Carême 2023 : première semaine

« Heureux et en marche » (Matthieu 5,3)

 

Cette année, pendant le Carême et aussi pendant le Ramadan j’aimerais lire avec toi, ma chère, mon ami, une page de l’Évangile de Matthieu, la page des Béatitudes. Cette page s’ouvre avec ces mots :

1 Et, ayant vu les foules, [Jésus] monta dans la montagne. Il s’assit et ses disciples s’approchèrent de lui. 2 Et, ouvrant sa bouche, il les enseignait : « 3a Heureux et en marche les pauvres en l’esprit » (Mt 5,1-3a).

Cette page s’ouvre en se référant au récit précédent où Pierre et André, Jacques et Jean suivirent Jésus (4,18-22). Avec eux, aussi « de grandes foules le suivirent, venues de la Galilée et de la Décapole, de Jérusalem et de la Judée, et au-delà de Jourdain » (4,25). Quant à Jésus, « ayant vu les foules, il monta dans la montagne ». Ce mouvement de Jésus n’est pas pour prendre des distances par rapport aux disciples et aux foules, mais pour s’adresser à eux et à elles[1].

Et ici la montagne fait référence au mont Sinaï, là où Moïse, dans le livre de l’Exode (19,20ss), reçoit de Dieu le décalogue, c’est-à-dire les dix commandements (Ex 20,1-17)[2]. En effet, le Sinaï est comme le berceau d’Israël, comme peuple de l’alliance avec Dieu et comme le point fondamental de la révélation de la parole de Dieu[3].

Dieu qui a parlé à son peuple pour lui offrir son alliance et pour lui apprendre à vivre avec foi et avec justice, maintenant revient pour faire sentir à nouveau sa voix à travers le Fils Jésus dans lequel Dieu a mis tout son plaisir[4].

En montant sur la montagne, Jésus va s’asseoir. A travers ces deux actions, Matthieu évoque l’idée de verticalité : la transcendance, l’origine divine du message de Jésus ; dans l’Évangile, la voix de Jésus apparaît comme la voix et la présence de Dieu[5]. Mais Matthieu souligne aussi l’idée de proximité : en effet, Jésus « s’assit et ses disciples s’approchèrent de lui » (v. 1). Et c’est dans ce climat de proximité, de familiarité que Jésus « les enseignait ».

Et son enseignement s’ouvre, dans le verset 3, avec le mot grec « makarios » qui signifie « heureux ». Mais, avec ce mot, Matthieu reprend un mot hébreu dont la racine signifie « marcher » et, en même temps, « joie »[6]. D’ici la traduction « heureux et en marche ». Voilà le message que Jésus, au nom de Dieu, adresse aux personnes marginalisées et souffrantes et aussi à chacune et à chacun de nous.

Pour ce qui en est du Coran, il insiste beaucoup sur la Bonne Nouvelle annoncée par Jésus[7] et aussi sur Moïse qui rencontre Dieu sur le Sinaï et qui reçoit – pour le peuple – les dix commandements[8].

Mais, aujourd’hui, je veux m’arrêter un moment sur les Béatitudes que Jésus introduit avec l’expression « Heureux et en marche » ; et je pense au Coran et en particulier à la Sourate 57 titrée « al-Hadîd », c’est-à-dire « Le fer ». Ici (aux versets 25-27), Dieu nous parle de ses messagers à travers lesquels il nous a révélé l’Écriture en nous donnant ainsi des éléments qui nous permettent d’observer l’équité et la justice. Dieu nous a envoyé aussi Noé et Abraham et il a confié à leurs descendants la prophétie et l’Écriture. Dieu a aussi fait suivre d’autres messagers et, en particulier, sur leurs traces, Jésus, le fils de Marie, à qui Dieu a confié l’Évangile. Et Dieu a mis – dans le cœur de ceux qui le suivent – la douceur et la miséricorde ; c’est ainsi que nous pouvons plaire à Dieu. Enfin, dans le verset 28, Dieu nous parle du don qu’il nous a fait, une lumière (« noûr » en arabe) qui nous permet de marcher en recevant son pardon. Voici une traduction de ce verset :

28 Ô vous qui croyez, respectez profondément Dieu et croyez à son Envoyé. Dieu vous accordera le double de sa miséricorde : qu’il mette pour vous une lumière grâce à laquelle vous marcherez, et qu’il vous pardonne. Car Dieu est tout-clément et tout-compatissant (Sourate 57,28).

C’est le moment de terminer cette page. Elle est une invitation – à toi mon ami et à toi ma chère – à nous mettre en chemin. Et pour trouver ce chemin, Dieu nous donne sa lumière à travers le Coran et à travers les Béatitudes que Jésus nous communique. Et, sur ce chemin, nous serons ensemble. De tout cœur

Renzo

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[1] Ainsi F. De Carlo, Vangelo di Matteo – Nuova versione, introduzione e commento, Paoline, Milano, 2016, p. 176.

[2] Cf. E. Lohse, Sinâ, dans Grande lessico del Nuovo Testamento, fondato da G. Kittel, continuato da G. Friedrich, Vol. XII, Paideia, Brescia, 1979, col. 225ss.

[3] G. Ravasi, Le beatitudini. Il più grande discorso all’umanità di ogni tempo, Mondadori, Milano 2016, p. 14.

[4] R. Manes, Vangelo secondo Matteo. Traduzione e commento, dans I Vangeli, a cura di R. Virgili, Ancora, Milano, 2015, p. 99.

[5] Ainsi G. Ravasi, Op. cit., p. 17.

[6] Cf. la voix « ’shr » dans L. Alonso Schökel (director), Diccionario bíblico hebreo-español, Editorial Trotta, Madrid, 1994, p. 94. Cf. aussi H. Cazelles, « ’asrê » dans Grande lessico dell’Antico Testamento, a cura di G. J. Botterweck e H. Ringgren, Vol. I, Paideia, Brescia, 1988, coll. 967-976.

[7] Pour Jésus et l’Évangile mentionnés dans le Coran, cf. M. Chebel, Dictionnaire encyclopédique du Coran, Fayard, Paris, 2009, pp. 231-233 et p. 150s.

[8] Pour Moïse qui, sur le mont Sinaï, reçoit la parole de Dieu et le décalogue, cf. M. Chebel, Op. cit., p. 292s.