Carême 2018 : cinquième semaine
« Que chacun revienne de son mauvais chemin et de la violence qui colle à ses mains « (Jonas 3,8)
Carême 2018 : cinquième semaine
Dans l’Ancien Testament, parmi les livres des prophètes il y en a un différent de tous les autres. C’est le livre de Jonas. Si les autres livres nous donnent le message d’un prophète, dans ce livre le message de Jonas est limité – en hébreu – à cinq mots : « Encore quarante jours et Ninive sera renversée » (Jonas 3,4). Dans toutes les autres paroles du livre, nous avons un récit sur Jonas, sur l’instruction qu’il a reçue par le Seigneur et qu’il a eu de la peine à accepter. Au contraire, dans le récit, les Ninivites accueillent très vite le message de Jonas. Dans une ville très grande, qui nécessite trois jours pour la traverser, Jonas marche seulement un jour, et pourtant… tous accueillent son message et changent de comportement. D’autre part le narrateur, en mettant sur la bouche de Jonas le verbe « renverser » (« hâpak » en hébreu) nous a indirectement préparé(e)s à ça. En effet, le verbe en question peut avoir une signification négative (le renversement, la destruction d’une ville) ; mais le même verbe « renverser » peut évoquer aussi un changement, un changement positif. La ville, en accueillant le message de Jonas, sera changée, sera différente.
C’est ce que le narrateur nous dit à la fin de ce chapitre :
5 Et mettent, les habitants de Ninive, leur confiance en Dieu. Ils crient un jeûne
et mettent des habits de deuil, depuis le plus grand jusqu’au plus petit.
6 La parole parvient au roi de Ninive ; il se lève de son trône,
il enlève son habit royal, il met un habit de deuil, et s’assoit sur de la cendre,
7 et il fait crier dans Ninive : « Par décision du roi et de ses grands :
Que les hommes et les bêtes, le gros et le petit bétail, ne goûtent de rien,
qu’on ne sorte pas paître, qu’on ne boive pas d’eau !
8 Que mettent des habits de deuil, les humains et les bêtes !
Qu’ils crient vers Dieu de toutes leurs forces !
Et que chacun revienne de son mauvais chemin et de la violence qui colle à ses mains !
9 Qui sait ?
Peut-être Dieu reviendra-il sur sa décision, aura-t-il du regret, reviendra-t-il de sa grande colère
et nous ne mourrons pas ».
10 Et voit, Dieu, leurs efforts, qu’ils sont revenus de leur mauvais chemin. Et a du regret, Dieu,
à propos du malheur qu’il avait décrété de faire contre eux, et il ne le fait pas (Jonas 3,5-10).
La page souligne le changement radical que les Ninivites et leur roi accomplissent : ce changement prend tous les vivants : les humains et les animaux partagent le même destin, ils sont toujours solidaires les uns des autres , et leurs vies sont étroitement liées. Au moment du déluge, la mort les a frappés, ensemble. Et maintenant, ensemble ils s’engagent pour le changement.
A propos du changement, le narrateur souligne d’abord ses manifestations : le jeûne, les habits de deuil, une prière adressée à Dieu à très haute voix . Mais, derrière ces manifestations, il y a le changement de comportement : la décision d’abandonner le « mauvais chemin » et, en particulier, « la violence » qui colle à nos mains (v. 8). Et ce changement, les Ninivites le vivent avec confiance : peut-être Dieu reviendra-t-il en voyant « qu’ils sont revenus de leur mauvaise conduite ». Le pardon de Dieu n’est pas un acte automatique ; il jaillit seulement de son amour, de sa miséricorde. C’est ce que le décret du roi indique à travers l’expression « Qui sait ? Peut-être » (v. 9) .
En pensant aux Ninivites et à leur changement auquel Dieu répond avec le pardon, je me souviens d’une page du Coran, précisément, la sourate 25. Ici, le Coran rappelle le cas de certaines personnes qui ont fait appel à d’autres divinités, ont pratiqué la violence et la fornication mais, ensuite, elles ont changé radicalement :
70 Celui qui est revenu, qui fait confiance sincèrement à Dieu et fait des œuvres vertueuses :
ceux-là, Dieu changera leurs mauvaises actions en bonnes,
car Dieu est pardonneur et très miséricordieux.
71 Quiconque est revenu et a fait une œuvre vertueuse, c’est à Dieu qu’il revient
(Sourate 25,70-71).
Ici le Coran insiste sur la possibilité d’un changement, d’un retour à Dieu, un retour qui naît de la foi et qui se concrétise dans des actions, des « œuvres vertueuses », des actions
« bonnes ». Et ces actions que nous décidons d’accomplir sont, en même temps, une manifestation de la miséricorde de Dieu envers nous. C’est un message que nous lisons dans le Coran, un message proche de celui que nous lisons dans le livre de Jonas : un livre qui nous invite, nous lectrices et lecteurs, à nous laisser conduire – comme Jonas – au Dieu créateur, un Dieu qui nous pousse à changer notre comportement, un Dieu qui se manifeste dans le pardon et qui renonce à nous punir. En effet, il est un Dieu d’amour, d’amour sans limites, un Dieu qui aime tous les êtres vivants .