Eucharistie: 24 novembre 2024

Notre Seigneur Jésus Christ Roi de l’Univers — Année B

 

Notre roi, témoin de la fidélité de Dieu

 

Première lecture

 Dans le livre de Daniel, le chapitre 7 est un des plus importants. L’auteur, un écrivain du deuxième siècle avant Jésus Christ, parle d’un juif, Daniel, et raconte les visions que – quatre siècles auparavant – ce jeune aurait eues à Babylone, au temps de l’exil.

Ces visions synthétisent toute l’histoire de l’humanité. L’histoire est considérée comme une succession de royaumes, des royaumes présentés comme des animaux, des bêtes monstrueuses. D’abord un lion avec des ailes d’aigle, ensuite un ours, un léopard à quatre têtes, enfin une quatrième bête encore plus terrible, avec des dents de fer et dix cornes. Cette quatrième bête représente en quelque sorte le pouvoir d’Antiochus Épiphane, le roi syrien qui, au temps de l’auteur du livre, persécute les Juifs.

En opposition à ces royaumes qui font de l’histoire humaine une histoire de plus en plus négative, une nouvelle vision présente « l’Ancien des jours », donc le Dieu éternel, qui s’installe sur le trône, juge les quatre bêtes et fait cesser leur souveraineté.

Enfin, dans une nouvelle vision, le jeune Daniel voit un personnage aux traits humains, « comme un fils d’homme » (v. 13). Ce personnage s’approche de Dieu. Et Dieu lui donne « souveraineté, et gloire, et règne. Et tous les peuples, nations et langues le servent » (v. 14).

La suite du chapitre va nous montrer que ce « fils d’homme » – un peu comme les quatre bêtes – est l’image d’une communauté, de celles et ceux qui, aux verset 18, 22 et 27, sont « les saints du Très-Haut »[1]. Mais, plus tard, la tradition juive a vu dans ce « fils d’homme » le Messie qui instaurera le royaume des justes[2]. Quant à Jésus, fréquemment dans les Évangiles, en parlant de soi-même, il fait référence à ce « fils d’homme » du livre de Daniel. 

 

Lecture du livre du prophète Daniel (7,13-14)

13 Moi, Daniel, j’étais à contempler au cours des contemplations de la nuit,

et voici, avec les nuées des cieux, comme un fils d’homme.

Il vient, il arrive jusqu’à l’Ancien des jours.

Ils le font approcher en face de lui.

14 Et à lui est donnée souveraineté, et gloire, et règne.

Et tous les peuples, nations et langues le servent.

Sa souveraineté est une souveraineté éternelle qui ne passera pas,

et son règne ne sera pas détruit[3].

Parole du Seigneur.

 

Psaume

Le Psaume 93 est un petit poème : seulement 45 mots en hébreu. La structure du poème est simple : une acclamation au commencement (vv. 1-2) et une acclamation finale (v. 5) encadrent la partie centrale (vv. 3-4)[4]. Dans ces trois parties, le poète insiste sur le mot Yahvéh, qui revient cinq fois (vv. 1.1.3.4.5). Dès le début, l’argument du Psaume est là : « Yahvéh règne ! »[5]. Et le poète, en quelques traits, présente ce roi assis sur son « trône » dans les cieux, en insistant sur sa magnificence, sa majesté, sa force. Sa royauté, qui est depuis toujours, est la seule qui permet aux humains de vivre sur la terre, de vivre protégés par ce roi. Voilà le message de l’acclamation initiale que nous avons dans les deux premières strophes.

La troisième strophe, les versets 3 et 4 qu’on ne lira pas ce matin, revient sur la royauté de Yahvéh, une royauté qui s’impose sur les forces hostiles comme peuvent l’être celles des fleuves et les vagues – magnifiques mais aussi menaçantes – de la mer.

A cette célébration du Dieu créateur chantée avec toutes les forces de la nature, les fleuves et les vagues de la mer, un poète a ajouté un dernier verset[6], l’acclamation finale. Et ce dernier verset évoque les « témoignages » (v. 5) de Dieu, ses actions dans l’histoire ; l’alliance de Dieu avec les humains et sa présence dans le temple, « ta maison (délicieuse) ». Il s’agit d’une présence qui s’ouvre – et nous ouvre – à l’avenir, une présence « à longueur de jours ». Et c’est une présence ‘sainte’, donc une présence qui dépasse toute notre capacité d’en parler. Bref : la royauté de Dieu et les manifestations de sa présence dans l’histoire humaine sont « fidèles » ; elles peuvent donc faire naître en nous – malgré toutes les incertitudes qui menacent notre vie – une confiance totale[7].

Quant à nous, en revenant sur les premiers mots du psaume, nous pouvons exprimer à Dieu notre pleine confiance en déclarant :

Le Seigneur est roi ;

il est habillé de grandeur.

 

Psaume 93 (versets 1abc. 1d-2. 5)

1abc Yahvéh règne !

Il est habillé de majesté comme d’un vêtement,

habillé de majesté, Yahvéh,

et sa force l’entoure comme une ceinture.

Refr. :             Le Seigneur est roi ;

il est habillé de grandeur.

 

1d Le monde est donc affermi,

il ne vacille pas.

2 Affermi est ton trône, depuis toujours,

et toi, depuis toujours, tu es.

Refr. :             Le Seigneur est roi ;

il est habillé de grandeur.

 

5 Tes témoignages sont fidèles, infiniment.

A ta maison (délicieuse) convient la sainteté, Yahvéh,

à longueur de jours.

Refr. :             Le Seigneur est roi ;

il est habillé de grandeur.

 

Deuxième lecture

 Vers la fin du premier siècle après Jésus Christ, Jean, frappé par une sentence d’exil en raison de sa foi, se trouve à Patmos, une petite île au sud-ouest de l’Asie Mineure, l’actuelle Turquie. Mais, au lieu de pleurer sur sa situation, il écrit à sept communautés pour encourager les chrétiens qui, eux aussi, vivent dans une situation difficile, isolés et marginalisés dans leurs villes.

Comme la plupart des lettres du Nouveau Testament[8], Jean commence en souhaitant à ses destinataires « grâce et paix » (v. 4). Ces dons viennent de Dieu : le Père, l’Esprit et le Fils.

Cette source trinitaire[9] nous est présentée d’une façon très originale, avec trois termes.

* D’abord « Celui-qui-est et Celui-qui-était et Celui-qui-vient » (v. 4). Ces mots évoquent donc le Père comme celui qui englobe et dépasse le temps. Et cette expression reviendra dans le verset 8, à côté d’une autre : Dieu comme « l’Alpha et l’Oméga », la première et la dernière lettre de l’alphabet grec ; et l’alphabet, c’est ainsi dans n’importe quelle langue, permet de dire tous les mots et – en même temps – les dépasse.

* Le deuxième terme est le mot « esprit », utilisé au pluriel : les « sept esprits » (v. 4). Et le chiffre « sept » exprime la plénitude, la perfection de l’Esprit qui apparaît dans ses multiples dons aux communautés.

* Enfin Jésus Christ comme « le fidèle témoin, le premier-né d’entre les morts et le prince des rois de la terre » (v. 5). En d’autres termes : à travers une mort imposée par des pouvoirs humains, Jésus a mis en question toute violence et tout pouvoir. C’est ainsi que Jésus, avec la résurrection, partage, désormais, la souveraineté divine. Mais en même temps, comme « premier-né d’entre les morts », Jésus permet aux croyants de regarder la mort comme une nouvelle naissance, comme une expérience qui nous unit à lui.

Même la suite du texte veut nous encourager. Elle souligne que Jésus – maintenant et constamment[10] – « nous aime » et il nous a déjà délié(e)s de nos égarements (v. 5). Nous pouvons désormais laisser tomber tout culte aux pouvoirs de ce monde et rendre culte seulement à celui qui est « Dieu et Père » (v. 6). En effet, nous sommes, dès maintenant, « un royaume » (v. 6) non pas de personnes assujetties à un pouvoir dominateur, mais des vivants libérés et destinés à régner avec Jésus[11].

Enfin, dans les derniers versets, l’auteur reprend les images du livre de Daniel, pour souligner la surprise : Jésus vient maintenant. D’autre part, Dieu aussi est Celui qui vient : il est élan, mouvement de rencontre toujours tourné vers nous[12].

 

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean (1,4-8)

 4 Jean, aux sept communautés qui sont dans la province d’Asie :

A vous grâce et paix

de la part de Celui-qui-est et Celui-qui-était et Celui-qui-vient,

et de la part des sept esprits qui sont devant son trône,

5 et de la part de Jésus Christ,

le témoin, le fidèle témoin, le premier-né d’entre les morts et le prince des rois de la terre.

A celui qui nous aime,

et nous a déliés de nos égarements par son sang,

6 – il a fait de nous un royaume, des prêtres pour son Dieu et Père –

à lui la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. Amen.

7 Voici, il vient au milieu des nuées,

et tout œil le verra,

même ceux qui l’ont transpercé :

et se frapperont la poitrine à son sujet toutes les tribus de la terre.

Oui, il en sera ainsi ! Amen.

8 « Moi je suis l’Alpha et l’Oméga », dit le Seigneur Dieu,

« Celui-qui-est et Celui-qui-était et Celui-qui-vient,

le Souverain de tout ».

Parole du Seigneur.

 

Alléluia. Alléluia.

Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !

Béni soit le Règne qui vient,

celui de David, notre père. (Marc 11,9b-10a)

Alléluia.

 

Évangile

Dans l’Évangile de Jean, Pilate, au moment du procès de Jésus, se déplace. A l’intérieur du palais, dans deux moments différents, il interroge Jésus. Avant et après chacune de ces deux phases, il va à l’extérieur du palais pour parler avec les autorités juives. Et ces deux espaces deviennent deux symboles : à l’extérieur le monde hostile à Jésus et incrédule, à l’intérieur un espace habité par le calme où a lieu la révélation[13].

Dans le premier entretien, celui qu’on va lire ce matin, Pilate interroge Jésus sur l’accusation que les Juifs ont portée contre lui : Jésus comme « le roi des Juifs ». Cette accusation pouvait être comprise comme si Jésus prétendait être le libérateur pour mettre fin à l’occupation romaine de la Palestine.

Dans sa réponse, Jésus explique que sa « royauté » est entièrement différente par rapport à toute forme de pouvoir politique. Elle « n’est pas de ce monde » (v. 36) ou, plus littéralement encore, elle « ne tire pas son origine de ce monde » et elle se réalise d’une façon entièrement différente, elle ne s’impose pas avec des armes et avec des personnes sous les ordres du chef. La fonction de Jésus comme roi est « pour rendre témoignage à la vérité » (v. 37). Et, dans le langage biblique, « la vérité » est ce qui est fiable, ce sur quoi on peut s’appuyer, ce à quoi on peut faire confiance, en définitive Dieu lui-même[14].

Devant cette affirmation de Jésus, chacune et chacun de nous, nous sommes invité(e)s – un peu comme Pilate – à décider si nous voulons écouter cette révélation apportée par Jésus.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (18,33-38)

 33 Pilate entra donc de nouveau dans le palais et il appela Jésus et lui dit : « Toi, es-tu le roi des Juifs ? » 34 Jésus répondit : « Dis-tu cela de toi-même ou d’autres te l’ont-ils dit de moi ? » 35 Pilate répondit : « Suis-je un Juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi. Qu’as-tu fait ? » 36 Jésus répondit : « Ma royauté n’est pas de ce monde. Si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gens sous mes ordres ; ils auraient combattu afin que je ne sois pas livré aux Juifs. Mais ma royauté, maintenant, n’est pas de ce monde ». 37 Alors Pilate lui dit : « Tu es donc roi ? » Jésus répondit : « Toi, tu dis que je suis roi. Moi, je suis né pour ceci et je suis venu dans le monde pour ceci : pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix ». 38 Pilate lui dit : « Qu’est-ce que la vérité ? » Et, ayant dit cela, il sortit de nouveau vers les Juifs et il leur dit : « Moi, je ne trouve en lui aucun chef d’accusation ».

Acclamons la Parole de Dieu.

 

Prière d’entrée

Toi, ô Christ, tu es roi, mais seulement pour amour,

et ton royaume est seulement pour les doux,

pour les constructeurs de paix ;

c’est un royaume d’humbles,

le royaume des derniers.

Amen[15].

[David Maria Turoldo, prêtre et poète, Italie : 1916-1992]

 

Prière des fidèles

* Le livre de Daniel invitait les Juifs, persécutés par le pouvoir politique, à accueillir une souveraineté différente : celle de Dieu et de son envoyé. Aide-nous, Seigneur Dieu, à accueillir ton Envoyé, ton Fils, et à mettre en pratique son message.

* Le psaume 93 évoque « tes témoignages », tes témoignages de fidélité envers nous. Permets-nous, Seigneur Dieu, d’ouvrir nos yeux et de découvrir, dans l’histoire biblique et aussi dans notre histoire personnelle, ces témoignages, les témoignages de ton amour et de ta tendresse.

* Dans l’Apocalypse, Jean nous dévoile les traits de Jésus comme un souverain très spécial, un souverain dans son élan pour venir à notre rencontre. Donne-nous, Seigneur Dieu, de nous ouvrir avec plaisir à cette visite.

* Dans l’Évangile de Jean, Jésus se présente comme celui qui révèle « la vérité », une ‘réalité’ qui nous dépasse et que nous appelons Dieu, une ‘réalité’ à laquelle nous voulons faire totalement confiance. Aide-nous, Seigneur, à vivre notre vie de tous les jours et ses difficultés et ses angoisses, en te faisant confiance. Pleinement.


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[1] Cf. L. Alonso Schökel – J.L. Sicre Diaz, I profeti. Traduzione e commento, Borla, Roma, 1989, p. 1460.

[2] G. Ravasi, La Bibbia in un frammento. 200 porte all’Antico e al Nuovo Testamento,Mondadori, Milano, 2013, p. 171.

[3] Cette traduction reprend, avec de petites modifications, celle de A. Chouraqui, La Bible, Desclée de Brouwer, Paris, 1989, p. 1399.

[4] Cf. G. Ravasi, Il libro dei Salmi. Commento e attualizzazione. Vol. II (Salmi 51-100), EDB, Bologna, 2015, p. 946.

[5] La royauté de Yahvéh est le thème des psaumes 93-100. Cf. F.-L. Hossfeld, Psalm 93, dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger, Psalmen 51-100, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2007, p. 649.

[6] Cf. F.-L. Hossfeld, Psalm 93, dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger, Psalmen 51-100, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2007, p. 646. Cf. aussi, avec de petites différences E. Zenger, I Salmi. Preghiera e poesia, vol. 2. L’aurora voglio destare, Paideia, Brescia, 2013, p. 70s. Pour les deux traduction possibles du v. 5, cf. G. Ravasi, Op. cit., p. 939 et 952s.

[7] Cf. J.-L. Vesco, Le psautier de David traduit et commenté, Cerf, Paris, 2006, p. 879.

[8] J. Delorme – I. Donegani, L’Apocalypse de Jean. Révélation pour le temps de la violence et du désir. Chapitres 1-11, Cerf, Paris, 2010, p. 41.

[9] G. Ravasi, Apocalisse, Piemme, Casale Monferrato, 1999, p. 22. Cf. aussi Y. Simoens, Apocalisse di Giovanni. Apocalisse di Gesù. Una traduzione e un’interpretazione, EDB, Bologna, 2010, p. 81.

[10] En grec, nous avons le verbe « agapaô » (c’est-à-dire « aimer ») au présent. Cf. P. Poucouta, Lettres aux Églises d’Afrique. Apocalypse 1-3, Éditions Karthala – Presses de l’UCAC, Paris – Yaoundé, 1997, p. 126.

[11] Cf. J. Delorme – I. Donegani, Op. cit., p. 44.

[12] Cf. J. Delorme – I. Donegani, Ibid., p. 48.

[13] Cf. J. Zumstein, L’évangile selon saint Jean (13-21), Labor et Fides, Genève, 2007, p. 218s.

[14] Cf. Zumstein, L’évangile selon saint Jean (13-21), Labor et Fides, Genève, 2007, p. 226s.

[15] D. M. Turoldo – G. Ravasi, « Nella tua luce vediamo la luce ». Tempo ordinario, solennità del Signore, feste dei Santi. Commento alle letture liturgiche, San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2004, p. 436.