Eucharistie: 14 novembre 2021

 33ème semaine du Temps Ordinaire — Année B

 

« Sachez que (le Fils de l’homme) est proche, à (vos) portes »
(Marc 13,29)

 

Première lecture 

Pendant les années 168-163 avant Jésus Christ, le roi syrien Antiochus IV Épiphane veut imposer à Jérusalem la religion grecque; il veut transformer le temple de Jérusalem en temple consacré au culte de Zeus Olympien et il met à mort les juifs fidèles au Dieu d’Israël. Devant ces faits tragiques, Judas, appelé Maccabée, et ses frères réagissent et luttent: c’est la révolution guidée par les Maccabées.

A cette même époque[1], un écrivain compose un livre qui a comme personnage central un jeune nommé «Daniel», nom qui signifie «Dieu juge». Dans le récit, Daniel est un jeune juif, exilé par le roi Nabuchodonosor à Babylone. Mais Dieu aime ce jeune (Dan 9,23; 10,11.19) et lui permet de jeter son regard sur le projet de Dieu et sur la fin de l’histoire humaine: la résurrection[2] à la fin des temps.

A travers ce récit situé plus de quatre siècles avant l’époque des Maccabées, l’auteur nous livre un message pour son temps. L’histoire est une dégradation progressive : le mal a pris de plus en plus possession du monde grâce à des empires qui se sont imposés l’un après l’autre. Et maintenant nous sommes à la fin : un temps d’angoisse[3] sans précédents « depuis qu’une nation existe et jusqu’à ce moment-là » (v. 1). Mais Dieu n’abandonne pas son peuple. Si chaque peuple a un ange protecteur, Israël a comme chef et guide l’ange Michel[4], « Michel, le chef, le grand, celui qui se tient (en protecteur)[5] » (v. 1) pour les fils d’Israël dans l’angoisse. Grâce à Michel, le peuple, « ton peuple » répète deux fois le premier verset, « sera libéré ». Et le peuple qui appartient à Dieu est composé de « quiconque se trouvera inscrit dans le Livre » (v. 1).

Dans ce temps, un temps d’angoisse[6], Dieu – comme le nom de Daniel le rappelle – va juger le monde. Un jugement qui est une résurrection, un retour à la vie, mais en vue de deux avenirs différents : « ceux-ci pour la vie en pérennité, ceux-là pour l’opprobre, pour l’horreur en pérennité » (v. 2).

Si on s’arrêtait aux versets 1, on pourrait penser que l’avenir qui attend les uns et les autres est le fruit d’une décision de Dieu, Dieu qui a « inscrit dans le Livre »[7] certains noms. Mais ce n’est pas le cas. La suite du texte le dit très clairement. Le critère du partage entre les uns et les autres est simple : c’est le comportement de chacun. Ceux qui se sont bien comportés, ceux qui ont pris au sérieux leurs responsabilités, « les gens réfléchis » comme nous dit le verset 3, resplendiront. Et la finale du même verset précise davantage en quoi consiste ce comportement réfléchi : c’est l’engagement pour la justice, l’engagement pour être justes et pour aider aussi d’autres à devenir justes.

 

Lecture du livre du prophète Daniel (12,1-3)

1 Et en ce temps-là se dressera Michel, le chef, le grand, celui qui se tient (en protecteur) au-dessus des fils de ton peuple. Ce sera un temps d’angoisse. Depuis qu’une nation existe et jusqu’à ce moment-là, il n’y a jamais eu rien de semblable. Et en ce temps-là, ton peuple sera libéré, quiconque se trouvera inscrit dans le Livre.

2 Et beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront : ceux-ci pour la vie en pérennité, ceux-là pour l’opprobre, pour l’horreur en pérennité. 3 Et les gens réfléchis resplendiront, comme la splendeur du firmament ; et ceux qui ont rendu justes de nombreuses personnes, seront comme les étoiles, en pérennité et à jamais.

 

Psaume

 Le psaume 16 est une méditation très personnelle, un dialogue intérieur, « à mi-voix[8] » (v. 1), une parole qu’un poète adresse surtout à soi-même. Nous sommes, probablement, quelques années avant l’exil à Babylone et la destruction du temple de Jérusalem. Et le poète est un homme lié au groupe des lévites ou, au moins, à leur spiritualité[9].

La structure du psaume est simple. Le psaume s’ouvre avec une invocation adressée à Dieu (v. 1).

La suite du texte se compose de deux parties.

* Dans une première partie (vv. 2-6), le psalmiste évoque son histoire personnelle. Il rappelle d’abord son passé, lorsqu’il s’adressait à Dieu et aussi à d’autres divinités, « ceux qu’on considère des divinités sur terre » (v. 3). Mais ensuite il s’est rendu compte de sa faute : « Ceux qui cherchent les faveurs d’un autre dieu ne feront que multiplier leurs tourments » (v. 4). Il s’est rendu compte de sa faute et un autre chemin s’est ouvert devant lui.  Maintenant, sa situation est semblable à celle des descendants d’Aaron. A différence des autres tribus, les lévites n’ont reçu aucune terre en Israël. Ils sont sans terre mais la ‘partie’ qui leur a été attribuée c’est Yhwh lui-même. Dieu leur avait déclaré : « je suis ta ‘partie’ et ton ‘patrimoine’ au milieu des Israélites » (No 18,20). Dans cette même ligne, le poète du psaume termine la première partie du poème en déclarant : « Yhwh, tu es la partie qui m’a été attribuée et ma coupe, toi, tu soutiens mon destin ». Celle-ci est la seule phrase que nous lirons de la première partie du psaume.

* Du changement vécu par le poète, de son orientation nouvelle vers un seul Dieu, jaillit la seconde partie du psaume. Elle est surtout une action de grâce (vv. 7-11). En elle, le poète insiste sur la relation intime qui l’unit à Dieu. Dieu est d’abord une présence constante dans sa vie : Dieu est toujours « devant » (v. 8) lui, comme un papa qui précède son enfant sur un chemin difficile. Cette présence est fondamentale : « comme il est à ma droite, je ne peux pas vaciller » (v. 8).

La présence de Dieu dans la vie du poète devient, dans le verset 9, source de joie. Il s’agit d’une joie qui prend toute sa personne : le « cœur », donc sa conscience, son « intimité », littéralement son « foie »[10], et aussi sa « chair », donc son humanité fragile. Et cette joie, qui a sa source en Dieu, va lui donner pleine confiance, pleine « sécurité ».

Enfin, dans les deux derniers versets, le poète ose regarder vers l’avenir. Sa relation intime avec Dieu ne se cassera pas au moment de la mort. S’adressant à Dieu, le poète peut lui dire : « tu n’abandonneras pas mon âme à la mort ». Même au-delà de la mort, il sera toujours en marche, en marche vers la vie. En effet, « Tu me feras connaître la route de la vie », et cette vie sera « plénitude de joies auprès de ton visage ». Et si David habitait dans le palais royal à la droite du temple, le poète sait de pouvoir vivre, même après sa mort, la joie, des « délices » au pluriel, à la droite de Dieu, « délices dans ta droite, à perpétuité ». Le poète pressent ainsi que sa communion avec un Dieu qui lui est toujours proche ne peut être interrompue même par la mort[11] : elle est une communion « à perpétuité ».

Quant à nous, notre vie peut être un peu comme celle du poète. Prenons donc – comme refrain – le premier verset du psaume : « Prends soin de moi, mon Dieu, j’ai fait de toi mon refuge ». Et suivons le poète, pas à pas, vers la découverte de la présence de Dieu dans notre vie actuelle et aussi dans notre regard vers l’avenir, jusqu’aux délices, dans la droite de Dieu, à perpétuité. 

Et dans ce voyage, nous serons donc soutenué(e)s par le refrain :

Prends soin de moi, mon Dieu, j’ai fait de toi mon refuge. 

 

Psaume 16 (versets 5.8. 9-10. 11)

5 Yhwh, tu es la partie qui m’a été attribuée et ma coupe,

toi, tu soutiens mon destin.

8 Je garde sans cesse Yhwh devant moi,

comme il est à ma droite, je ne peux pas vaciller.

Refr. : Prends soin de moi, mon Dieu, j’ai fait de toi mon refuge. 

 

9 C’est pourquoi mon cœur se réjouit, mon intimité exulte

et ma chair, dans sa fragilité, demeure en sécurité,

10 car tu n’abandonneras pas mon âme à la mort,

tu ne donneras pas à ton fidèle de voir la fosse.

Refr. :  Prends soin de moi, mon Dieu, j’ai fait de toi mon refuge. 

 

11 Tu me feras connaître la route de la vie ;

plénitude de joies auprès de ton visage,

délices dans ta droite, à perpétuité.

Refr. :  Prends soin de moi, mon Dieu, j’ai fait de toi mon refuge. 

 

Deuxième lecture

Comme pendant les derniers dimanches, ce matin la liturgie nous propose encore une page de la Lettre aux Hébreux. Ces chrétiens, qui se sentent menacés par le pouvoir et sont fréquemment victimes de persécutions, risquent d’abandonner Dieu et de se détacher de lui (3,12-13). Ils risquent aussi de déserter les réunions de la communauté (10,25), des réunions et des liturgies qui devraient être des rencontres qui encouragent[12].

A ces chrétiens, dans la page de ce matin, l’auteur parle du culte : le culte juif et le culte que Jésus a vécu en donnant sa vie. Entre les deux, le contraste est évident[13]. En effet, les prêtres juifs ont répété fréquemment, et toujours d’une façon inefficace, « les mêmes sacrifices » (v. 11). Au contraire, Jésus a offert à Dieu « un seul sacrifice pour les errements, et cela pour toujours » (v. 12). Par conséquent, le Christ maintenant peut s’asseoir et recevoir la récompense que Dieu accorde à son Messie[14]. Et, pour évoquer cette récompense, notre auteur cite le psaume 110 auquel il a déjà fait référence plusieurs fois dès le début de sa lettre[15]. Après cette référence au Psaume, notre auteur peut faire une affirmation centrée directement sur le Christ : « Ainsi, par une seule offrande, il a rendu parfaits, de façon définitive et pour toujours, ceux qui se laissent sanctifier par lui » (v. 14). Ici, l’action du Christ se situe à deux niveaux : d’un côté une action déjà accomplie de façon définitive, de l’autre une action qui s’accomplit maintenant mais qui exige notre disponibilité : le Christ sanctifie, maintenant, celles et ceux « qui se laissent sanctifier par lui », celles et ceux qui se laissent prendre, celles et ceux qui acceptent dans leur vie l’action que le Christ a accomplie une fois pour toutes[16].

Dans la seconde partie de sa page, l’auteur revient sur l’efficacité de ce que Jésus a accompli. Pour en parler, notre auteur s’arrête sur une page de Jérémie et il l’applique au Christ[17]. En Jésus, Dieu a accompli ce que Jérémie avait annoncé : une alliance nouvelle, une alliance inscrite dans le cœur des humains, dans leur conscience. Grâce à Jésus, cette transformation de la nature humaine nous a été communiquée et nous rend capables de vivre notre existence dans une attitude d’écoute et d’obéissance à la parole de Dieu[18]. Quant à notre passé et à nos fautes, Dieu non seulement il les a pardonnées ; non, Dieu… ne s’en souvient plus[19]. Dieu nous l’assure à travers le prophète Jérémie : « De leurs errements, je ne me souviendrai plus ». Et cette promesse surprenante de Dieu nous permet de comprendre qu’il « n’est plus nécessaire de présenter une offrande » (v. 18) pour le pardon de nos errements. Jésus a déjà obtenu notre pardon.

 

Lecture de la lettre aux Hébreux (10,11-18)

11 Chaque prêtre se tient debout – chaque jour – pour faire le service de Dieu. Et il offre – plusieurs fois – les mêmes sacrifices, mais ceux-ci ne pourront jamais enlever les errements. 12 Au contraire, le Christ a offert un seul sacrifice pour les errements, et cela pour toujours, puis « il s’est assis à la droite de Dieu » 13 dans l’attente, désormais « que ses ennemis soient placés à ses pieds » (Psaume 110,1). 14 Ainsi, par une seule offrande, il a rendu parfaits, de façon définitive et pour toujours, ceux qui se laissent sanctifier par lui.

15 L’Esprit Saint, lui aussi, nous en donne un témoignage. En effet, il dit tout d’abord :

16 Voici l’alliance que j’établirai avec eux

après ces jours-là, dit le Seigneur :

je mettrai mes lois dans leur cœur

et je les inscrirai dans leur intelligence (Jér 31,33).

17 Puis il ajoute :

     De leurs errements et de leurs fautes

je ne me souviendrai plus (Jér 31,34).

18 Or, quand ces choses sont pardonnées, il n’est plus nécessaire de présenter une offrande pour des errements.

 

Évangile

Le chapitre 13 de l’Évangile de Marc nous présente le discours ‘apocalyptique’ c’est-à-dire ‘de révélation’. C’est le discours qui nous parle de la venue du Fils de l’homme à la fin de l’histoire humaine.

Dans son discours, Jésus évoque d’abord la fin de la nation juive (Mc 13,14-23). Mais, « après cette tribulation, le soleil deviendra ténèbre, et la lune ne donnera plus sa clarté, et les étoiles viendront tomber[20] – les unes après les autres – du ciel, et les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées » (vv. 24-25). Cette phrase se sert des images qu’on lit chez les prophètes[21], des images qui, dans l’Ancien Testament, évoquent la fin d’une puissance politique : Babylone, Édom, la Judée ou Jérusalem[22]. Dans ces textes, la fin d’un pouvoir politique est présentée comme l’événement final de l’histoire du monde, comme un bouleversement de la création tout entière. En effet, le livre de la Genèse nous présentait Dieu qui – au moment de la création – ornait le jour avec le soleil et la nuit avec la lune et les étoiles. Mais dans les pages des prophètes et dans notre page de l’Évangile ces astres perdent leur fonction.

Oui, les astres perdent leur fonction et laissent toute la place au « Fils de l’homme ». L’Évangile, avec une expression qu’on lit dans Daniel 7,13-14, nous dit : « Et alors ils verront le Fils de l’homme venant dans les nuées avec une grande puissance et gloire » (v. 26)[23]. Dans cette phrase, le verbe « voir » n’a pas de sujet ; peut-être s’agit-il des puissances ébranlées du verset précédent[24]. En tout cas, le contraste entre « les puissances…ébranlées » du v. 25 et « le Fils de l’homme venant… avec une grande puissance » est très marqué.

Dans le livre de Daniel, l’expression « fils d’homme » indiquait un être humain[25] auquel Dieu a donné une fonction spéciale, celle de rassembler « le peuple et les saints du Très-Haut » (Da 7,27). Dans cette même perspective, Jésus déclare : le Fils de l’homme « enverra les anges » et « il rassemblera ses élus » (v. 27) « des quatre vents », donc, un rassemblement des personnes de toute ethnie, de toute nation. Et l’image est portée à l’extrême : des élus « depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel ».

La page de Marc surprend : elle ne fait aucune mention d’un châtiment des méchants. Ils sont complètement oubliés. La venue du Fils de l’homme ne veut pas faire naître en nous la peur. Par ces mots, Jésus veut nous consoler par sa promesse[26]. Il veut nous réveiller ! Il nous demande d’ouvrir nos yeux et de savoir lire les signes des temps : comme les transformations qui, dans un arbre, nous annoncent que la saison sèche, ou la saison des pluies, va arriver. Pour ce qui est des croyants, ils sont invités à découvrir dans leur vie que le Fils de l’homme est proche, il est – nous dit l’évangile – « à (vos) portes ».

Il est aux portes de « cette génération », la génération à laquelle Jésus s’adressait avant sa mort. Il est aux portes de la génération des lecteurs de Marc vers l’an soixante-dix du premier siècle. Il est aux portes aussi de notre génération, ici au Burundi en 2021. C’est dans notre vie – la vie de chacune et de chacun de nous – que nous devons découvrir les signes de la venue du Fils de l’homme, de notre rencontre, une rencontre définitive, avec lui. Pour le reste, « au sujet de ce jour-là ou de l’heure » (v. 32) où cela va arriver, nous devons faire comme Jésus. En effet, Jésus reconnaît que lui-même ne le sait pas et, dans l’attente que se réalise le projet du Père pour le salut de l’humanité tout entière, il se confie au Père[27].

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (13,24-32)

A propos de sa venue, Jésus disait à ses disciples :

24 « En ces jours-là, après cette tribulation, le soleil deviendra ténèbre, et la lune ne donnera plus sa clarté, 25 et les étoiles viendront tomber – les unes après les autres – du ciel, et les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées.

26 Et alors ils verront le Fils de l’homme venant dans les nuées avec une grande puissance et gloire. 27 Et alors il enverra les anges et – des quatre vents, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel – il rassemblera ses élus


28 Or du figuier apprenez cette parabole : lorsque déjà sa branche devient tendre et que poussent les feuilles, vous savez que l’été est proche. 29 Ainsi, vous aussi, lorsque vous verrez cela arriver, sachez que (le Fils de l’homme) est proche, à (vos) portes.

30 Amen, je vous dis, que cette génération ne passera pas jusqu’à ce que tout cela soit arrivé. 31 Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas.

32 Mais au sujet de ce jour-là ou de l’heure, personne ne les connaît : ni les anges au ciel, ni le Fils. Le Père est le seul à les connaître ».

 

Prière d’ouverture

 

La vie en abondance.

Père qui es au ciel

c’est-à-dire : tout autre que nous

– infiniment plus riche et plus aimant –

et pourtant si proche :

nous n’avons pas besoin de demander

que tu nous bénisses.

Déjà, tu nous as bénis.

Tu nous as appelés à vivre,

tu nous fais rencontrer des hommes

qui nous sauvent de la solitude.

Rends-nous accueillants, reconnaissants,

afin que nos échanges et nos partages

nous rapprochent de nos frères,

comme toi-même tu veux

être proche de nous

par Jésus, ton fils.

[Frans Cromphout, Pays-Bas, 1924-2003]

 

Prière des fidèles

* Le livre de Daniel nous parle de Dieu qui n’abandonne pas les humains dans la mort mais les réveillera « pour la vie en pérennité ». Mais cet avenir est seulement pour ceux et celles qui se comportent selon justice et aident les autres à faire de même. Donne-nous, Seigneur, dans les petites actions de chaque jour, de faire seulement ce qui est juste.

* Seigneur Dieu, nous sommes très fragiles. Et pourtant.. grâce à toi, nous pouvons te dire – comme le poète du Psaume : « ma chair, dans sa fragilité, demeure en sécurité ». Et, en regardant vers l’avenir, chacune et chacun de nous peut te faire confiance car, « tu n’abandonneras pas mon âme à la mort ». Reste à côté de nous, Seigneur, et renforce, jour après jour, notre confiance en toi.

* La Lettre aux Hébreux nous dit que, grâce à Jésus et à sa mort, tu nous as déjà pardonné(e)s, Seigneur. Tu ne te souviens plus de nos errements. En effet, par une seule offrande, ton Fils « a rendu parfaits, de façon définitive, ceux qui se laissent sanctifier par lui ». Aide-nous, Seigneur, à nous laisser sanctifier par lui, par sa parole.

* L’Évangile de ce matin nous parle seulement du rassemblement des élus, des personnes qui ont attendu cette rencontre et s’y sont préparées. Aide-nous. Seigneur, à vivre cette période d’attente en veillant, en assumant nos responsabilités mais… sans peur. En toute confiance.

 

Prière eucharistique

Hommes

Seigneur Dieu, nous, on évite d’en parler,

mais à toi nous pouvons l’avouer :

le long du jour et aussi pendant la nuit,

la peur nous habite, elle fait de nous des prisonniers

et nous ne savons plus que faire.

Oui, nous n’avons aucune protection,

aucune, lorsque nous sommes sur la route,

aucune même à la maison,

pour nous protéger avec notre femme et nos enfants.

Et pourtant, et pourtant Moïse…

 

Femmes

A la veille de sa mort, et en prenant congé de son peuple,

Moïse invitait le peuple à te faire confiance.

Il disait :

« Le Seigneur rencontre son peuple au pays du désert,

dans les solitudes remplies de hurlements sauvages :

il l’entoure, il l’instruit,

il veille sur lui comme sur la prunelle de son œil.

Il est comme l’aigle qui encourage sa nichée :

il les prend et les porte sur ses ailes.

Le Seigneur est seul à conduire son peuple » (Deut 32,10-12).

 

Hommes

Et après Moïse, ce sont les prophètes, Seigneur,

ceux qui encouragent ton peuple

lorsque la vallée du Jourdain et le Proche Orient

sont bouleversés par des violences sans fin.

A travers tes prophètes, tu as soutenu Israël,

à travers la voix de Nahum et d’Abaquq et d’autres encore,

tu as accompagné et consolé ton peuple.

C’est en constatant ces faits,

qu’un umushingantahe pouvait dire :

« Quant aux os des douze prophètes,

qu’ils refleurissent de leur tombe,

car ils ont encouragé Jacob

et ils l’ont délivré par la fidélité de l’espérance » (Si 49,10).

 

Femmes

Et nous-mêmes, ce matin, …

grande a été notre surprise en écoutant la parole

que Daniel adressait aux siens,

les siens mis à mort par un homme assoiffé de pouvoir.

En s’adressant à toi, Seigneur, il disait :

« En ce temps-là, ton peuple sera libéré,

quiconque se trouvera inscrit dans le Livre » (Da 12,1).

Comment peut-on encourager des gens dans un temps d’angoisse ?

Pour nous… impossible,

mais toi, Seigneur, tu sais le faire.

 

Ensemble

Et dans un temps d’angoisse et de violence,

hier comme aujourd’hui, tu nous indiques le chemin :

devenir des « gens réfléchis » (Da 12,3),

nous engager pour la justice,

pour « rendre juste » (Da 12,3) la société où nous vivons.

Nous ouvrant à l’encouragement que tu nous donnes

et à l’orientation que tu fais naître dans nos consciences,

nous ne pouvons que te dire notre surprise ;

et pour ta sainteté qui nous dépasse

pour ton amour qui nous embrasse tendrement,

nous voulons chanter : Saint, saint, saint…

 

Hommes

Jésus, tu es venu au nom du Seigneur.

Tu es « le Fils de l’homme » (Mc 13,26),

fils d’un être humain comme chacun de nous.

Et pour nous, les humains, tu as offert ta vie,

toute ta vie comme un seul sacrifice pour nos errements ( 10,12).

 

Femmes

A travers toi, Jésus, et à travers le don de ta vie,

Dieu a établi son alliance avec nous (Jér 31,33 ; 10,16).

A travers ta parole, Dieu a mis ses lois dans nos cœurs,

il les a inscrites dans nos consciences.

C’est en te voyant mourir pour nous,

qu’il a décidé de ne plus se souvenir

de nos errements et de nos fautes (Jér 31,34 ; Hé 10,17).

 

Prêtres

Oui, pour nous, Jésus a offert sa vie, son corps, son sang.

C’est ainsi que « pendant le repas,

Jésus a pris du pain et, louant Dieu, il l’a rompu

et l’a donné aux disciples en disant :

Prenez, mangez, ceci est mon corps.

Puis, il a pris une coupe et rendu grâce,

il l’a donnée aux disciples en disant :

Buvez-en tous, car ceci est mon sang,

le   sang   de   l’Alliance,   versé   pour   la   multitude,

pour le pardon des errements.

Je vous le dis : je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne

jusqu’au   jour   où   je   le   boirai,   nouveau,   avec   vous

dans le Royaume de mon Père.

Après avoir chanté les psaumes, ils sortirent

pour aller au mont des Oliviers » (Mt 26,26-30),

les disciples vers le sommeil et vers la fuite,

Jésus vers la prière et la mort.

il est grand le mystère de la foi.

Nous proclamons…

 

Ensemble

Ce regard vers ta venue change totalement notre vie

et nous, avec le poète, nous pouvons dire :

« La part que j’ai reçue est belle. C’est un sort qui m’enchante.

Je bénis Yhwh qui me conseille,

même pendant les nuits, ma conscience me corrige.

Je garde sans cesse Yhwh devant moi,

comme il est à ma droite, je ne peux pas vaciller.

C’est pourquoi mon cœur se réjouit, mon intimité exulte

et ma chair, dans sa fragilité, demeure en sécurité» (Ps 16,6-9).

 

Hommes

Dans cette attente de son retour,

nous, dans notre fragilité,

nous comme nos sœurs,

nous sommes soutenus par le Souffle

qu’il nous a donné « le soir du premier jour après le sabbat » (Jn 20,19).

C’est le Souffle qui encourage

ceux et celles qui sont enfermé(e)s dans la peur.

C’est le Souffle qui nous remplit d’espoir,

l’espoir que « le Fils de l’homme est proche,

aux portes » (Mc 13,29) :

il est proche de cette génération

et de chaque génération qui écoute l’Évangile

et se laisse guider par l’Évangile

et met sa confiance dans le Père

qui seul connaît ce jour-là et l’heure.

 

Femmes

Que ce même Souffle et cette confiance puissent encourager

les différentes communautés répandues sur toute la terre.

C’est ainsi que tous et toutes,

avec celles et ceux qui nous ont déjà précédées,

nous pourrons un jour faire part d’une immense communauté :

la communauté des personnes qui

– à la venue du Fils de l’homme –

seront rassemblées « des quatre vents,

depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel » (Mc 13,27).

 

Ensemble

C’est dans cette attente que nous nous unissons les uns les autres

– sœurs et frères qui s’accueillent réciproquement –

pour adresser une prière commune

à Dieu, un père aux traits maternels,

pour lui dire : Notre Père…

 

Prière finale

Seigneur, j’ai le temps, j’ai tout mon temps à moi,

tout le temps que tu me donnes,

les années de ma vie, les journées de mes années,

les heures de mes journées, elles sont toutes à moi.

A moi de les remplir tranquillement, calmement,

mais de les remplir tout entières jusqu’au bord,

pour te les offrir, et que de leur eau fade,

tu fasses un vin généreux, comme jadis à Cana

tu fis pour les noces humaines.

Je ne te demande pas ce soir, Seigneur,

le temps de faire ceci, et puis encore cela,

je te demande la grâce de faire consciencieusement,

dans le temps que tu me donnes,

ce que tu veux que je fasse[28].

[Michel Quoist, prêtre et écrivain, France : 1921-1997]

 

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[1] Pour la datation de Daniel 8-12 entre les années 168 et 163 avant la naissance de Jésus, cf. H. Niehr, Il libro di Daniele, dans E. Zenger (ed.), Introduzione all’Antico Testamento, Queriniana, Brescia, 2008, p. 773.

[2] Pour la foi dans la résurrection présente en Dn 12 et dans 2 Macc aux chapitres 7 et 12, cf. G. Ravasi, I profeti, Ancora, Milano, 2016, p. 285. Cf. aussi, du même auteur, G. Ravasi, La Bibbia in un frammento. 200 porte all’Antico e al Nuovo Testamento, Mondadori, Milano, 2013, p. 172s.

[3] Pour évoquer les souffrances aux temps des Macchabées, l’auteur reprend – de Jérémie 30,7 – l’expression « temps d’angoisse ».

[4] Cf. F. Vattioni (Daniele, dans La Sacra Bibbia. Tradotta dai testi originali e commentata. Vol. II, a cura e sotto la direzione di S. Garofalo, Marietti, Torino, 1960, p. 1100s.) dans son commentaire de Daniel 10,13.

[5] Pour cette valeur du verbe hébreu dans Dan 12,1 cf. L. Koehler – W. Baumgartner, Lexicon in Veteris Testamenti libros, Brill, Leiden, 1958, p. 712, sous la voix « ‘amad ». Cf. A. Spreafico, La voce di Dio. Per capire i profeti, Dehoniane, Bologna, 2014, p. 208.

[6] Dans le verset 1, le mot « temps » revient trois fois : au début et à la fin du verset nous avons l’expression « ce temps-là » ; au centre, l’auteur nous dit qu’il s’agit d’un « temps d’angoisse ». Cf. A. Spreafico, O. cit., Bologna, 2014, p. 207.

[7] Cette mention du « livre » sera reprise dans le Nouveau Testament qui mentionne le « livre de vie » dans Philippiens 4,3 et fréquemment dans l’Apocalypse (3,5 ; 13,8 ; 17,8 ; 20,15 ; 21,27). Cf. Vattioni, Daniele, p. 1109.

[8] Pour cette traduction du mot hébreu « miktâm », cf. J.-L. Vesco, Le psautier de David traduit et commenté, Cerf, Paris, 2006, p. 180.

[9] Pour les remarques sur la structure du psaume et les images utilisées par le poète, je ne peux que remercier G. Ravasi pour son admirable commentaire dans Il libro dei Salmi. Commento e attualizzazione. Vol. I (Salmi 1-50), EDB, Bologna, 2015, p. 283ss.

[10] Les manuscrits hébraïques attestent le mot « kebôdî » (qui signifie « ma gloire »), mais le texte original devait avoir une vocalisation différente, « kebedî » qui signifie « mon foie ». Cf. L. Koehler – W. Baumgartner, Lexicon in Veteris Testamenti libros, Brill, Leiden, 1958, p. 420, sous la voix « kabed ».

[11] J.-L. Vesco, Le psautier de David traduit et commenté, Cerf, Paris, 2006, p. 186.

[12] Cf. C. Marcheselli-Casale, Lettera agli Ebrei. Nuova versione, introduzione e commento, Paoline, Milano, 2005, p. 446.

[13] Cf. R. Fabris, Le lettere di Paolo. Traduzione e commento. Vol. 3, Borla, Roma, 1980, p. 687.

[14] Ainsi C. Spicq, L’épître aux Hébreux. Vol. II. Commentaire, Gabalda, Paris, 1953, p. 309.

[15] Eb 1,13 ; 5,6.10 ; 6,20 ; 7,11-28. Cf. P. Ellingworth, The Epistle to the Hebrews, Wm. B. Eerdmans Publishing Co., Grand Rapids, Michigan, 1993, p. 129s.

[16] Cf. C. Marcheselli-Casale, Op. cit., p. 426.

[17] Pour la méthode avec laquelle notre auteur utilise Jérémie 31,31-34, cf. G. Fischer, Jeremia 26-52, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2005, p. 677. Cf. aussi P. Ellingworth, Op. cit., p. 513s.

[18] F. Urso, Lettera agli Ebrei. Introduzione, traduzione e commento, Edizioni San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2014, p. 141.

[19] Cette affirmation de Jérémie a – dans tout l’Ancien Testament – un seul parallèle dans Isaïe 43,25. Cf. G. Fischer, Jeremia 26-52, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2005, p. 174.

[20] Pour la valeur de la structure grecque (le verbe « être » au futur, suivi d’un participe), cf. J. Mateos – F. Camacho, Il Vangelo di Marco. Analisi linguistica e commento esegetico. Vol. 3 (capp. 10,32-16,8), Cittadella, Assisi, 2010, p. 300 et 306.

[21] Surtout Isaïe 13,10 et 34,4, Jérémie 4,23-24 et aussi Joël 2,10.

[22] Cf. C. Focant, L’évangile selon Marc, Cerf, Paris, 2004, p. 500s. Cf. aussi J. Mateos – F. Camacho, O. cit., p. 303s.

[23] Pour la reprise – dans l’Évangile – de la page de Daniel et aussi d’autres textes de l’Ancien Testament, cf. B. Standaert, Marco: Vangelo di una notte, vangelo per la vita. Commentario, EDB, Bologna, 2012, p. 695.

[24] Ainsi C. Focant, p. 499.

[25] A l’origine, ce personnage a probablement été interprété comme une communauté, comme le peuple des saints. Mais, plus tard, ce personnage a été interprété comme un individu, comme le Messie. Cf. G. Ravasi, La Bibbia in un frammento. 200 porte all’Antico e al Nuovo Testamento, Mondadori, Milano, 2013, p. 170s.

[26] Comment ne pas rappeler Josef Schmid qui, en 1955, écrivait : dans l’Évangile de Marc, « du jugement et du sort des impies on ne parle pas. Le discours dans son message global ne termine pas avec une vision du jugement mais, au contraire, dans une consolante promesse pour les élus ». Cf. J. Schmid, L’Evangelo secondo Marco. Tradotto e commentato, Morcelliana, Brescia, 1966, p. 326. Cf. S. Fausti, Il Vangelo di Marco, EDB, Bologna, 2018, p. 291.

[27] Cf. A. Guida, Vangelo secondo Marco. Traduzione e commento, dans I Vangeli, a cura di R. Virgili, Ancora, Milano, 2015, p. 695s.

[28] Le grand livre des prières. Textes choisis et présentés par C. Florence et la rédaction de Prier, avec la collaboration de M. Siemek, Prier – Desclée de Brouwer, Paris, 2010, p. 388.