Eucharistie: 26 octobre 2025

30ème dimanche du Temps Ordinaire — Année C et journée missionnaire mondiale

 

La prière du pauvre, la prière de ceux qui ont le cœur brisé … et notre prière

 

Première lecture

Jésus fils de Sira, appelé aussi Siracide, est un umushingantahe juif qui, vers les années 180 avant la naissance de Jésus, a écrit un livre – en hébreu – pour la formation des jeunes de Jérusalem. Plus tard, vers l’année 132, son petit-fils, qui vivait en Égypte, a traduit en grec ce même livre. Et sa traduction a été conservée dans la tradition juive et, plus tard, dans la tradition chrétienne, tandis que le texte dans sa langue originale a été conservé seulement en partie.

Dans la page que nous allons lire ce matin, l’auteur nous parle de la prière que les pauvres adressent à Dieu, Dieu que l’auteur, dans son texte hébreu, qualifiait comme « Dieu de droit »[1], donc Dieu qui agit avec droiture et justice.

Le Siracide est très sensible aux problèmes sociaux, il sait que des juges font des favoritismes aux riches. Pour ce qui en est du culte à Dieu, il sait bien que, dans le temple de Jérusalem, il y a des personnes qui présentent des offrandes à Dieu mais elles ne respectent pas la justice. Eh bien, le Siracide nous apprend que le fait d’aider les pauvres est plus important qu’offrir des sacrifices à Dieu[2]. En effet, Dieu « écoute la prière de celui qu’on traite injustement » (v. 16). Et en parlant du « pauvre » traité injustement, le Siracide pense aux personnes en situation de détresse et de fragilité sociale, il pense en particulier à l’orphelin et à la veuve[3]. Et en parlant de la veuve, le Siracide, avec une grande délicatesse, parle des larmes qui coulent sur son visage (v. 18)[4] quand elle n’est pas respectée par le juge.

Dans les derniers versets de sa page, l’auteur revient sur le thème de la prière. D’abord, le texte évoque la prière de la personne qui sert le Seigneur « selon son bon plaisir », c’est-à-dire en faisant sa volonté : c’est une prière qui arrive à Dieu. Le texte évoque ensuite la prière du pauvre. Et le Siracide le sait : jusqu’à quand sa prière n’a pas atteint son but, le pauvre « demeure inconsolable ». Mais l’écrivain nous assure : le Très-Haut va répondre, va intervenir en faveur du pauvre, il va « jeter ses yeux sur lui » (v. 21).

 

Lecture du livre du Siracide (35,15b-22a)

15b Le Seigneur est un juge

qui ne tient pas compte de l’aspect extérieur d’une personne.

16 Il n’est pas injuste envers le pauvre,

il écoute la prière de celui qu’on traite injustement.

17 Il ne méprise pas la supplication de l’orphelin,

ni la veuve qui expose sa plainte :

18 il voit les larmes couler sur le visage de la veuve,

19 et il entend les protestations qu’elle élève.

20 Celui qui sert le Seigneur selon son bon plaisir sera bien accueilli par lui

et sa supplication parviendra jusqu’aux nuées.

21 Oui, la prière du pauvre traverse les nuées ;

jusqu’à quand elle n’a pas atteint son but, il demeure inconsolable.

il ne s’arrête pas avant que le Très-Haut n’ait pas jeté ses yeux sur lui,

22a ni prononcé la sentence en faveur des justes et rendu justice.

Parole du Seigneur.

 

Psaume

Le psaume 34 est un chant composé de deux parties. Dans la première (vv. 2-11), le poète remercie Dieu en racontant son expérience de libération ; dans la seconde (vv. 12-23), cette même expérience devient une instruction, un exemple pour les autres, un message d’espoir pour nous les pauvres[5].

Dans la première strophe (vv. 2-3), le poète qui a été délivré de toutes ses terreurs, réagit en louant Dieu. Et cette louange va prendre toute sa vie, « en tout temps », « sans cesse » (v. 2). En effet, le poète a retrouvé sa fierté au point qu’il peut dire : « Mon être se glorifiera en Yahvéh » (v. 3). Et, en écoutant son expérience, « les pauvres entendront et se réjouiront !» (v. 3). Oui, les pauvres pourront se réjouir parce qu’eux aussi peuvent vivre cette même expérience dans leur vie. C’est ce que le poète explique dans la seconde partie du psaume.

La vie des pauvres n’est pas une vie sans souffrance, une vie dans laquelle tout va bien. Non. Mais les pauvres, les « justes » (v. 16), celles et ceux qui s’engagent pour la justice, peuvent et pourront se réjouir de l’aide de Dieu. En effet, la souffrance fait partie de la vie, la vie des justes. Mais les justes, et aussi chacune et chacun de nous, nous pouvons vivre cette souffrance en sachant que Dieu nous est proche, très proche, intimement[6]. Les yeux du Seigneur regardent vers nous, et ses oreilles écoutent nos appels au secours (v. 16). Le psaume nous rassure : « Proche est Yahvéh pour ceux qui ont le cœur brisé, et ceux qui ont l’esprit abattu, il les sauve » (v. 19).

Nous, des femmes et des hommes découragé(e)s, nous, dont l’esprit est abattu, nous, les pauvres du Seigneur, que ce psaume puisse nous encourager. Voilà pourquoi nous pouvons intervenir – à la fin de chaque strophe – en reprenant les mots du verset 7 et en disant avec certitude :

Refr. :  Un pauvre crie, le Seigneur entend[7].

 

Psaume 34 (versets 2-3. 16.18. 19.23)

 2 Je bénirai Yahvéh en tout temps,

sa louange sans cesse dans ma bouche.

3 Mon être se glorifiera en Yahvéh :

les pauvres entendront et se réjouiront !

Refr. :  Un pauvre crie, le Seigneur entend.

 

16 Les yeux de Yahvéh regardent vers les justes,

et ses oreilles écoutent leurs appels au secours.

18 Ils ont crié et Yahvéh les a entendus,

et de toutes leurs angoisses, il les a délivrés.

Refr. :  Un pauvre crie, le Seigneur entend.

19 Proche est Yahvéh pour ceux qui ont le cœur brisé,

et ceux qui ont l’esprit abattu, il les sauve.

23 Yahvéh rachète la vie de ses serviteurs :

et tous ceux qui cherchent en lui leur refuge ne seront pas traités en coupables.

Refr. :  Un pauvre crie, le Seigneur entend.

 

Deuxième lecture

Si la Première lettre à Timothée affronte les problèmes et l’organisation d’une communauté chrétienne, la Deuxième lettre à Timothée est, du début à la fin, une vraie lettre personnelle. L’apôtre invite Timothée à prendre part aux souffrances que la mission exige. Quant à Paul, il a toujours fait cela pour apporter la bonne nouvelle aux païens. Et maintenant Paul est en prison, abandonné par la plupart de ses collaborateurs, et il sait qu’il sera bientôt condamné à mort.

Et il vit cette situation en pensant à ce que Jésus a vécu dans ses derniers jours[8]. Si Jésus a été abandonné par ses disciples, Paul peut dire : « tous m’ont abandonné ». Et, comme Jésus pardonne en mourant (Lc 23,34), de même Paul déclare : « Que Dieu ne leur en tienne pas compte ! ». Enfin, comme Jésus priait avec les mots du psaume 22 « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », Paul revient sur ce même psaume[9] lorsqu’il voit sa situation comme menacée par la gueule du lion : « j’ai été arraché à la gueule du lion. Le Seigneur m’arrachera encore à tout le mal qu’on peut me faire » (vv. 17-18). De même, le poète du psaume décrivait sa situation en ces termes : les ennemis « ouvrent la gueule contre moi, ces lions déchirant et rugissant » (Ps 22,14). Et il demandait à Dieu : « Sauve ma vie de l’épée, arrache-moi à la gueule du lion » (Ps 22,21-22).

Écoutons comment Paul présente sa situation et comment il voit son avenir. Ouvrons notre cœur à cette page qui est la dernière que l’apôtre nous a laissée.

 

Lecture de la Deuxième lettre de l’apôtre Paul à Timothée (4,6-8 et 16-18)

Mon bien-aimé, 6 pour moi, en effet, je suis déjà offert en sacrifice, et le moment de mon départ est arrivé. 7 Jusqu’au bout, j’ai combattu le beau combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. 8 Désormais, m’est réservée la couronne de la justice que le Seigneur me donnera en retour, en ce jour-là, lui, le juste juge ; et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui auront désiré avec joie et amour sa manifestation glorieuse.

16 La première fois que j’ai présenté ma défense, personne ne m’a assisté, tous m’ont abandonné.

Que Dieu ne leur en tienne pas compte ! 17 Le Seigneur, lui, m’a assisté et il m’a rempli de force – pour que, par moi, la proclamation de l’Évangile s’accomplisse jusqu’au bout et que tous les païens l’entendent – et j’ai été arraché à la gueule du lion. 18 Le Seigneur m’arrachera encore à tout le mal qu’on peut me faire. Il me sauvera et me fera entrer dans son Royaume céleste. À lui la gloire pour les siècles des siècles. Amen.

Parole du Seigneur.

 

Alléluia. Alléluia.

Dans le Christ, Dieu réconciliait le monde avec lui :

il a mis dans notre bouche la parole de la réconciliation. (cf. 2 Cor 5,19)

Alléluia.

 

Évangile

L’Évangile de ce matin nous présente un récit très connu : celui du pharisien et du collecteur d’impôts. Le mot ‘pharisien’ signifie ‘séparé’ ou ‘séparatiste’. En effet, les adversaires des pharisiens avaient donné ce nom aux membres d’un mouvement d’humble origine qui se voulait d’une grande fidélité aux traditions. On les accusait de se mettre orgueilleusement à l’écart des autres[10]. Et cette attitude, nous allons la retrouver dans la page de l’Évangile. Mais Luc, en commençant sa page, ajoute aussi un autre détail : le pharisien comme celui qui se croit parfait et méprise les autres[11].

Dans la même page de l’Évangile, nous allons retrouver aussi le collecteur d’impôts. Il s’agit d’un homme conscient de sa distance par rapport à Dieu. En effet, nous dit Jésus dans la parabole, le collecteur « se tenant à distance, ne voulait même pas lever les yeux au ciel » (v. 13). Par conséquent, le collecteur ne peut que s’avouer pécheur et demander à Dieu : « Prends en pitié le pécheur que je suis » (v. 13).

Une dernière remarque : d’après Jésus, le collecteur « descendit justifié dans sa maison » (v. 14). Et cette affirmation de Jésus ne peut que nous surprendre. Le simple fait de reconnaître ses fautes et de demander le pardon permet au collecteur d’impôts – et aussi à chacune et chacun de nous – d’être justifié(e)s, c’est-à-dire de nous trouver dans une relation juste et correcte devant Dieu. Voilà le changement, une prise de conscience fondamentale, dans notre relation avec Dieu. Mais s’agit-il seulement d’un changement intérieur, sans conséquences dans notre comportement ? Certainement pas[12]. Et l’Évangile du prochain dimanche, avec le récit du collecteur d’impôts Zachée, nous le dira clairement.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (18,9-14)

9 Jésus dit encore la parabole que voici à certaines personnes qui, à propos d’elles-mêmes, étaient convaincues d’être justes et méprisaient les autres.

10 « Deux personnes montèrent au temple pour prier ; l’un était pharisien et l’autre collecteur d’impôts. 11 Le pharisien, debout, priait en lui-même ainsi : “O Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des humains, voleurs, injustes, adultères, ou même comme ce collecteur d’impôts. 12 Je jeûne deux fois par semaine, je donne le dixième de tout ce que je gagne”.

13 Le collecteur d’impôts, se tenant à distance, ne voulait même pas lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine en disant : “O Dieu, prends en pitié le pécheur que je suis”.

14 Je vous dis : celui-ci descendit justifié dans sa maison, plutôt que celui-là. En effet, celui qui veut être au-dessus des autres, on lui donnera la dernière place. Et celui qui prend la dernière place, on le mettra au-dessus des autres ».

Acclamons la Parole de Dieu.


Prière d’ouverture


Père, tu es un Dieu humble et bon,

un Dieu qui choisit les petits et les faibles

pour confondre les grands et les puissants,

un Dieu qui est toujours attentif au sort des justes.

Ta bonté dépasse tout ce que nous pouvons imaginer,

mais nous voulons quand-même te chanter

parce que tu t’es manifesté dans ton Fils

comme libérateur des pauvres.

Et nous te demandons de pouvoir découvrir,

comment tu es à l’œuvre dans l’histoire

et comment tu veux que ton œuvre de libération

soit continuée par les pauvres de tout le monde[13].

[David Maria Turoldo, prêtre et poète, Italie : 1916-1992]

 

Prière des fidèles

* Le Siracide sait bien que, dans le temple de Jérusalem, il y a des personnes qui présentent des offrandes à Dieu mais elles ne respectent pas la justice. Et ce comportement se vérifie, hélas trop fréquemment, encore aujourd’hui. Aide-nous, Seigneur, à nous comporter différemment, à te servir selon ton bon plaisir, comme le Siracide nous l’a rappelé ce matin.

* Le psaume nous encourage, vraiment ! En effet, il nous parle de toi, il nous assure que tes yeux, Seigneur « regardent vers les justes » et tes oreilles « écoutent leurs appels au secours ». C’est ainsi que tu délivres les justes « de toutes leurs angoisses ». Seigneur, aide-nous à nous engager pour la justice, pour ta justice. Et c’est ainsi que tu nous seras très proche, à nous qui avons, fréquemment, le cœur brisé.

* En écrivant à Timothée, Paul est à la fin de sa vie : après avoir « combattu le beau combat », maintenant il est disposé à mourir pour le Seigneur et il avoue : « je suis déjà offert en sacrifice ». Mais, même dans sa situation tragique et dans son immense solitude, il sait que le Seigneur ne l’abandonne pas. Il peut donc avouer : « Le Seigneur m’arrachera encore à tout le mal qu’on peut me faire. Il me sauvera et me fera entrer dans son Royaume céleste ». Que cette façon de vivre la souffrance et la solitude puisse nous encourager.

* Dans l’Évangile, Seigneur Jésus, tu nous présentes le collecteur d’impôts : il prie en reconnaissant toute sa faiblesse : « O Dieu, prends en pitié le pécheur que je suis ». Ce collecteur ne se vante pas, il ne prétend pas d’être meilleur que les autres. Mais il met toute sa confiance dans la miséricorde de Dieu. Voilà l’essentiel, ce qui lui permet de rentrer à la maison « justifié ». Aide-nous, Seigneur Jésus, à reconnaître nos limites et nos fautes et à mettre notre confiance en toi !

 

Prière finale : pour la journée missionnaire mondiale

Seigneur, tu qui as donné cette force à de nombreux jeunes,

à des hommes et à des femmes fragiles comme nous,

remplis nos cœurs avec la force de ton Esprit.

Donne-nous le courage de ne pas revenir en arrière

devant ton appel qui chaque jour nous surprend.

Donne-nous le courage de ne refuser aucune rencontre,

même si difficile et comportant des risques.

Rends-nous dignes de nos frères et de nos sœurs

qui, pour toi, ont donné leur vie[14].

[Cardinal Carlo Maria Martini, Italie : 1927-2012]

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[1] Le Siracide reprend l’expression « Dieu de droit » utilisée dans le livre d’Isaïe (30,18). Cf. C. Mopsik, La sagesse de ben Sira. Traduction de l’hébreu, introduction et annotations, Verdier, Lagrasse, 2003, p. 203.

[2] Cf. G. Sauer, Jesus Sirach / Ben Sira. Uebersetz und erklärt, Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 2000, p. 246.

[3] Cf. B.M. Zapff, Jesus Sirach 25-51, Echter Verlag, Würzburg, 2010, p. 232. Cf. aussi G. Vigini, L’Antico Testamento. Siracide, Paoline, Milano, 2007, p. 208. En parlant de la veuve, le Siracide « propose à ses disciples l’idéal de Job (Jb 31,16-18) ». Ainsi D. Doré, Qohélet – Le Siracide ou l’Ecclésiaste et l’Ecclésiastique, Cahiers EVANGILE 91, Cerf, Paris, 1995, p. 57.

[4] Le Siracide fait peut-être référence à Lam 1,2.

[5] Cf. P. Beltrame Quattrocchi, I salmi preghiera cristiana, Edizioni del deserto, Sorrento, 1977, p. 69.

[6] Cf. A. Weiser, I Salmi. Parte prima : Ps 1-60, Paideia, Brescia, 1984, p. 311s.

[7] Pour les mots de ce refrain, on pourra lire D. Scaiola, Salmi in cammino, Messaggero, Padova, 2015, p. 54s.

[8] Cf. C. Pellegrino, Lettere a Timoteo. Introduzione, traduzione e commento, Edizioni San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2011, p. 211ss.

[9] Pour la comparaison entre 2 Timothée 4,16-18 et le Psaume 22, cf. C. Spicq, Les épîtres pastorales, Gabalda, Paris, 1969, p. 810.

[10] Cf. La Bible, Bayard – Médiaspaul, Paris – Montréal, 2001, p. 2996, note à Mt 3,7.

[11] Cf. G. Rossé, Il Vangelo di Luca. Commento esegetico e teologico, Città Nuova, Roma, 2012, p. 692s.

[12] Cf. F. Bovon, L’Évangile selon saint Luc (15,1-19,27), Labor et fides, Genève, 2001, p. 187s.

[13] Pour cette prière liée au psaume 34, cf. D. M. Turoldo – G. Ravasi, « Lungo i fiumi ». I salmi. Traduzione poetica e commento, San Paolo, Cinisello Balsamo, 1987, p. 114.

[14] C. M. Martini, Invocare il Padre. Preghiere, EDB, Bologna, 2012, p. 43 : Prière pour la journée missionnaire mondiale du 19 octobre 1985.