Eucharistie: 8 décembre 2024

Immaculée Conception de la Vierge Marie – Solennité

 

Une pensée pour commencer

Dès l’antiquité, les communautés chrétiennes ont pensé souvent à Marie comme « immaculée », comme une femme préservée du péché, et ça par un don de Dieu. Et les anciennes communautés se sont ouvertes à cette conviction à partir de l’Évangile de Luc, Luc qui – comme nous allons écouter dans un instant – présente Marie comme « comblée de grâce » et comme celle à laquelle Dieu a adressé, d’une façon définitive, sa faveur.

Mais aujourd’hui la liturgie ne se limite pas à célébrer Marie. La liturgie nous invite à considérer, grâce à Marie, celle qui est et doit être aussi notre vie. Nous devons prendre conscience du fait que Dieu adresse aussi à nous sa faveur et son amour. Et, grâce à cette intervention de Dieu en nous et à notre réponse à Lui, son amour rejoint toute l’humanité et toute la création.

Première lecture

 La première lecture est une page d’un écrivain vécu vers l’an 950 avant Jésus Christ, au temps du roi David et de son fils Salomon[1]. Cet écrivain, un des plus importants de l’Ancien Testament, réfléchit sur la présence du mal dans l’histoire de l’humanité. À son avis, le mal est une réalité qui casse, en même temps, notre relation à Dieu et nos relations avec les autres.

Pour expliquer son message, l’écrivain nous met devant les yeux l’homme qui refuse Dieu en désobéissant à son commandement : « Tu ne dois pas manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal » (2,17). Connaître le bien et le mal signifie connaître tout. Et manger de cet arbre est, dans le récit de notre écrivain, prendre possession de cette connaissance, prétendre de tout connaître, refuser ses propres limites et se mettre à la place de Dieu.

Et quand l’homme se laisse prendre par ce désir que l’écrivain présente avec l’image du serpent, l’homme refuse Dieu mais il refuse, en même temps, aussi la femme. Au lieu d’être solidaire avec elle et de reconnaître sa propre culpabilité à côté de la femme, le récit nous montre un homme qui refuse la femme : il accuse la femme et il accuse Dieu d’avoir mis la femme à son côté : « La femme que tu m’as donnée pour compagne, c’est elle qui m’a donné [du fruit] de l’arbre, et j’ai mangé ».

Quant à la femme, elle aussi refuse sa propre responsabilité : la désobéissance, dit-elle, naît du désir, du désir qui est à l’intérieur de chacun de nous[2] et qui nous trompe : « Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé ».

 

Lecture du livre de la Genèse (3, 9-15.20)

9 Quand Adam eut mangé du fruit de l’arbre, Yahvéh Elohim l’appela et lui dit : « Où es-tu ? »

10 Et [dit] Adam : « J’ai entendu ta voix dans le jardin, et j’ai pris peur car moi je suis nu, et je me suis caché ».

11 Et dit [Yahvéh] : « Qui t’a appris que tu étais nu ? Est-ce que tu as mangé [du fruit] de l’arbre dont je t’avais ordonné de ne pas manger ? »

12 Et dit Adam : « La femme que tu m’as donnée pour compagne, c’est elle qui m’a donné [du fruit] de l’arbre, et j’ai mangé ».

13 Et dit, Yahvéh Elohim, à la femme : « Quoi ? Tu as fait ça ? »

Et dit, la femme : « Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé ».

14 Et dit, Yahvéh Elohim, au serpent : « Parce que tu as fait cela, tu seras maudit parmi tous les animaux et toutes les bêtes des champs. Sur ton ventre tu iras et de la poussière tu mangeras tous les jours de ta vie. 15 Et une hostilité je mettrai entre toi et la femme, et entre ta descendance et sa descendance : celle-ci te meurtrira à ta tête, et toi, tu la meurtriras à [son] talon ».

20 Et Adam appela sa femme Ève [c’est-à-dire : la vivante], parce qu’elle fut la mère de tous les vivants.

Parole du Seigneur.

Psaume

Si la première lecture nous a présenté les humains qui désirent se séparer de Dieu et entre eux, le psaume est une vraie surprise. En effet, il nous invite à mettre notre confiance en Dieu : Dieu qui se souvient de son amour, Dieu qui est fidèle à la maison d’Israël – avec le retour après l’exil à Babylone[3] – et à l’humanité tout entière. C’est ainsi que, devant cet amour, chacune et chacun de nous peut, avec toute la terre, se réjouir et chanter sa propre joie. La joie est pour l’œuvre de Dieu : son salut, sa justice, son amour, sa fidélité. C’est la joie pour ce que Dieu a accompli dans l’histoire : dans Marie et dans l’humanité entière ; et c’est la joie pour ce que Dieu continue à accomplir dans notre vie.

Après chacune des trois strophes, vous pouvez intervenir avec le refrain qui reprend le premier verset :

Chantez au Seigneur un chant nouveau,

car il a fait des merveilles.

 

Psaume 98 (versets 1. 2-3ab. 3cd-4)

1 Psaume. Chantez pour Yahvéh un chant nouveau,

car il a fait des merveilles.

Sa main droite, son bras très saint

lui ont permis de sauver.

Refr. : Chantez au Seigneur un chant nouveau,

car il a fait des merveilles.

 

2 Yahvéh a fait connaître son salut,

sous les yeux des nations il a révélé sa justice,

3ab il s’est souvenu de son amour

et de sa fidélité pour la maison d’Israël.

Refr. : Chantez au Seigneur un chant nouveau,

car il a fait des merveilles.

 

3cd Toutes les extrémités de la terre

ont vu le salut de notre Dieu.

4 Faites votre acclamation pour Yahvéh, terre entière,

exultez, criez de joie et chantez des psaumes !

Refr. : Chantez au Seigneur un chant nouveau,

car il a fait des merveilles.

 

Deuxième lecture

 
La page de la lettre aux chrétiens d’Éphèse, une page de laquelle nous allons écouter de petits textes, est un vrai cadeau. Elle est une prière que l’auteur compose en pensant à toute l’histoire du monde, et en remontant aussi « avant la fondation du monde » (v. 4). En effet, déjà avant la création du monde, celui qui est le « Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ » avait pensé à nous et il nous avait « bénis de toute bénédiction spirituelle – dans les hauts cieux – en Christ » (v. 3).

Cette page s’ouvre avec un cri de bénédiction. Et ce cri est suscité par la découverte que « nous » sommes les purs bénéficiaires d’un acte de Dieu à notre égard[4].

En effet avec un acte d’amour, « il nous a choisis pour être nous-mêmes saints » (v. 4), c’est-à-dire pour être « ses enfants par Jésus Christ » (v. 5), le Fils par excellence.

Ce projet, Dieu l’a déjà réalisé en Marie et maintenant, comme nous allons l’écouter dans un instant, Dieu le réalise en nous. C’est un projet duquel nous pouvons nous fier malgré toutes nos fragilités. En effet, c’est Dieu lui-même qui va l’accomplir, Dieu qui, comme l’apôtre nous assure, « réalise tout selon les décisions de sa volonté » (v. 11).

 

De la Lettre aux Éphésiens (1,3-6 et 11-12)

3 Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ ! Il nous a bénis de toute bénédiction spirituelle – dans les hauts cieux – en Christ. 4 En lui, il nous a choisis, avant la fondation du monde, pour être nous-mêmes saints et irréprochables en sa présence, dans l’amour. 5 Il nous a destinés – d’avance – à être ses enfants par Jésus Christ. Telle fut l’heureuse disposition de sa volonté ; 6 et cela afin de célébrer la gloire de sa grâce, la grâce qu’il nous a donnée dans le Fils Bien-aimé.

11 En lui, nous avons été mis à part, choisis d’avance selon le plan de Dieu – Dieu qui réalise tout selon les décisions de sa volonté. 12 Et nous avons été mis à part pour être nous-mêmes à la louange de sa gloire, nous qui avons espéré, d’avance, dans le Christ.

Parole du Seigneur.

 

Alléluia. Alléluia.

Je te salue, Marie, comblée-de-grâce :

le Seigneur est avec toi,

tu es bénie entre les femmes. (cf. Lc 1,28.42)

Alléluia.

 

Évangile

La page de Luc, que nous allons écouter ce matin, est une admirable synthèse de ce que la communauté chrétienne des origines pensait à propos de Jésus. À travers le récit du dialogue entre l’ange et Marie, Jésus est présenté comme descendant et successeur du rois David et, plus précisément, comme celui qui régnera pour toujours et, surtout, comme « Fils du Très-Haut » (v. 32) et comme « Fils de Dieu » (v. 35)[5].

En plus, l’Évangile nous présente l’existence de Jésus – dès le début et jusqu’à sa mort et résurrection – comme caractérisée par la présence d’un « Souffle Saint », donc de ce Souffle de Dieu qui intervient depuis la création du monde, lorsque le « souffle du Seigneur était présent sur la surface des eaux » (Gen 1,2). Mais aussi toute l’histoire humaine, comme celle de l’ancien Israël dès la sortie de l’Égypte, est caractérisée par la force du Très-Haut : c’est la présence de Dieu comme une nuée ou comme une ombre qui indique – dans le désert – le chemin à prendre, une ombre qui accompagne et qui guide son peuple (Ex 40,34-38).

Et c’est à partir de ces traits de l’Ancien Testament que l’Évangile nous permet de comprendre le chemin que Jésus va accomplir. Et c’est un chemin rendu possible par le consensus que Marie donne au plan de Dieu. Un consensus qu’une femme – une femme « très troublée » et qui s’interroge sur la présence de Dieu dans sa vie – donne avec une phrase très dense : « Voici, je suis l’esclave du Seigneur. Qu’il m’arrive selon ta parole »[6].

Et comme Marie, chacune et chacun de nous, nous sommes tous invités à nous reconnaître comme des esclaves, des serviteurs du Seigneur, et à lui permettre d’agir dans notre vie.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (1,26-38)

26 Le sixième mois, Dieu a envoyé l’ange Gabriel dans une ville de Galilée appelée Nazareth, 27 à une jeune femme vierge, fiancée à un homme nommé Joseph. Il appartenait à la maison de David. La jeune femme s’appelait Marie.

28 L’ange est entré chez elle et a dit : « Réjouis-toi, toi qui as été comblée de grâce : le Seigneur est avec toi ». 29 A cette parole elle fut très troublée. Elle cherchait à comprendre le sens de cette salutation.

30 Et l’ange lui dit : « Sois sans crainte, Marie ; car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. 31 Et voici : tu concevras dans ton ventre et tu mettras au monde un fils. Et tu l’appelleras Jésus. 32 Il sera grand, et sera appelé Fils du Très-Haut. Dieu, le Seigneur, lui donnera le trône de David, son père. 33 Il régnera sur la maison de Jacob, éternellement. Il n’y aura pas de fin pour ce règne ».

34 Marie dit à l’ange : « Comment est-ce possible, puisque je ne vis avec aucun homme ? ».

35 L’ange lui répondit : « Un Souffle Saint viendra sur toi, et une force du Très-Haut te prendra sous son ombre. C’est pourquoi celui qui va naître sera saint, surprenant comme Dieu. Il sera appelé Fils de Dieu. 36 Et voici qu’Élisabeth, ta parente, vient, elle aussi, de concevoir un fils dans sa vieillesse. Elle le porte depuis six mois, elle qu’on appelait la stérile. 37 Car rien n’est impossible à Dieu ».

38 Marie dit alors : « Voici, je suis l’esclave du Seigneur. Qu’il m’arrive selon ta parole ». Et l’ange la quitta.

Acclamons la Parole de Dieu.

 

Prière des fidèles

* La page de la Genèse nous parle d’un homme et d’une femme qui, au lieu de s’assumer ses propres responsabilités, culpabilisent les autres : l’homme culpabilise la femme et Dieu ; la femme culpabilise la force du mal qui séduit. Et pourtant toi, o Dieu, au lieu de laisser que nous nous perdions, tu te rends présent : tu nous adresses la parole et tu nous annonces un avenir qui va au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer. Que ce récit puisse nous aider à retrouver confiance – confiance en toi – malgré nos fautes.

* Le psaume que nous avons écouté donne une nouvelle épaisseur à notre prière : toi, tu nous rends attentifs aux merveilles que tu continues d’accomplir dans la création et dans l’histoire. Et, surtout, tu nous rends attentifs à ton amour qui a surpris une femme comme Marie, une femme qui avec son « oui » à ouvert – pour l’humanité entière et pour chacune et chacun de nous – un avenir différent, un avenir pour lequel avec toute la terre, nous pouvons « exulter, crier de joie et chanter ».

* Aussi la lettre aux Éphésiens nous parle, Seigneur Dieu, de ton « heureuse disposition » : tu nous as choisis « pour être nous-mêmes saints et irréprochables » à ta présence « dans l’amour ». C’est ainsi que tu as voulu faire – de chacune et de chacun de nous – une sœur, un frère de ton Fils Jésus. C’est ainsi que nous sommes devenus tes fils et tes filles. Aide-nous, Dieu notre Père, à vivre jour après jour cette relation d’amour filial envers toi.

* Dans le récit de Luc, nous avons une femme, une très jeune femme, qui nous apprend à répondre à Dieu, à parler avec le Dieu caché que nous attendons et que nous cherchons depuis toujours, et souvent avec trop d’angoisse dans notre cœur. Et cette jeune fille nous aide à nous ouvrir à toi avec une extrême simplicité, elle nous enseigne à te dire : Je suis une personne qui veut se mettre à ton service : « Qu’il m’arrive selon ta parole ».

 

Prière finale

À toi, Père, créateur des mondes,

à toi qui es partout dans le cœur des humains,

à toi qui, avec douceur, tu accueilles nos prières

à toi nous voulons chanter notre remerciement.

 

C’est une vierge ton vrai ciel,

le signe messianique attendu depuis toujours,

l’arche des temps qui porte le Seigneur,

là où tu nous parles encore plus que dans l’Éden.

 

Et pourtant elle n’était qu’une jeune fille,

une jeune qui ne pouvait pas imaginer

comment tu l’avais, dans ta grâce,

entourée et protégée

quand elle était encore une goutte de sang.

 

Pour cette femme aujourd’hui nous chantons,

parce que le souffle, l’Esprit Saint, est descendu sur elle :

avec son ombre le Très-Haut la couvre

et Fils de Dieu sera son fils.

 

O Trinité, mystérieuse et heureuse,

nous te louons parce que tu nous as donné

une nouvelle aurore qui annonce le jour :

le Christ, la gloire de toute la création[7].

[David Maria Turoldo, prêtre et poète, Italie : 1916-1992]

 

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[1] Cf. E. Zenger, La Torah / Il Pentateuco nel suo insieme, dans E.Zenger (ed.), Introduzione all’Antico Testamento, Queriniana, Brescia, 2008, p. 146.

[2] Cf. A. Wénin, Da Adamo ad Abramo o l’errare dell’uomo. Lettura narrativa e antropologica della Genesi. I, Genesi 1,1-12,4, EDB, Bologna, 2008, p. 73ss.

[3] Ce retour après l’exil, le psaume l’évoque avec le pluriel « merveilles » au v. 1. Cf. G. Ravasi, Il libro dei Salmi. Commento e attualizzazione, vol. 2, EDB, Bologna, 2015, p. 1031.

[4] Ainsi Ch. Reynier, L’épitre aux Éphésiens, Cerf, Paris, 2004, p. 53.

[5] Pour ces deux expressions, cf. F. Bovon, L’Évangile selon saint Luc, IIIa, Labor et fides, Genève, 1991, p. 76s et 78.

[6] Le mot “esclave”, Marie le répètera dans son chant, le « Magnificat » (Lc 1,48). Cf. S. Fausti – V. Canella, Alla scuola di Luca. Un Vangelo da rileggere, ascoltare, pregare e condividere, Milano, Àncora, 2009, p. 26.

[7] D. M. Turoldo – G. Ravasi, « Nella tua luce vediamo la luce ». Tempo ordinario, solennità del Signore, feste dei santi. Commento alle letture liturgiche, San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2004, p. 862.