Eucharistie : 21 décembre 2025
Quatrième dimanche de l’Avent – année A
Être juste et s’ouvrir à Dieu
Première lecture
La page du livre d’Isaïe, qu’on va lire ce matin, évoque un moment difficile. C’est l’année 734 avant la naissance de Jésus. La ville de Jérusalem, où siège le roi Akhaz, est assiégée par une coalition des Israélites du Royaume du nord et des Syriens[1]. Akhaz pense demander le secours de l’Assyrie, en lui livrant les trésors du Temple[2]. Mais le prophète Isaïe l’invite à se confier à Dieu seul.
Au nom de Dieu, le prophète dit au roi : « Dans la prière, demande, pour toi, un signe venant de Yahvéh ton Dieu ». C’est ainsi qu’Isaïe veut réveiller dans le roi la confiance en « Yahvéh ton Dieu ». Mais le roi refuse de prier Dieu. Il se cache derrière une religiosité apparente[3]. Il ne veut pas prier Dieu, dit-il, parce que la prière n’est pas un acte de confiance en Dieu mais une provocation. En plus, dans sa réponse, le roi ne reconnaît pas Yahvéh comme « son Dieu »[4].
Quant au prophète, dans sa réaction, il avoue : « Vous fatiguez mon Dieu ». Dieu n’est plus, désormais, le Dieu du roi et du peuple : malheureusement Dieu est seulement « mon Dieu » (v. 13), le Dieu du prophète.
Et pourtant, à Akhaz qui refuse Dieu, le prophète annonce quand même la naissance d’un fils. Lorsque ce fils sera adulte, capable de « rejeter le mal et choisir le bien » (v. 16), la coalition des Israélites du Royaume du nord et des Syriens sera écrasée.
Cette annonce apportée par le prophète, en mentionnant « un fils », fait référence à Ezéchias, le fils du roi Akhaz. Il succédera à son père. Fils d’un roi infidèle, il sera – vraie surprise – juste et fidèle à Dieu. Son nom, « Emmanuel », qui signifie « Dieu-avec-nous », donnera au peuple un signe d’espoir. On reconnaîtra en lui les traits du messie, d’un envoyé oint de Dieu.
Et, lorsque un demi-millénaire plus tard, on traduira en grec la page d’Isaïe, cette surprise sera portée au comble. Au lieu de dire « Voici que la jeune femme est enceinte et mettra au monde un fils » (v. 14), les grecs vont traduire : « Voici la vierge sera enceinte et mettra au monde un fils, et tu l’appelleras Emmanuel ».
Du livre du prophète Isaïe (7,10-16)
10 Et continua, Yahvéh, à parler à Akhaz en disant : 11 « Dans la prière, demande, pour toi, un signe venant de Yahvéh ton Dieu, un signe soit dans les profondeurs du séjour des morts, soit dans les lieux les plus élevés ».
12 Et dit Akhaz : « Je ne demanderai rien dans la prière, et je ne mettrai pas Yahvéh à l’épreuve ». 13 Alors Isaïe dit : « Écoutez donc, maison de David ! Est-ce trop peu pour vous de fatiguer les hommes ? Vous fatiguez aussi mon Dieu !
14 C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici que la jeune femme est enceinte et mettra au monde un fils, et elle lui donnera le nom d’Emmanuel, c’est-à-dire: Dieu-avec-nous. 15 Il se nourrira de lait fermenté et de miel jusqu’au moment où il saura rejeter le mal et choisir le bien. 16 Avant même que l’enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, le territoire dont les deux rois te font si peur sera abandonné par ses habitants ».
Parole du Seigneur.
Psaume
La structure du Psaume 24 est claire. Après la première ligne qui fait référence à David et qui qualifie la composition comme un psaume, le poème se compose de quatre strophes[5].
La première strophe (vv. 1b-2) chante Dieu comme le souverain de la terre et comme celui qui assure à la terre sa stabilité.
La deuxième strophe (vv. 3-4ab) indique les caractéristiques indispensables pour monter à la montagne de Yahvéh et entrer dans le temple de Jérusalem. Les caractéristiques requises pour cette entrée concernent les mains, donc le comportement concret, et l’attitude intérieure : le cœur pur et le refus de l’idolâtrie, c’est-à-dire le culte du rien, du vide.
Dans la troisième strophe (vv. 5-6ab) le poète souligne d’abord les conséquences pour celles et ceux qui pratiquent ce qu’il vient de dire : le fait de nous comporter ainsi nous permet d’aller vers Dieu et de porter, dans notre vie, la bénédiction de Dieu, sa faveur.
Toujours dans cette troisième strophe, le poète ‘oublie’ le temple pour se concentrer sur la spiritualité des pauvres, ceux qui cherchent Yahvéh. Et, en parlant de ces personnes, le poète coupe sa phrase, et s’adresse, tout à coup, à Dieu. Les pauvres sont, désormais, celles et ceux « qui, intensément, recherchent ton visage »[6]. Et ces personnes qui recherchent le visage de Dieu[7] sont le vrai peuple, « le vrai Jacob », comme le poète l’expliquera dans la partie finale du psaume.
Quant à nous, ce matin, nous ne lirons pas cette partie finale. Mais, en reprenant des phrases de cette partie (des versets 7 et 10), la liturgie nous propose d’intervenir – à la fin de chaque strophe – avec le refrain :
Qu’il vienne, le Seigneur : c’est lui, le roi de gloire, le roi de l’univers !
Psaume 24 (versets 1-2. 3-4ab. 5-6ab)
1 De David. Psaume.
A Yahvéh, la terre et tout ce qu’elle contient,
le monde et ceux qui l’habitent !
2 Car lui, sur les mers, l’a fondée
et sur les fleuves il la tient stable.
Refr. : Qu’il vienne, le Seigneur : c’est lui, le roi de gloire, le roi de l’univers !
3 Qui montera sur la montagne de Yahvéh ?
Et qui se tiendra debout dans son temple saint ?
4ab L’homme aux mains innocentes et au cœur pur,
celui qui n’a pas élevé son âme vers des faux dieux.
Refr. : Qu’il vienne, le Seigneur : c’est lui, le roi de gloire, le roi de l’univers !
5 Il obtiendra la bénédiction de la part de Yahvéh,
et justice de la part du Dieu de son salut.
6ab Celle-ci est la génération de ceux qui le cherchent,
de ceux qui, intensément, recherchent ton visage.
Refr. : Qu’il vienne, le Seigneur : c’est lui, le roi de gloire, le roi de l’univers !
Deuxième lecture
Vers l’année 55 du premier siècle, Paul, qui se trouve à Corinthe, pense rendre visite à la communauté chrétienne de Rome. A cette communauté, qu’il ne connaît pas, Paul écrit donc une lettre, la lettre aux Romains, et il la confie à Phébé, une femme très engagée en faveur de Paul et aussi en faveur d’autres personnes. C’est elle qui va se rendre à Rome apporter la lettre de Paul (Rom 16,1s).
En commençant cette lettre, Paul se présente entièrement au service du Christ – littéralement comme son « esclave » – et engagé pour porter « la bonne nouvelle de Dieu » (v. 1). L’essentiel de cette bonne nouvelle est la personne de Jésus. Jésus, dans sa « chair », c’est-à-dire dans sa « condition humaine », est « descendance de David » (v. 3). Mais, grâce à l’Esprit reçu au baptême, il est Fils de Dieu et, à la résurrection, Dieu « l’a fait se lever de la mort » (v. 4). C’est ainsi que Jésus – le « Christ », c’est-à-dire « l’Oint » de Dieu – est « notre Seigneur ».
Voilà le message, la bonne nouvelle que Paul veut apporter aux nations et aussi aux Romains. Grâce à cette nouvelle, les Romains sont encouragés. Ils doivent savoir que « Dieu vous aime et il vous a appelés à être saints » (v. 7). Et l’adjectif « saint » évoque une vie nouvelle, différente, différente parce que la personne se sent aimée par Dieu et veut répondre à son amour en vivant pour lui.
De la lettre de saint Paul apôtre aux Romains (1,1-7)
1 Moi, Paul, esclave du Christ Jésus, je vous écris. J’ai été appelé à être apôtre, (j’ai été) mis à part pour annoncer la bonne nouvelle de Dieu.
2 Cette bonne nouvelle, Dieu l’avait déjà promise, à travers ses prophètes, dans les Écritures saintes ; 3 elle concerne son Fils, né – par sa condition humaine – de la descendance de David. 4 Par l’Esprit Saint, Dieu l’a établi dans sa puissance de Fils de Dieu, quand il l’a fait se lever de la mort. C’est Jésus Christ, notre Seigneur.
5 Par lui nous avons reçu la grâce et la mission d’apôtres afin que toutes les nations parviennent à se laisser guider par la foi et que, chez elles, son nom soit reconnu.
6 Et vous aussi, qui êtes parmi ces peuples, vous êtes appelés à appartenir à Jésus Christ. 7 Vous tous qui êtes à Rome, Dieu vous aime et il vous a appelés à être saints. Que Dieu notre Père et le Seigneur Jésus Christ vous accordent la grâce et la paix.
Parole du Seigneur.
Alléluia. Alléluia.
Voici que la Vierge concevra :
elle enfantera un fils,
on l’appellera Emmanuel, « Dieu-avec-nous ». (Matthieu 1,23)
Alléluia.
Évangile
L’Évangile de Matthieu nous parle de Marie enceinte et de Joseph qui vit une situation très embarrassante : doit-il renvoyer publiquement sa femme conformément aux dispositions légales de l’ancien Israël[8] ? Joseph, nous dit l’Évangile, est « un homme juste » (v. 19). Il vit donc sa relation avec Dieu d’une façon fidèle et ouverte, et sa relation envers les humains en toute générosité[9] et clémence[10]. Voilà pourquoi Joseph décide de renvoyer secrètement sa femme. Mais le messager du Seigneur invite Joseph à une ouverture encore plus grande : « Joseph, n’aie pas peur de prendre chez toi Marie, ta femme » (v. 20).
A cette ‘ouverture’ proposée à Joseph, correspond une ‘ouverture’ littéralement énorme de la part de Dieu. En effet, l’enfant qui va naître sera celui « qui sauvera son peuple de ses errements » (v. 21). En d’autres termes : le messager du Seigneur invite Joseph à parcourir un chemin nouveau : accueillir, dans sa maison, une fille enceinte ; avec elle entrera un fils, l’Emmanuel, le Dieu avec nous.
Et pour nous aujourd’hui ? L’Emmanuel, le Dieu avec nous, entrera dans la communauté. Et ça dans la mesure que notre communauté sera disposée à accueillir les personnes marginalisées. C’est une invitation à vivre un nouveau concept de légalité, associé à la justice, la vie, l’amour[11].
De l’Évangile selon Matthieu (1,18-24)
18 Quant à l’origine de Jésus Christ, elle fut ainsi. Marie, sa mère, était promise en mariage à Joseph. Ils ne vivaient pas encore ensemble, quand l’Esprit Saint agit en elle, et elle se trouva enceinte. 19 Joseph, son époux, qui était un homme juste et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret.
20 Comme il pensait à ce projet, voici qu’un messager du Seigneur lui apparut dans un rêve et lui dit : « Joseph, fils de David, n’aie pas peur de prendre chez toi Marie, ta femme : ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint. 21 Elle mettra au monde un fils et tu l’appelleras Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses errements ».
22 Tout cela est arrivé pour que s’accomplisse ce que le Seigneur avait dit à travers le prophète : 23 « Voici la vierge deviendra enceinte et mettra au monde un fils et on l’appellera Emmanuel, ce qui se traduit : “Dieu avec nous” ».
24 S’étant levé de son sommeil, Joseph fit comme le messager du Seigneur lui avait ordonné et il prit chez lui sa femme.
Acclamons la Parole de Dieu.
Prière d’ouverture
En hiver, privé de ses feuilles, le monde pleure.
Perdu dans le brouillard, le monde se tait.
Après avoir semé le grain, le monde attend.
Recouvert de neige, le monde espère.
La terre, comme le ventre grossi de Marie,
élabore son fruit dans la nuit.
Assiste, o Dieu,
le bourgeon vert qui bourgeonne
et le réseau rouge des veines
dans la chair du fils :
de chaque fils de femme, d’homme, de terre, de ciel.
Et dans la chair de ton Fils Jésus
Amen[12].
[Adriana Zarri, théologienne, Italie : 1919-2010]
Prière des fidèles
* Seigneur Dieu, le message du prophète Isaïe a été un regard vers un avenir qui dépasse tout ce qu’on pouvait imaginer. On a vu dans son message non la naissance d’un fils du roi Akhaz ou celle d’un autre souverain. Non, on y a vu la naissance d’un fils d’une vierge, la naissance d’un fils qui est ton Fils, ton Fils qui est venu et qui vient partager notre condition humaine avec toutes ses souffrances. A toi, Dieu notre Père, un grand merci : de tout cœur.
* Le psaume nous a rappelé : « A Yahvéh, la terre et tout ce qu’elle contient, le monde et ceux qui l’habitent ! ». Aide-nous, Seigneur, à nous libérer de la tentation de nous croire les maîtres de tout. Donne-nous un cœur pur et des mains pures, pour éviter de nous imposer sur les autres et pour vivre dans le respect de chaque personne et faire – de nos quartiers – une vraie famille.
* La lettre de Paul aux Romains nous a vraiment encouragé(e)s. Ce que l’apôtre disait aux Romains vaut aussi pour nous aujourd’hui : « Vous tous …, Dieu vous aime et il vous a appelés à être saints ». Que ton amour pour nous, Seigneur, puisse faire de nous des « saints », des saints qui ont accueilli la paix accordée par toi et qui, par conséquent, s’engagent pour la paix.
* La page de l’Évangile de Matthieu nous rassure. Toi seul, tu connais les drames de l’homme juste, ses nuits inénarrables, les demandes qu’il s’adresse et qu’il t’adresse. Et toi, tu réponds. Tu réponds et tu renverses – comme tu as fait avec Joseph qui voulait « renvoyer en secret » sa femme – tu renverses nos projets. Eh bien, donne aussi à nous la force et la confiance dans ta parole, pour faire ce que tu nous demandes et pour mettre en œuvre tes projets, Seigneur.
[1] Cf. 2 Rois 16,5 ; Isaïe 7,1-2.
[2] Cf. 2 Rois 16,5-9 ; 2 Chron 28,16-21.
[3] Cf. G. Ravasi dans D. M. Turoldo – G. Ravasi, « Viviamo ogni anno l’attesa antica ». Tempo di avvento e di natale. Commento alle letture liturgiche, San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2002, p. 36. Cf. aussi L. Alonso Schökel – J.L. Sicre Diaz, I profeti, Borla, Roma, 1989, p. 161.
[4] Cf. W. A. M. Beuken, Jesaja 1-12, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2003, p. 202.
[5] Cf. F.-L. Hossfeld, Psalm 24, dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger, Die Psalmen. Bd I, Ps 1-50, Echter, Würzburg, 1993, p. 156ss.
[6] A l’expression « qui, intensément, recherchent ton visage », deux manuscrits hébreux ajoutent le mot « Dieu ». De cette façon, la phrase peut être traduite ainsi : « Celle-ci est la génération de ceux qui le cherchent, de ceux qui, intensément, recherchent ton visage, Dieu de Jacob ». Pour cette traduction, cf. G. Ravasi, Il libro dei salmi. Commento e attualizzazione. Vol. I (Salmi 1-50), EDB, Bologna, 2015, p. 447 et 461. Pour d’autres informations sur ce verset, cf. D. Barthélemy, Critique textuelle de l’Ancien Testament. Tome 4. Psaumes, Academic Press – Vandenhoeck & Ruprecht, Fribourg – Göttingen, 2005, p. 142s.
[7] Pour cette ‘recherche’ de Dieu, on peut lire les remarques importantes de B. Maggioni, Davanti a Dio. I salmi 1-75, Vita e pensiero, Milano, 2001, p. 78s.
[8] Cf. Deut 22,20-27 et 24,1.
[9] E. Borghi, Gesù è nato a Betlemme ? I vangeli dell’infanzia tra storia, fede, testimonianza, Cittadella, Assisi, 2011, p. 66.
[10] Cf. U. Luz, Vangelo di Matteo. Volume I. Introduzione. Commento ai capp. 1-7, Paideia, Brescia, 2006, p. 169.
[11] T. Frigerio, Nato da donna. Avvento e tempo di Natale 2013-2014 con Maria e le antenate di Gesù. Sussidio liturgico-missionario, EMI, Bologna, 2013, p. 58s.
[12] A. Zarri, Il pozzo di Giacobbe. Raccolta di preghiere da tutte le fedi, Gribaudi, Torino, 1992, p. 71.
