Ramadan 2022 : troisième semaine

Accueillir Jésus en toute confiance

Pendant cette troisième semaine de Ramadan, je veux lire un verset du Coran, plus précisément de la Sourate 5, la même Sourate de laquelle nous avons déjà lu une petite section il y a deux semaines. Voici maintenant un seul verset, un verset qui synthétise des données à propos de Jésus.

En ce temps-là, Dieu dit : « Ô Jésus, fils de Marie ! Rappelle-toi ma grâce envers toi et envers ta mère, lorsque je te fortifiais de l’esprit saint. Tu parlais aux humains dans le berceau comme un adulte. Je t’enseignais le livre, la sagesse, la Torah et l’Évangile. Tu créais – avec de l’argile – une forme de volatile avec mon autorisation, puis tu y soufflais et, avec mon autorisation, elle devenait un oiseau [vivant]. Tu guérissais, avec mon autorisation, l’aveugle-né et le lépreux. Avec mon autorisation, tu faisais sortir les morts [des tombes]. En ce temps-là, j’ai écarté les fils d’Israël [loin] de toi alors que tu venais à eux avec les preuves. Mais ceux qui ont mécru parmi eux dirent : « Ce n’est que de la sorcellerie manifeste ! » (Sourate 5,110)[1].

Cette Sourate est la cent-douzième dans l’ordre chronologique, révélée a ‘Arafa lors du pèlerinage de l’ « adieu », le vendredi 26 février 632, peu de temps avant la mort de Muhammad (le mois de juin de la même année)[2].

Dans la première partie de ce verset, le Coran revient sur des affirmations qu’on lit aussi dans la Sourate 3 : « [Jésus] parlera aux humains dans le berceau comme un adulte » (3,46) ; « [Dieu] lui enseignera le livre, la sagesse, la Torah et l’Evangile » (3,48). Toujours dans la Sourate 3, on lit ces paroles attribuées à Jésus : « Pour vous, je crée – de l’argile – comme la figure d’un oiseau, puis j’y souffle et, avec l’autorisation de Dieu, elle devient un oiseau [vivant]. Je guéris l’aveugle-né et le lépreux, et je fais revivre les morts, avec l’autorisation de Dieu » (v. 49)[3]. Deux fois dans ce verset, nous avons la tournure « autorisation de Dieu » et, dans la Sourate 5,110, le mot « autorisation » revient quatre fois. Ce mot, « idhn » en arabe, provient d’une racine qui signifie : prêter l’oreille, écouter, permettre, prendre connaissance, savoir, approuver »[4]. A travers ce mot arabe, le Coran nous présente donc Jésus qui écoute Dieu et qui accomplit fidèlement la volonté de Dieu.

Enfin, vers la fin du verset 110, Dieu évoque la mauvaise réaction des Israélites vis-à-vis des actions de Jésus. Devant leur mauvaise réaction, Dieu a « écarté les fils d’Israël [loin] de toi[5] », donc Dieu a protégé Jésus contre les Israélites qui le refusaient au lieu de l’accueillir et de découvrir en lui et dans ses actions l’intervention de Dieu.

Les dernières phrases du Coran me rappellent ce qu’on lit fréquemment dans les Évangiles. Ici je me limite à un passage de l’Évangile de Marc.

1 Jésus vient dans sa patrie et ses disciples le suivent. 2 Et, le sabbat arrivé, il commença à enseigner dans la synagogue, et [ses] nombreux auditeurs étaient frappés de stupeur, disant : « D’où lui [viennent] ces choses et quelle [est] la sagesse qui lui a été donnée et les actes de puissances qui arrivent à travers ses mains ? 3 Celui-ci n’est-il pas le charpentier, le fils de Marie et [le] frère de Jacques et de Josès et de Jude et de Simon ? Et ne sont-elles pas, ses sœurs, ici, près de nous ? Et ils étaient scandalisés à son sujet. 4 Et Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans sa patrie et parmi ses parents et dans sa maison. 5 Et là, il ne pouvait faire aucun acte de puissance, sinon qu’ayant imposé les mains à quelques malades, il les guérit ; 6a et il s’étonnait à cause de leur manque de foi. (Marc 6,1-6a).

Cette page de Marc c’est la conclusion d’une section qui – à partir de 4,35 – présente plusieurs miracles accomplis par Jésus. Et maintenant Marc termine cette section de son Évangile en présentant une réaction d’incompréhension de la part des foules même dans son village[6]. En jour de sabbat, dans la synagogue, son enseignement provoque une surprise qui se résume dans une question : « D’où lui [viennent] ces choses et quelle [est] la sagesse qui lui a été donnée et les actes de puissances qui arrivent à travers ses mains ? » (v. 2).

Ce verset nous montre que les personnes de Nazareth reconnaissent que Jésus n’est pas l’origine ultime de sa sagesse et des actions qui se réalisent à travers ses mains ; mais, après ce constat, un constat surprenant en pensant à sa famille, il ne savent pas remonter à Dieu[7]. Et pourtant, sagesse et actes de puissance sont des attributs de Dieu ; mais le fait que sagesse et puissance se révèlent dans cette personne qui est égale à nous et que nous connaissons bien parce qu’elle a vécu et grandi chez nous… c’est un scandale. Voilà la réaction des Nazaréens. Mais elle est aussi notre réaction. En effet, nous avons notre idée sur Jésus et nous ne lui permettons pas d’être différent, mystérieux, plus profond, plus vrai, une personne qui nous met en question dans notre intelligence, notre mémoire, notre expérience[8].

C’est le moment de conclure cette page. Ouvrons-nous, ma chère, mon ami, ouvrons-nous à Jésus avec confiance, au lieu de le considérer comme une « sorcellerie manifeste » ; accueillons-le en découvrant, jour après jour, la sagesse qui lui a été donnée et les actes de puissances qui arrivent à travers ses mains ; accueillons-le en sachant que – dans ses paroles et dans ses actions – il accomplit la parole de Dieu. Et, en Jésus qui agit ainsi, nous aurons un modèle pour notre relation avec Dieu : ouverture et disponibilité envers Dieu. Et, dans cette attitude, nous serons ensemble.

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[1] Cette traduction reprend, avec de petites modifications, celle qu’on lit dans Le Coran. Texte arabe et traduction française, par ordre chronologique selon l’Azhaar, avec renvoi aux variantes, aux abrogations et aux écrits juifs et chrétiens, par S. A. Aldeeb Abu-Sahlieh, L’Aire, Vevey, 2009, p. 539.

[2] Cf. Le Coran. Traduction française et commentaire, par Si Hamza Boubakeur, Maisonneuve & Larose, Paris, 1995, p. 365.

[3] Pour une comparaison entre le verset 110 de la Sourate 5 et le verset 49 de la Sourate 3, cf. M. Gloton, Jésus le Fils de Marie dans le Coran et selon l’enseignement d’Ibn ‘Arabî, Albouraq, Beyrouth, 2006, p. 233s.

[4] Cf. M. Gloton, Op. cit., p. 139.

[5] Pour cette traduction de l’expression arabe, cf. Abû Ja‘far Muhammad Ibn Jarîr at-Tabarî, Commentaire du Coran. Abrégé, traduit et annoté par P. Godé, Éditions d’art les heures claires, Paris, 1988, tome IV, p. 262.

[6] A. Guida, Vangelo secondo Marco. Traduzione e commento, dans I Vangeli, a cura di R. Virgili, Ancora, Milano, 2015, p. 585.

[7] Cf. I. Galdeano, Lavoro e famiglia, dimensioni dell’identità sociale di Gesù. Lettura di Marco 6,1-6, dans Essere umani secondo la Bibbia. Analisi ed interpretazioni, a cura di E. Borghi, Parola&parole, marzo 2022. Numero 33, Monografie, absi, Lugano, 2022, p. 65.

[8] Ainsi S. Fausti, Il Vangelo di Marco, EDB, Bologna, 2018, p. 116s.