Solennité du Sacré Cœur (9 juin 2024)

 

Solennité du Sacré Cœur (9 juin 2024)

 

Première lecture

Dans un instant, nous allons lire une page du prophète Osée, un prophète du huitième siècle avant la naissance de Jésus. Dans cette page, Osée donne la parole à Dieu, Dieu qui – dès le premier verset – avoue son amour et sa tendresse pour son peuple. Dieu est comme une maman qui prend son enfant dans ses bras, lui donne sa nourriture et lui apprend à marcher (vv. 3 4).

Quant au peuple, Dieu le considère comme son fils ; il l’appelle « Éphraïm », du nom du fils cadet de Joseph, né en Égypte. Et cette référence à l’Égypte explique pourquoi notre page, en évoquant l’histoire d’Israël, mentionne la sortie de l’Égypte. Mais le peuple se comporte un peu comme au désert, il est infidèle à Dieu, il s’adresse à de faux dieux. Dans un climat de guerre – la guerre contre l’Assyrie (vv. 5-6) – les prophètes invitent le peuple à s’orienter vers Dieu (v. 7), mais sans succès.

Et Dieu ? Va-t-il permettre à son peuple une fin tragique, comme celle d’Adma et de Séboïm (v. 8), des villes entièrement détruites, jadis, sur la côte orientale de la mer Morte ? Non, car Dieu est « saint », donc totalement différent des humains qui se laissent dominer par la colère, et il va préparer, pour son peuple, un avenir surprenant.

 

Du livre du prophète Osée (11,1-9)

1 Quand Israël était jeune, je l’ai aimé,

et je l’ai appelé, lui mon fils, à sortir d’Égypte.

2 Mais, plus je l’appelais, plus il s’éloignait de moi.

Mon peuple offre des sacrifices aux faux dieu,

ils brûlent de l’encens devant des statues.

3 C’est pourtant moi qui avais appris à marcher à Éphraïm,

en le tenant par les bras ;

mais ils n’ont pas reconnu que je prenais soin d’eux.

4 Je les attirais avec des liens de douceur,

par des liens d’amour.

Pour eux, j’étais comme une maman

qui soulève son petit enfant tout contre sa joue.

Je me penchais vers eux pour les faire manger.

5 Le peuple d’Israël ne reviendra pas en Égypte,

mais ce sera l’Assyrie qui dominera sur lui.

Car ils ont refusé de retourner vers moi.

6 C’est pourquoi la guerre se répand dans ses villes,

elle détruit ses protections, elle démolit tout.

Tel est le résultat de la politique d’Israël.

7 Mon peuple m’a rejeter

et il prend plaisir à être infidèle.

On l’appelle vers celui qui est en-haut

mais c’est inutile : aucun d’eux ne se lève.

8 Est-il possible que je t’abandonne, Éphraïm,

que je te trahisse Israël ?

Est-ce que je peux te traiter comme la ville d’Adma,

te rendre semblable à Séboïm ?

Une telle décision ne bouleverserait,

l’émotion serait trop forte.

9 Je ne laisserai pas éclater ma violente colère,

je ne reviendrai pas à l’idée de détruire Éphraïm.

En effet, je suis Dieu, moi, je ne suis pas un homme.

Dans ton intimité, Éphraïm, je suis le Dieu saint

et je ne viendrai pas avec colère ».

Parole du Seigneur.

 

Poème

À la place d’un psaume, la liturgie de ce matin nous propose un chant que nous lisons dans le livre du prophète Isaïe. Le thème de ce chant est très simple : une invitation à louer Dieu.

Dans la première strophe (vv. 1-2), l’invitation est adressée à un individu : « Tu diras.. ». Ensuite, dans la deuxième strophe (vv. 3-5), les destinataires sont au pluriel : « vous direz… ». Mais la requête est la même : « célébrer Yahvéh » (vv. 1.4), c’est-à-dire le louer et le remercier, faire connaître parmi les peuples sa bonté. Enfin, dans la conclusion (v. 6), le poète précise qui sont les destinataires de ce message : l’individu et leur communauté qui « habite Sion ».

Il faut aussi noter la place du chant dans le livre du prophète Isaïe. Il est la conclusion de la première partie du livre (les chapitres de 1 à 11), juste après l’annonce que – de la descendance de David – va pousser un rejeton, le Messie (Is 11,1ss). Et maintenant, à la fin de cette première partie du livre, Isaïe nous annonce déjà sa présence, sa présence parmi nous : « Oui, il est grand, au milieu de toi, le Saint ! » (v. 6). Cette présence est donc une surprise totale. Car le mot ‘saint’ en hébreu signifie ‘totalement différent’, ‘inimaginable’.

Enfin une dernière remarque. Dans ce chant et jamais ailleurs dans la Bible, nous avons une prière qui célèbre… la colère, colère qui se transforme en consolation[1]. Nous aurons donc, ici, une invitation à regarder – de façon nouvelle et bien différente – les difficultés que nous vivons chaque jour. C’est dans ces difficultés – des difficultés qui peuvent nous suggérer l’image d’un Dieu en colère ou au moins absent – c’est dans ces difficultés que nous pouvons découvrir la consolation de Dieu.

 

Lecture du livre d’Isaïe (12,1-6)

1 Et tu diras, ce jour-là :

« Je te célèbre, Yahvéh !

Oui, tu étais en colère contre moi,

mais ta colère s’apaise et tu me consoles.

2 Voici, Dieu de mon salut,

j’ai confiance et je ne tremble plus.

Oui, Yah, Yahvéh, est ma force et mon chant,

pour moi il est devenu le salut ».

3 Et vous puiserez de l’eau avec joie

aux sources du salut,

4 et vous direz ce jour-là :

« Célébrez Yahvéh, proclamez son nom,

faites connaître parmi les peuples ses œuvres,

annoncez que son nom est sublime ».

5 Chanter Yahvéh ! Oui, il a fait de grandes choses :

qu’on les fasse connaître sur toute la terre ».

6 Manifeste ta joie et écrite ton enthousiasme,

toi qui habites Sion.

Oui, il est grand au milieu de toi,

le Saint d’Israël !

Deuxième lecture

Le chapitre 3 de la lettre aux Éphésiens nous présente la personne et la mission de l’apôtre Paul[2]. A Paul a été révélé le projet « que Dieu a réalisé par Jésus Christ » (v 11). Et , comme réaction, Paul adresse une prière à Dieu, une prière en trois moments.

D’abord (vv. 14-15), l’auteur – dans sa prière – évoque la paternité de Dieu. Jésus lui-même nous en a parlé en nous apprenant le ‘Notre Père’ ; et cette paternité a permis à Jésus d’accepter sa passion en s’adressant à Dieu et en l’appelant « abba », littéralement « papa » (Mc 14,36). Eh bien : cette paternité de Dieu est – et doit être – un modèle. Pour tout regroupement : des familles, des tribus, des groupes, tous sont invités à reconnaître Dieu comme le Père[3].

Dans un deuxième moment (vv. 16-17), l’apôtre demande à Dieu de fortifier la communauté « par la puissance de son Esprit ». Il prie aussi afin que le Christ habite dans les cœurs par la foi. Et cela est possible, nous dit la lettre, « parce que vous êtes enracinés et fondés – d’une façon définitive – dans l’amour ».

Enfin, dans la dernière partie de sa prière (vv. 18-19), l’apôtre mentionne la possibilité – pour tous les croyants – de s’ouvrir à la connaissance de Dieu et « de comprendre… ». Cette réalité de Dieu nous dépasse entièrement, et l’apôtre ne trouve pas les mots pour la dire à la fin de sa phrase. Voilà pourquoi, dans le dernier verset, il ne peut que choisir un mot : l’amour, l’amour que le Christ a pour nous, un amour qui « surpasse toute connaissance ».

Laissons-nous encourager par cette prière de l’apôtre, laissons-nous envahir par l’amour que Dieu nous a manifesté à travers Jésus.

Lecture de la lettre aux Éphésiens (3,14-19)

14 C’est pourquoi je me mets à genoux devant Dieu, le Père, 15 de qui tout regroupement reçoit son nom, dans les cieux et sur la terre.

16 Je lui demande, selon la richesse de sa gloire, qu’il fortifie votre être – intérieurement – par la puissance de son Esprit. 17 Que le Christ habite dans vos cœurs par la foi, parce que vous êtes enracinés et fondés – d’une façon définitive – dans l’amour.

18 Vous aurez ainsi la force de comprendre, avec tous les saints, quelle est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur…, 19 oui, vous connaîtrez l’amour du Christ – bien qu’elle surpasse toute connaissance – pour être remplis de toute la plénitude de Dieu.

Parole du Seigneur.


Évangile

Après avoir raconté l’amour de Jésus, l’Évangile de Jean nous présente, ce matin, un détail apparemment sans signification : un soldat qui transperce le côté de Jésus avec sa lance. À ce détail, l’auteur en ajoute un autre : « Du sang et de l’eau en sortent aussitôt » (v. 34). Cette sortie des liquides du flanc de Jésus atteste la réalité irréversible de la mort[4]. Mais la mention du sang et de l’eau dans l’Évangile de Jean évoque les sacrements de l’eucharistie et du baptême. En effet, dans la conversation nocturne avec Nicodème (3,5), Jésus expliquait que l’eau permet, avec l’Esprit, une nouvelle naissance, le baptême. Quant au sang, « celui qui mange ma chère et boit mon sang demeure en moi et moi en lui » (6,56).

La page de Jean nous donne aussi un commentaire lié au coup de lance. C’est un commentaire avec deux citations de l’Ancien Testament. Le flanc de Jésus a été transpercé, mais aucun de ses os ne sera brisé. Et ce détail nous rappelle la mort du juste. Le psaume 34 nous dit que Dieu veille sur le juste et « aucun de ses os ne sera pas brisé » (34,21). D’autre part, ce même détail nous montre aussi Jésus comme l’agneau pascal : ces os, vous ne les briserez pas » (Exode 12,46)[5].

La deuxième citation, faire référence aux livres de Zacharie (12,10) avec la mort de mystérieux envoyés de Dieu. En regardant cet homme transpercé, les habitants de Jérusalem vont recevoir « un esprit de bonne volonté » et une source jaillira, à Jérusalem, pour les purifier (12,9-13,1).

 

Lecture de l’évangile de Jean (19,31-37)

31 C’était le jour où on prépare le sabbat. Les autorités juives, pour que les corps ne restent pas sur la croix durant le sabbat – ce sabbat était un jour particulièrement solennel -, demandent donc à Pilate de faire briser les jambes des crucifiés et de faire enlever les corps. 32 Alors les soldats viennent auprès des hommes crucifiés avec Jésus. Ils cassent les jambes du premier, puis celles du deuxième. 33 Quand il arrivent auprès de Jésus, ils voient qu’il est déjà mort. Alors ils ne lui cassent pas ses jambes, 34 mais un des soldats transperce le côté de Jésus, avec sa lance. Du sang et de l’eau en sortent aussitôt.

35 L’homme qui témoigne de ces faits, les a vus, et son témoignage est vrai, et d’ailleurs celui-là sait qu’il dit la vérité. De cette façon, vous aussi, vous pourrez croire.

36 Cela est arrivé pour que s’accomplisse l’Écriture qui annonce : « Aucun de ses os ne sera brisé ». 37 Et un autre texte dit encore : « Ils regarderont à celui qu’ils ont transpercé ».

Acclamons la Parole de Dieu.

Prière d’ouverture

Jésus nous tend la main.

Il s’ouvre à nous.

Il s’ouvre à nous inlassablement.

Il nous invite à Le trouver,

il nous invite à le rencontrer,

il nous invite à Sa Présence,

il nous invite à Le connaître et à Le faire connaître.

Il nous invite à L’aimer, il nous invite à Le suivre.

Il nous invite à nous recueillir,

il nous invite à Le prier,

il nous invite à entrer dans un cœur à cœur avec Lui.

Il nous invite à entrer dans un face-à-face avec Lui.

Il nous invite à nous unir à Lui[6].

Prière des fidèles

* Le prophète Osée nous a présenté ton image, Seigneur Dieu, au féminin, comme « une maman qui soulève son petit enfant tout contre sa joue ». Aide-nous, Seigneur, à affronter les difficultés et les souffrances de tous les jours avec cette confiance : d’être toujours tout près de toi, Dieu, notre maman.

* Le chant du prophète Isaïe nous invite à puiser de l’eau avec joie, une eau spéciale « aux sources du salut ». Et notre salut n’est pas dans la politique, dans l’amitié avec les puissants ou dans la violence. Notre salut c’est toi, seulement toi. Soutiens-nous, Seigneur, parce que c’est toi le seul grand, le saint au milieu de ,nous.

* La lettre aux Éphésiens nous parle de toi, Dieu notre Père, et nous invite à faire – de nos familles, de nos regroupements et de cette communauté – des personnes qui t’accueillent et veulent être vraiment ta famille, dans le respect, l’amour et le pardon. Apprends-nous, Seigneur, à vivre de cette façon.

* L’Évangile nous aide à regarder vers toi, Jésus notre frère, toi « qu’ils ont transpercé ». Et que notre regard vers toi nous encourage. Toi, victime d’une violence aveugle, tu as partagé la condition de beaucoup de personnes parmi nous. Mais le Père ne t’a pas abandonné. Aide-nous à voir que, même les personnes tuées ici et ailleurs, ton Père ne les abandonne pas.

 

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[1] Cf. W. A. M. Beuken, Jesaja 1-12, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2003, p. 337.

[2] Cf. A. Dettwiler, Épître aux Éphésiens, dans Le Nouveaux Testament commenté, sous la direction de C. Focant et D. Marguerat, Bayard – Labor et fides, Paris – Genève, 2012, p. 856ss.

[3] Cf. C. Reynier, L’épître aux Éphésiens, Cerf, Paris, 2004, p. 118.

[4] Cf. J. Zumstein, Évangile selon Jean, dans Le Nouveaux Testament commenté, sous la direction de C. Focant et D. Marguerat, Bayard – Labor et fides, Paris – Genève, 2012, p. 500.

[5] Cf. J. Zumstein, L’Évangile selon saint Jean (13-21), Labor et fides, Genève, 2007, p. 260.

[6] F. Viellard, Prières pour grandir dans la joie de Dieu, Salvator, Paris, 2012, p. 108.