Eucharistie, 7 avril 2019
« Voici : moi je fais une (chose) nouvelle, elle bourgeonne maintenant » (Isaïe 43,19)
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Eucharistie, 7 avril 2019 : 5ème dimanche de carême — année C
Première lecture
La page que la liturgie nous propose ce matin est d’un prophète inconnu. Ce prophète, dont le texte a été inséré dans la seconde partie du livre d’Isaïe, a pris la parole vers les années 550-539 avant la naissance de Jésus . Dans la région qui correspond à l’Iran d’aujourd’hui, il y a un souverain, Cyrus le Grand qui, progressivement, étend son royaume et arrive à Babylone, là où les Juifs de Jérusalem avaient été déportés. Et Cyrus décide que ces Juifs peuvent rentrer à Jérusalem.
C’est précisément dans cette situation que notre prophète intervient. Il intervient et – aux exilé(e)s – il annonce le salut que Dieu va accomplir.
La page que nous allons lire s’ouvre en évoquant l’action que Dieu a accomplie au passé, lorsqu’il a fait sortir les Juifs de leur condition d’esclaves en Égypte. C’est l’expérience que les ancêtres ont vécue lorsque Dieu les a libérés de l’Égypte et leur a fait traverser la mer et le désert. En effet, le Seigneur « a ouvert en pleine mer un chemin, un sentier au cœur des eaux déchaînées » (v. 16). Ce chemin a été, pour l’armée de l’Égypte, pour les « troupes et corps d’assaut des Égyptiens » (v. 17), un chemin de mort. Au contraire, pour Israël qui sortait de l’Égypte, il a été un chemin de vie. Et pour les Juifs exilé(e)s à Babylone, leur rentrée – à travers le désert – vers Jérusalem sera aussi une libération, « un chemin » (v. 19) rendu possible par Dieu. En effet, Dieu déclare :
« Oui, je vais mettre en plein désert un chemin,
dans des terres sauvages, des fleuves » (v. 19) .
Et cette idée revient aussi dans le verset suivant, là où Dieu dit :
« j’ai mis, en plein désert, de l’eau,
des fleuves, dans des endroits sauvages,
pour donner à boire à mon peuple, à mon élu » (v. 20).
Mais le prophète ne se limite pas à évoquer la libération à partir de l’Égypte et la nouvelle libération à partir de l’exil à Babylone. Il insiste surtout sur la nouveauté de cette nouvelle
intervention de Dieu. Aux exilé(e)s Dieu dit : « Ne pensez plus aux événements du passé, n’ayez pas nostalgie de ce qui est derrière vous » (v. 18).
En effet, ces souvenirs merveilleux seront bientôt dépassés par une nouvelle intervention de Dieu. C’est Dieu qui assure : « Voici : moi je fais une (chose) nouvelle » (v. 19). Le prophète utilise ici le mot « hadâshâ’ », et cet adjectif féminin utilisé comme un substantif ne revient que deux fois dans toute la Bible, ici et dans Jérémie 31,22, là où Jérémie annonce la nouvelle alliance . Il s’agit d’une nouveauté inattendue et inimaginable, une nouveauté qui « bourgeonne maintenant » . Cette image est très forte : quelque chose bourgeonne à l’improviste, même si elle était déjà présente, cachée, sans que personne ne pouvait s’en rendre compte. Et à travers cette image, les exilés peuvent comprendre que le Seigneur est en train de préparer – pour le peuple – une nouveauté . Et les exilés sont invités à découvrir cette nouveauté que Dieu accomplit et qui déjà bourgeonne.
Cette nouveauté sera – et devra être – le peuple, le peuple que Dieu a formé et caressé de ses mains et qui chantera sa louange (v. 21).
Du livre d’Isaïe (43,16-21)
16 Ainsi parle Yhwh,
lui qui a ouvert en pleine mer un chemin,
un sentier au cœur des eaux déchaînées,
17 lui qui a fait sortir chars et chevaux,
troupes et corps d’assaut des Égyptiens tous ensemble.
Ils sont tombés pour ne plus se relever.
Ils sont consumés, éteints
comme la mèche d’une lampe.
18 (Ainsi parle Yhwh : )
« Ne pensez plus aux événements du passé,
n’ayez pas nostalgie de ce qui est derrière vous.
19 Voici : moi je fais une (chose) nouvelle, elle bourgeonne maintenant,
ne savez-vous pas la reconnaître ?
Oui, je vais mettre en plein désert un chemin,
dans des terres sauvages, des fleuves.
20 Elles me rendront gloire, les bêtes de la campagne,
chacals et autruches,
car j’ai mis, en plein désert, de l’eau,
des fleuves, dans des endroits sauvages,
pour donner à boire à mon peuple, à mon élu.
21 Et ce peuple, que j’ai formé, que j’ai caressé de mes mains,
dira pourquoi il me loue ».
Psaume
La page du prophète, que nous venons d’écouter, annonce le retour des exilés. Quant au psaume 126, il évoque ce même retour, mais dans une autre perspective. Après la joie et l’euphorie du retour, maintenant c’est le temps de la reconstruction, une reconstruction difficile et pleine de souffrance , comme chacun et chacune de nous a pu en faire l’expérience ‘sur sa peau’, ici chez nous, dans nos Quartiers.
Le psaume 126 est un poème « des montées ». Comme en montant vers Bugarama, une des caractéristiques du poème est de poser le regard sur les mêmes lieux, sur les mêmes expériences mais d’un point de vue différent. Ici c’est surtout le cas pour le mot « retour ». Dans les deux premières strophes (vv. 1-3) du psaume, le retour est le retour des exilé(e)s – de Babylone vers Jérusalem – mais c’est aussi le retour de Dieu vers son peuple : un Dieu qui se montre très proche dans toute sa tendresse. Et la joie du retour est inimaginable, comme la joie d’un rêve (v. 1). D’autre part, ce retour provoque une surprise parmi les peuples. Et les peuples ne peuvent que déclarer : « Il a fait grandes, Yhwh, ses œuvres envers ceux-là » (v. 2d). Et les personnes rentrées de l’exil ne peuvent que confirmer en disant : « Il a fait grandes, Yhwh, ses œuvres envers nous, nous étions pleins de joie » (v. 3).
La troisième et la quatrième strophe (vv. 4-6) reviennent sur le thème du retour. Maintenant le regard n’est plus vers le passé et le retour de l’exil ; le regard est orienté vers l’avenir, vers un autre retour désiré et invoqué : « Retourne, Yhwh, avec notre retour ». Et ce n’est pas le retour d’Israël ou de Sion ; c’est notre retour. C’est un changement dans la vie quotidienne de la communauté qui prie le psaume , un changement qui est, en même temps, le retour de Dieu vers la communauté. Ce changement est comparable à la situation du paysan : la peine et les larmes en allant semer, la joie en rentrant après la moisson. C’est un changement qui peut se vérifier après des mois, mais il peut aussi se vérifier en peu de jours, comme le changement du Nyabagere après une nuit de pluie.
Et nous, nous qui attendons un changement dans notre vie de tous les jours, nous sommes invités(e)s à découvrir les changements que Dieu accomplit en nous. En prenant conscience de ce que Dieu accomplit dans notre vie, nous pouvons chanter, comme refrain à la fin de chaque strophe :
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous :
nous étions en grande fête !
[…]
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