Ramadan 2019: première semaine
« Dieu, le tout miséricordieux, le très miséricordieux »
Ramadan 2019: première semaine
di Renzo Petraglio
Cher ami, ma chère, pour ce mois de ramadan, je veux trouver du temps pour réfléchir avec toi sur la première page du Coran. En effet, cette sourate joue un rôle considérable dans le culte, dans les relations humaines et dans la vie quotidienne des musulmans et des musulmanes. Sa récitation est la base de toute oraison, le point de départ de toute méditation, le cadre de toute la vie contemplative islamique.
Cette première sourate commence avec un verset qu’on retrouve au début de chaque sourate, exception faite pour la neuvième. Ce verset, on l’appelle – en arabe – « basmala ». Voici une traduction :
Au nom de Dieu, le tout miséricordieux, le très miséricordieux (Sourate 1,1).
Dans ce verset, il y a d’abord la référence au « nom » de Dieu, une ‘réalité’ qui nous dépasse totalement ; elle dépasse tout ce que nous pouvons penser, comprendre et dire. Et les mots que nous utilisons sont toujours des mots humains, oui, des mots humains pour parler de cette ‘réalité’ qui nous dépasse.
Et, parmi ces mots, ici nous avons « er-rahmân » et « er-rahîm », qu’on peut traduire en français par « le tout miséricordieux, le très miséricordieux ». Les deux mots arabes sont formés à partir de la même racine « r-h-m » qui a deux significations : d’une part, la matrice maternelle et tout ce qui s’y rapporte ; d’autre part, tout ce qui est piété, clémence, compassion et miséricorde. En d’autres termes, « er-rahmân » c’est la miséricorde tout-embrassante, celle qui contient, comme en une seule matrice maternelle suprême, tout ce qui existe dans l’univers. Quant au terme « er-rahîm », il insiste sur l’aspect actif ; il nous parle de Dieu à travers l’image de la maman qui court au secours de l’un de ses fils en difficulté.
A côté de ces mots, il faut aussi mentionner « rahma », un terme fréquemment traduit par « bonté », « bienveillance ». Dans le Coran, il est utilisé 114 fois. Il est presque toujours appliqué à Dieu, et seulement dans trois versets il est question de la « rahma » que les humains ont, ou doivent avoir, les uns envers les autres : les fils envers leurs père et mère (Sourate 17,24), les
époux entre eux (Sourate 30,21), les chrétiens entre eux (Sourate 57,27).
Un peu comme la racine arabe « r-h-m », en hébreu nous retrouvons ces trois consonnes dans le mot « rèhèm » – ou son pluriel « rehamîm » – qui signifie « entrailles maternelles ». C’est, par exemple, le cas de Jérémie qui – frappé et emprisonné par le responsable du temple – s’adresse à Dieu en lui disant : « Pourquoi, donc, suis-je sorti des entrailles maternelles? Pour voir souffrance et douleur et pour finir mes jours dans la honte ? » (Jérémie 20,18). La même racine, on la retrouve dans le verbe « râham » qui signifie « éprouver de la tendresse dans ses entrailles ». Ce verbe revient plusieurs fois dans la Bible hébraïque. Je me limite à une seule citation :
13 Cieux, poussez des acclamations ! Terre, sois dans l’allégresse ! Éclatez, montagnes, de joie !
Car Yhwh console son peuple
et, dans ses entrailles maternelles, il éprouve de la tendresse pour les pauvres.
14 Sion disait : « Yhwh m’a abandonnée et le Seigneur m’a oubliée ! »
15 Est-ce qu’une femme oublie le bébé qu’elle allaite ?
Oublie-t-elle d’éprouver, dans ses entrailles maternelles, de la tendresse
pour le fils de son ventre ?
Même si elle – ou aussi d’autres femmes – oubliaient,
moi je ne t’oublierai jamais (Isaïe 49,13-15).
Au verset central, nous avons Jérusalem, la ville qui – comme Bujumbura dans certains moments -se sent abandonnée, abandonnée comme un enfant abandonné par ses parents. Et elle a l’impression d’être aussi abandonnée par Dieu. Mais, dans le verset précédent et dans le suivant, Dieu réagit. Et, dans sa réaction, nous lisons deux fois le même verbe : « éprouver de la tendresse, dans ses entrailles maternelles ». Dans le second cas, au verset 15, le sujet de ce verbe est la femme, la maman, qui éprouve de la tendresse « pour le fils de son ventre ». Mais au verset 13, le sujet de ce même verbe est Dieu lui-même, Yhwh. A la communauté qui – après l’exil à Babylone – rentre à Jérusalem, Dieu manifeste un amour tel, qu’il dépasse tout amour humain, y compris l’amour maternel.
Que le Coran et la Bible nous aident, dans cette première semaine de ramadan et de jour en jour tout au long de notre vie, à prendre conscience de cet amour. Et sur ce chemin nous
serons, ma chère, mon ami, ensemble.