Carême 2022 : deuxième semaine

Jésus venu pour porter à l’accomplissement la Loi et les Prophètes et pour nous porter l’Évangile

La semaine passée nous avons réfléchi sur la relation entre Adam et Jésus, Jésus dans la ligne d’Adam mais aussi dans sa nouveauté. Et, pendant cette deuxième semaine, la Bible et le Coran nous parlent de Jésus venu pour porter à l’accomplissement la Loi et les Prophètes et pour nous porter l’Évangile.

Voici d’abord une petite section de l’Évangile de Matthieu, une section de ce qu’on appelle « Le sermon de la montagne » (Mt 5-7), le premier grand discours dans l’Évangile de Matthieu. Et, dans ce discours, Jésus fait référence à « la Loi », « ho nomos » en grec. Mais dans cette page et très fréquemment dans le Nouveau Testament, ce terme évoque le Pentateuque, les cinq premiers livres de l’Ancien Testament, la Loi de Moise. Et en hébreu, le mot « torah », fréquemment traduit par « loi », signifie « instruction »[1], l’instruction que Dieu a donnée à Moise.

517 Ne pensez pas que je sois venu pour supprimer la Loi ou les Prophètes. Non, je ne suis pas venu pour supprimer mais pour porter à l’accomplissement. 18 En effet, en vérité, je vous dis : Jusqu’à quand le ciel et la terre ne seront passés, pas un i, pas un point sur le i ne passera de la Loi jusqu’à ce que toutes choses soient advenues. 19 Qui donc écartera un seul de ces plus petits de ces commandements et enseignera aux humains à faire de même, sera déclaré le plus petit dans le Royaume des cieux. Au contraire, celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le Royaume des cieux. 20 En effet, je vous dis : Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux (Matthieu 5,17-20).

Ces versets nous présentent le thème central du sermon de la montagne. Ici Jésus est le prophète des derniers temps, il est le nouveau Moise et le nouvel Elie. Il est le nouveau Moise par rapport à la Loi du Pentateuque, il est le nouvel Elie par rapport aux Prophètes de l’Ancien Testament. Il n’est pas « venu pour supprimer la Loi ou les Prophètes ». Sa déclaration est tout à fait claire : « Non, je ne suis pas venu pour supprimer mais pour porter à l’accomplissement » (v. 17). Jésus est celui qui vient pour porter à l’accomplissement les Écritures, il les conduit à la perfection. Il n’abolit pas les préceptes de la Loi commentée dans la synagogue à travers la lecture des prophètes. Jésus leur donne leur pleine signification en vertu de sa propre autorité[2]. Voilà pourquoi Jésus peut nous demander une obéissance profonde et totale, même dans les détails. A travers la lecture que Jésus nous donne, « pas un i, pas un point sur le i ne passera de la loi jusqu’à ce que toutes choses soient advenues » (v. 18). Et nous sommes invité(e)s à accueillir totalement ces paroles de Jésus qui nous ouvrent un avenir auprès de Dieu. En effet, « celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le Royaume des cieux » (v. 19).

Ces versets qui nous donnent des traits importants sur la personne et sur la mission de Jésus me rappellent aussi deux versets du Coran, là où Dieu déclare :

544a Nous avons fait descendre la Torah dans laquelle il y a direction et lumière. D’après elle, les prophètes qui se sont soumis, ainsi que les rabbins et les docteurs jugent [les affaires] des juifs. Car on leur a confié la garde du livre de Dieu, et ils en étaient les témoins.

546 Ensuite, sur leurs traces, nous avons fait suivre Jésus, fils de Marie, confirmant ce qui est devant lui de la Torah. Nous lui avons donné l’Évangile, où il y a direction et lumière, confirmant ce qui est devant lui de la Torah, une direction et une exhortation pour ceux qui respectent profondément Dieu (Sourate 5,44a. 46).

Ici, dans les versets 44 et 46, on a le terme « Torah » (en arabe « Tawrât ») pour désigner le Pentateuque, et ce terme reviens dans le Coran plus d’une quinzaine de fois, généralement mentionné avec l’Évangile[3]. Dans le verset 44, la Torah, donc le Pentateuque, est présentée comme un message très important ; en effet en elle « il y a direction et lumière », elle peut donc nous orienter, nous diriger et nous permettre de trouver le bon chemin qui nous conduit à Dieu. Et, dans le verset 46, le terme « direction » revient deux fois. D’abord, « direction et lumière » caractérisent l’Évangile que Dieu a confié à Jésus. Et ensuite, le terme « direction », avec le mot « exhortation », revient pour qualifier la Torah.

Quant au terme « lumière », on ne peut pas oublier la sourate 24 appelé, justement, « La lumière », en arabe « an-Nûr ». Ici, au verset 35, on lit : « Dieu est la lumière des cieux et de la terre ». Et, à partir de cette affirmation, on comprend comment le Coran peut parler de la Torah et de l’Évangile comme une direction et une lumière, une direction et une lumière qui nous guident vers Dieu, Dieu qui est, lui-même, la lumière.

A propos de Jésus, Dieu nous dit : « Nous avons suscité Jésus, fils de Marie, comme confirmateur du Livre que Nous avions révélé à Moïse, pour qu’il fasse savoir que ce Livre est vrai et que la mise en œuvre de tout ce qui s’y trouve mentionné et qui n’a pas été abrogé par l’Évangile est une obligation d’institution divine »[4]. Et, à propos de ces paroles sur Jésus venu pour confirmer l’ancienne Torah, je ne peux que suivre Si Hamza Boubakeur qui conclut son commentaire du verset 46 de notre sourate en citant Matthieu 5,17 : « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes ; je suis venu non point pour abolir, mais pour accomplir »[5].

C’est le moment de conclure. Ces versets nous montrent que la Torah et ensuite les livres des prophètes (v. 44), donc les livres saints des Juifs (v. 44) et aussi l’Évangile des Chrétiens sont un don de Dieu. Accueillons-les avec gratitude et essayons, ma chère et mon ami, de les mettre en pratique dans la vie de tous les jours.

 

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[1] Cf. G. Liedke / C. Petersen, Tora. Istruzione, dans E. Jenni – C. Westermann, Dizionario teologico dell’Antico Testamento. Volume II, Marietti, Torino, 1982, col. 931ss. Cf. aussi la voix « Torah », dans Nouveau Vocabulaire Biblique, sous la direction de J.-P. Prévost, Bayard – Médiaspaul, Paris – Montréal, 2004, p. 216s.

[2] Cf. F.-X. Amherdt, Matteo 5,1-20, dans Matteo. Nuova traduzione ecumenica commentata, a cura di E. Borghi, Edizioni terra santa, Milano, 2019, p. 68.

[3] Pour l’utilisation du terme « Torah » dans le Coran, cf. M. Chebel, Dictionnaire encyclopédique du Coran, Fayard, Paris, 2009, p. 444s.

[4] Cette paraphrase du verset coranique, on peut la lire dans Abû Ja‘far Muhammad Ibn Jarîr at-Tabarî, Commentaire du Coran. Abrégé, traduit et annoté par P. Godé, Éditions d’art les heures claires, Paris, 1988, tome IV, p. 136.

[5] Ainsi dans Le Coran. Traduction française et commentaire, par Si Hamza Boubakeur, Maisonneuve & Larose, Paris, 1995, p. 397.