Eucharistie : 21 août 2022

 21ème dimanche du Temps Ordinaire — Année C

 

« Son amour envers nous est le plus fort » (Psaume 117,2)

 

Première lecture

Avec la première lecture, nous sommes vers l’année 520 avant la naissance de Jésus. L’exil à Babylone est terminé et à Jérusalem on reconstruit le temple détruit par la guerre. A ce moment, des personnes se font des illusions. Elles pensent que la foi en Dieu consiste seulement dans le fait de fréquenter le temple et d’accomplir des liturgies. Dans cette situation, un prophète, dont les textes ont été insérés dans le livre d’Isaïe, intervient et présente le message de Dieu[1].

Dieu a un projet pour Israël et aussi pour les autres peuples. En effet, Dieu déclare : « Quant à moi, le moment vient de rassembler toutes les nations et toutes les langues » (v. 18)[2]. Et, pour accomplir son projet, Dieu va envoyer des Israélites rescapés[3]. Il va les envoyer vers des nations lointaines, des nations qui, laissées à elles-mêmes, risqueraient d’ignorer ce que Dieu a accompli pour Israël. Et ces ‘missionnaires’ vont encourager les nations à se tourner vers Dieu. Quant aux nations, ces missionnaires vont visiter « Tarsis », donc le sud-ouest de l’Espagne, « Poul » et « Loud », sur la côte africaine du Soudan à la Somalie, « Toubal », dans les frontières de l’actuelle Turquie, et les « îles lointaines » de la Grèce[4].

Et ces peuples, en recevant les « rescapés » envoyés par Dieu, vont se mettre en route vers Jérusalem. Et il y aura, dans la ligne d’Isaïe 2,2-5, un rassemblement : un rassemblement de Jérusalem et de toutes les nations[5]. Les rescapés envoyés par Dieu vont amener vers Jérusalem des juifs et des non-juifs tous ensemble, « tous vos frères, de toutes les nations » (v. 20). Et le fait de reconduire tous ces gens à Jérusalem, Dieu va le considérer comme un acte de culte, un peu comme les offrandes que les Israélites vont offrir au temple.

Enfin, si au temple de Jérusalem les prêtres sont seulement des hommes de la tribu de Lévi, Dieu va faire tomber aussi ces restrictions. En effet, comme on lit au verset 21, Dieu déclare : « J’irai même jusqu’à choisir certains hommes, parmi ces peuples, pour en faire des prêtres et des lévites ».

 

Lecture du livre du prophète Isaïe (66,18-21)

Ainsi dit Yhwh :

18 « Quant à moi, étant donné leurs actions et leurs pensées, le moment vient de rassembler toutes les nations et toutes les langues. Et elles viendront et verront ma gloire : 19 je mettrai au milieu d’elles un signe !

Et, du milieu d’elles, j’enverrai des rescapés vers les nations les plus éloignées, vers les peuples de Tarsis, de Poul et de Loud – les spécialistes du tir à l’arc -, vers Toubal et en Grèce, aux îles lointaines, là où on n’a jamais entendu parler de moi, là où on n’a jamais vu ma gloire. Et ils feront connaître ma gloire à ces peuples. 20 Et ils ramèneront tous vos frères, de toutes les nations : à cheval, en char, en chariot couvert, sur des mulets et des chameaux, jusqu’à ma montagne sainte, à Jérusalem. Ce sera leur offrande pour moi. Je la recevrai – ainsi dit Yhwh – comme celle que les Israélites apportent à mon temple dans des plats purifiés.

21 J’irai même jusqu’à choisir certains hommes, parmi ces peuples, pour en faire des prêtres et des lévites » ainsi dit Yhwh.

 

Psaume

Le psaume 117 est un psaume parmi les plus récents. Il a vu le jour après l’exil à Babylone. Le thème de ce psaume, le plus bref parmi les psaumes, est « l’amour » et « la fidélité » de Yhwh. Et ces deux mots évoquent, en hébreu, la solidarité, la miséricorde, l’amitié, la générosité, la disponibilité de Dieu à sauver. Et ce comportement surprenant de Dieu, aux yeux de la communauté juive après l’exil, apparaît surtout en deux moments : lorsque Dieu a sauvé Israël de l’esclavage en Égypte et lorsque Dieu a permis aux déporté(e)s de rentrer après l’exil à Babylone[6]. Voilà ce que Dieu a accompli devant les peuples. Et voilà pourquoi notre psaume s’ouvre et se termine[7] en exhortant tous les peuples à louer Dieu, à chanter ses louanges.

Quant à nous, avec les peuples, laissons-nous prendre par l’amour et la fidélité de Dieu, l’amour et la fidélité qui résument toutes nos expériences de Dieu. Animé(e)s par la même confiance qu’on ressent dans ce psaume, nous pourrons chanter ce refrain :

Tous les peuples verront l’amour et la fidélité de Dieu.

 

Psaume 117 (versets 1-2)

1 Louez Yhwh, tous les peuples, louez-le, intensément ;

chantez ses louanges, vous toutes les nations.

2 Oui, son amour envers nous est le plus fort.

La fidélité de Yhwh est pour toujours.

Louez Yhwh, intensément !

Refr. :  Tous les peuples verront l’amour et la fidélité de Dieu.

 

Deuxième lecture

Un peu comme nous, les destinataires de la Lettre aux Hébreux vivent une situation difficile, pleine de souffrances. Mais l’auteur de la lettre veut les encourager à affronter d’un regard nouveau leurs souffrances. Au-delà des situations concrètes – politiques et économiques – qui peuvent les expliquer, on peut comprendre les souffrances comme une forme d’éducation.

Dans l’ancien Israël, l’éducation comportait – hélas très fréquemment – des châtiments. Mais notre auteur se laisse conduire surtout par la civilisation grecque qui met l’accent sur la formation, sur une éducation qui aide un jeune à réfléchir[8].

Pour encourager ses lecteurs, l’auteur peut aussi utiliser la traduction grecque du livre des Proverbes[9]. L’umushingantahe auteur des Proverbes présentait – chose surprenante[10] – l’éducation comme œuvre accomplie par Dieu dans son amour paternel. Dans la même ligne, l’auteur de notre lettre écrit : « Ce que vous endurez est en vue de votre éducation. Dieu se comporte envers vous comme envers des fils ; et quel est le fils que son père ne veut pas éduquer ? » (v. 7).

Enfin, la dernière section de notre page (vv. 11-13) revient sur l’éducation. Sur le moment, elle est vécue comme expérience de tristesse, mais plus tard, elle donne des fruits : « la paix associée à une vie juste » (v. 11). Avec ce regard en avant, l’auteur de la lettre nous exhorte : « redressez vos bras fatigués et rendez plus forts vos genoux tremblants » (v. 12). Enfin, le dernier verset. Chacun et chacune de nous doit, dans la communauté[11], s’engager afin que notre pérégrination vers Dieu n’ait pas d’obstacle : « Préparez pour vos pieds des chemins droits » (v. 13). Écoutons, donc, cette invitation à préparer ces chemins droits, les chemins de la paix associés à une vie juste.

 

Lecture de la lettre aux Hébreux (12,5-7. 11-13)

Frères et sœurs, 5 vous avez oublié cette parole de réconfort que Dieu vous donne comme à des fils : « Mon fils, quand le Seigneur t’éduque, fais attention ! Ne te décourage pas quand il te fait des reproches ! 6 Quand le Seigneur aime quelqu’un, il l’éduque ; il corrige tous ceux qu’il accueille comme ses fils » (Prov 3,11s). 7 Ce que vous endurez est en vue de votre éducation. Dieu se comporte envers vous comme envers des fils ; et quel est le fils que son père ne veut pas éduquer ?

11 Quand on vient de recevoir une forme d’éducation, sur le moment cela ne semble pas une expérience de joie mais plutôt de tristesse. Mais plus tard, cette éducation produit – chez ceux qu’elle a ainsi exercés – son fruit : la paix associée à une vie juste. 12 C’est pourquoi redressez vos bras fatigués et rendez plus forts vos genoux tremblants. 13 Préparez pour vos pieds des chemins droits. Alors celui qui est boiteux ne se tordra pas la cheville, au contraire, il guérira.

 
Évangile

La page de l’Évangile est très sévère. Jésus est en marche – vers Jérusalem, vers sa passion – et il enseigne. Et, quand un inconnu l’interroge sur le petit nombre de ceux qui seront sauvés, il répond : « Faites des efforts pour entrer par la porte étroite » (v. 24). La porte étroite est celle de la dernière chance[12], une porte qui, à un certain moment, sera fermée.

Après cette invitation à s’engager pour entrer dans le Royaume, Jésus présente un petit récit (vv. 25-27). Dans une maison, il y a une porte. Une fois la porte fermée, nul ne pourra plus entrer. Le maître de la maison, même s’il est appelé avec le titre de « Seigneur », n’ouvrira plus. Il ne reconnaîtra plus les personnes qui frappent, même si elles déclarent « Nous avons mangé et bu devant toi, et tu as enseigné dans les rues de notre ville » (v. 26). Ces mots font référence, évidemment, aux disciples : ils ont partagé la table avec Jésus, et Jésus a enseigné chez eux. Quant à l’attitude sévère du maître de maison ou de Jésus, elle s’explique bien dans les derniers mots du récit : ces soi-disant disciples sont, en réalité, des « ouvriers d’injustice » (v. 27).

Pour ce qui est des trois derniers versets, il y a de la sévérité mais aussi de l’espoir. S’il y a ceux qui sont « rejetés dehors », il y aura aussi ceux qui viendront « de l’orient et de l’occident, du nord et du sud, et se mettront à table dans le Royaume de Dieu » (v. 29). Et la référence est certainement à toutes les personnes qui, en accueillant l’évangile annoncé par les apôtres d’hier et d’aujourd’hui, l’ont pris au sérieux et l’ont vécu d’une façon cohérente. Ces personnes seront à côté des patriarches et des prophètes. Voilà l’espoir et l’ouverture universelle qui anime Jésus.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (13,22-30)

22 Jésus traversait villes et villages, enseignant et faisant route vers Jérusalem.

23 Or quelqu’un lui dit : « Seigneur, est-ce que Dieu va sauver seulement un petit nombre de gens ? » Jésus leur dit : 24 « Faites des efforts pour entrer par la porte étroite, car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer mais ils n’auront pas la force.

25 Le moment viendra où le maître de maison se lèvera et fermera la porte. Et vous, vous serez dehors. Vous commencerez à frapper à la porte en disant : “Seigneur, ouvre-nous”. Mais, en répondant, il vous dira : “Je ne sais pas d’où vous êtes”. 26 Alors vous commencerez à dire : “Nous avons mangé et bu devant toi, et tu as enseigné dans les rues de notre ville”. 27 Et il vous dira : “Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous ouvriers d’injustice”.

28 Là, il y aura des gémissements et des grincements de dents. En effet, vous verrez Abraham et Isaac et Jacob et tous les prophètes dans le Royaume de Dieu. Mais vous, vous serez rejetés dehors. 29 Et viendront, des gens, de l’orient et de l’occident, du nord et du sud, et se mettront à table dans le Royaume de Dieu. 30 Et voici, il y a des derniers qui seront premiers et il y a des premiers qui seront derniers ».

 

Prière d’ouverture

Dieu du monde

Dieu, multiple et admirable est ton activité.

Tu es le Seigneur du monde.

Des hommes qui ne te connaissent pas

tu les prends par la main

et ils accomplissent ta volonté.

Donne-nous de reconnaître

dans tout le bien qui se fait

l’œuvre de ton esprit.

Précède-nous

sur les chemins de notre temps

et conduis-nous, avec tous les hommes,

vers la parfaite liberté

en Jésus Christ, ton Fils[13].

[Frans Cromphout, jésuite, Pays-Bas : 1924-2003]

 
Prière des fidèles

* Nous voulons te remercier de tout cœur, Seigneur Dieu, pour la page du prophète. Il nous dit que tu veux nous réunir avec nos frères et nos sœurs dispersé(e)s dans toutes les nations. Aide-nous à croire que cela se réalisera, un jour. Et aide-nous à collaborer, ici même, à créer des conditions pour le retour des personnes qui ont dû, par la peur et les menaces, fuir notre pays.

* Le psaume de ce matin – seulement 17 mots en hébreu – nous a ouvert le cœur. Il nous aide à changer notre attitude envers toi, Seigneur. Il nous aide à laisser tomber la peur. Car tu n’es pas celui qui nous châtie. Tu es celui qui nous aime ! Et nous, nous devons répondre à ton amour… par l’amour. Soutiens-nous, Seigneur, dans cette nouvelle relation avec toi.

* La Lettre aux Hébreux nous invite à voir d’un œil différent nos souffrances. Elles sont certainement des expériences de souffrance. Mais, même dans ces souffrances, tu nous enseignes à découvrir un nouveau chemin : « la paix associée à une vie juste ». Donne-nous la force, Seigneur, pour mener au bout ce chemin.

* Dans l’Évangile, Seigneur Jésus, tu nous exhortes à faire des efforts « pour entrer par la porte étroite ». Mais nous sommes faibles, très faibles, et le risque d’être tous des « ouvriers d’injustice » est là. Aide-nous, à travers le pain que tu nous donnes dimanche après dimanche, à mettre en pratique, dans nos quartiers, la parole que tu nous enseignes.

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[1] Cf. P.-E. Bonnard, Le second Isaïe, son disciple et leurs éditeurs. Isaïe 40-66, Gabalda, Paris, 1972, p. 482s.

[2] Pour la traduction de ce verset, cf. D. Barthélemy, Critique textuelle de l’Ancien Testament. Tome 2. Isaïe, Jérémie, Lamentations, Éditions universitaires – Vandenhoeck & Ruprecht, Fribourg – Göttingen, 1986, p. 462-464.

[3] Cf. L. Alonso Schökel – J. L. Sicre Diaz, I profeti, Borla, Roma, 1989, p. 448. Cf. aussi C. Westermann, Isaia. Capitoli 40-66, Paideia, Brescia, 1978, p. 503.

[4] Cf. P.-E. Bonnard, Le second Isaïe, son disciple et leurs éditeurs. Isaïe 40-66, Gabalda, Paris, 1972, p. 491s.

[5] Cf. A. Mello, Isaia. Introduzione, traduzione e commento, San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2012, p. 444.

[6] Cf. E. Zenger, Psalm 117, dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger, Psalmen 101-150, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2008, p. 307.

[7] Pour l’impératif à la fin du psaume, cf. D. Barthélemy, Critique textuelle de l’Ancien Testament. Tome 4. Psaumes, Academic Press – Vandenhoeck & Ruprecht, Fribourg – Göttingen, 2005, p. 695-699.

[8] Cf. R. Fabris, Le lettere di Paolo. Traduzione e commento, vol. 3, Borla, Roma, 1980, p. 739s.

[9] Pour la traduction de Prov 3,12 dans 12,6, cf. F. Urso, Lettera agli Ebrei. Introduzione, traduzione e commento, San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2014, p. 176. Cf. aussi, avec d’autres détails, D. Barthélemy, Critique textuelle de l’Ancien Testament. Tome 5. Job, Proverbes, Qohélet et Cantique des Cantiques, Academic Press – Vandenhoeck & Ruprecht, Fribourg – Göttingen, 2015, p. 476-478.

[10] Cf. A. Lelièvre – A. Maillot, Commentaire des Proverbes. III. Chapitres 1-9, Cerf, Paris, 2000, p. 59.

[11] Pour cette phrase, qui revient sur la traduction grecque de Proverbes 4,26, cf. C. Marcheselli-Casale, Lettera agli Ebrei. Nuova versione, introduzione e comento, Paoline, Milano, 2005, p. 564s.

[12] F. Bovon, L’Évangile selon saint Luc. (9,51-14,35), Labor et fides, Genève, 1996, p. 384.

[13] F. Cromphout, Un temps pour parler, Éditions Foyer Notre-Dame, Bruxelles, 1970, p. 15.