Carême : première semaine

Adam et Jésus

Pendant les mois de janvier et de février, nous nous sommes arrêté(e)s sur Adam et Ève. Et maintenant, pendant ces semaines de carême et, plus tard, pendant le ramadan, nous voulons prendre le temps pour réfléchir sur Jésus.

Pour commencer, pendant cette première semaine de carême, nous voulons considérer la relation entre Adam et Jésus. A ce sujet, dans le Nouveau Testament c’est surtout Paul qui en parle : dans la lettre aux Romains au chapitre 5 (versets 12-21) et dans la Première lettre aux chrétiens de Corinthe au chapitre 15 (au verset 22 et aux versets 45-49).

De ces différentes pages, je veux lire avec toi trois versets de la lettre aux Corinthiens. Voici comment on peut les traduire :

45 Et c’est ainsi qu’il a été écrit, écriture définitive : « Le premier humain, Adam, devint un être vivant »; le dernier Adam devint un esprit qui donne la vie. 46 Ce qui vient d’abord, ce n’est pas l’être qui vit grâce à l’esprit, c’est le simple être humain. L’être qui vit grâce à l’esprit vient après. 47 Le premier humain, qui vient de la terre, est modelé avec de l’argile, le second humain vient du ciel (1 Cor 15,45-47).

Ces versets font partie de tout un chapitre dans lequel Paul parle de la résurrection : la résurrection de Jésus et celle qui attend chacune et chacun de nous (1 Cor 15,1-58).

Pour en parler, Paul insiste sur un contraste : « le premier humain, Adam » et « le dernier Adam » (v. 45). Et, à propos du premier humain, Paul fait référence à la traduction grecque de Genèse 2,7 où on lit : « Et Dieu a modelé l’humain argile à partir de la terre et lui a insufflé – dans sa personne – un souffle de vie, et l’humain est devenu un être vivant ». Quant au dernier Adam, qui est, évidemment le Christ au moment de la résurrection[1], il « devint un esprit qui donne la vie » (v. 45). Le contraste entre les deux est évident : Adam, « un être vivant », le Christ, une personne « qui donne la vie ».

Dans le verset suivant, Paul insiste sur la chronologie : ce qui « vient d’abord » et ce qui « vient après ». (v. 46). Et après avoir insisté sur le temps, , dans le verset 47 Paul évoque les deux origines différentes : le premier Adam « vient de la terre », il est tiré de la terre et il est « modelé avec de l’argile ». Pour ce qui en est du second homme, il « vient du ciel » (v. 47).

La relation entre Adam et Jésus est mentionnée, avec des accents différents, aussi dans le Coran. C’est ce qu’on lit dans la sourate 3, une sourate qui remonte à l’an 9 de l’hégire, donc l’an 631 après Jésus. Dans cette année, une délégation chrétienne de Najrân, une ancienne ville du Yémen septentrional, était arrivée rencontrer Muhammad. Elle était composée d’une soixantaine de professeurs, de théologiens et de notables ayant à leur tête l’évêque ’Abû Hâritha b. ‘Alqama. Le but de leur visite était une prise de contact avec Muhammad pour s’informer de sa mission et des rapports de celle-ci avec le christianisme. Et, au cours de leur séjour, les chrétiens purent célébrer, chose remarquable, leur messe dans la mosquée de Muhammad[2].

Cette sourate, liée au dialogue entre musulmans et chrétiens, évoque Jésus comme le Verbe émanant de Dieu. C’est au verset 45 où un lit :

[Rappelle] lorsque les anges dirent : Ô Marie ! Dieu, en vérité, t’annonce comme bonne nouvelle un Verbe émanant de lui, dont le nom sera l’Oint Jésus, fils de Marie. Il [sera] illustre dans la vie d’ici-bas et dans la vie future, et comptera parmi les rapprochés [du Seigneur] (Sourate 3,45)[3].

Et, un peu plus en avant dans cette sourate, on lit :

359 Pour Dieu, Jésus ressemble à Adam qu’il créa de la terre, puis il lui dit : « Sois ! » et cela est. 60 La vérité [est venue] de ton Seigneur. Ne sois donc pas de ceux qui doutent (Sourate 3,59-60).

A propos des versets 59 et 60, c’est intéressant de lire un ancien commentaire écrit par Ismaïl ibn Kathîr. Cet exégète du Coran écrivait : « Jésus – dit Dieu – ressemble dans sa création à Adam. Il dit cela pour signifier qu’il est Capable de tout : il a créé Adam sans père ni mère, créé Ève de l’homme seulement, créé Jésus de sa mère seulement, et créé les humains de leur père et mère. C’est pourquoi Dieu dit dans la sourate de Marie : “afin de faire de lui un signe pour les hommes ” (Sourate 19,21). Et ici, Dieu dit : “Le Vrai, la Vérité, ne procède, que de ton maître. Ne sois donc pas du nombre des douteurs”, et c’est pourquoi il dit ici que c’est la parole de Vérité »[4].

C’est le moment de conclure cette page. Le verset 59 souligne la similitude entre Adam et Jésus. Les deux nous permettent d’entrevoir l’action surprenante de Dieu, Dieu qui donne vie à Adam et à Jésus. Et, par rapport au verset 59, le verset 45 souligne le caractère unique qu’on peut découvrir dans l’humanité de Jésus : le fils de Marie est Verbe émanant de Dieu. Nous pouvons donc voir une proximité entre cette affirmation du Coran et celle de Paul qui affirme : « Le premier humain, qui vient de la terre, est modelé avec de l’argile, le second humain vient du ciel (1 Cor 15, 47).

Accueillons donc dans notre vie ce second humain qui vient du ciel, accueillons-le comme la Parole qui vient de Dieu. Accueillons-le, et nous serons ensemble.

 

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[1] Pour cette référence à la résurrection, cf. G. Barbaglio, La Prima lettera ai Corinzi. Introduzione, versione e commento, EDB, Bologna, 1996, p. 848.

[2] Le Coran. Traduction française et commentaire, par Si Hamza Boubakeur, Maisonneuve & Larose, Paris, 1995, p. 201.

[3] Pour l’expression « les rapprochés [du Seigneur] » (« muqarrabyna » en arabe) qui signifie « ceux qui seront admis à l’intimité de Dieu», cf. Il Corano. Introduzione di K. Fouad Allam, traduzione e apparati critici di G. Mandel, UTET, Torino, 2006, p. Mandel, p. 761.

[4] Ismaïl ibn Kathîr, L’exégèse du Coran en 4 volumes. Traduction : Harkat Abdou, Vol. 1, Sourate 1 (Le Prologue) – Sourate 5 (La Table), Dar Al-Kutub Al-ilmiyah, Beyrouth, 2000, p. 201.