Eucharistie: 19 janvier 2025
2ème dimanche du Temps Ordinaire — Année C
« Tu feras la joie de ton Dieu » (Isaïe 62,5)
Première lecture
Avec la première lecture, nous sommes entre les années 537-520 avant la naissance de Jésus. L’exil à Babylone vient de terminer, et Jérusalem est plus ou moins abandonnée, exploitée, endeuillée par ses malheurs récents[1].
Dans cette situation, un poète, dont le texte a été conservé dans le livre d’Isaïe, annonce à la ville un message de Dieu (v. 1). Même si la ville a l’impression d’être abandonnée par le Seigneur, Dieu ne reste pas silencieux et inactif. A travers le prophète, le Seigneur déclare qu’il est en train de préparer, pour la ville, une situation totalement différente, une lumière, une lampe ; et alors la « justice » (v. 1) de Jérusalem apparaîtra.
Dans les versets suivants (vv. 2-5), c’est le prophète qui, personnellement, prend la parole. Il revient sur le mot « justice » (v. 2) en soulignant que la justice de Jérusalem sera vue aussi par les autres peuples. Mais le prophète insiste surtout sur le changement qui se prépare pour la ville : elle va recevoir un nom nouveau que seulement Dieu peut connaître et prononcer. Quant aux autres, en constatant le changement total de la ville, ils ne vont plus la qualifier comme l’Abandonnée, la Désolée. On parlera d’elle en l’appelant « Celle en qui je prends plaisir ». Et à prendre plaisir de cette ville sera Dieu lui-même car, nous dit le prophète : « Yahvéh prendra plaisir en toi » (v. 4), Yahvéh « qui te reconstruit[2] » (v. 5).
Pour sa part, dans sa relation avec Dieu, la ville va réjouir Dieu : « Comme une jeune mariée fait la joie de son mari, tu feras la joie de ton Dieu » (v. 5). C’est le message du prophète pour la ville de son temps, mais c’est aussi un message pour nous : comme communauté, ici, à Bujumbura, nous devons faire la joie de notre Dieu.
Lecture du livre d’Isaïe (62,1-5)
1 Pour la cause de Sion, je ne serai pas silencieux,
pour la cause de Jérusalem, je ne resterai pas sans agir,
jusqu’à quand paraîtra, comme une lumière, sa justice,
et son salut brillera comme une lampe allumée.
2 Alors les peuples verront ta justice
et tous les rois ta gloire.
Alors tu seras appelée d’un nouveau nom,
que Yahvéh prononcera de sa bouche.
3 Et tu seras comme une couronne magnifique dans la main de Yahvéh,
un diadème royal dans la main de ton Dieu.
4 On ne t’appellera plus « Celle qui est abandonnée »,
on ne dira plus de ta terre « la Désolée ».
Au contraire, on t’appellera « Celle en qui je prends plaisir »,
et ta terre « l’Épousée »,
car Yahvéh prendra plaisir en toi
et ta terre sera épousée.
5 Comme un jeune homme se marie avec une jeune fille,
ainsi celui qui te reconstruit sera un mari pour toi.
Comme une jeune mariée fait la joie de son mari,
tu feras la joie de ton Dieu.
Parole du Seigneur.
Psaume
L’auteur du psaume 96 est un poète qui a vécu après l’exil à Babylone, probablement au quatrième siècle avant Jésus Christ. C’est une période pendant laquelle Israël est confronté à différents peuples, avec des relations parfois très tendues. Mais, au lieu de regarder vers le passé riche de souffrances et vers les difficultés du présent, le poète est capable de regarder vers l’avenir, vers les peuples au pluriel, et vers la création tout entière[3].
Le poème est composé de trois parties[4].
De la première partie (vv. 1-6), nous allons lire deux strophes.
La première s’ouvre avec l’impératif « chantez » répété trois fois ; la deuxième nous adresse deux autres impératifs : « annoncez », « racontez ». Tous ces impératifs s’adressent à la terre tout entière. Ils sont des invitations à louer Dieu avec un « chant nouveau ». La motivation pour cette louange est exprimée dans la deuxième strophe. Il faut louer Dieu et annoncer « son salut », le salut et les « merveilles » qu’il accomplit dans l’histoire de l’humanité.
Comme la première partie, aussi la deuxième (vv. 7-10) commence avec un impératif répété trois fois : « Donnez à Yahvéh ». Le poète adresse cet impératif aux « familles des peuples ». Ces familles des peuples sont invitées à offrir à Dieu ce qui convient à sa grandeur en reconnaissant et en proclamant sa « gloire » et sa « force » (v. 7)[5].
La seconde strophe de cette partie contient une invitation à se rendre au temple et à se prosterner à Dieu quand sa sainteté éclate (v. 9a), quand Dieu manifeste sa présence sainte. Cette manifestation n’est pas limitée au temple. Elle est au niveau de la terre entière, la terre dans laquelle on peut découvrir sa présence et sa royauté. Et la finale de cette strophe nous le dit très clairement : « Yahvéh règne : il gouverne les peuples avec droiture ».
La troisième partie (vv. 11-13), une partie qu’on ne lira pas ce matin, revient sur Dieu qui « gouverne le monde dans la justice et les peuples dans sa fidélité » (v. 13). Et cette gouvernance de Dieu provoque la joie de toute la création. C’est avec cette attitude joyeuse que nous voulons intervenir, à la fin de chaque strophe, avec le refrain qui reprend le verset 3 :
Racontez à tous les peuples
les merveilles du Seigneur !
Psaume 96 (versets 1-2a. 2b-3. 7-8a. 9a.10ac)
1 Chantez pour Yahvéh un chant nouveau,
chantez pour Yahvéh, terre entière.
2a Chantez pour Yahvéh, bénissez son nom !
Refr. : Racontez à tous les peuples
les merveilles du Seigneur !
2b De jour en jour, annoncez son salut,
3 racontez sa gloire parmi les nations,
ses merveilles parmi tous les peuples !
Refr. : Racontez à tous les peuples
les merveilles du Seigneur !
7 Donnez à Yahvéh, familles des peuples,
donnez à Yahvéh gloire et force,
8a donnez à Yahvéh la gloire de son nom.
Refr. : Racontez à tous les peuples
les merveilles du Seigneur !
9a Prosternez-vous devant Yahvéh, quand éclate sa sainteté.
10ac Dites parmi les nations : « Yahvéh règne :
il gouverne les peuples avec droiture ».
Refr. : Racontez à tous les peuples
les merveilles du Seigneur !
Deuxième lecture
Dans la communauté chrétienne de Corinthe, il y a des conflits. Il y a des personnes qui ont des capacités, des dons, et – à cause de ça – ils prétendent être supérieures aux autres.
Devant cette situation, Paul réagit. Pour commencer (vv. 4-7), il souligne que ces capacités sont des dons, des dons différents, des services et des opérations que les humains reçoivent de Dieu. A la source de ces dons « c’est le même Esprit » (v. 4), « c’est le même Seigneur » (v. 5), « c’est le même Dieu qui, en tous, met tout en œuvre » (v. 6). Et Paul termine cette considération en soulignant que chaque chrétien porte en soi une « manifestation de l’Esprit ». Mais cette manifestation ne permet pas de se mettre au-dessus des autres. Au contraire, cette manifestation de l’Esprit est « pour le bien de tous » (v. 7).
Dans la suite du texte (vv. 8-11), Paul mentionne neuf dons. Certains se manifestent surtout dans des actions comme prendre soin des malades. D’autres dons se manifestent surtout au niveau de la parole, comme la capacité de parler de Dieu et de le faire, pour ainsi dire, connaître aux autres. Mais le premier don de l’Esprit que Paul mentionne est « le don de parler avec sagesse » (v. 8), c’est-à-dire le don de reconnaître, dans la mort et la résurrection de Jésus, l’élément fondamental du projet de sagesse et de salut voulu par Dieu[6].
Enfin, en terminant ses considérations, Paul met à nouveau l’accent sur le fait que ces dons, chacun les reçoit de « l’unique et même Esprit », l’Esprit qui agit en toute liberté. Quant à nous, chacune et chacun de nous, nous devons reconnaître que nos capacités et nos dons sont des dons fruits de la liberté de l’Esprit. Aucune prétention donc, seulement gratitude pour ce que nous avons reçu et recevons de lui[7].
Lecture de la Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens (12,4-11)
4 Il y a diversité de dons – des dons de la grâce -, mais c’est le même Esprit (qui les donne) ; 5 il y a diversité de services, mais c’est le même Seigneur ; 6 il y a diversité d’opérations, mais c’est le même Dieu qui, en tous, met tout en œuvre. 7 A chacun est donnée la manifestation de l’Esprit et cela pour le bien de tous.
8 L’un reçoit de l’Esprit le don de parler avec sagesse, l’autre reçoit du même Esprit le don de faire connaître Dieu. 9 Un autre reçoit de ce même Esprit le don d’une foi très solide, un autre reçoit de cet unique Esprit le don de guérir les malades. 10 Un autre peut faire des actions extraordinaires, un autre peut parler en prophète, un autre sait faire la différence entre ce qui vient de l’Esprit Saint et ce qui ne vient pas de lui. Un autre peut parler en des langues inconnues, un autre peut les traduire. 11 Mais tout cela, c’est l’unique et même Esprit qui le met en œuvre. Il distribue à chacun des dons personnels divers, comme il veut.
Parole du Seigneur.
Alléluia. Alléluia.
Dieu nous a appelés par l’Évangile
à entrer en possession de la gloire
de notre Seigneur Jésus Christ. (cf. 2 Thessaloniciens 2,14)
Alléluia.
Évangile
Dans l’Évangile, Jean nous livre un récit symbolique : un mariage dans lequel Jésus change l’eau en vin. La dimension symbolique – Jean parle de « signe » (v. 11) – apparaît dans deux points. D’abord, la relation entre Jésus et sa maman. Entre un fils et sa maman, les relations sont très profondes. Mais dans notre récit, entre le fils et la maman, il y a une distance évidente, au point que Jésus s’adresse à elle en disant : « qu’y a-t-il entre toi et moi ? » (v. 4). La maman de Jésus apparaît ici comme le symbole de la foi juive. Et, par rapport à la foi juive, le message de Jésus est bien différent. Quelle relation y a-t-il entre les deux ?
Un second élément nous permet de voir dans notre récit une dimension symbolique : l’eau changée en vin. En parlant de l’eau, l’Évangile nous dit : « Il y avait là six récipients de pierre que les Juifs utilisaient pour leurs rites de purification » (v. 6). Les récipients sont six, un chiffre qui, dans la mentalité juive, représente l’imperfection : en effet, la perfection, la totalité c’est le sept. Et ici les récipients ne sont que six. Mais le narrateur nous dit aussi que l’eau en question était pour les rites de purification. Eh bien : à la place de l’eau, à la place de la religiosité juive qui insiste sur des rites de purification pour s’approcher de Dieu, il y a maintenant le vin : le vin de la fête, une relation avec Dieu comme une relation d’amour, une relation qui s’ouvre avec la fête de noces. Le pape François nous l’a dit en commentant cette page de l’Évangile : « Jésus accomplit un signe éloquent : il transforme la Loi de Moïse en Évangile, l’Évangile porteur de joie »[8].
Et nous, ce matin, en écoutant le récit de l’Évangile, laissons-nous envahir par la joie : la joie de la fête, la fête qui nous ouvre à une relation d’amour avec Dieu. Et cette relation d’amour nous permet de mettre en pratique – toujours dans la joie – l’invitation que Marie adresse à ceux qui iront puiser de l’eau : « Faites tout ce qu’il vous dira » (v. 5). Et il s’agit des derniers mots de Marie dans les Évangiles. C’est l’héritage qu’elle nous laisse, un héritage très beau[9].
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (2,1-11)
1 Et le troisième jour, il y eut un mariage à Cana de Galilée, et la mère de Jésus était là. 2 Jésus lui aussi fut invité au mariage, et aussi ses disciples. 3 Comme il ne restait plus de vin, la mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin ». 4 Et Jésus lui dit : « Femme, qu’y a-t-il entre toi et moi ? Mon heure n’est pas encore venue ». 5 Sa mère dit aux serviteurs : « Faites tout ce qu’il vous dira ».
6 Il y avait là six récipients de pierre que les Juifs utilisaient pour leurs rites de purification. Chacun d’eux pouvait contenir une centaine de litres. 7 Jésus dit aux serviteurs : « Remplissez d’eau ces récipients ». Et ils les remplirent jusqu’au bord. 8 Et il leur dit : « Maintenant puisez et portez-en à l’organisateur de la fête ». Ils lui en portèrent. 9 L’organisateur de la fête goûta l’eau changée en vin – et il ne savait pas d’où venait ce vin, tandis que les serviteurs qui avaient puisé l’eau le savaient -, il appelle l’époux 10 et lui dit : « Tout homme offre d’abord le bon vin et, quand les invités ont beaucoup bu, le moins bon. Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant ! ».
11 Tel fut, à Cana de Galilée, le commencement des signes que Jésus accomplit. Et il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.
Acclamons la Parole de Dieu.
Prière d’ouverture
Seigneur Jésus, d’un grand désir
nous voulons te chercher dans les paroles de l’Écriture,
nous voulons comprendre que tu habites dans les paroles de l’Évangile,
nous voulons comprendre, poussé(e)s par l’Esprit,
ce que tu veux dire, à nous, aujourd’hui.
Nous savons que nous pouvons te trouver et demeurer avec toi[10].
[Carlo Maria Martini, cardinal, Italie : 1927-2012]
Prière des fidèles
* La page du prophète est un message pour Jérusalem mais aussi pour nous aujourd’hui. Dieu nous assure : même si nous avons l’impression qu’il est absent, il ne reste pas « silencieux », il ne reste pas sans agir. Il est à côté de nous. Et nous, avec nos engagements pour la justice, nous pourrons faire la joie de Dieu « comme une jeune mariée fait la joie de son mari ».
* Le poète du psaume nous invite à annoncer le salut que Dieu accomplit dans l’histoire de l’humanité et à raconter « ses merveilles ». Que la liturgie de ce matin et la lecture de la Bible de jour en jour nous aident à découvrir « ses merveilles » dans notre vie. C’est ainsi que notre vie deviendra « un chant nouveau » à l’intérieur de notre communauté et dans nos relations avec les autres.
* A travers la lettre de Paul, nous avons pris conscience, Seigneur, du fait que chacune et chacun de nous a reçu des dons, des dons personnels. Mais l’apôtre nous a aussi appris que nos dons ne sont pas des privilèges. Ils sont des manifestations de l’Esprit, « et cela pour le bien de tous ». Donne-nous la force, Seigneur, pour les mettre – nos dons personnels – au service des autres.
* L’Évangile nous pousse à laisser tomber une religiosité faite de « rites de purification ». Dieu n’a pas besoin de ces rites. Jésus, qui les a connus dans sa jeunesse à l’intérieur de l’hébraïsme, les a rendus totalement inutiles, il les a laissés tomber pour faire place à une nouvelle relation avec Dieu : une relation d’amour. Donne-nous, Seigneur Jésus, de nous laisser fasciner par ce Dieu que nous pouvons – tout simplement – aimer.
[1] Cf. P.-E. Bonnard, Le Second Isaïe, son disciple et leurs éditeurs. Isaïe 40-66, Gabalda, Paris, 1972, p. 401ss.
[2] Pour cette traduction qui modifie légèrement le terme hébreu, cf. A. Mello, Isaia. Introduzione, traduzione e commento, San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2012, p. 416s. Pour la traduction du texte hébreu, cf. D. Barthélemy, Critique textuelle de l’Ancien Testament. Tome 2. Isaïe, Jérémie, Lamentations, Éditions universitaires – Vandenhoeck & Ruprecht, Fribourg – Göttingen, 1986, p. 428s.
[3] Cf. G. Ravasi, Il libro dei salmi. Commento e attualizzazione, vol. II (51-100), EDB, Bologna, 2015, p. 996.
[4] Cf. F.-L. Hossfeld, Psalm 96, dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger, Psalmen 51-100, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2007, p. 666ss.
[5] Ainsi J.-L. Vesco, Le psautier de David traduit et commenté, Cerf, Paris, 2006, p. 904.
[6] Cf. G. Barbaglio, La prima lettera ai Corinti, EDB, Bologna, 1996, p. 653.
[7] Cf. G. Barbaglio, La prima lettera ai Corinti, EDB, Bologna, 1996, p. 660.
[8] Francesco, La luce della Parola. Il Vangelo di Giovanni letto dal Papa, Castelvecchi, Roma, 2016, p. 32.
[9] Ainsi nous dit le pape François dans le même commentaire à notre lecture. Cf. Ibid., p. 33.
[10] C. M. Martini, Invocare il Padre. Preghiere, EDB, Bologna, 2012, p. 51.