Eucharistie: 21 mai 2023

7ème Dimanche de Pâques — Année A

 

Les personnes « que tu m’as confiées ont gardé ta parole »
(Jean 17,6)

 

Première lecture

Jeudi passé, le jour de l’ascension, nous avons lu la première page des Actes des apôtres : le récit de l’ascension de Jésus. Et ce matin, la liturgie nous propose la page suivante de ce même livre : « les apôtres, après avoir vu Jésus s’en aller vers le ciel, retournent à Jérusalem depuis la colline appelée “mont des Oliviers” » (v. 12).

Dans tout son récit, Luc, le narrateur, insiste sur la relation – très étroite – entre la communauté post-pascale et ce que la même communauté a vécu avec Jésus. Le « mont des Oliviers » rappelle le lieu de l’agonie et de la prière de Jésus (Lc 22,39ss). Et, arrivés à Jérusalem, les apôtres « vont dans une pièce, en haut d’une maison ». Et cette pièce fait penser à la salle où Jésus avait pris le dernier repas avec les disciples (Lc 22,12). En plus, le détail, « en haut d’une maison » nous renvoie à la tradition juive : ces salles en haut d’une maison servaient comme salles de réunion, d’étude et de prière[1]. En présentant le groupe qui se réunit, Luc mentionne d’abord les apôtres. Parmi eux il y a Jude, mais Luc nous dit : c’est « Jude le fils de Jacques », non le Judas qui, après avoir livré Jésus, s’était suicidé. Avec les apôtres, Luc mentionne aussi les familiers de Jésus, des personnes qui, avec des femmes avaient assisté à la mort de Jésus (Lc 23,49). Maintenant, après l’ascension de Jésus, toutes ces personnes sont ensemble, « d’un commun accord » ; et il s’agit d’une expression que Luc utilisera fréquemment dans les Actes. Ces personnes étaient assidues à la prière ; et ici le verbe « étaient » à l’imparfait veut souligner une pratique constante. La continuité dans la prière, l’unité et l’harmonie d’une communauté d’hommes et de femmes en prière : voilà comment – au premier siècle et encore aujourd’hui – se concrétise la présence cachée du Christ ressuscité[2].

 

Lecture des Actes des Apôtres (1,12-14)

12 Alors les apôtres, après avoir vu Jésus s’en aller vers le ciel, retournent à Jérusalem depuis la colline appelée “mont des Oliviers”. Cette colline se trouve près de la ville, à environ une demi-heure de marche, une distance permise le jour du sabbat.

13 Quand ils arrivent à Jérusalem, ils vont dans une pièce, en haut d’une maison ; c’est là qu’ils ont l’habitude de se réunir. Il y a Pierre, Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu, Jacques le fils d’Alphée, Simon le zélote et Jude le fils de Jacques. 14 Tous, d’un commun accord, étaient assidus à la prière, avec des femmes, avec Marie, mère de Jésus, et les frères de celui-ci.

Parole du Seigneur.

 

Psaume

Le psaume 27 nous présente Dieu qui protège et met en sûreté – dans un espace protégé – celui qui lui fait confiance.

Dans les deux premières strophes du psaume, Dieu apparaît comme la forteresse (v. 1) du poète, comme la maison et le temple qui peuvent l’abriter (v. 4). Dans ces espaces d’intimité et de protection, le poète peut évoquer la « nô‘am », c’est-à-dire la beauté et la douceur de Dieu (v. 4). C’est cette douceur que l’homme veut contempler.

Et, dans la troisième strophe, ce sera le visage de Dieu que l’homme cherchera : « ton visage, Yahvéh, je rechercherai »[3]. Voilà le projet et la prière que, dans sa souffrance, le poète adresse au Seigneur : « Écoute, Yahvéh, ma voix, je t’appelle, prends pitié de moi et réponds-moi » (v. 7). Et le Seigneur interviendra pour le rassurer. Voilà pourquoi le poète, vers la fin du psaume, pourra dire : « Je crois que je verrai la bonté de Yahvéh dans la terre des vivants » (v. 13)[4].

Et ces paroles encourageantes du poète peuvent devenir nos paroles comme refrain à la fin de chaque strophe :

Je crois que je verrai la bonté de Yahvéh dans la terre des vivants.

 

Psaume 27 (versets 1. 4. 7-8)

1 Yahvéh est ma lumière et mon salut,

de qui aurais-je crainte ?

Yahvéh est la forteresse de ma vie,

par qui serais-je terrorisé ?

Refr. :  Je crois que je verrai la bonté de Yahvéh dans la terre des vivants.

 

4 Une seule chose j’ai demandée de la part de Yahvéh, celle que je recherche :

demeurer dans la maison de Yahvéh tous les jours de ma vie

pour contempler – intensément – la douceur de Yahvéh

et veiller dans son temple.

Refr. :  Je crois que je verrai la bonté de Yahvéh dans la terre des vivants.

 

7 Écoute, Yahvéh, ma voix, je t’appelle,

prends pitié de moi et réponds-moi.

8 Mon cœur pense à ta parole : « Recherchez mon visage ! »,

Ton visage, Yahvéh, je rechercherai.

Refr. :  Je crois que je verrai la bonté de Yahvéh dans la terre des vivants.

 

Deuxième lecture

Comme nous avons déjà pu le constater pendant les derniers dimanches, les chrétiens auxquels s’adresse la Première lettre de Pierre sont dans la souffrance. Un peu comme nous ici au Burundi, ils sont, nous dit l’auteur au verset 12, comme dans une fournaise, dans le feu de la souffrance. Et cela parce que ces hommes et ces femmes, en devenant chrétiens, ont décidé de ne plus courir sur le chemin d’une mauvaise conduite. Voilà pourquoi ces chrétiens sont refusés, voilà pourquoi on parle mal d’eux.

A ses destinataires qui souffrent, l’auteur de la lettre montre le Christ comme point de référence. En effet, si un chrétien souffre à la manière du Christ et à sa suite, c’est-à-dire en juste, en innocent, la souffrance non méritée le met en communion avec le Christ souffrant[5]. Et devant ce constat, l’auteur de notre lettre formule une exhortation très surprenante : « si vraiment vous participez aux souffrances du Christ, soyez joyeux » (v. 13). Oui, en souffrant, ces chrétiens participent aux souffrances vécues par Jésus lui-même. Et le fait de participer maintenant aux souffrances de Jésus leur permettra un jour de participer à sa gloire : « quand vous verrez sa gloire, vous serez également heureux et pleins de joie » (v. 13). Et dans le verset suivant, l’auteur va au-delà de toute mesure et il affirme : « Si on vous insulte parce que vous êtes disciples du Christ, quel bonheur pour vous ! » (v. 14). Ce comportement vécu comme un bonheur est possible seulement grâce à l’Esprit, l’Esprit saint, « l’Esprit glorieux ».

Après avoir comparé la souffrance des chrétiens aux souffrances vécues par Jésus, l’auteur de la lettre ressent le besoin de préciser : que ces souffrances ne soient pas la conséquence d’une mauvaise action accomplie par un croyant (v. 15). Les souffrances vécues par un croyant sont autre chose, elles sont les souffrances d’un chrétien. Et ici le mot, « christianos » en grec, est utilisé pour exprimer une manière de vivre la souffrance en union avec le Christ. Un individu peut être insulté en tant que chrétien, mais cet individu – dans sa foi – porte cette insulte comme un titre de gloire[6]. Voilà pourquoi « il doit plutôt remercier Dieu de pouvoir porter le nom du Christ » (v. 16).

 

Lecture de la Première lettre de Pierre (4,13-16)

Mes bien-aimés, 13 si vraiment vous participez aux souffrances du Christ, soyez joyeux. Alors, quand vous verrez sa gloire, vous serez également heureux et pleins de joie. 14 Si on vous insulte parce que vous êtes disciples du Christ, quel bonheur pour vous ! En effet, l’Esprit de Dieu, l’Esprit glorieux est sur vous !

15 Qu’aucun d’entre vous n’ait à souffrir comme meurtrier, voleur ou malfaiteur, ou pour avoir semé le désordre. 16 Mais s’il souffre parce qu’il est chrétien, il ne doit pas avoir honte. Il doit plutôt remercier Dieu de pouvoir porter le nom du Christ.

Parole du Seigneur.

 

Alléluia. Alléluia.

Je ne vous laisserai pas orphelins, dit le Seigneur ;

je reviens vers vous, et votre cœur se réjouira. (cf. Jean 14,18 ; 16,22)

Alléluia.

 
Évangile

Pendant les dimanches passés, nous avons lu les paroles que Jésus, dans l’Évangile de Jean, a adressées aux disciples pour les préparer à son départ, à sa mort et à sa glorification (Jn 13-16). A la fin de ces paroles aux disciples, l’Évangile nous présente les paroles que Jésus adresse au Père pour les disciples.

Jésus s’exprime en levant les yeux au ciel, et ce geste suggère que la mort de Jésus ne sera pas l’anéantissement, elle sera son élévation vers le Père. Et le mot « Père » est le premier mot de la prière de Jésus.

Dans la première partie (v. 1-5) de la prière de Jésus, il y a le verbe « glorifier » et le mot « gloire ». Et derrière ces termes, il y a deux dimensions. La glorification est d’abord reconnaissance et approbation, mais aussi manifestation. L’Évangile parle d’une glorification réciproque entre Père et Fils. En effet, le Père est invité à reconnaître le Fils et à agir à travers lui ; c’est ainsi que le Fils révélera l’amour du Père dans le monde.

Jésus évoque cette glorification à la veille de sa mort. Il demande au Père de glorifier son Fils et de faire de sa mort non pas l’espace de son absence et de son silence, mais de sa présence active, sa présence qui révèle Dieu[7].

La vie et la mort de Jésus révèlent le Père. Mais cette révélation n’est pas quelque chose de théorique. Il s’agit d’une communication de vie, de vie éternelle. Le Fils va donner la vie éternelle aux personnes que le Père lui a confiées (v. 2). « Et la vie éternelle – nous dit l’Évangile – c’est te connaître, toi, le seul vrai Dieu, et connaître celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (v. 3). Quant au verbe « connaître », nous ne devons pas nous tromper. Dans la langue de Jésus et de la Bible, ce verbe exprime la relation la plus profonde et personnelle, une relation intime comme celle qui unit un couple qui s’aime.

La deuxième partie (vv. 6-8) du texte revient sur cette relation : « J’ai manifesté ton nom aux personnes que tu as prises du monde et que tu m’as confiées » (v. 6). Pour les croyants, il y a eu une rupture : ils étaient liés au monde. Mais Jésus leur a manifesté le Père, son nom, c’est-à-dire sa personne. Et les croyants ont répondu au Père et à son amour. C’est ainsi que le Père les a pris du monde : ils vivent désormais une relation totalement nouvelle, une relation intime avec le Fils. Ils sont des personnes « confiées » au Fils. Et du Fils elles ont gardé – d’une façon définitive – la parole.

Bref : la communauté chrétienne naît de la parole et vit de son attachement à cette parole[8]. Ailleurs, dans l’Évangile, Jésus invite les disciples à garder sa parole[9]. Mais ici, et seulement ici (au verset 6), Jésus voit cet attachement des disciples à la parole comme un fait déjà réalisé, définitif.

Dans la troisième section (vv. 9-11a) de sa prière, Jésus évoque à nouveau « le monde ». Jésus, au commencement de son ministère avait affirmé : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » (3,16-17). Et maintenant, avant de s’en aller de ce monde, Jésus prie pour les disciples qui restent dans le monde. Le monde a rompu tout contact avec Dieu et avec le message que Jésus a porté au monde[10]. Et maintenant, Jésus prie non pour le monde mais pour les disciples qui « sont dans le monde » (v. 11a) tandis que Jésus se prépare à aller vers le Père. Et Jésus prie pour que ses disciples, soutenus par Jésus, puissent contribuer à “sauver” le monde, à le rendre plus juste, plus accueillant.

 

De l’Évangile de Jean (17,1b-11a)

1b En levant ses yeux vers le ciel, Jésus dit : « Père, l’heure est venue, définitivement. Glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie. 2 Tu lui as donné le pouvoir sur tous les êtres humains, pour qu’il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as confiés. 3 Et la vie éternelle, c’est te connaître, toi, le seul vrai Dieu, et connaître celui que tu as envoyé, Jésus Christ. 4 Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’as donnée à faire. 5 Et maintenant, glorifie-moi, Père, auprès de toi-même, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe.

6 J’ai manifesté ton nom aux personnes que tu as prises du monde et que tu m’as confiées. Elles étaient à toi, tu me les as confiées, et elles ont gardé – d’une façon définitive – ta parole. 7 Maintenant ils savent que tout ce que tu m’as donné vient de toi. 8 En effet, je leur ai donné les paroles que tu m’as données. Ils les ont reçues. Ils ont vraiment reconnu que je suis venu de toi et ils ont cru que tu m’as envoyé.

9 Moi, c’est pour les disciples, Père, que je prie. Je ne prie pas pour le monde, mais pour les disciples, pour ceux que tu m’as donnés – don définitif – parce qu’ils sont à toi. 10 D’autre part, tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi. Et ma gloire s’est manifestée, d’une façon définitive, en eux. 11a Désormais je ne suis plus dans le monde ; mais eux, ils sont dans le monde, et moi je viens vers toi.

 

Acclamons la Parole de Dieu.

 

Prière d’ouverture

Seigneur, donne-nous de vivre – tous – dans ta paix,

d’arriver, un jour, dans ta maison,

d’y arriver en toute tranquillité

parce que conduits par l’Esprit saint, ta sagesse ineffable.

Donne-nous, jour et nuit, jusqu’à la dernière heure,

de prier en remerciant

et de remercier, en priant,

l’unique Père et le Fils,

le Fils maître et guide,

avec le Saint Esprit. Amen[11].

[Saint Clément d’Alexandrie, lettré et théologien, né vers 150 et mort vers 215]

 

Prière des fidèles 

* Le livre des Actes nous a présenté une communauté ‘arc-en-ciel’, une communauté composée de personnes liées à la tradition juive et d’autres plus ouvertes à la civilisation grecque. Même du point de vue politique, ils avaient des conceptions différentes. Et pourtant… ils formaient une communauté vraiment unie. Tous, hommes et femmes, étaient « d’un commun accord », tous « étaient assidus à la prière ». Permets aussi à nous, Jésus notre frère, de devenir, de jour en jour, une vraie communauté. Voilà pourquoi nous te prions : Viens, mélanger tes couleurs avec nous !

* Le poète du psaume veut te rencontrer, il veut rechercher ton visage, Seigneur Dieu, il veut contempler ta douceur. C’est son désir profond, mais c’est aussi notre désir, le désir de chacune et de chacun de nous. Et pour nous, ce désir se réalise en suivant ton Fils. C’est lui qui nous a manifesté ton nom, ton amour. Et nous, nous n’avons qu’à garder et à vivre, jour après jour, ta parole, la parole qu’il nous a annoncée. Que, à travers cette parole, nous puissions contempler et vivre, intensément, ta douceur, Seigneur.

* La lettre de Pierre nous parle des souffrances, les souffrances des chrétiens du premier siècle, mais aussi de nos souffrances. Et la lettre nous permet de comprendre que – dans nos souffrances – nous ne sommes pas seuls. En effet, nous participons « aux souffrances du Christ » et l’Esprit, « l’Esprit de Dieu » est sur nous et en nous. Et cet Esprit nous encourage, nous donne, jour après jour, de nouvelles forces. A toi, Seigneur Dieu, un grand merci pour ne pas nous laisser seuls dans les souffrances.

* Dieu notre Père, quelle distance entre nous et la communauté que Jésus a rêvée. En effet, dans sa prière, Jésus parlait d’une communauté composée de personnes qui « ont gardé – d’une façon définitive – ta parole ». Permets-nous, malgré nos faiblesses, de réaliser, au moins en partie, ce rêve d’une communauté vraiment fidèle à ta parole.

 

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[1] Cf. G. Schneider, Gli Atti degli Apostoli. Parte prima. Testo greco e traduzione. Introduzione e commento ai capp. 1,1-8,40, Paideia, Brescia, 1985, p. 284.

[2] Cf. D. Marguerat, Les Actes des apôtres (1-12), Labor et fides, Genève, 2007, p. 51.

[3] Pour les difficultés du texte hébreu et pour la traduction du v. 8, cf. la Bible TOB et surtout D. Barthélemy, Critique textuelle de l’Ancien Testament. Tome 4. Psaumes, Academic Press – Vandenhoeck & Ruprecht, Fribourg – Göttingen, 2005, p. 159s.

[4] Pour les problèmes textuels de ce verset, on pourra lire J.-L. Vesco, Le psautier de David traduit et commenté, Cerf, Paris, 2006, p. 272.

[5] Cf. J. Schlosser, La première épître de Pierre, Cerf, Paris, 2011, p. 259.

[6] Cf. C. Combet-Galland, Première épître de Pierre, dans Le Nouveau Testament commenté, sous la direction de C. Focant et D. Marguerat, Bayard – Labor et fides, Paris – Genève, 2012, p. 1089s.

[7] Cf. J. Zumstein, L’Évangile selon saint Jean (13-21), Labor et fides, Genève, 2007, p. 165.

[8] Ibid., p. 172.

[9] Cf. Jn 8,51 (« si quelqu’un garde ma parole, il ne verra jamais la mort ») et 14,23 (« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera ; nous viendrons à lui et nous ferons notre demeure auprès de lui »).

[10] Cf. J. Zumstein, L’Évangile selon saint Jean (13-21), Labor et fides, Genève, 2007, p. 173.

[11] A. Zarri, Il pozzo di Giacobbe. Raccolta di preghiere da tutte le fedi, Gribaudi, Torino, 1992, p. 225.