Eucharistie: 14 août 2022

20ème dimanche du Temps Ordinaire — Année C

 

Rester fidèles et confiant(e)s même dans les épreuves

 
Première lecture

Dans une section écrite probablement par Baruch, secrétaire de Jérémie, nous lisons, ce matin, ce qui se passe aux derniers jours de Jérusalem, juste avant sa chute : l’an 587 avant la naissance de Jésus. Dans la ville assiégée par les Babyloniens, Jérémie annonce : il faut cesser le combat et se rendre aux assiégeants : c’est la seule façon de sauver la vie des habitants.

Mais les princes autour du roi ne sont pas disposés à renoncer à leur pouvoir et veulent éliminer le prophète.

Quant au roi Sédécias, il est faible et maladroit : dans son impuissance, il dit oui à chaque requête[1]. Il dit oui aux princes, qui vont jeter Jérémie dans une citerne, mais il dit oui aussi à un étranger[2], un fonctionnaire de la cour, qui va sauver le prophète. Ce fonctionnaire est un éthiopien, il s’appelle « Eved-Mélek ». Son nom, qui signifie « Serviteur du roi [d’Égypte] », nous dit qu’Eved-Mélek était né dans une famille de sympathisants de la politique égyptienne[3]. Mais, indépendamment de ses conceptions politiques, Eved-Mélek, un non-juif, sauve Jérémie. Voilà comment cet étranger réagit devant un homme que des politiciens juifs ont jeté dans une citerne pour le faire mourir. Aucune motivation politique, seulement la vie – la vie d’un étranger – est importante à ses yeux.

Une dernière remarque : à Eved-Mélek, qui a sauvé la vie d’un homme, Dieu promet qu’il aura la vie sauve, lorsque l’armée des Babyloniens entrera en Jérusalem (Jér 39,15-18).

 

Du livre du prophète Jérémie (38,4-10)
4 Les princes [qui tenaient Jérémie en prison] disent au roi [Sédécias] : « Que soit mis à mort, donc, cet homme. Oui, c’est parce qu’il affaiblit les mains des hommes de combat, ceux qui restent dans cette ville, et les mains de tout le peuple, quand il parle avec eux, avec ces paroles. En effet, cet homme ne cherche pas la paix pour ce peuple, mais au contraire le malheur ».

5 Et dit, le roi Sédécias : « Voici, il est entre vos mains, lui. Car le roi ne peut rien contre vous ! » 6 Et ils prennent Jérémie et le jettent dans la citerne de Malkiya, fils du roi, celle qui est dans la cour de garde. Avec des cordes, ils font descendre Jérémie. Et dans la citerne il n’y a pas d’eau, mais – au contraire – de la boue, et s’enfonce, Jérémie, dans la boue.

7 Et Eved-Mélek, l’éthiopien, un serviteur important dans la maison du roi, entend qu’ils ont mis Jérémie dans la citerne. Quant au roi, il siège à la porte de Benjamin. 8 Et sort, Eved-Mélek, de la maison du roi et il parle au roi en disant : 9 « Mon seigneur le roi, ont fait mal – ces hommes – avec tout ce qu’ils ont fait au prophète Jérémie : ils l’ont jeté dans la citerne, et il va y mourir, là-dessous, à cause de la faim car il n’y a plus de pain dans la ville ! »

10 Et donne l’ordre, le roi, à Eved-Mélek l’éthiopien, en disant : « Prends en ta main, d’ici, trente hommes, et tu feras remonter de la citerne le prophète Jérémie, avant qu’il ne meure ».

 

Psaume

Le psaume 40 a connu une longue évolution à travers les siècles. La partie la plus ancienne a été composée, probablement, au moment de la destruction de Jérusalem l’année 587. Elle a été ensuite ‘actualisée’ pendant l’exil à Babylone, et, plus tard encore, après le retour de l’exil, pour devenir la prière, la lamentation, du groupe des pauvres marginalisés dans la ville de Jérusalem reconstruite[4].

De ce psaume, ce matin nous allons lire la première partie (vv. 2-4) et la conclusion (v. 18). La première partie – la plus ancienne de ce psaume – est un chant de remerciement. Ce chant fait référence à la biographie de Jérémie qu’un étranger a voulu faire remonter de la citerne. Mais, dans le psaume, c’est Dieu lui-même qui « fait remonter d’une citerne de destruction, de la boue sans fond » (v. 3). De ce constat, naît la confession du poète : « Mon espoir, j’ai mis mon espoir en Yhwh et il s’est penché vers moi et il a entendu mon appel au secours » (v. 2). Le poète regarde ensuite vers l’avenir : ce que Dieu a accompli dans sa vie permettra à d’autres – à « beaucoup » (v. 4) – de découvrir l’action surprenante[5] de Dieu et de mettre en Dieu leur confiance.

Après ces trois strophes de la première partie, la dernière partie de notre psaume (vv. 14-18) reprend, avec de petites modifications, le psaume 70. Il s’agit d’un des psaumes – nombreux – dans lesquels les pauvres, des gens sans protection et mis à l’écart, sont victimes des ennemis[6]. De cette dernière partie du psaume 40, la liturgie nous propose le dernier verset. Ici le poète, en reprenant le psaume 70, opère un petit changement. Au lieu de dire à Dieu « viens vite » (Ps 70,6), il prie Dieu en lui disant : « mon Seigneur, pense à moi ». Et ici le verbe hébreu évoque les soins que Dieu a pour les pauvres et les opprimé(e)s. En effet, la tendresse de Dieu se manifeste surtout pour les personnes qui sont sans protection, celles et ceux qui n’ont pas d’appui dans la puissance de l’économie, de la politique et du prestige[7]. Voilà les personnes qui s’ouvrent à Dieu en lui disant : « pense à moi ».

Toujours de la deuxième partie du psaume, la liturgie reprend le verset 14b, là où le poète dit à Dieu : « Yhwh, viens vite à mon aide ! »

Et ces mots seront notre refrain à la fin de chaque strophe.

 

Psaume 40 (versets 2. 3. 4. 18)

2 Mon espoir,

j’ai mis mon espoir en Yhwh

et il s’est penché vers moi

et il a entendu mon appel au secours.

Refr. :  Yhwh, viens vite à mon aide ! 

 

3 Et il m’a fait remonter

d’une citerne de destruction, de la boue sans fond.

Et il a dressé mes pieds sur un rocher,

il a raffermi mes pas.

Refr. :  Yhwh, viens vite à mon aide ! 

 

4 Et il a donné à ma bouche un chant nouveau,

une louange pour notre Dieu.

Beaucoup verront et seront surpris,

et mettront leur confiance en Yhwh.

Refr. :  Yhwh, viens vite à mon aide ! 

 

18 Et moi, pauvre et opprimé,

mon Seigneur, pense à moi !

Mon aide et mon libérateur c’est toi,

mon Dieu, ne tarde pas !

Refr. :  Yhwh, viens vite à mon aide ! 

 

Deuxième lecture

Il y a une semaine, nous avons lu un passage de la Lettre aux Hébreux, une petite section qui insistait sur la foi des ancêtres. Et, dans la page de ce matin, l’auteur en tire les conséquences. Les destinataires de sa lettre, devant les difficultés qu’ils rencontrent, risquent d’abandonner la foi dans le Christ pour revenir à la tradition juive et à ses pratiques. Ce risque d’abandonner la foi, notre auteur le mentionne avec le mot « péché »[8].

Pour notre auteur, la vie chrétienne est comme une course. Dans notre course, comme au stade, nous avons des « témoins » (v. 1). Il s’agit d’Abraham et Sara, et de tous les autres héros de la foi mentionnés dans le chapitre précédent de la lettre. Chacun parmi eux a gagné sa course, dans des temps et des situations très différentes. Maintenant, ils nous attendent sur la ligne d’arrivée[9]. Et leur présence peut nous suggérer comment nous devons nous débarrasser de tout ce qui empêche une course rapide.

Mais, dans notre course, le point de référence fondamental est Jésus. D’ici l’exhortation : « Regardons toujours Jésus » (v. 2). Jésus a affronté toutes les oppositions, il a accepté de mourir sur la croix et maintenant il est assis à la droite de Dieu. Mais, dans sa condition actuelle, le Christ ne reste pas inactif. Il est – nous dit la lettre avec une expression unique dans la Bible – celui « qui fait naître la foi et qui la rend parfaite » (v. 2). C’est lui qui nous donne la force de ne pas nous « laisser vaincre par le découragement » (v. 3). Écoutons cet encouragement que l’auteur de la lettre nous adresse.

 

Lecture de la lettre aux Hébreux (12,1-4)
Frères et sœurs, 1 quant à nous, nous avons autour de nous une grande foule de témoins. Débarrassons-nous donc de tout ce qui alourdit notre marche, en particulier du péché qui s’accroche si facilement à nous et nous empêche d’avancer. C’est ainsi que nous pourrons courir jusqu’au bout la course, l’épreuve qui nous est proposée.

2 Regardons toujours Jésus. C’est lui qui fait naître la foi et qui la rend parfaite. Renonçant à la joie qui lui était proposée, Jésus a accepté de mourir sur la croix – sans tenir compte de la honte attachée à une telle mort – et il est assis à la droite de Dieu. 3 Oui, pensez à celui qui a supporté – de la part des pécheurs – une telle opposition contre lui. Et cela afin de ne pas vous laisser vaincre par le découragement. 4 Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché.

 

Évangile

La page de l’Évangile que nous allons lire ce matin est une page difficile. Jésus se présente en ces termes : « Je suis venu apporter un feu sur la terre » (v. 49). Mais qu’est-ce que ce feu ? Le feu, ici et dans d’autres pages de la Bible, est une image pour parler de la parole de Dieu. Déjà dans le livre de Jérémie, Dieu dit au prophète : « Les paroles que je mets dans ta bouche, Jérémie, vont devenir comme du feu. Et ce peuple sera comme du bois que le feu brûlera » (Jér 5,14)[10]. Oui, la parole de Dieu est comme un feu, un feu qui brûle et purifie. La parole, la parole annoncée par le prophète et surtout par Jésus, nous purifie. Elle nous purifie comme l’or, l’or « qu’on purifie dans le feu » (Sag 3,6)[11].

Jésus évoque aussi le baptême, le baptême qu’il va recevoir : « Je dois recevoir un baptême » (v. 50). En grec, le mot “baptême” évoque une immersion – immersion totale – dans l’eau. Mais dans notre texte, cette immersion totale est celle de la mort et de la résurrection : et elle est comme une explosion de lumière et de feu qui transforme l’humanité, la libère de ses impuretés et la rend propre[12] et vraie, totalement conforme au projet de Dieu.  

La partie finale de notre page demande encore plus d’attention. Autrement, elle risque d’être mal interprétée, quand Jésus nous dit : « Pensez-vous que je suis venu apporter la paix sur la terre ? Au contraire, je vous le dis, à cause de moi, il y aura la division » (v. 51). Jésus est porteur de la paix. Pourquoi alors ce texte ?

Ici Jésus reprend une page du livre de Michée[13], une page qui dénonce les injustices et les conflits qui déchirent le peuple et les familles. A propos des familles, le prophète disait : « Le fils traite son père de fou, la fille se dresse contre sa mère, la belle-fille contre sa belle-mère. Chacun a pour ennemi les gens de sa propre maison » (Mi 7,6).

Cette situation terrible qui se vérifiait des siècles avant la naissance de Jésus, Jésus la voit s’accomplir aussi à son époque. Jésus lui-même est considéré comme un fou par des membres de sa famille (Mc 3,21). Et la parole qu’il annonce est accueillie par les uns et refusée par les autres. Et en regardant vers l’avenir, Jésus est conscient du fait que cette situation va persister : « À partir de maintenant, s’il y a cinq personnes dans une maison, elles seront divisées » (v. 52). Jésus nous demande donc d’accueillir sa parole. Et ça, même si en faisant ce choix, nous sommes critiqué(e)s et refusé(e)s par les personnes qui nous entourent.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (12,49-53

[Jésus disait à ses disciples :] 49 « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et je voudrais vraiment qu’il soit déjà allumé ! 50 Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli !

51 Pensez-vous que je suis venu apporter la paix sur la terre ? Au contraire, je vous le dis, à cause de moi, il y aura la division. 52 À partir de maintenant, s’il y a cinq personnes dans une maison, elles seront divisées. Elles seront trois contre deux et deux contre trois. 53 On se divisera : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère ».

 

Prière d’ouverture

Seigneur, qu’il y ait toujours au moins un éthiopien

pour sauver le prophète du puits de la mort,

qu’il y ait un samaritain,

une personne de n’importe quelle couleur ou foi,

quelqu’un qui soit à nouveau pris aux entrailles

parmi nous qui sommes, trop souvent,

indifférents aux souffrances des autres,

et que les pauvres ne soient pas toujours

laissés seuls et sans espoir. Amen[14].  

[David Maria Turoldo, prêtre et poète ; Italie : 1916-1992]

 

Prière des fidèles

* La page de Jérémie nous surprend : Eved-Mélek, l’éthiopien, ne peut pas rester indifférent devant la souffrance d’un homme qui, pour lui, est un étranger. Réveille nos sentiments, Seigneur notre Dieu, viens secouer notre indifférence devant les souffrances des autres, connus ou inconnus.

* Le poète du psaume a eu une grande audace : dans l’action d’un homme qui libère Jérémie du trou de la mort, il a vu ton action, ton intervention qui nous « fait remonter d’une citerne de destruction, de la boue sans fond ». Seigneur, aide-nous à comprendre que tes actions, tu les accomplis à travers nos mains. Rends-nous disponibles à ça, Seigneur.

* La lettre aux Hébreux insiste fortement sur la foi. Et la foi n’est pas une série de dogmes, de phrases que nous devons considérer comme vraies. La foi, nous dit la lettre, c’est une « course » que nous pouvons accomplir seulement en regardant toujours vers toi, Jésus, toi qui as donné ta vie pour nous. C’est en toi que nous pouvons trouver la force pour nous engager, un peu comme toi, pour les autres.

* Si nous voulons vraiment être fidèles à ta parole et la mettre en pratique, d’autres personnes vont peut-être mal réagir ; elles vont peut-être nous contester et prendre des mesures contre nous. Mais tu nous as préparé(e)s : ta parole est comme un feu. Et c’est seulement ta parole, ton insistance sur la justice, qui peut nous permettre de rêver un monde meilleur. Sois toujours à côté de nous, Seigneur Jésus.

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[1] Cf. G. Fischer, Il libro di Geremia, Città nuova, Roma, 1995, p. 175.

[2] Cf. G. Fischer, Jeremia 26-52, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2005, p. 334ss.

[3] Cf. ibidem, p. 345.

[4] Cf. E. Zenger, Psalm 40, dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger, Die Psalmen. Bd I, Ps 1-50, Echter, Würzburg, 1993, p. 252s.

[5] Pour la traduction du v. 4, cf. E. Zenger, Salmi. Preghiera e poesia. Vol. 1. Col mio Dio scavalco muraglie, Paideia, Brescia, 2013, p. 85.

[6] Cf. H.-J. Kraus, Psalmen. 1. Teilband, Neukirchener Verlag, Neukirchen-Vluyn, 1961, p. 82.

[7] Cf. G. Ravasi, Il libro dei salmi. Commento e attualizzazione. Vol. I (Salmi 1-50), EDB, Bologna, 2015, p. 739.

[8] Cf. F. Urso, Lettera agli Ebrei. Introduzione, traduzione e commento, San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2014, p. 168.

[9] Cf. C. Marcheselli-Casale, Lettera agli Ebrei. Nuova versione, introduzione e commento, Paoline, Milano, 2005, p. 547.

[10] Pour la parole de Dieu comparée au feu, on pourra lire G. Fischer, Jeremia 1-25, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2005, p. 245s.

[11] La purification de l’or (et aussi d’autres métaux) par le feu est attestée aussi dans Pr 17,3 et 27,21 et Sir 2,5.

[12] Cf. G. Ravasi, Le pietre di inciampo. Le parole scandalose di Gesù, Mondadori, Milano, 2015, p. 169s.

[13] Cf. J. Ernst, Il vangelo secondo Luca. Tradotto e commentato, Volume secondo. Luca 9,51-24,53, Morcelliana, Brescia, 1985, p. 582ss. Cf. aussi R. Kessler, Micha, übersetzt und erklärt, Herder, Freiburg . Basel . Wien, 1999, p. 291s.

[14] D. M. Turoldo – G. Ravasi, « Nella tua luce vediamo la luce ». Tempo ordinario, solennità del Signore, feste dei Santi. Commento alle letture liturgiche, San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2004, p. 560s.

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