze ans :

« Lève-toi » (Ca 2,10.13) « talithà qoum » (Mc 5,41).

Lève-toi, retrouve toi-même,

l’amour, flamme de Yhwh,

t’a arrachée au sommeil de la mort.

 

Prêtres

Avec un regard confiant dans leur avenir

et dans notre avenir auprès de Dieu,

tout en remerciant Dieu

pour la fidélité de son amour,

nous pouvons lui adresser les mots

que nous avons appris par Jésus

et lui dire : Notre Père…

 

Prière finale

Dieu, créateur de l’homme et de la femme,

Dieu du masculin et du féminin,

fais que les deux s’aiment,

fais que tout le monde s’aime,

car, seulement si nous nous aimons,

nous sommes à ton image et ressemblance.

Au contraire, lorsque l’homme et la femme ne s’aiment pas

c’est ton nom qui se brise,

et c’est guerre et mort, semence de mort

sur toute la terre.

O Dieu, toi qui es l’unité de tous les êtres,

toi grâce à qui l’univers entier est un :

il est ton splendide corps de gloire. Amen.[18]

[David Maria Turoldo : prêtre et poète, Italie : 1916-1992]

 

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[1] Cf. E. Zenger, Psalm 128, dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger, Psalmen 101-150, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2008, p. 540.

[2] Cf. J.-L. Vesco, Le psautier de David traduit et commenté, Cerf, Paris, 2006, p. 1214.

[3] Cf. Ibid., p. 1210.

[4] F. Urso, Lettera agli Ebrei. Introduzione, traduzione e commento, Edizioni San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2014, p. 27.

[5] Ainsi R. E. Brown, Que sait-on du Nouveau Testament ?, Bayard, Paris, 2000, p. 736.

[6] Ch. Grappe, Épître aux Hébreux, dans Le Nouveau Testament commenté, sous la direction de C. Focant et D. Marguerat, Bayard – Labor et fides, Paris – Genève, 2012, p. 1004.

[7] Ainsi C. Marcheselli-Casale, Lettera agli Ebrei. Nuova versione, introduzione e commento, Paoline, Milano, 2005, p. 159.

[8] Pour le mot grec « archêgos », cf. F. Urso, O. cit., p. 53. Cf. aussi P.-G. Müller, « archêgos », dans Dizionario esegetico del Nuovo Testamento, a cura di H. Balz et G. Schneider, Paideia, Brescia, 2004, vol. I, col. 433-435.

[9] Cette traduction respecte le terme grec « henos » qui doit être interprété comme un masculin, référé à Dieu. Cf. F. Urso, O. cit., p. 53. Cf. aussi, avec plus de détails, C. Marcheselli-Casale, O. cit, p. 164s.

[10] Cf. C. Focant, L’évangile selon Marc, Cerf, Paris, 2004, p. 374.

[11] Cf. C. Focant, O. cit., p. 377s.

[12] Marc ne nous donne pas l’identité de ces personnes qui apportent les enfants à Jésus. Mais dans la phrase « les disciples leur firent des reproches », Marc utilise le pronom masculin : ils firent des reproches « à eux », « autois » en grec. Cf. J. Mateos – F. Camacho, Il vangelo di Marco. Analisi linguistica e commento esegetico. Vol. 2, Cittadella, Assisi, 2012, p. 401.

[13] C. Focant, O. cit., p. 379.

[14] Cf. J. Mateos – F. Camacho, op. cit, p. 403.

[15] Ainsi R. E. Brown, Cristo nei Vangeli dell’anno liturgico, Elledici, Leumann Torino, 2010, p. 460.

[16] Celle-ci est l’interprétation la plus courante, celle qui voit dans l’expression « comme un enfant » un nominatif : « accueillir le Royaume comme un enfant le fait ». Mais on pourrait voir, dans l’expression « comme un enfant », un accusatif. D’après cette interprétation, Jésus demanderait d’accueillir le Royaume comme on accueille un enfant. Pour cette interprétation, cf. C. Focant, O. cit., p. 380s. Cf. aussi C. Focant, Évangile selon Marc, dans Le Nouveau Testament commenté, sous la direction de C. Focant et D. Marguerat, Bayard – Labor et fides, Paris – Genève, 2012, p. 206.

[17] A. Lerbret, Chants du silence. Les Psaumes pour aujourd’hui, Labor et fides, Genève, 2009, p.159.

[18] D. M. Turoldo – G. Ravasi, « Nella tua luce vediamo la luce ». Tempo ordinario, solennità del Signore, feste dei Santi. Commento alle letture liturgiche, San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2004, p. 395.