Eucharistie: 8 mai 2022

4ème Dimanche du Temps Pascal — Année C

« Nous sommes son peuple, le troupeau dont il est le berger » (Psaume 100,3)

Première lecture

Les Actes des Apôtres nous présentent un moment fondamental vécu par Paul et un lévite de l’île de Chypre, surnommé Barnabas, c’est-à-dire “l’homme qui encourage” (Ac 4,36). Nous sommes pendant le premier voyage missionnaire, à Antioche de Pisidie, au centre-sud de l’actuelle Turquie. Dans la synagogue, Paul et Barnabas sont invités à prendre la parole. Paul intervient et évoque l’histoire d’Israël, de l’exode à Jésus, à sa mort et résurrection. C’est ainsi qu’il annonce la bonne nouvelle. Après la rencontre dans la synagogue, des Juifs et « d’autres adorateurs », c’est-à-dire des païens convertis à la religion juive, suivent Paul et Barnabas.

Une semaine plus tard, « presque tous les habitants de la ville se rassemblent pour entendre la parole du Seigneur » (v. 44). Mais, devant toute cette foule, les Juifs « sont remplis de jalousie », ils insultent Paul et contestent son message. Et, comme les Juifs refusent la parole du Seigneur, Paul et Barnabas réagissent : «Voici donc: nous nous tournons maintenant vers les nations [païennes]» (v. 46). Voilà le tournant fondamental dans l’histoire du christianisme : l’ouverture aux païens.

Mais Paul et Barnabas se préoccupent de souligner que l’annonce de la Parole aux païens n’est pas une conséquence de son refus par les Juifs. Cette annonce fait partie, depuis toujours, du plan de Dieu annoncé dans l’Écriture[1]. Cela apparaît dans le livre d’Isaïe, plus précisément dans le deuxième chant du serviteur de Yhwh (Is 49,1-6). Ici le serviteur, qui constate l’échec de sa mission parmi les siens, est interpellé par Dieu. Et Dieu lui dit : « C’est trop peu que tu sois mon serviteur pour ramener les survivants d’Israël. Je t’ai établi pour être lumière des nations, pour que tu sois un [moyen de] salut jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49,6). C’est à ce texte que Paul et Barnabas font référence pour expliquer l’ouverture du message chrétien aux païens.

Et les réactions sont différentes. Les païens sont dans la joie, « ils glorifient la parole du Seigneur » (v. 48) : en effet, le salut est devenu réalité pour eux[2]. Quant aux Juifs, ils manipulent les personnes haut placées. C’est ainsi qu’ils « provoquent une persécution contre Paul et Barnabas et les chassent de leur territoire » (v. 50).

 

Lecture du livre des Actes des Apôtres (13,14 et 43-52)

14 Paul et Barnabas, poursuivant leur voyage au-delà de Pergé, arrivèrent à Antioche de Pisidie. Et, le jour du sabbat, ils entrèrent à la synagogue et prirent place.

43 Après la réunion dans la synagogue, beaucoup de Juifs et d’autres adorateurs [convertis au Dieu unique] suivent Paul et Barnabas. Paul et Barnabas parlent avec eux, ils les encouragent à rester fidèles, à rester attachés à l’amour de Dieu.

44 Le sabbat suivant, presque tous les habitants de la ville se rassemblent pour entendre la parole du Seigneur. 45 Quand les Juifs voient cette foule, ils sont remplis de jalousie, ils se mettent à contredire les paroles de Paul et ils l’insultent. 46 Alors Paul et Barnabas ont la hardiesse de [leur] dire : « C’est d’abord à vous, les Juifs, que nous devions annoncer la parole de Dieu. Mais vous la rejetez, et vous trouvez que vous n’êtes pas dignes de vivre la vie éternelle ! Voici donc : nous nous tournons maintenant vers les nations [païennes]. 47 Car ainsi nous a ordonné le Seigneur :

“Je t’ai établi pour être lumière des nations,

pour que tu sois un [moyen de] salut jusqu’aux extrémités de la terre” (Is 49,6) ».

48 Ceux qui ne sont pas juifs entendent cela et ils sont tout joyeux. Ils glorifient la parole du Seigneur. Et tous ceux qui étaient disposés pour la vie éternelle deviennent croyants. 49 La parole du Seigneur se répand dans toute cette région. 50 Mais les Juifs jettent l’agitation parmi les femmes de haut rang adoratrices [de Dieu] ainsi que parmi les notables de la ville ; ils provoquent une persécution contre Paul et Barnabas et les chassent de leur territoire. 51 Les deux hommes partent en secouant la poussière de leurs pieds, et ils vont à Iconium. 52 Les disciples, quant à eux, étaient remplis de joie et d’Esprit saint.

 

Psaume

Le psaume 100 est un petit poème. Mais c’est un poème d’une ouverture extraordinaire. En effet, il s’agit d’une invitation, adressée à tous les peuples, à reconnaître Yhwh comme Seigneur[3].

C’est ce qu’on lit dans la première strophe (vv. 1-2), une strophe composée de trois impératifs : « Acclamez pour Yhwh, servez Yhwh, venez à sa présence ». Au centre il y a le verbe « servir ». Mais il ne s’agit pas d’un service comme celui d’un esclave qui a peur de son Seigneur. Non, le service à Yhwh c’est un service dans la joie : « Acclamez pour Yhwh, venez à sa présence avec des cris joyeux ».

La deuxième strophe s’ouvre avec un quatrième impératif : « Reconnaissez ». Et cet impératif nous dit pourquoi il faut s’adresser à Yhwh avec des cris de joie et pourquoi il faut le servir. Le motif est très clair : « Yhwh qui est Dieu, c’est lui qui nous a faits, et nous sommes à lui, nous sommes son peuple, le troupeau dont il est le berger ». Dieu n’est pas un dictateur terrible, il est notre berger, le berger qui prend soin de nous.

La troisième strophe (v. 4), qu’on ne lira pas ce matin, est construite sur trois impératifs : « venez » au Seigneur dans son temple, « célébrez-le », « bénissez son nom ». Les nations sont donc invitées – comme les Israélites et avec eux dans le même temple – à chanter les louanges de Dieu.

Et la dernière strophe (v. 5) du psaume nous donne l’essentiel de ces chants chantés – ensemble – par les Juifs et les païens. Ces chants ont trois motivations : la bonté de Dieu, son amour sans fin, sa fidélité de génération en génération.

Que ces caractéristiques de Dieu nous poussent à vivre notre relation à Dieu, notre service à lui dans la joie. En effet, comme nous dirons dans le refrain qui reprend les mots du verset 3,

Nous sommes son peuple, son troupeau.

 

Psaume 100 (versets 1-2. 3. 5)

1 Acclamez pour Yhwh, terre entière,

2 servez Yhwh avec joie,

venez à sa présence avec des cris joyeux.

Refr. :             Nous sommes son peuple, son troupeau.

 

3 Reconnaissez-le : c’est Yhwh qui est Dieu,

c’est lui qui nous a faits, et nous sommes à lui,

nous sommes son peuple, le troupeau dont il est le berger.

Refr. :             Nous sommes son peuple, son troupeau.

 

5 Oui, Yhwh est bon,

son amour est pour toujours,

sa fidélité de génération en génération.

Refr. :             Nous sommes son peuple, son troupeau.

Deuxième lecture

 

Comme il y a une semaine, la page de l’Apocalypse que nous allons écouter ce matin est une vision. Au centre il y a toujours Dieu assis sur le trône, et l’Agneau (v. 10) ; tout autour, debout, il y a tous les anges, et les Anciens et les quatre Vivants (v. 11). Et les anges chantent « la louange et la gloire et la sagesse et l’action de grâce et l’honneur et la puissance et la force » (v. 12) de Dieu.

Mais, par rapport à la page de la semaine passée, cette vision parle aussi d’une « foule nombreuse, que nul ne pouvait compter, de toute nation et tribus et peuples et langues, ils se tenaient debout en face du trône et en face de l’Agneau, vêtus de robes blanches, et des palmes dans leurs mains » (v. 9). Et c’est une foule de personnes qui louent et célèbrent le salut que Dieu leur a donné.

La vision de cette foule immense surprend Jean, le voyant exilé sur l’île de Patmos. Ces personnes « sont ceux qui viennent de la tribulation, la grande tribulation » (v. 14b).

Ces personnes sont une communauté un peu comme la nôtre ici, ce matin : de tout pays, de toute ethnie et de toute langue, des personnes qui ont vécu « la tribulation » un peu comme nous la vivons aujourd’hui. Et ces personnes l’ont vécue solidaires avec Jésus et avec sa mort, et maintenant elles participent à la résurrection. Voilà pourquoi elles sont vêtues d’une robe blanche, elles « ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau » (v. 14). Cette phrase est déconcertante : comment laver et surtout comment blanchir un tissu dans le sang ? Mais la phrase exprime la vie nouvelle acquise en participant au don que l’Agneau a fait de sa propre vie[4]. Comme l’Agneau, ces personnes ont traversé l’épreuve, elles l’ont traversée fidèles à son message.

D’ici leur nouvelle condition : l’intimité avec Dieu qui « les abritera sous sa tente » (v. 15). Dieu les fait demeurer avec lui, Dieu les abrite et les protège. Ils n’auront plus à souffrir la faim, la soif, la chaleur brûlante. Et l’Agneau, Jésus, est leur berger « et les conduira aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux » (v. 17).

 

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean (7,9. 14b-17)

 9 Après cela, [moi, Jean,] j’ai vu, et voici :

une foule nombreuse, que nul ne pouvait compter,

de toute nation et tribus et peuples et langues ;

ils se tenaient debout en face du trône et en face de l’Agneau,

vêtus de robes blanches, et des palmes dans leurs mains.

14b Et [un des Anciens] me dit :

« Ceux-là sont ceux qui viennent de la tribulation, la grande tribulation,

et ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau.

15 C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu

et lui rendent culte jour et nuit dans son temple ;

et Celui qui est assis sur le trône les abritera sous sa tente.

16 Ils n’auront plus faim et ils n’auront plus soif,

et le soleil ne tombera plus sur eux, ni aucune chaleur brûlante.

17 Car l’Agneau, l’Agneau qui se tient au milieu du trône,

sera leur berger et les conduira aux sources des eaux de la vie.

Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux ».

 

Évangile

L’Évangile nous parle d’une fête juive, la fête de la Dédicace du temple. C’est une fête instituée l’an 164 avant Jésus Christ[5], lorsque le temple, après avoir été profané par des païens, fut à nouveau consacré. La fête durait huit jours et avait lieu en hiver (v. 22), et cette saison froide est un peu le symbole du climat dans lequel l’autorité juive interpelle Jésus.

L’attitude de ces Juifs est de fermeture. Ils ont écouté Jésus qui s’était présenté comme le vrai berger (Jn 10,11ss). Mais les Juifs veulent une affirmation précise : « Si tu es le Christ, dis-le-nous ouvertement ! » (v. 24). Et Jésus ne répond pas à cette requête : en effet, le mot « Christ » pourrait être interprété comme chef politique. Et Jésus refuse de jouer ce rôle.

Dans sa réponse, Jésus mentionne ses œuvres et, en particulier, son rôle de berger. Et il insiste sur sa relation intime avec ses brebis : elles écoutent sa voix, Jésus les connaît et elles le suivent. Et Jésus leur donne, dès maintenant, la vie éternelle. Voilà pourquoi « elles ne périront jamais, et nul ne les arrachera de ma main » (v. 28). Les croyants peuvent donc faire confiance à Jésus : s’ils écoutent vraiment sa parole, nul ne les arrachera de sa main.

Enfin, Jésus souligne que son rôle de berger n’est pas une initiative à lui : c’est le Père qui lui a confié cette fonction : « Mon Père me les a données » (v. 29). Voilà pourquoi personne ne peut les arracher de la main du berger (v. 28) comme personne ne peut les arracher de la main du Père (29). Il y a donc une unité, une unité profonde entre Jésus, le berger, et le Père : « Moi et le Père nous sommes un » (v. 30).

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (10,27-30)

Jésus déclara : 27 « Mes brebis écoutent ma voix ; et moi, je les connais et elles me suivent. 28 Et moi, je leur donne la vie éternelle ; et elles ne périront jamais, et nul ne les arrachera de ma main. 29 Mon Père qui me les a données est plus grand que tout, et personne ne peut rien arracher de la main du Père. 30 Moi et le Père nous sommes un ».

Acclamons la Parole de Dieu.

 
Prières d’ouverture

Hier attaché à la croix avec le Christ,

je suis glorifié aujourd’hui avec lui.

Mourant hier avec lui,

aujourd’hui avec lui je reviens à la vie.

Enseveli hier avec lui,

aujourd’hui avec lui je ressuscite.

Le Christ, qui est ressuscité des morts,

me renouvelle, moi aussi, en esprit

et me « fait revêtir l’Homme nouveau » (Eph 4,24)[6].

[Grégoire de Nazianze : 329-390]

 

Prière des fidèles

* Donne-nous, Seigneur, de faire un peu comme les non-juifs d’Antioche, des personnes qui se sont réjouies pour ta parole et l’ont accueillie devenant des croyants et des croyantes. Que l’écoute de ta parole puisse nous fasciner, de jour en jour ; c’est elle qui nous ouvre à la vie éternelle.

* Le psaume nous parle de toi, de ta bonté, de ton amour et de ta fidélité qui accompagne les humains, d’une génération à l’autre. Que ce message puisse orienter en profondeur notre vie et nous permettre de te servir non dans la peur mais dans la joie. Car tu es notre berger, toi seul.

* Dans son regard sur l’avenir auprès de Dieu, l’Apocalypse souligne la constance des croyants dans la tribulation. Et la force de cette constance naît de la relation avec Jésus : ces personnes « ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau » ; ces personnes ont été fidèles à celui qui a donné sa vie pour les autres. Aide-nous, Jésus, à faire de même.

* L’Apocalypse nous permet de regarder à notre mort avec confiance : la mort n’est pas la fin. Même dans la mort, Jésus, tu seras notre berger et tu nous conduiras aux sources des eaux de la vie. « Et Dieu essuiera toute larme » de nos yeux. Aide-nous à partager cette confiance que l’Apocalypse nous a suggérée.

* L’Évangile nous a parlé de la relation intime que Jésus a avec nous : Jésus est comme un berger qui connaît ses brebis. Mais l’Évangile nous dit aussi que les brebis écoutent la voix de Jésus, le bon berger, et elles le suivent. Donne-nous la force, Jésus notre berger, de correspondre à ton amour pour nous. Donne-nous la force de te suivre, de mettre en pratique ta parole dans la vie de tous les jours.

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[1] Cf. Ph. Bossuyt et J. Radermakers, Témoins de la Parole de la Grâce. Actes des Apôtres, vol. 2 : Lecture continue, Institut d’Études Théologiques, Bruxelles, 1995, p. 418.

[2] Cf. D. Marguerat, Les Actes des apôtres (13-28), Labor et fides, Genève, 2015, p. 55.

[3] Pour cette remarque, et aussi pour les suivantes, cf. E. Zenger, I Salmi. Preghiera e poesia, vol. 2. L’aurora voglio destare, Paideia, Brescia, 2013, p. 79ss.

[4] Cf. J. Delorme – I. Donegani, L’Apocalypse de Jean. Révélation pour le temps de la violence et du désir. I. Chapitres 1-11, Cerf, Paris, 2010, p. 204s.

[5] J. Zumstein, L’Évangile selon saint Jean (1-12), Labor et fides, Genève, 2014, p. 351.

[6] Le grand livre des prières. Textes choisis et présentés par C. Florence et la rédaction de Prier, Prier – Desclée de Brouwer, Paris, 2010, p. 289.