Pâques, 17 avril 2022

« Dieu vous a ressuscités avec le Christ » (Colossiens 3,1

 

Première lecture

Après avoir écrit son Évangile, Luc va poursuivre sa narration en écrivant les Actes des apôtres. Dans ce second livre, Luc nous montre comment le message concernant Jésus va arriver aux païens. Dans cette démarche, un rôle important est joué par deux personnes : parmi les apôtres Pierre, parmi les païens l’officier romain Cornelius. C’est Dieu qui pousse les deux à franchir les barrières qui les séparent et à se rencontrer. Et, au moment de la rencontre, Pierre trace les lignes fondamentales du message chrétien.

Il y a d’abord un présupposé fondamental (vv. 34-35). Pour accueillir le message du salut, il faut une ouverture religieuse à Dieu et un comportement correct : la pratique de la justice.

En poursuivant sa déclaration, au verset 36[1] Pierre insiste : l’ouverture à Dieu et la pratique de la justice sont le message que Dieu a envoyé aux Israélites. Et ce message, cette « parole », a pris une forme très concrète : c’est « la bonne nouvelle de la paix par Jésus Christ ». Cette bonne nouvelle, Dieu nous l’a communiquée à travers Jésus. Elle n’est pas l’annonce d’un châtiment, elle est « la bonne nouvelle de la paix ». Et, à propos du Christ, Pierre souligne immédiatement : il est « le Seigneur de tous les humains ».

Ensuite, l’apôtre mentionne les quatre étapes de la vie de Jésus (vv. 37-41) : le baptême, l’activité en Galilée, l’activité et la mort à Jérusalem, la résurrection et les apparitions pascales. Ces quatre étapes que Jésus a vécues, Pierre les présente comme « l’événement[2] qui est arrivé à la Judée tout entière » (v. 37).

Et l’apôtre termine sa prise de position en soulignant les conséquences (vv. 42-43) de ce que Jésus a vécu avec ses disciples. Le fait d’avoir, au moment du repas pascal, rencontré Jésus pousse ses disciples à annoncer au monde le pardon : nous pouvons donc avoir confiance en Dieu, Dieu est celui qui pardonne nos égarements.

Lecture du livre des Actes des apôtres (10,34-43)
Quand il arriva à Césarée chez un centurion de l’armée romaine, 34 Pierre, ouvrant la bouche, dit : « En vérité, je me rends compte que Dieu est impartial : 35 en toute nation, quiconque le respecte et pratique la justice trouve accueil auprès de lui.

36 C’est la parole qu’il a envoyée aux Israélites annonçant la bonne nouvelle de la paix par Jésus Christ, lui qui est le Seigneur de tous les humains. 37 Vous savez, vous, l’événement qui est arrivé à la Judée tout entière : il a commencé par la Galilée, après le baptême que Jean proclamait ; 38 ce Jésus issu de Nazareth, vous savez comment Dieu lui a conféré l’onction d’Esprit Saint et de puissance ; il est passé partout en faisant le bien et guérissant tous ceux que le diviseur, le diable, tenait asservis. Oui, Dieu était avec lui. 39 Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs comme à Jérusalem, lui qu’ils ont supprimé l’ayant suspendu au bois [du supplice]. 40 Celui-ci, Dieu l’a ressuscité le troisième jour et il lui a donné de manifester sa présence, 41 non pas au peuple en général, mais bien à des témoins choisis d’avance par Dieu, à nous qui avons mangé avec lui et bu avec lui après que Dieu l’a relevé d’entre les morts.

42 Et il nous a prescrit de proclamer au peuple et de porter ce témoignage : c’est lui que Dieu a désigné comme juge des vivants et des morts. 43 C’est à Jésus que tous les prophètes rendent le témoignage que voici : toute personne qui met en lui sa confiance reçoit – par son nom – le pardon de ses égarements ».

Psaume

Le psaume 118 est le psaume qui termine la collection des psaumes 113-118. Il s’agit d’une collection appelée « Hallel », c’est-à-dire « Louange », une collection utilisée dans les cérémonies religieuses des grandes fêtes en Israël[3].

Ce psaume remonte, probablement, au quatrième siècle avant la naissance de Jésus. Il s’agit d’un poème composé au temple de Jérusalem[4] et structuré en trois parties. De chaque partie, la liturgie nous propose deux versets.

Dans la première (vv. 1-4), le poète prend la parole et adresse une invitation à tout le monde et, en particulier, à Israël. Tous les fidèles sont invités à célébrer Dieu car « pour toujours est son amour ». Voilà les mots sur lesquels insiste le poète dans chaque verset.

Dans la deuxième partie (vv. 5-18), plusieurs voix interviennent[5]. Il y a un individu qui raconte son expérience de souffrance : il se trouvait dans un danger mortel, une situation sans issue, mais Dieu est intervenu et l’a libéré. Cette narration – qu’on ne lira pas ce matin – est complétée par la réaction des fidèles qui célèbrent l’action de Dieu, l’action que Dieu a accomplie avec sa main droite. Ils chantent donc : « La [main] droite de Yhwh s’élève, la [main] droite de Yhwh fait des œuvres puissantes » (v. 16)[6]. Après cette acclamation, le soliste revient sur son récit. Celui que Dieu a libéré de la mort ne peut que regarder vers l’avenir avec gratitude et reconnaissance. Il affirme donc : « Non, je ne mourrai pas, je vivrai et je raconterai les œuvres de Yah » (v. 17). Et, ces mots sont pleins de tendresse, une tendresse qui apparaît dans l’emploi du terme familier et intime « Yah » à la place du terme solennel « Yhwh » que d’habitude les Juifs n’osent même pas prononcer.

Enfin, la troisième partie (vv. 19-29) du psaume. Celui qui a été libéré par le Seigneur entre dans le temple. Les prêtres et l’assemblée réagissent. Au verset 22, les prêtres commentent l’expérience de la libération à travers un petit récit, le récit de la pierre : une pierre, qui avait été mise à côté, a été ensuite utilisée comme la pierre la plus importante dans une construction. Les fidèles aussi interviennent en voyant dans cette expérience « l’œuvre de Yhwh » (v. 23).

Après cette intervention de l’assemblée, au verset 24 le chœur des chanteurs s’exprime pour célébrer le jour de l’intervention de Dieu. En reprenant ces mots et en pensant à la résurrection de Jésus, nous aussi nous voulons chanter :

Voici le jour que le Seigneur a fait,

qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !

Et ce sera notre refrain à la fin de chaque strophe.

 

Psaume 118 (versets 1-2. 16-17. 22-23)

1 Rendez grâce à Yhwh, car il est bon,

oui, pour toujours est son amour !

2 Qu’Israël, donc, le dise :

« Oui, pour toujours est son amour ! »

Refr. :                      Voici le jour que le Seigneur a fait,

qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !

 

16 « La [main] droite de Yhwh s’élève,

la [main] droite de Yhwh fait des œuvres puissantes ».

17 « Non, je ne mourrai pas, je vivrai

et je raconterai les œuvres de Yah ».

Refr. :                      Voici le jour que le Seigneur a fait,

qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !

 

22 « La pierre que les maçons avaient rejetée

est devenue la pierre principale [de la maison] ».

23 « C’est là l’œuvre de Yhwh,

c’est une merveille à nos yeux ».

Refr. :                      Voici le jour que le Seigneur a fait,

qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !

 

Deuxième lecture

Colosses était une ville dans l’actuelle Turquie sud-occidentale. Et c’est Epaphras, Colossien d’origine, « cher compagnon de service » (1,7) à côté de Paul, c’est Epaphras « serviteur du Christ » (4,12), qui a apporté le message de Jésus à Colosses. Et le résultat de cette annonce est là. Paul peut dire aux Colossiens : « Epaphras nous a décrit de quel amour l’Esprit vous anime » (1,8).

La lettre aux Colossiens, écrite par Paul ou par un de ses collaborateurs, date probablement des années 61-63. Par rapport aux lettres antérieures de Paul, ici l’auteur souligne le changement profond qui s’accomplit au moment du baptême : « ensevelis avec le Christ dans le baptême, vous avez été ressuscités en lui, parce que vous avez cru en la force de Dieu qui l’a ressuscité des morts. Et vous, qui étiez morts à cause de vos fautes, Dieu vous a fait revivre avec lui ! Il nous a pardonné toutes nos fautes » (2,12-13).

Cette conception du baptême comme participation – dès maintenant ! – à la condition de ressuscité(e)s retentit aussi dans le petit texte que nous allons écouter. Mais ici avec deux conséquences : « recherchez les choses d’en haut » et « songez aux choses d’en haut, non à celles de la terre » (v. 1-2). Et les choses de la terre – comme l’auteur l’expliquera dans la suite du chapitre – c’est la colère, le mensonge, les préjugés liés à l’ethnie grecque ou juive. A la place de ces mauvais comportements, il faut s’engager dans une tendresse généreuse, la douceur, la patience, la tolérance, le pardon, et « l’amour, qui est le lien parfait » (3,14).

 

Lecture de la lettre aux Colossiens (3,1-4)

Frères, 1 si donc Dieu vous a ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. 2 Songez aux choses d’en haut, non à celles de la terre. 3 Car vous êtes morts, et votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu : 4 quand le Christ – lui qui est votre vie – sera manifesté, alors vous aussi vous serez manifestés avec lui en [pleine] gloire.

 

Séquence

Dans un instant, nous allons écouter un poème composé au onzième siècle par un auteur inconnu. Ce poème qui, à l’origine, était chanté surtout dans les monastères, plus tard est entré dans les célébrations de toutes les communautés chrétiennes d’occident. Suivons donc attentivement ce poème qui, pendant un millénaire, a accompagné et soutenu les communautés chrétiennes au moment de célébrer la résurrection de Jésus.

À la Victime pascale,

chrétiens, offrez le sacrifice de louange.

L’Agneau a racheté les brebis ;

le Christ innocent a réconcilié

l’homme pécheur avec le Père.

La mort et la vie s’affrontèrent

en un duel prodigieux.

Le Maître de la vie mourut ; vivant, il règne.

« Dis-nous, Marie Madeleine,

qu’as-tu vu en chemin ? »

« J’ai vu le sépulcre du Christ vivant,

j’ai vu la gloire du Ressuscité.

J’ai vu les anges ses témoins,

le suaire et les vêtements.

Le Christ, mon espérance, est ressuscité !

Il vous précédera en Galilée. »

Nous le savons : le Christ

est vraiment ressuscité des morts.

Roi victorieux,

prends-nous tous en pitié !

Amen.

 

Evangile

L’Évangile de Jean nous raconte la ‘semaine sainte’ à partir de « six jours avant la Pâque » (12,1). Et la page de ce matin commence avec les mots « le premier jour de la semaine ». Sept jours sont donc passés, et nous sommes au huitième, un chiffre qui évoque l’idée de plénitude, de nouveauté[7]. Et pourtant, nous dit le narrateur, « encore la ténèbre » (v. 1).

Et Marie se rend au tombeau sans se rendre compte que le jour nouveau a déjà commencé[8]. En effet, la pierre du tombeau est « enlevée » définitivement ! (v. 1). Mais ce fait n’encourage pas Marie Madeleine. Elle pense que des gens ont pris le corps de Jésus et on ne sait pas « où on l’a mis » (v. 2). Et, prise par l’angoisse, la femme court chez « Simon Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait »[9], pour leur dire sa profonde tristesse.

La suite du récit s’arrête sur Pierre et l’autre disciple. Eux aussi, ils courent, l’un plus rapidement que l’autre. Devant le tombeau, l’autre disciple attend Pierre. C’est Pierre qui entre en premier : il voit les bandes de tissu posées par terre, il voit le linge qu’on avait mis sur la tête de Jésus. Il est enroulé à part. L’ordre qui règne dans le tombeau exclut un vol ou un déplacement précipité. Le soupçon formulé par Marie n’a donc aucun fondement. Voilà ce que Pierre constate. Il constate les faits mais, un peu comme Marie Madeleine, il ne sait pas les interpréter comme des signes de la résurrection[10].

Devant les bandes de tissu et le linge déjà mentionnés pour la résurrection de Lazare (11,44), seulement le disciple aimé est capable de voir et, en même temps, de croire (v. 8). En effet, celui qui avait ordonné de libérer Lazare des signes de la mort, n’a pas besoin d’un acteur humain pour se libérer de ces mêmes signes[11]. Et le disciple aimé, celui qui est plus intimement lié à Jésus et l’a suivi jusqu’au Calvaire, est le premier à croire[12].

Un dernier détail. Après avoir évoqué la foi du disciple aimé, le narrateur nous renvoie à l’Écriture selon laquelle Jésus « doit ressusciter d’entre les morts » (v. 9). Et ici le verbe « doit », au présent, ne fait pas partie de la narration. C’est un commentaire de l’évangéliste qui nous interpelle personnellement. La résurrection fait partie du plan de Dieu. Et la lecture, une lecture attentive de l’Écriture, nous aide à croire et à grandir dans la foi.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (20,1-10)

1 Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine va au tombeau. C’est très tôt, encore la ténèbre. Et elle voit la pierre enlevée – définitivement – du tombeau. 2 Alors elle court et va chez Simon Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait. Elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur du tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis ! »

3 Pierre sortit donc, ainsi que l’autre disciple, et ils allaient au tombeau. 4 Ils couraient tous deux ensemble. Mais l’autre disciple courut devant, plus vite que Pierre, et il arriva le premier au tombeau ; 5 et, se penchant, il voit les bandes de tissu posées là, par terre. Pourtant il n’entra pas. 6 Vient donc aussi Simon Pierre qui le suivait et il entra dans le tombeau. Et il regarde les bandes de tissu posées par terre. 7 Il regarde aussi le linge qu’on avait mis sur la tête de Jésus. Ce linge n’est pas posé avec les bandes de tissu, il est enroulé à part, dans un autre endroit. 8 Alors donc entra aussi l’autre disciple, qui était arrivé le premier au tombeau : il voit et il croit. 9 En effet, les disciples n’avaient pas encore compris l’Écriture selon laquelle lui, il doit ressusciter d’entre les morts.

10 Les disciples s’en allèrent donc de nouveau chez eux.

 

Prière d’ouverture

Je pense à toi, le jour, la nuit.

Et c’est ta main qui me conduit, ô Seigneur !

Préserve-moi de tout faux pas.

Mon cœur ne veut servir que toi, ô Seigneur !

Sur toi les yeux toujours fixés,

je chante et je marche en sûreté, ô Seigneur !

Que peut la mort pour m’engloutir ?

Car du tombeau je dois surgir, ô Seigneur !

Devant ta Face il n’est que joie,

joie débordante auprès de toi, ô Seigneur !

[Negro spiritual[13]]

 
Prière des fidèles

* Le discours de Pierre a souligné que la bonne nouvelle est « la bonne nouvelle de la paix par Jésus Christ ». Aide-nous, Seigneur, à nous engager pour la paix dans nos quartiers, pour pouvoir rencontrer, dès aujourd’hui, le Christ ressuscité.

* Dans le psaume, nous avons entendu : « Non, je ne mourrai pas, je vivrai et je raconterai les œuvres de Yah ». Donne-nous la force, Seigneur, de regarder la mort – et notre mort – avec confiance.

* La lettre aux Colossiens nous invite à comprendre notre vie d’une façon nouvelle. Nous sommes déjà, en quelque sorte, dans l’avenir de Dieu, dans la résurrection. Mais cela doit se voir dans notre comportement, dans notre façon de vivre avec les autres. Aide-nous, Seigneur, à vivre de cette manière la résurrection.

* Pour nous, aujourd’hui, c’est « encore la ténèbre », comme pour Marie Madeleine. Le fait que Jésus n’est plus dans son tombeau ni dans aucun autre endroit, ne nous suffit pas pour croire. Que la parole de l’Écriture nous aide à croire, à accueillir ce que tu avais projeté, Seigneur : la résurrection de Jésus et, un jour, la nôtre aussi.

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[1] Pour la structure des premiers mots du verset 36, cf. D. Marguerat, Les Actes des apôtres (1-12), Labor et fides, Genève, 2007, p. 391.

[2] Pour la traduction du mot « rhêma » par « événement », cf. D. Marguerat, Ibid, p. 392.

[3] Ainsi E. Zenger, I Salmi. Preghiera e poesia, vol. 2. L’aurora voglio destare, Paideia, Brescia, 2013, p. 102.

[4] Cf. E. Zenger, Psalm 118, dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger, Psalmen 101-150, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2008, p. 320.

[5] Cf. G. Ravasi, Il libro dei salmi. Commento e attualizzazione. Vol. 3 (Salmi 101-150), EDB, Bologna, 2015, p. 418s.

[6] Pour la traduction de ce verset, cf. G. Ravasi, Ibid., p. 408.

[7] Cf. M. Nicolaci, Vangelo secondo Giovanni. Traduzione e commento, dans I Vangeli, a cura di R. Virgili, Ancora, Milano, 2015, p. 1646s.

[8] Cf. J. Mateos – J. Barreto, Il vangelo di Giovanni. Analisi linguistica e commento esegetico, Cittadella, Assisi, 1982, p. 795.

[9] Sur cet « autre disciple », on peut lire R. E. Brown, Cristo nei Vangeli dell’anno liturgico, Elledici, Leumann Torino, 2010, p. 294ss.

[10] J. Zumstein, L’Évangile selon saint Jean (13-21), Labor et fides, Genève, 2007, p. 272.

[11] Cf. R. Schnackenburg, Il vangelo di Giovanni. Parte terza, Paideia, Brescia, 1981, p. 510s.

[12] Cr. R. E. Brown, Giovanni. Commento al Vangelo spirituale. Capitoli 13-21, Cittadella, Assisi, 1979, p. 1265.

[13] Écoute, Seigneur, ma prière. Textes choisis et présentés par J.-P. Dubois-Dumée, Desclée, Pris, 1988, p. 256.