Eucharistie – 18 juin 2023

11ème dimanche du Temps Ordinaire — Année A

 

Première lecture

La page de l’Exode, que nous allons écouter dans un instant, est le résultat d’une histoire complexe qui a repris et actualisé des traditions anciennes. Si Moïse a vécu dans la seconde moitié du 13ème siècle, la page que nous allons écouter a été rédigée au moins six siècles plus tard, après la fin de l’exil à Babylone, en reprenant des traditions différentes. En tout cas, le résultat est une page excellente, importante pour Israël et aussi pour nous aujourd’hui.

Le narrateur insiste d’abord sur des données géographiques. Pour première chose, il y a le départ de Refidim, une parole qui signifie « lieu de repos ». C’est la dernière localité après avoir laissé l’Égypte et avant d’arriver au désert du Sinaï et ensuite au mont Sinaï. Dans le « désert du Sinaï », le peuple s’installe. Oui, le peuple s’installe « vis-à-vis de la montagne » tandis que Moïse monte « vers Dieu », sur la montagne.

La montagne en question s’appelle Sinaï. Et ce mot, en hébreux, rappelle une parole qui signifie. « buisson », le buisson ardent (Ex 3,2). Mais le mot Sinaï rappelle aussi Sion, Jérusalem et son temple.

La montée de Moïse sur la montagne naisse de l’initiative de Dieu. Le narrateur le dit clairement : « du haut de la montagne, Yahvéh l’appela » (v. 3). En effet, Dieu lui confie le message pour le peuple. Ce message contient trois éléments : Dieu a fait sortir le peuple, le libérant de l’esclavage en Égypte, pour l’amener vers lui (v. 4). Ensuite, Dieu reconnaît la liberté d’Israël : « si vous voulez écouter ma voix et prendre soin de mon alliance ». Enfin, Dieu déclare de se donner au peuple : « vous serez – pour moi – mon domaine particulier ». Mais avec ça, Dieu n’oublie pas les autres peuples : Israël pourra et devra témoigner aux autres peuples, à « tous les peuples », la proximité de Dieu, parce que – Dieu dit – « toute la terre est à moi ». 

Il y a, ensuite, une double remarque : Israël, propriété personnelle du Seigneur, sera pour le Seigneur « un royaume de prêtres et une nation sainte ». Un royaume de prêtres : cela signifie que tous les Israélites, et non seulement les prêtres, pourront s’approcher à Dieu et être en intimité par rapport à lui. Enfin Israël… « une nation sainte ». Cette tournure ne revient pas ailleurs dans l’Ancien Testament. Et c’est une tournure qui nous engage. En effet, l’adjectif « saint » en hébreu signifie « entièrement différent », donc nouveau, changé radicalement, changé à travers le dialogue, l’intimité et la douceur de Dieu. Oui, Dieu demande et propose ça à Israël et aussi à nous comme communauté, à chacune et à chacun de nous[1].

 

Du livre de l’Exode (19,2-6)

2 Et ils partirent de Refidim et ils arrivèrent au désert du Sinaï, et ils dressèrent leur camp dans le désert ; là dressa son camp Israël vis-à-vis de la montagne. 3 Et Moïse monta vers Dieu. Et, du haut de la montagne, Yahvéh l’appela en disant : « Ainsi tu diras à la maison de Jacob, et tu annonceras aux fils d’Israël : 4 Vous avez vu ce que j’ai fait à l’Égypte, comment je vous ai portés comme sur les ailes d’un aigle et je vous ai amenés ici, près de moi. 5 Et maintenant, si vous voulez écouter ma voix et prendre soin de mon alliance, vous serez – pour moi – mon domaine particulier parmi tous les peuples, car toute la terre est à moi ; 6 mais vous, vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte”. Celles-ci sont les paroles que tu diras aux fils d’Israël ».

Parole du Seigneur.

 

Psaume

Le psaume que la liturgie nous propose aujourd’hui est une composition qui remonte à la période après l’exil. Les exilés sont rentrés de Babylone et, à Jérusalem, vers les années 520-515, ils ont reconstruit le temple qui avait été détruit par les Babyloniens[2].

Le psaume contient une série d’impératifs (précisément sept), mais nous, aujourd’hui, nous en lirons seulement quatre. Et tous ces impératifs sont adressés à tous les peuples, à la « terre entière » (v. 1). Ils sont une série d’invitations à acclamer le Seigneur, à le servir… dans la joie et avec des chants !

L’impératif « Reconnaissez » – l’impératif central, le quatrième sur sept – insiste sur la relation entre les peuples et Yahvéh. Et c’est une relation de profonde intimité : « il nous a faits, et nous sommes à lui, nous, son peuple, le petit bétail dont il est le berger » (v. 3). Et cette affirmation que tous les gens sont « son peuple » nous permet de regarder aux autres, aux autres nations, aux étrangers – et aussi aux étrangers qui vivent au milieu de nous – avec une attitude différente : eux aussi sont à Dieu, eux aussi – comme nous – sont son peuple, le petit bétail dont il est le berger. Ils ne doivent donc pas renoncer à leur identité. Seulement, ils se laissent conduire comme Israël, leur berger royal, sur les chemins de la paix et de la justice[3]. Seulement ainsi, si nous formons ensemble avec les autres « son peuple », c’est-à-dire le peuple de Dieu, nous pouvons nous laisser guider par sa bonté et son amour. En effet, comme nous le dit le dernier verset du psaume, « Oui, bon est Yahvéh, éternel est son amour,

sa fidélité demeure d’âge en âge ». Quant à nous, nous interviendrons avec ce refrain qui reprend le troisième verset :

Il nous a faits, et nous sommes à lui,
nous, son peuple, son troupeau.

 

Psaume 100 (versets 1-3 et 5)

1 Psaume pour l’action de grâce

Acclamez pour Yahvéh, terre entière.

2 Servez Yahvéh dans l’allégresse,

venez à lui avec des chants de joie !

Refr. : Il nous a faits, et nous sommes à lui,

nous, son peuple, son troupeau.

 

3 Reconnaissez que Yahvéh est Dieu :

il nous a faits, et nous sommes à lui,

nous, son peuple, le petit bétail dont il est le berger.

Refr. : Il nous a faits, et nous sommes à lui,

nous, son peuple, son troupeau.

 

5 Oui, bon est Yahvéh,

éternel est son amour,

sa fidélité demeure d’âge en âge.

Refr. : Il nous a faits, et nous sommes à lui,

nous, son peuple, son troupeau.

 

Deuxième lecture

Dans les premiers versets du chapitre 5, Paul – en écrivant aux Romains – parle de l’amour de Dieu, l’amour qui « a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (v. 5). Et dans la suite de la page, dans le texte que nous allons lire dans un instant, Paul explique qu’est-ce-que l’amour de Dieu. Paul ne donne pas une définition de cet amour, Paul veut montrer qu’il s’agit d’une réalité très concrète, liée à un événement historique : la mort de Jésus[4].

L’amour que Jésus a pour nous va au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer. Difficilement une personne accepterait de mourir pour un homme juste (v. 7). Mais le Christ est mort pour nous qui sommes des pécheurs et sa mort, littéralement son sang, nous a « rendus justes » (v. 9) devant Dieu.

La même idée, Paul l’exprime en parlant de la réconciliation. Nous étions ennemis de Dieu, mais « nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils » (v. 10). Voici le changement radical que nous avons dans notre histoire : dans le passé, nous étions injustes, et le Christ nous a rendus justes. Dans le passé nous étions ennemis, mais Dieu nous a réconciliés.

Et dans l’avenir ? Par Dieu nous serons « sauvés en ayant part à sa vie » (v. 10) à travers la vie de son Fils. Réconciliés dans la mort de son Fils, nous sommes – dès maintenant – dans la vie de son Fils et nous participerons, d’une certaine façon, à sa résurrection. En effet, la force vitale du Seigneur ressuscité embrasse et protège la communauté des croyantes et des croyants[5].

 

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains (5,6-11)

Frères, 6 alors que nous étions encore faibles, le Christ, au temps fixé par Dieu,
est mort pour les impies (que nous étions). 7 En effet, accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien.
8 Mais en ceci, Dieu met en évidence son amour pour nous : Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs. 9 À plus forte raison, maintenant que le sang du Christ nous a rendus justes, serons-nous sauvés par lui de la colère de Dieu.10 En effet, si nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils alors que nous étions ses ennemis, à plus forte raison, maintenant que nous sommes réconciliés, serons-nous sauvés en ayant part à sa vie. 11 Bien plus, nous mettons notre fierté en Dieu, par notre Seigneur Jésus Christ, par qui, maintenant, nous avons reçu la réconciliation.

Parole du Seigneur.

 

Alléluia. Alléluia.
Le règne de Dieu est tout proche.
Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. (Mc 1,15)
Alléluia.

 

Évangile

Au chapitre 9, l’Évangile de Matthieu présente Jésus qui vit en parcourant toutes les villes et les villages, enseignant dans les synagogues, annonçant son beau message et en guérissant toute maladie et infirmité (9, 35). Devant les foules, Jésus est « saisi de compassion » ou, littéralement est « pris aux entrailles »[6]. En effet, Jésus se laisse prendre entièrement par la situation de l’autre personne. Il voit les foules avec les yeux, mais il les ‘sent’ dans ces entrailles. Jésus, avec son cœur de maman, se fait tout proche des gens et désire les soustraire à l’égarement que les ‘brebis’ vivent lorsque le berger leur manque[7]. Et, en vivant cette expérience, Jésus réagit et invite les disciples à prier pour que le Père veuille envoyer aussi d’autres personnes afin qu’elles s’occupent des gens marginalisés comme des brebis sans berger ou comme des champs qui sont sans les ouvriers qui s’occupent de la moisson.

Et cette prière, toujours grâce à Jésus, commence à se réaliser : « Jésus appela ses douze disciples et leur donna autorité sur les esprits impurs, de façon à les chasser et guérir toute maladie et toute infirmité » (10,1). Jésus appelle les « disciples », un mot qui – en grec – dérive d’un verbe qui signifie « apprendre ». Ces personnes qui ont appris à connaître Jésus, maintenant deviennent « apôtres », c’est à dire des personnes « envoyées » par Jésus, des missionnaires de Jésus. Et ce même verset souligne deux composantes de la mission : d’abord l’appel que Jésus adresse aux douze, une vocation qui est libre et gratuite ; ensuite le don d’une autorité[8] pour libérer celles et ceux qui sont victimes du mal.

En présentant le nom des disciples-apôtres, Matthieu les cite par couples : six couples de deux. Oui, le chiffre ‘deux’ est le principe de la fraternité. Et ce qui unit ces six couples est la vocation du Fils, la vocation à être des fils comme lui et des frères entre eux[9].

Ces personnes, ces missionnaires, maintenant ne sont envoyés ni vers les Samaritains ni vers les païens. Cette mission leur sera confiée au jour de Pentecôte. Pour le moment, ils sont envoyés « vers les brebis perdues de la maison d’Israël » pour proclamer : « le royaume des Cieux s’est rapproché définitivement ». Dans leur présence à côté des marginalisés et dans leur activité de prendre soin des malades, une réalité apparaîtra clairement : le Royaume est ici, il est présent en eux[10]. Et dans leur action de donner gratuitement apparaîtra clairement que ce qu’ils ont est un don du ciel : « Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement ! » (v. 8).

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (9,36-10,8)

En ce temps-là, 936 voyant les foules, Jésus fut saisi de compassion envers elles parce qu’elles étaient fatiguées et abattues comme des brebis sans berger. 37 Il dit alors à ses disciples : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. 38 Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson ».

 101 Alors Jésus appela ses douze disciples et leur donna autorité sur les esprits impurs, de façon à les chasser et guérir toute maladie et toute infirmité.

2 Voici les noms des douze Apôtres :
le premier, Simon nommé Pierre, et André son frère ;
Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère ;
3 Philippe et Barthélemy ;
Thomas et Matthieu le collecteur d’impôts ;
Jacques, fils d’Alphée, et Thaddée ;
4 Simon le nationaliste et Judas l’Iscariote, celui-là même qui le livra.
5 Ces douze, Jésus les envoya en mission avec les instructions suivantes :
« Ne prenez pas le chemin qui mène vers les nations païennes
et n’entrez dans aucune ville des Samaritains.
6 Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël.
7 Sur votre route, proclamez que le royaume des Cieux s’est rapproché définitivement.
8 Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons.
Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement ! ».

Acclamons la Parole de Dieu.

 

Prière d’ouverture 

Se donner à ceux qui souffrent

 

Je t’offre, mon Dieu, mon regard et mes bras.

Je t’offre mes mains pour soigner la souffrance.

Je t’offre mon expérience et quel qu’en soit le prix,

je t’offre mes efforts et ma persévérance.

Donne-moi d’écouter celui qui vient me voir,

celui qui me demande de le réconforter.

Donne-moi d’écouter sans relâche.

Donne-moi de soigner celui qui dit : « J’ai mal »,

celui qui me demande encore de l’apaiser.

Donne-moi de soigner sans relâche.

Donne-moi de donner mes instants

à tous ceux qui demandent le soulagement.

Donne-moi de me donner sans cesse.

Donne-moi de ne pas oublier

que si j’ai le pouvoir de soigner,

je suis faite avant tout pour servir.

Donne-moi de ne pas m’affaiblir[11].

[Une prière de Mia, une lectrice de Prier]

 

Prière des fidèles 

* La page de l’Exode invitait les Hébreux et invite aussi nous ce matin ; elle nous invite à écouter ta voix, Seigneur, et à « prendre soin » de ton alliance. En plus, avec le dernier souper de Jésus avec les apôtres, tu as fait nouvelle ton alliance, dans le sang, dans la vie que ton Fils a voulu nous donner. Alors, rend-nous donc responsables de ton alliance ; rend-nous, de jour en jour, disponibles à écouter et à mettre en pratique ta voix, ta voix qui s’est faite concrète dans la voix de notre frère Jésus.

* Le Psaume nous a rappelé que Dieu « nous a faits, et nous sommes à lui ». Oui, tu es notre Père, notre Papa, et ton amour est sans mesure. Donne à nous, à ton peuple qui te prie, de te servir, te servir – exactement comme le Psaume nous le demande – « dans la joie » et de venir vers toi, vers ton visage, « avec des chants de joie ».

* Grande est la merveille que Paul nous a rappelée dans la lettre aux Romains : ta mort, Seigneur, une action folle d’amour, une démonstration que tu nous aimes même dans nos actions de pécher contre toi. C’est une chose qui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer : même une personne qui s’est perdue peut mettre sa confiance dans ta miséricorde. Merci, Jésus, notre frère aimé ! Nous voulons te remercier avec toute notre vie.

* A nous qui sommes tes sœurs et tes frères, Matthieu dit que toi, Jésus, devant des personnes marginalisées, fatiguées, épuisées et sans ressources, tu étais « saisi de compassion », littéralement « pris aux entrailles ». Oui, tu te laisses prendre complètement par la situation des autres. Tu vois les foules avec tes yeux, mais tu les ‘sent’ dans tes entrailles. Que ta solidarité pour les autres puisse nous entraîner, nous prendre et nous pousser à vivre ainsi nos journées en famille, dans le travail et en société.

 

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[1] Pour ces remarques, je vœux remercier M. Griotto pour son livre : Esodo. Nuova versione, introduzione e commento, Paoline, Milano, 2014, p. 435ss.

[2] E. Zenger, Psalm 100, dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger, Psalmen 51-100, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2000, p. 709.

[3] Così E. Zenger, I Salmi. Preghiera e poesia, vol. 2. L’aurora voglio destare, Paideia, Brescia, 2013, p. 84.

[4] Cf. R. Penna, Lettera ai Romani. I. Rm 1-5. Introduzione, versione, commento, EDB, Bologna, 2004, p. 431.

[5] Cf. E. Käsemann, An die Römer, Mohr, Tübingen, 1974, p. 130.

[6] Pour la signification du verbe grec qui revient 5 fois dans l’Évangile de Matthieu, cf. A. Mello, Évangile selon Matthieu. Commentaire midrashique et narratif, Cerf, Paris, 1999, p. 185.

[7] R. Manes, Vangelo secondo Matteo. Traduzione e commento, dans I Vangeli, a cura di R. Virgili, Ancora, Milano, 2015, p. 171s.

[8] Cf. Manes, Op. cit., p. 176.

[9] Ainsi S. Fausti, Una comunità legge il vangelo di Matteo, EBD, Bologna, 2007, p. 180.

[10] S. Fausti, Op. cit., p. 181.

[11] Le grand livre des prières. Textes choisis et présentés par C. Florence et la rédaction de Prier, Desclée de Brouwer, Paris, 2010, p. 166.