Eucharistie : 15 mai 2022

5ème Dimanche de Pâques — Année C

L’œuvre de Dieu dans notre vie, une œuvre toujours surprenante

 

Première lecture

Dans les Actes des Apôtres, Luc nous présente Paul et Barnabas qui s’enfoncent plus profondément en territoire étranger, à Derbé, une ville de la partie méridionale de l’actuelle Turquie, presqu’à la limite du territoire impérial[1]. Jusque-là la Bonne Nouvelle est annoncée et accueillie.

Dans la suite du récit (vv.21b-23), Paul et Barnabas sont sur le chemin du retour et ils en profitent pour consolider les communautés chrétiennes[2]. D’abord, « ils fortifient le cœur des disciples et les encouragent à rester fidèles à la foi » (v. 22). Et ils ajoutent : « Il nous faut traverser beaucoup de souffrances pour entrer dans le Royaume de Dieu » (v. 22). Et cette phrase rappelle l’exhortation du Christ ressuscité aux disciples d’Emmaüs[3]: « Ne fallait-il pas, pour le Christ, souffrir ceci et entrer ainsi dans sa gloire ? » (Luc 24,26). Toujours pour aider les croyants des différentes communautés, « Paul et Barnabas choisissent des anciens pour chaque Église » (v. 23). En effet, les Églises ont besoin d’être encouragées, encouragées par des personnes que Paul et Barnabas confient au Seigneur (v. 23).

Enfin, la dernière section de notre page (vv. 24-27) : les deux missionnaires retournent en Syrie, dans la communauté qui « les avait livrés – d’une façon irréversible – à la grâce de Dieu » (v. 26). L’expression utilisée par le narrateur est très forte. Les missionnaires sont livrés, sont confiés à la force du Seigneur : c’est en s’abandonnant au Seigneur que les missionnaires trouvent la force de s’engager pour annoncer l’évangile et encourager les croyants. Et les résultats obtenus ne sont pas seulement le fruit de leurs efforts, de leur engagement. Ces résultats sont, à la racine, œuvre de Dieu. Voilà pourquoi Luc peut conclure sa page en parlant de Paul et Barnabas qui, à la communauté d’Antioche, « disent tout ce que Dieu a fait avec eux » (v. 27). Oui, Dieu a œuvré non pour eux, mais avec eux[4]. C’est ainsi que « Dieu a ouvert la porte de la foi aux nations » (v. 27).

 

Lecture du livre des Actes des Apôtres (14,21b-27)

21b Paul et Barnabas retournent à Lystre, à Iconium et à Antioche de Pisidie. 22 Ils fortifient le cœur des disciples et les encouragent à rester fidèles à la foi. Ils leur disent : « Il nous faut traverser beaucoup de souffrances pour entrer dans le Royaume de Dieu ». 23 Paul et Barnabas choisissent des anciens pour chaque Église. Ils prient et ils jeûnent, puis ils confient au Seigneur ces anciens qui avaient mis leur foi en lui.

24 Ensuite, Paul et Barnabas traversent la Pisidie et arrivent en Pamphylie. 25 À Pergé, ils annoncent la parole [de Dieu]. Après cela, ils vont descendre [au port] d’Attalia 26 et de là, ils prennent le bateau pour retourner à Antioche de Syrie. C’est dans cette ville qu’on les avait livrés – d’une façon irréversible – à la grâce de Dieu pour le travail qu’ils venaient d’accomplir.

27 En arrivant [à Antioche de Syrie, Paul et Barnabas] réunissent les membres de l’Église. Ils leur disent tout ce que Dieu a fait avec eux. Ils leur racontent comment Dieu a ouvert la porte de la foi aux nations.

 

Psaume

Le psaume 145 est un des psaumes plus récents de l’Ancien Testament[5]; il a été composé probablement au quatrième siècle avant la naissance de Jésus.

Il s’agit d’un psaume alphabétique : le premier verset commence avec la première lettre de l’alphabet hébreu, le deuxième avec la deuxième lettre, et ainsi jusqu’au dernier verset avec la dernière lettre. Le poète veut ainsi louer Dieu – c’est le but de ce psaume – à travers tout son alphabet.

De ce psaume, nous allons lire trois strophes.

Dans la première (vv. 8-9), le poète évoque toutes les différentes interventions que Dieu accomplit dans son immense bonté. Il suffit de s’ouvrir et de laisser jaillir, du fond de soi-même, le souvenir de sa « tendresse maternelle ». Et cela parce que Yhwh est bon « et ses entrailles maternelles embrassent toutes ses œuvres ». Il intervient dans l’histoire avec justice, une justice qui sauve et dans laquelle il manifeste sa tendresse et son pardon.

La deuxième et la troisième strophe (vv. 10-13)[6] soulignent comment l’intervention de Dieu soit sans limites : sur tous les temps s’étend son royaume et toutes ses œuvres le remercient. Voilà pourquoi le poète invite toutes les œuvres de Dieu et ses fidèles à le remercier et à raconter ses exploits aux humains (v. 12). Et ces exploits sont, évidemment, toutes les actions de Dieu, dans la création et dans l’histoire tout au long des générations[7].

Quant à nous, ce matin, nous voulons nous unir à ce chant de remerciement. Et nous pourrons dire, comme refrain à la fin de chaque strophe, ce que le poète disait en commençant ce psaume :

Mon Dieu, mon Roi,

je bénirai ton nom toujours et à jamais !

 

Psaume 145 (versets 8-9. 10-11. 12-13ab)

8 Il fait grâce, Yhwh, et il a une tendresse maternelle,

il est lent à la colère et grand dans l’amour.

9 Bon est Yhwh pour tous,

et ses entrailles maternelles embrassent toutes ses œuvres.

Refr. :             Mon Dieu, mon Roi,

je bénirai ton nom toujours et à jamais !

 

10 Qu’elles te rendent grâce, Yhwh, toutes tes œuvres,

et que tes fidèles te remercient !

11 La gloire de ton royaume, qu’ils la disent,

et tes exploits, qu’ils les racontent.

Refr. :             Mon Dieu, mon Roi,

je bénirai ton nom toujours et à jamais !

 

12 Ainsi, ils feront connaître aux humains ses exploits

et la gloire magnifique de son royaume.

13ab Ton royaume est un royaume de tous les temps

et ton pouvoir royal est pour toute génération et génération.

Refr. :             Mon Dieu, mon Roi,

je bénirai ton nom toujours et à jamais !

 

Deuxième lecture

La deuxième lecture est une des dernières pages de l’Apocalypse. Jean nous parle d’une vision extraordinaire. C’est le couronnement de toute l’histoire humaine : il dépasse toute imagination, c’est une nouveauté absolue. Et l’adjectif « nouveau » – qui dans la Bible évoque la perfection, une perfection définitive[8] – va retentir quatre fois dans notre texte : ciel nouveau, terre nouvelle, Jérusalem nouvelle, toutes choses nouvelles. Et, pour souligner le contraste, Jean précise : « car le premier ciel et la première terre ont disparu » (v. 1) et « les choses premières ont disparu » (v. 4). La mer aussi « n’est plus » (v. 1), la mer, qui dans les traditions juives est symbole du règne du mal et de la mort. Et, avec la mer, la mort « ne sera plus » (v. 4). Et Dieu lui-même « essuiera toute larme » (v. 4).

Ce changement radical transforme aussi Jérusalem. La tradition juive, en annonçant l’intervention de Dieu, invitait Jérusalem à quitter sa robe de tristesse et à revêtir la beauté de la gloire de Dieu, à prendre la tunique de la justice de Dieu, à mettre sur sa tête le diadème de gloire de l’Éternel (Ba 5,1-2). Et maintenant, dans l’Apocalypse, Jérusalem apparaît « préparée comme une épouse parée pour son époux » (v. 2). Voilà la nouvelle communauté humaine, une communauté liée intimement, comme une épouse, à son époux, le Christ.

Pour parler de la relation entre Dieu et l’humanité, Jean utilise aussi une autre image : « la tente de Dieu avec les humains » (v. 3). Ici, Jean revient sur un texte du prophète Ézéchiel[9] qui faisait parler Dieu en ces termes : « Je conclurai pour eux une alliance de paix, ce sera avec eux une alliance éternelle. Et sera, ma tente, auprès d’eux. Et je serai, pour eux, Dieu, et ils seront, pour moi, peuple » (Ez 37,26-27). Chez Ézéchiel la tente était l’espace de l’intimité de Dieu avec le peuple d’Israël. Mais dans l’Apocalypse cet espace est désormais, et définitivement, l’espace de l’intimité entre Dieu et les peuples, au pluriel[10]: « il dressera sa tente avec eux, et eux seront ses peuples » (v. 3).

 

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean (21,1-5a)

1 Moi, Jean, j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre ont disparu, et la mer n’est plus. 2 Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue descendre du ciel, d’auprès de Dieu, préparée comme une épouse parée pour son époux. 3 Et j’entendis une grande voix venant du trône. Elle disait : « Voici la tente de Dieu avec les humains, et il dressera sa tente avec eux, et eux seront ses peuples, et lui-même – le Dieu avec eux – sera leur Dieu, 4 et il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus ; ni deuil, ni cri, ni douleur ne seront plus, car les choses premières ont disparu ».

5a Et il a dit, celui qui est assis sur le trône : « Voici, je fais toutes choses nouvelles ».

 

Évangile

Avant le récit de la passion, l’Évangile de Jean contient une longue conversation de Jésus avec ses disciples. Jésus leur a lavé les pieds et leur a expliqué la signification de ce geste : se mettre – chacun – au service des autres. Le récit continue avec la désignation du traître, Judas, auquel Jésus donne une bouchée de pain[11]. Et après avoir pris cette bouchée, Judas sort immédiatement.

Après la sortie de Judas, les disciples réunis représentent désormais la vraie communauté. Et Jésus leur parle avec une immense tendresse, avec une expression unique dans les Évangiles : mes «petits enfants», littéralement mes « petits engendrés » (v. 33). Jésus leur parle de la mort, de sa mort. Et il en parle utilisant cinq fois le verbe glorifier. Comme toute la vie de Jésus, la mort aussi manifeste la réalité de Dieu, un Dieu qui se donne à l’humanité. Et Jésus en parle avec les verbes au passé et au futur : au passé parce que sa mort est une réalité certaine et définitive[12], définitive comme un fait qui est déjà accompli. Mais il en parle aussi au futur parce que la mort de Jésus va s’accomplir « bientôt » (v. 32). En tout cas, la mort n’est pas l’absence de Dieu et de son Fils. Elle n’est pas un lieu de silence mais de révélation, de glorification du Père et du Fils (vv. 31-32)[13].

La mort est glorification, elle manifeste une vie donnée aux hommes ; mais elle est, en même temps, une allée vers le Père, une séparation par rapport aux disciples (v. 33). Et les disciples, comme nous dans notre vie, le chercheront sans pouvoir aller où il est.

Dans cette nostalgie de Jésus, les disciples sont invités à pratiquer « un commandement nouveau » (v. 34) : à s’aimer les uns les autres. Mais, au lieu d’aimer le prochain « comme soi-même », le commandement nouveau de Jésus est d’aimer « comme je vous ai aimés » (v. 34).

Et cet amour pratiqué par les croyants c’est le signe, le seul signe que les disciples peuvent donner de Jésus au monde. Si dans le monde reste encore quelque chose de Jésus, ceci ne peut être que l’amour vécu par ses disciples.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (13,31-35)

31 [Au cours du dernier repas que Jésus prenait avec ses disciples] lorsque Judas fut sorti [du cénacle], Jésus dit : « Maintenant le Fils de l’homme a été glorifié et Dieu a été glorifié en lui. 32 Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui-même et c’est bientôt qu’il le glorifiera.

33 Petits enfants, je suis encore avec vous pour peu de temps. Vous me chercherez et, comme je l’ai dit aux Juifs “Là où je vais, vous ne pouvez pas venir”, à vous aussi je le dis maintenant. 34 Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres. Comme je vous ai aimés, que vous aussi vous vous aimiez les uns les autres. 35 À cela tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres ».

 
Prière d’ouverture

Ô belle cité, entrevue par Jean,

où règne le Christ,

non comme un bélier mais comme un agneau.

Cité sans obscurité́, sans peine et sans misère,

cité où les larmes sont essuyées des yeux

et d’où le malheur a disparu.

Honte sur nous qui tolérons

que dans les rues, les commerces et les maisons,

une avidité́ sans limite

enrichisse les puissants de la peine des pauvres,

et qui écoutons sans gêne le cri amer du désespoir.

Donne-nous, ô Dieu, l’esprit de construire

la cité d’amour qui est dans ton Esprit

et que Jésus a mise dans nos rêves,

la ville d’espérance et de fraternité́,

où brille ton soleil et dont la splendeur ravit notre âme[14].

[Walter Russell Bowie (prêtre épiscopalien américain, 1882-1969 Traduction Gilles Castelnau]

 
Prière des fidèles

* Seigneur, nous sommes comme les chrétiens de Lystre, Iconium et Antioche. Nous avons besoin d’un message, le message des apôtres qui « fortifient le cœur des disciples », de chacune et chacun de nous. Que leur parole – et à travers eux ta parole – nous aide à « traverser beaucoup de souffrances pour entrer dans le Royaume ».

* Le psaume nous invite à regarder chaque personne comme aimée par Dieu. En effet, « bon est Yhwh pour tous, et ses entrailles maternelles embrassent toutes ses œuvres ». Si Dieu se comporte ainsi, nous aussi, nous devons avoir de la bonté et de la délicatesse envers chaque personne. Donne-nous, Seigneur, la force d’agir un peu comme toi, avec les personnes qui sont à côté de nous.

* L’Apocalypse nous parle de la mort et nous assure qu’elle n’a pas le dernier mot sur notre vie. Car Dieu « essuiera toute larme et la mort ne sera plus ; ni deuil, ni cri, ni douleur ». Aide-nous, Seigneur, à te faire confiance. Aide-nous à croire que toi, qui as ressuscité ton Fils de la mort, tu nous permettras de dépasser la mort.

* Dans ton discours d’adieu, Seigneur Jésus, tu nous as laissé ton commandement, aimer comme tu nous as aimé(e)s. Aimer c’est un acte difficile. Aimer comme tu nous as aimé(e)s, en nous donnant ta vie, c’est encore plus difficile. Soutiens-nous, donc, dans notre faiblesse. Seulement dans notre engagement à aimer, le monde pourra reconnaître que tu as vraiment aimé l’humanité.

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[1] Cf. D. Marguerat, Les Actes des Apôtres (13-28), Labor et fides, Genève, 2015, p.76s.

[2] Cf. ibid., p. 77.

[3] Cf. Ph. Bossuyt et J. Radermakers, Témoins de la Parole de la Grâce. Actes des Apôtres, vol. 2 : Lecture continue, Institut d’Études Théologiques, Bruxelles, 1995, p. 429.

[4] Cf. D. Marguerat, Les Actes des Apôtres (13-28), Labor et fides, Genève, 2015, p.79.

 

[5] Cf. H.-J. Kraus, Psalmen 60-150 [6. Auflage], Neukirchener Verlag, Neukirchen-Vluyn, 1989, p. 1128.

[6] Pour les deux dernières lignes du verset 13, qui manquent dans plusieurs manuscrits hébreux et dans plusieurs traductions modernes, cf. D. Barthélemy, Critique textuelle de l’Ancien Testament. Tome 4. Psaumes, Academic Press – Vandenhoeck & Ruprecht, Fribourg – Göttingen, 2005, p. 877-879.

[7] Cf. E. Zenger, Psalm 145, dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger, Psalmen 101-150, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2008, p. 806s.

[8] Cf. G. Ravasi, Apocalisse, Piemme, Casale Monferrato, 1999, p. 200.

[9] A. Satake, Die Offenbarung des Johannes, Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 2008, p. 400s.

[10] J. Delorme – I. Donegani, L’Apocalypse de Jean. Révélation pour le temps de la violence et du désir, Cerf, Paris, 2010, vol. II, Chapitres 12-22, p. 160s.

[11] Dans Jean 13,26, le geste de Jésus qui partage une bouchée de pain avec Judas, un disciple auquel il avait fait confiance, fait référence au Ps 41,10.

[12] Cf. J. Zumstein, L’Évangile selon saint Jean (13-21), Labor et fides, Genève, 2007, p. 51.

[13] Cf. J. Zumstein, Évangile selon Jean, dans Le Nouveau Testament commenté, sous la direction de C. Focant et D. Marguerat, Bayard – Labor et Fides, Montrouge – Genève 2012, p. 479.

[14] http://www.evangile-et-liberte.net/wordpress/wp-content/uploads/2015/06/textes-liturgiques-evangile-et-liberte4.pdf