Eucharistie : 14 décembre 2025,
Troisième Dimanche de l’Avent – Année A
Jésus est venu. Comment attendre son retour ?
Première lecture
Pour le dire avec une image, le livre d’Isaïe se présente comme une bibliothèque ouverte. En effet, dans la deuxième moitié du huitième siècle avant la naissance de Jésus, le prophète Isaïe annonçait la parole de Dieu. Mais deux siècles plus tard, les textes de ce prophète ont été repris dans une situation bien différente[1]. Les Juifs étaient en exil à Babylone, et un prophète – dont nous ne connaissons pas le nom – revient sur les pages d’Isaïe pour annoncer un avenir inattendu : la fin de l’exil. C’est ainsi que les exilé(e)s pourront retourner à Jérusalem.
La surprise de ce retour est exprimée avec une image : c’est comme si la terre sèche et sans eau soudainement se couvrait de fleurs ; c’est comme si cette terre morte devenait magnifique et splendide « comme les montagnes du Liban, comme le mont Carmel et les plaines du Saron » (v. 2). C’est ainsi que le prophète annonce le changement et invite à ce changement. Que cette terre sèche et sans eau « soit dans l’allégresse » (v. 1), « avec des chants d’allégresse et cris de joie » (v. 2).
A travers l’image du désert qui va fleurir et qui devient une terre d’allégresse, le prophète parle à Israël. A ce peuple qui avait – hélas très fréquemment – refusé Dieu, et aussi à nous ce matin, le prophète adresse une invitation surprenante : l’invitation à découvrir Dieu dans le “désert”. Oui, dans notre désert, dans le vide de notre vie, nous pourrons voir « la glorieuse présence de Yahvéh, la splendeur de notre Dieu »[2].
Au peuple, qui avait vécu les souffrances de la guerre, le prophète demande de ne pas châtier ses ennemis : la vengeance c’est une affaire de Dieu, c’est lui qui s’en occupe. Le peuple doit faire confiance au prophète qui dit : « N’ayez pas peur ! Voici votre Dieu. Il vient lui-même vous sauver » (v. 4).
Voilà pourquoi, aux personnes découragées et sans espoir, le prophète adresse une parole de réconfort : « Redonnez de la force aux bras fatigués, rendez plus solides les genoux tremblants » (v. 3). En effet, l’intervention de Dieu qui sauve permettra au boiteux non seulement de marcher mais aussi de sauter comme une gazelle ; elle permettra au muet non seulement de parler mais aussi de chanter sa joie[3].
Laissons-nous prendre par cette parole du prophète qui termine en annonçant – pour les Juifs déportés et aussi pour chacune et chacun de nous – un avenir qui dépasse toute notre imagination : « souffrance et plaintes disparaîtront » (v. 10).
Du livre du prophète Isaïe (35,1-6a.10)
1 Que le désert et la terre aride se réjouissent !
Que la terre sèche et sans eau soit dans l’allégresse et se couvre de fleurs,
2 qu’elle se couvre, qu’elle se couvre de fleurs
et qu’elle soit dans l’allégresse, avec des chants d’allégresse et cris de joie ;
elle sera rendue magnifique comme les montagnes du Liban,
elle sera splendide comme le mont Carmel et les plaines du Saron.
Ils verront la glorieuse présence de Yahvéh, la splendeur de notre Dieu.
3 Redonnez de la force aux bras fatigués, rendez plus solides les genoux tremblants.
4 Dites à ceux qui perdent courage :
« Soyez forts ! N’ayez pas peur ! Voici votre Dieu.
Il vient vous venger et rendre à vos ennemis le mal qu’ils vous ont fait.
Il vient lui-même vous sauver ».
5 Alors les yeux des aveugles verront clair, et s’ouvriront les oreilles des sourds.
6a Alors le boiteux bondira comme une gazelle, et la langue du muet chantera de joie.
10 Et reviendront, ceux que Yahvéh aura délivrés,
ils arriveront à Sion en criant de joie.
Un bonheur sans fin illuminera leur visage,
une joie débordante les accompagnera,
souffrance et plaintes disparaîtront.
Parole du Seigneur.
Psaume
Environ deux cents ans avant la naissance de Jésus, un poète – dont nous ne connaissons pas le nom – crée cinq poèmes, les psaumes 146-150[4]. Ces psaumes, composés pour clôturer le livre des psaumes, veulent être une invitation à louer Yahvéh.
Quant à nous, ce matin, nous allons lire la seconde partie du psaume 146[5]. Dans cette partie, le poète qui a célébré Dieu comme créateur, chante Dieu comme celui qui reste fidèle à sa création. Dieu est celui qui veut un monde harmonieux et qui, comme un bon roi, s’engage pour cette harmonie. Voilà pourquoi Dieu est celui qui a un projet de libération pour les personnes marginalisées, déracinées de leur terre natale, et exploitées par les riches et les méchants. A côté de ces victimes de l’injustice, le poète évoque aussi ceux et celles qui vivent la solitude et sont sans protection : « l’orphelin et la veuve il les embrasse » (v. 9).
Et le dernier verset résume toutes les caractéristiques de Dieu en parlant de lui comme le seul vrai roi : « règnera, Yahvéh, pour toujours ».
Pour ce psaume, la liturgie nous propose un refrain qui fait référence à la première lecture (Isaïe 35,4). Notre refrain sera donc
Viens, Seigneur, et sauve-nous !
Psaume 146 (versets 7. 8. 9ab.10a)
7 Yahvéh met en œuvre les droits pour les opprimés,
il donne du pain aux affamés,
Yahvéh qui délie les enchaînés.
Refr. : Viens, Seigneur, et sauve-nous !
8 Yahvéh ouvre les yeux aux aveugles,
Yahvéh redresse les courbés,
Yahvéh qui aime les justes.
Refr. : Viens, Seigneur, et sauve-nous !
9ab Yahvéh prend soin des émigrés,
l’orphelin et la veuve il les embrasse
10a et règnera, Yahvéh, pour toujours.
Refr. : Viens, Seigneur, et sauve-nous !
Deuxième lecture
La lettre de Jacques est probablement un texte composé vers la fin du premier siècle par un auteur dont on ne connaît que le nom : Jacques (1,1). L’auteur veut aider ses destinataires à vivre leur foi. Ils doivent la vivre d’une façon personnelle, même dans les épreuves qui marquent la vie de chacun, et aussi au niveau communautaire, dans la communauté chrétienne et dans le monde.
La lettre évoque aussi les difficultés sur le chemin de la foi : la langue qui peut tout détruire, la recherche du plaisir, l’orgueil, la prétention de tout pouvoir, l’injustice.
Et, devant ces difficultés, Jacques souligne, en terminant sa lettre, l’importance de la patience et l’efficacité de la prière[6]. Et c’est sur la patience que nous allons réfléchir ce matin. La racine grecque que l’auteur utilise signifie, littéralement, “avoir le souffle long”, donc avoir du courage à long terme, tenir bon jusqu’au bout[7]. Et pour les croyants, cette attitude de patience et de constance est en vue de « la venue du Seigneur » (v. 7). En vue de cette venue, Jacques nous exhorte à nous comporter comme le cultivateur qui affronte son travail sachant qu’il ne maîtrise pas le processus du mûrissement de la moisson ; il doit s’en remettre au rythme de la nature et des saisons[8], s’il veut récolter son fruit « précieux ».
La comparaison avec l’agriculteur peut aider les destinataires de la lettre, mais ceux-ci doivent savoir que – au niveau de la foi – le regard sur l’avenir vise une réalité ‘autre’ par rapport à l’horizon fermé de ce monde. Job le laissait entendre lorsqu’il disait : « Moi, je sais que mon libérateur est vivant et que, dernier, il se lèvera sur la poussière… et c’est dans ma chair que je contemplerai Dieu » (Job 19,25s).
Mais les chrétiens, dans leur ouverture à l’avenir, ont aussi une autre référence, fondamentale : celle de leur Seigneur. D’ici les mots : « Vous connaissez “la fin” du Seigneur » (v. 11), là où le mot « fin » évoque la résurrection. Pour celles et ceux qui, comme Jésus, sont pleins de tendresse – dans leurs entrailles – et de pitié, la venue du Seigneur sera une vraie accolade. Voilà le fondement de la constance. Encourageant, très encourageant.
De la lettre de Jacques (5,7-11)
7 Prenez donc patience, mes frères, jusqu’à la venue du Seigneur. Voyez le cultivateur : il attend le précieux fruit de la terre, plein de patience à son égard : il sait que les pluies d’automne et de printemps doivent d’abord tomber. 8 Prenez patience, vous aussi ; rendez solide et constant votre cœur, car la venue du Seigneur s’est approchée, définitivement.
9 Frères, ne vous plaignez pas les uns contre les autres, pour que Dieu ne vous juge pas. Voici le juge est là, debout devant la porte.
10 Pour la souffrance et la patience, frères, prenez le modèle des prophètes, eux qui ont parlé au nom du Seigneur. 11 Voyez ! Les gens qui résistent dans les difficultés, nous disons qu’ils sont heureux. Vous avez entendu l’histoire de Job, l’homme qui a résisté dans les difficultés. Vous connaissez “la fin” du Seigneur. Car le Seigneur est plein de tendresse – dans ses entrailles – et de pitié.
Parole du Seigneur.
Alléluia. Alléluia.
L’Esprit du Seigneur est sur moi :
il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres. (cf. Isaïe 61,1)
Alléluia.
Évangile
Aujourd’hui, l’Évangile de Matthieu nous présente deux personnes : Jésus et Jean le Baptiste.
Jean, qui avait baptisé Jésus, est en prison et il s’interroge sur l’identité de Jésus. Est-ce que Jésus est « celui qui vient » ? Jean s’interroge sur l’identité de Jésus et il envoie des messagers interroger Jésus à ce sujet.
En répondant aux messagers envoyés par Jean, Jésus se présente en faisant référence au livre d’Isaïe qui parle de la bonne nouvelle annoncée aux pauvres (Is 61,1), de la résurrection des morts (Is 26,19), de la guérison des aveugles, des sourds et des boiteux (Is 35,5s). Maintenant, grâce à Jésus, ces actions annoncées par le prophète se réalisent. Jésus anticipe, pour ainsi dire, le salut définitif que Dieu accomplira à la fin de l’histoire : la guérison des malades, la résurrection des morts et la bonne nouvelle pour les pauvres. Au sommet donc, comme dans les béatitudes de Matthieu 5, il y a le bonheur des pauvres.
Après avoir parlé aux personnes envoyées par Jean, Jésus parle de Jean lui-même. Et il souligne d’abord sa condition : la pauvreté de Jean. Pas de vêtements délicats, pas de vêtements de courtisan, de ceux et celles qui habitent dans les palais des rois.
Enfin, toujours à propos du Baptiste, Jésus fait référence à l’Ancien Testament et, en particulier, au prophète Malachie (3,1) : « Voici, j’envoie mon messager et il aplanira le chemin devant moi ». Mais dans l’Évangile, le « chemin » n’est plus le chemin devant Dieu. Dans la citation du prophète, le Baptiste est celui qui prépare le chemin… de Jésus.
Pour conclure : un élément unit Jésus et le Baptiste : la pauvreté. Dans le désert, avec son style de vie et avec sa parole, Jean a dénoncé ce qui menace la vie des pauvres. Maintenant Jésus, avec son style de vie et son action, indique le chemin vers la santé des malades et vers le salut des pauvres[9].
De l’Évangile de Matthieu (11,2-11)
2 Jean, dans sa prison, avait entendu parler des œuvres du Christ. Il envoya ses disciples 3 lui demander : « Est-ce toi, celui qui vient, ou devons-nous en attendre un autre ? »
4 Et, répondant, Jésus leur dit : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : 5 les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts sont réveillés et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ; 6 et heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute ! ».
7 Or, comme ils s’en allaient, Jésus commença à dire aux foules à propos de Jean : « Qu’est-ce que vous êtes allés regarder dans le désert ? Un roseau secoué par le vent ? 8 Non ! Alors, qu’est-ce que vous êtes allés voir ? Une personne toujours habillée des vêtements délicats ? Voici : ceux qui portent régulièrement de vêtements délicats habitent dans les palais des rois. 9 Mais qu’est-ce que vous êtes allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous dis, et plus qu’un prophète ! 10 C’est à son sujet qu’il est écrit : “Voici, moi, j’envoie mon messager devant ta face, il préparera ton chemin devant toi”. 11 En vérité, je vous dis : parmi ceux qui sont nés de femmes, il ne s’en est pas levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui » (Mal 3,1).
Acclamons la Parole de Dieu.
Prière d’ouverture
Même si nous serons patients avec toi, Seigneur,
nous ne le serons jamais comme tu l’es pour nous.
Et alors nous devons être comme l’homme des champs :
il travaillait, il semait et il attendait la succession des saisons,
l’alternance entre la saison de la pluie et les jours de soleil ;
de la même façon, nous aussi nous attendrons
le temps de ta venue Amen[10].
[David Maria Turoldo, prêtre et poète, Italie : 1916-1992]
Prière des fidèles
* La page du livre d’Isaïe nous a surpris/es. Elle nous invite à regarder d’un regard différent notre vie avec ses douleurs et ses faiblesses. Elle est comme « le désert », comme une terre sèche et aride. Et pourtant, c’est dans notre désert, dans notre vie que tu interviens, pour « qu’elle se couvre de fleurs et qu’elle soit dans l’allégresse ». Après cette annonce surprenante, donne-nous la force, Seigneur, de mettre en pratique la parole du prophète : « Redonnez de la force aux bras fatigués, rendez plus solides les genoux tremblants » pour mettre en œuvre ta volonté, Seigneur.
* Le poète du Psaume a su regarder et découvrir, Seigneur, ta présence et tes actes dans l’histoire de l’humanité : ta volonté de mettre en œuvre les droits pour les opprimés, de donner du pain aux affamés, de redresser les gens courbés, d’embrasser l’orphelin et la veuve. Donne-nous la force, Seigneur, de ne pas rester passifs devant ton projet, mais de nous engager, malgré nos faiblesses, pour que ton projet puisse voir le jour aussi dans nos quartiers.
* La lettre de Jacques nous invite à la patience. C’est l’attitude fondamentale du cultivateur. En effet, celui qui cultive la terre « attend le précieux fruit de la terre, plein de patience à son égard ». Quant à notre travail, il ne concerne pas seulement la terre, il concerne aussi notre cœur. Jacques nous le dit très clairement : « rendez solide et constant votre cœur ». Et le cœur c’est… nos décisions, de jour en jour. Donne-nous cette force, comme tu l’as donnée aux prophètes même dans les souffrances.
* L’Évangile nous parle de la pauvreté : la pauvreté que Jean a vécue au désert, la pauvreté de laquelle Jésus a pris soin ; en effet, grâce à Jésus, « la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ». Et nous, les pauvres de la ville, les pauvres des quartiers nord…, aide-nous à comprendre que tu nous aimes, Jésus notre frère, aide-nous à comprendre et à vivre la Bonne Nouvelle que tu nous as apportée et que tu nous apportes encore aujourd’hui.
[1] Pour les détails de cette relecture du prophète du huitième siècle, cf. W. A. M. Beuken, Jesaja 28-39, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2010, p. 332ss.
[2] Pour ce contraste entre le refus de Dieu et le message d’espoir, cf. R. Rendtorff, Teologia dell’Antico Testamento. Volume I: i testi canonici, Claudiana, Torino 2001, p. 203s.
[3] Cf. L. Alonso Schökel – J.L. Sicre Diaz, I profeti, Borla, Roma, 1989, p. 276.
[4] Cf. E. Zenger dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger, Psalmen 101-150, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2008, p. 807-810.
[5] Ibid., p. 811ss.
[6] Cf. J. Assaël et E. Cuvillier, L’épître de Jacques, Labor et fides, Genève, 2013, p. 30s.
[7] Ibid., p. 247.
[8] Cf. O. Flichy, Épître de Jacques, dans Le Nouveau Testament commenté, sous la direction de C. Focant et D. Marguerat, Bayard – Labor et fides, Paris – Genève, 2012, p. 1069.
[9] T. Frigerio, Nato da donna. Avvento e Tempo di Natale 2013-2014 con Maria e le antenate di Gesù. Sussidio liturgico-missionario, EMI, Bologna, 2013, p. 43.
[10] D. M. Turoldo – G. Ravasi, « Viviamo ogni anno l’attesa antica ». Tempo di avvento e di natale. Commento alle letture liturgiche, San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2002, p. 32.
