Avent 2021:
première semaine

L’annonciation à Marie dans l’Évangile et le Coran


Pendant ces quatre semaines de l’avent, je veux prendre mon temps pour lire avec toi, mon amie, mon ami, une page de l’Évangile de Luc et, plus précisément, le récit de l’annonciation faite à Marie.

Voici les premiers versets de cette page.

126Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu vers une ville de Galilée du nom de Nazareth, 27à une jeune fille vierge fiancée à un homme nommé Joseph, de la maison de David. Cette jeune fille vierge s’appelait Marie. 28Et, étant entré auprès d’elle, il lui dit: «Réjouis-toi, toi à laquelle a été donnée, d’une façon définitive, grâce! Le Seigneur est avec toi». 29 Et elle, à ces mots, fut très troublée, et elle se demandait quel pouvait être le sens de cette salutation. 30L’ange lui dit: «Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu» (Luc 1,26-30).

Dans cette page, Luc mentionne – au verset 26 – l’intervention fondamentale de Dieu à travers l’ange Gabriel. En hébreu, ce nom propre signifie «Homme de Dieu» ou «Dieu est fort» ou «Dieu est ma force»[1].

Dans l’Ancien Testament, Gabriel est mentionné seulement deux fois dans le livre de Daniel (8,16 et 9,21). Dans ces textes, Gabriel explique à Daniel, un jeune juif déporté à Babylone, les visions que ce jeune a eues. Dans le Nouveau Testament, Gabriel est mentionné encore deux fois. La première fois – dans Luc 1,19 – Gabriel est celui qui annonce à Zacharie la naissance de Jean Baptiste. La seconde fois est dans le verset 26 du même chapitre, donc dans la page que je viens de citer[2].

A travers l’ange Gabriel, Dieu envoie son message à «une jeune fille vierge». Le mot grec utilisé dans l’Évangile est «parthénos»[3]. Dans l’Ancien Testament grec, ce mot signifie «jeune fille», une fille adolescente qui n’est pas mariée et «qui n’a pas appartenu à un homme» (Lév 21,3) et qui n’a pas eu des relations avec un mâle (Juges 21,12). Toujours dans l’Ancien Testament grec, il faut aussi rappeler un passage du livre d’Isaïe. Ici, le mot «parthénos» est utilisé pour évoquer le signe miraculeux de salut donné au roi Achaz: «la vierge («parthénos) va être enceinte et va enfanter un fils ; tu lui donneras pour nom Emmanuel» (Is 7,14) qui signifie «Dieu avec nous». Et cette traduction grecque – à différence du texte hébreu qui utilisait le mot « la jeune femme » – sera reprise et relue par Matthieu 1,23[4] et aussi dans notre texte de Luc.

Dans la page qui nous occupe dans cette semaine, au verset 27 Luc utilise le mot «parthénos» au début du verset, avant le nom de la jeune fille ; mais, ensuite, il le répète et il veut en souligner la valeur; c’est le titre par excellence de la personne à qui l’ange s’adresse avec un si grand respect, celle que la foi chrétienne dénomme « la sainte vierge Marie»[5].

Quant au nom propre «Marie», il reprend le nom hébreu «Miryam», qui signifie «souveraine». C’est le nom de la sœur de Moïse (Ex 15,20). Et, dans la page de Luc, Marie est une jeune fille de Nazareth, une ville insignifiante, d’où on pensait que rien de bon ne peut arriver (Jn 1,46). Marie, nous dit l’Évangile, était «une jeune fille vierge fiancée[6] à un homme nommé Joseph» (v. 27). Et ce nom propre signifie «que Dieu puisse ajouter»[7].

Dans les semaines à venir, je reviendrai sur cette page de l’Évangile de Luc. Mais aujourd’hui je veux lire avec toi, mon ami, ma chère, un verset du Coran, dans la sourate 3, celle qu’on appelle «La famille d’Imran». Selon la Bible, Imran (en hébreu Amran) est le père d’Aaron, de Moïse et Marie ou Miryam (Ex 6,20 ; No 26,59 ; 1 Chron 5,29). Cette sourate a vu le jour l’an 9 de l’hégire (l’an 631 après la naissance de Jésus), lorsque – à Médine – une délégation chrétienne de Najrân (une ancienne ville du Yémen septentrional) est venue rencontrer Muhammad. «L’objet de leur visite était une prise de contact avec le prophète Muhammad pour s’informer de sa mission et des rapports de celles-ci avec le christianisme. Au cours de leur séjour, les chrétiens ont pu célébrer, chose remarquable, leur messe dans la mosquée du Prophète»[8].

Dans cette sourate, nous avons une section dans laquelle le Coran évoque la nativité de la vierge Marie et l’annonce faite à Zacharie ; ensuite, dans la section suivante, nous avons l’annonce faite à Marie. Voici le début de cette section :

42 En ce temps-là, les anges dirent : «O Marie! Dieu t’a choisie et t’a purifiée. Il t’a choisie parmi les femmes du monde[9].

Dans ce verset et aussi dans la suite de cette sourate, le Coran ne mentionne pas Gabriel[10], mais il utilise le pluriel «les anges». Et les anges s’adressent à la jeune fille en l’appelant par son nom: «Marie». Marie est la seule femme dont le nom figure – et très fréquemment[11] – dans le Coran. Elle est fille de Imrân (mentionné au verset 35 de notre sourate), un nom qui correspond à Joachim dans la tradition chrétienne[12]. Marie jouit d’une vénération spéciale dans le Coran et la dévotion islamique. Selon une parole de Muhammad, seulement quatre femmes ont rejoint la perfection spirituelle : Assia, femme du pharaon, Marie, fille de Imrân et mère de Jésus, Khadîja, la première femme de Muhammad, et Fâtima, sa première fille[13]. Mais Marie jouit d’une condition spéciale : en effet, le Coran (sourate 5, verset 75) lui attribue la qualification «siddiqat», donc «sainte» ou «très véridique»[14].

Laissons-nous prendre, pendant cette semaine, par la perfection et par la sainteté de cette femme. Et, la semaine prochaine, nous lirons ensemble le message qu’elle a reçu.

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[1] En effet, le nom « Gabriel » est composé de la racine “gbr” qui signifie « force » (et parfois « force masculine », « homme ») et « El » qui, comme « Allah » en arabe, signifie « Dieu ».

[2] Cf. La voix « Gabriel », dans O. Odelain et R. Séguineau, Dictionnaire des noms propres de la Bible, Cerf, Paris, 2002, p. 142.

[3] Pour ce mot grec, je suis reconnaissant à mon ancien professeur Ceslas Spicq et à son ouvrage C. Spicq, Notes de lexicographie néo-testamentaire. Supplément, Éditions universitaires – Vandenhoeck & Ruprecht, Fribourg – Göttingen, 1982, p. 515ss, sous les voix « parthenía, parthénos ».

[4] Cf. A. Mello, Isaia. Introduzione, traduzione e commento, San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2012, p. 87-89.

[5] Ainsi C. Spicq, Op. cit., p. 522.

[6] Pour ce participe parfait passif, cf. C. Spicq, Notes de lexicographie néo-testamentaire. Supplément, Éditions universitaires – Vandenhoeck & Ruprecht, Fribourg – Göttingen, 1982, p. 488s, à la voix “mnêsteuô”.

[7] S. Fausti, Una comunità legge il Vangelo di Luca, Nuova edizione, EDB, Bologna, 2017, p. 31.

[8] Le Coran. Traduction française et commentaire, par Si Hamza Boubakeur, Maisonneuve & Larose, Paris, 1995, p. 201.

[9] Pour cette traduction, cf. Le Coran. Texte arabe et traduction française, par ordre chronologique selon l’Azhaar, avec renvoi aux variantes, aux abrogations et aux écrits juifs et chrétiens, par S. A. Aldeeb Abu-Sahlieh, L’Aire, Vevey, 2009, p. 423.

[10] Dans le Coran, Gabriel – Jibrîl en arabe, qui signifie « Force de Dieu » – est mentionné trois fois : 2,97.98 ; 66,4 . Cf. C. M. Guzzetti, Il Corano. Introduzione, traduzione e commento, Elledici, Leumann (Torino), 2008, p. 279, note 2.

[11] Pour les attestations de Marie dans le Coran, cf. A. Godin et R. Foehrlé, Coran thématique. Classification thématique des versets du Saint Coran, Éditions Al-Qalam, Paris, 2004, p. 250-252.

[12] Cf. M. Gloton, Jésus le Fils de Marie dans le Coran et selon l’enseignement d’Ibn ‘Arabî, Albouraq, Beyrouth, 2006, p. 111.

[13] Cf. Abû Ja‘far Muhammad Ibn Jarîr at-Tabarî, Commentaire du Coran. Abrégé, traduit et annoté par P. Godé, Éditions d’art les heures claires, Paris, 1986, tome III, p. 76. Cf. aussi Il Corano, a cura di Alberto Ventura. Commenti di Alberto Ventura, Ida Zilio-Grandi e Mohammad Ali Amir-Moezzi, Mondadori, Milano, 2010, p. 466.

[14] Cf. M. Gloton, Op. cit., p. 224. Cf. aussi Il Corano, a cura di Alberto Ventura. Commenti di Alberto Ventura, Ida Zilio-Grandi e Mohammad Ali Amir-Moezzi, Mondadori, Milano, 2010, p. 466.