Eucharistie : 31 août 2025
22ème dimanche du Temps Ordinaire — Année C
« Sois humble, conscient de tes limites » (Si 3,18)
Première lecture
La première lecture est un petit texte écrit par Jésus fils de Sirach, dit aussi Siracide. Il s’agit d’un maître, d’un umushingantahe, qui – vers l’année 180 avant la naissance de Jésus – a écrit un manuel pour éduquer les jeunes de Jérusalem. De ce livre écrit en hébreu, nous connaissons seulement des fragments. Mais heureusement le petit-fils de l’auteur, vers l’année 132, a voulu traduire en grec le manuel écrit par son grand-père. Et sa traduction nous a été conservée.
Dans la page de ce matin, l’auteur nous livre des conseils sur comment se comporter.
Dans une première section (vv. 17-20), il nous parle de la douceur et de l’humilité. La douceur nous permet d’être acceptés et aimés par les autres (v. 17)[1] … et aussi par Dieu. En effet, si nombreuses sont les personnes élevées et glorieuses, c’est « aux personnes douces » (v. 19) que Dieu fait confiance[2] et révèle ses mystères. Quant à l’humilité, le Siracide nous invite à prendre conscience de nos limites. C’est cette attitude qui nous permet de trouver grâce auprès de Dieu (v. 18) et de le glorifier pour le soutien qu’il nous donne (v. 20).
Dans la deuxième section (vv. 28-30), le Siracide nous met devant les yeux l’orgueilleux et l’intelligent. L’orgueilleux est « sans remède, car la méchanceté a mis ses racines en lui » (v. 28). Au contraire, la personne intelligente est consciente de ses limites : elle sait réfléchir sur les proverbes de sagesse, elle se met à l’écoute ; elle reconnaît ses limites et elle sait que les autres, chacun à sa façon, peuvent lui apprendre ce qu’elle ne connaît pas. Et, pour parler de cette disponibilité à apprendre, le Siracide utilise une image, celle d’une oreille ouverte, d’une oreille qui sache écouter : « Une oreille qui sache écouter, voilà ce qu’un sage désire » (v. 29). Et l’attitude la plus importante qu’une personne peut apprendre c’est « la générosité envers les pauvres » (v. 30). En effet, en s’ouvrant à la sagesse, un humain prend conscience de sa faiblesse, de son besoin d’être lui-même secouru. Et cette prise de conscience le pousse aussi à secourir les autres, à vivre « la générosité envers les pauvres » (v. 30)[3].
Du livre du Siracide (3,17-20 et 28-30)
17 Mon fils, agis avec douceur en tout ce que tu fais,
et tu seras plus aimé que celui qui fait des cadeaux.
18 Plus tu es grand, plus sois humble, conscient de tes limites,
et devant Dieu tu trouveras grâce.
19 Nombreuses sont les personnes élevées et glorieuses,
mais aux personnes douces Dieu révèle ses mystères.
20 Car grande est la puissance du Seigneur,
et il est glorifié par les humbles,
par celles et ceux qui sont conscients de leurs limites.
28 La condition de l’orgueilleux est sans remède,
car la méchanceté a mis ses racines en lui.
29 Le cœur de la personne intelligente
médite sur les proverbes de sagesse.
Une oreille qui sache écouter,
voilà ce qu’un sage désire.
30 L’eau éteint un feu qui brûle,
et la générosité envers les pauvres efface les fautes.
Parole du Seigneur.
Psaume
Le psaume 68 est le résultat d’une histoire très complexe[4]. La partie fondamentale du psaume (vv. 8-32) est probablement du septième ou du sixième siècle : elle met l’accent sur l’action spectaculaire de Dieu en faveur de Jérusalem et de son temple. Dans une époque plus récente, le psaume a été encadré dans deux strophes (vv. 5-7 et 33-36) qui ont été composées pendant l’exil à Babylone. Enfin, après l’exil, on a créé les versets d’ouverture (vv. 2-4).
Quant à nous, ce matin, nous allons écouter trois strophes.
La première (vv. 4-5ac) insiste sur la joie, la joie des justes. A cette joie le poète du psaume invite aussi – chose surprenante – les personnes qui sont en exil à Babylone : « Chantez pour Dieu, chantez son nom par des psaumes » (v. 5a). Et, dans les derniers mots de ce verset, le poète rappelle le nom de Dieu non dans la forme Yahvéh, mais dans sa forme la plus familiale « Yah ». Il nous dit : « son nom est Yah, exultez devant sa face »[5].
La deuxième strophe (vv. 6-7ab) revient sur Dieu en soulignant que Dieu est le Dieu des pauvres. Dieu, dans le temple de Jérusalem et surtout dans sa demeure dans les cieux, prend soin des pauvres : des orphelins et des veuves et des « personnes seules » (v. 7).
Dans la troisième strophe (vv. 10-11), le poète évoque l’expérience qu’Israël a vécue au désert, avant d’arriver sur les rives du Jourdain. Pour en parler, il revient sur une des pages les plus anciennes de la Bible, le cantique de la prophétesse Débora. Cette femme, que la Bible appelle « mère d’Israël » (Jg 5,7), vers l’an 1130 chantait : « Yahvéh, quand tu t’avançais dans les campagnes d’Édom, la terre a tremblé, les cieux se sont déversés, les nuées ont fondu en eau. Les montagnes ont ruisselé devant Yahvéh, celui du Sinaï, devant Yahvéh, le Dieu d’Israël » (Jg 5,4s)[6].
Quant au poète de notre psaume, il revient sur ce texte mais en évoquant aussi le but de l’intervention de Dieu : c’est un voyage jusqu’à « la terre de ton patrimoine » (v. 10). Enfin, pour ce qui est du peuple, Dieu veut un peuple sans aucune exclusion : « tous tes vivants »[7]. Et parmi eux, « dans ta bonté, Dieu, tu as préparé une demeure pour l’humilié » (v. 11).
Quant à nous, en écoutant ces trois strophes dans lesquelles le poète nous parle de Dieu qui prend soin des orphelins, des veuves, des personnes « qui sont dans les chaînes » et de « tous tes vivants », nous pouvons rappeler les paroles de Marie qui, se rendant chez Élisabeth, chantait Dieu qui « élève les humbles » (Lc 1,52). Notre refrain à la fin de chaque strophe sera donc :
Béni soit le Seigneur : il élève les humbles.
Psaume 68 (versets 4-5ac. 6-7ab. 10-11)
4 Les justes se réjouissent, ils exultent
devant la face de Dieu, et dansent dans la joie.
5ac Chantez pour Dieu, chantez son nom par des psaumes,
son nom est Yah, exultez devant sa face.
Refr. : Béni soit le Seigneur : il élève les humbles.
6 Père des orphelins, défenseur pour les veuves,
c’est Dieu dans sa résidence sainte.
7ab Dieu fait habiter dans une maison les personnes seules,
ceux qui sont dans les chaînes il les fait sortir.
Refr. : Béni soit le Seigneur : il élève les humbles.
10 Une pluie généreuse, Dieu, tu l’as répandue,
la terre de ton patrimoine – elle était épuisée – tu l’as affermie ;
11 là, tous tes vivants ont trouvé un séjour,
là, dans ta bonté, Dieu, tu as préparé une demeure pour l’humilié.
Refr. : Béni soit le Seigneur : il élève les humbles.
Deuxième Lecture
Dimanche passé, la lettre aux Hébreux nous invitait à vivre nos souffrances comme une correction, une correction à travers laquelle Dieu nous pousse à nous engager pour la paix et la justice. Et ce matin, l’auteur nous dit pourquoi nous devons nous engager dans cette direction. Nous devons nous engager pour la paix parce que nous nous sommes « approchés de la montagne de Sion et de la ville du Dieu vivant » (v. 22) ; nous nous sommes « approchés de l’assemblée des premiers-nés de Dieu qui ont leurs noms écrits dans les cieux » (v. 23). Nous nous sommes approchés des personnes justes (v. 23). Surtout, nous nous sommes approchés de Dieu et de Jésus, qui a versé son sang pour nous rendre purs, de Jésus qui « est le médiateur d’une alliance nouvelle » (v. 24) que Dieu a établie avec nous.
Et cette alliance, nous dit la lettre, est « nouvelle », non seulement parce qu’elle est plus récente par rapport à celle sur la montagne du Sinaï (v. 18). L’alliance que Dieu a établie à travers le Christ est aussi d’un type nouveau[8]. La première était – pour ainsi dire – impersonnelle : en parlant d’elle, l’auteur évite de mentionner Dieu[9]. Au contraire, à travers la nouvelle alliance, Dieu nous met directement en rapport avec lui (v. 23), Dieu fait tomber nos peurs et il nous sauve[10]. En prenant soin de cette relation avec Dieu et avec le Christ, nous pouvons donc nous engager pour la paix.
Lecture de la lettre aux Hébreux (12,18-19 et 22-24a)
18 Quand vous vous êtes approchés de Dieu, vous n’êtes pas venus vers une montagne matérielle, où il y avait un grand feu [comme sur la montagne du Sinaï], obscurité, ténèbres et tempête. 19 Vous n’avez entendu ni le son de la trompette, ni les paroles d’une voix. Quand les Israélites ont entendu cette voix, ils ont refusé d’écouter un mot de plus.
22 Mais au contraire vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de la ville du Dieu vivant. C’est la Jérusalem du ciel où des milliers d’anges sont en fête. 23 Vous vous êtes approchés de l’assemblée des premiers-nés de Dieu qui ont leurs noms écrits dans les cieux. Vous vous êtes approchés de Dieu, qui juge le monde entier. Vous vous êtes approchés des personnes justes qui sont parvenues à la perfection. 24a Vous vous êtes approchés de Jésus, qui est le médiateur d’une alliance nouvelle.
Parole du Seigneur.
Alléluia. Alléluia.
Prenez sur vous mon joug, dit le Seigneur ;
devenez mes disciples,
car je suis doux et humble de cœur. (cf. Mt 11,29ab)
Alléluia.
Évangile
L’Évangile de ce matin nous présente Jésus qui est à table dans la maison d’un chef des pharisiens. Et, à table, Jésus a l’occasion de voir comment les invités choisissent les premières places. D’ici son invitation à se comporter différemment, à choisir la dernière place. C’est ainsi que celui qui donne la fête pourra te dire : « Ami, monte plus haut » (v. 10).
Dans l’exhortation « va te mettre à la dernière place » (v. 10), Jésus ne veut pas dire comment faut-il se comporter en société[11]. L’exhortation est à l’intérieur d’une « parabole » (v. 7), elle concerne le Royaume de Dieu. Dans ce Royaume, Dieu « jette les puissants à bas de leurs trônes et il élève les humbles » (Lc 1,52). Et le même verbe élever revient dans la page de ce matin : celui qui s’abaisse, celui qui reconnaît ses propres limites, sa faiblesse et ses fautes, « sera élevé » (v. 11), sera élevé par Dieu.
C’est ainsi que nous pouvons partager le style de vie de Jésus : il s’est abaissé et il a partagé la condition des plus petits, jusqu’à la mort. Et à ce comportement Dieu a répondu en le ressuscitant de la mort et en le glorifiant (Phil 2,5-11)[12].
Après la parabole (vv. 8-11), il y a un discours direct (vv. 12-14). Souvent, les relations humaines jouent sur la réciprocité : à un repas, j’invite mes amis ; demain, eux m’inviteront à un repas. Mais Jésus recommande la gratuité : à mon repas, j’invite ceux et celles qui, demain, ne pourront pas m’inviter. Et cette gratuité aura comme résultat une surprise dans le Royaume : Dieu se considérera comme ton débiteur, et ce que tu as donné gratuitement aux pauvres « te sera donné en retour lors de la résurrection » (v. 14).
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (14,1. 7-14)
1 Et il advint un jour de sabbat, lorsque Jésus venait dans la maison d’un chef des pharisiens pour prendre un repas. Ces derniers l’observaient.
7 Quant à Jésus, il disait une parabole à l’adresse des invités, observant comment ils choisissaient les premières places. Il leur disait : « 8 Lorsque tu es invité par quelqu’un à un mariage, ne t’installe pas à la première place, de peur qu’un autre, plus digne d’honneur que toi, n’ait été invité par ton hôte. 9 Alors celui qui vous a invités, toi et lui, viendra te dire : “Cède-lui la place”. Et à ce moment tu iras, plein de honte, prendre la dernière place. 10 Au contraire, lorsque tu es invité, va te mettre à la dernière place. De cette façon, celui qui t’a invité te dira en arrivant : “Ami, monte plus haut”. Alors il y aura de la gloire pour toi devant tous ceux qui seront à table avec toi. 11 Car quiconque s’élève sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera élevé ».
12 Puis il disait à celui qui l’avait invité : « Lorsque tu donnes un repas, à midi ou le soir, n’appelle pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins. En effet, ils t’inviteront à leur tour et ce sera, pour toi, un don en retour. 13 Mais quand tu offres un repas de fête, invite les pauvres, les infirmes, les boiteux et les aveugles. 14 Et heureux seras-tu parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour. Car cela te sera donné en retour lors de la résurrection des justes ».
Acclamons la Parole de Dieu.
Prière d’ouverture
Pendant la nuit de ton dernier souper, Seigneur,
tu as dit : « Ne soyez pas comme les chefs des nations
qui s’imposent comme seigneurs et les dominent
et, ensuite, ils osent se faire appeler bienfaiteurs ».
Qu’au moins celui qui s’assied au repas de ton Église
soit indemne de cette épidémie
de titres, de marques d’honneur, de carrière et de profits ;
qu’il soit comme un enfant
joyeux de te suivre. Amen[13].
[David Maria Turoldo, prêtre et poète, Italie : 1916-1992]
Prière des fidèles
* Aux jeunes de son temps le Siracide demandait de prendre conscience de leurs limites. En effet, c’est cette prise de conscience qui nous permet de nous ouvrir à Dieu et à sa miséricorde, et de le glorifier dans notre vie. Aide-nous, Seigneur, dans cette prise de conscience.
* Le psaume nous parle de toi, Seigneur, comme celui qui, dans sa bonté, a « préparé une demeure pour l’humilié », donc pour celles et ceux qui sont aux marges de la société. Mais cette demeure, tu la prépares seulement avec nos mains. Donne-nous, donc, la force d’ouvrir nos maisons et nos quartiers aux personnes que la société ignore ou néglige.
* La Lettre aux Hébreux rappelle la première alliance au mont Sinaï, une montagne qui suscitait de la peur, avec un grand feu, « obscurité, ténèbres et tempête ». Cette première alliance est totalement dépassée par une « alliance nouvelle ». Grâce à elle, nous nous sommes « approchés de l’assemblée des premiers-nés de Dieu ». Aide-nous donc, Dieu notre papa, à laisser tomber la peur et à nous laisser guider, nous tes enfants, par l’amour.
* Dans l’Évangile, Jésus notre frère, tu nous parles de la nécessité de nous engager gratuitement, d’aider les autres sans chercher une récompense, une faveur en retour. Aide-nous, Seigneur, sur ce chemin difficile. C’est le chemin de l’amour, l’amour qui est don gratuit, sans calcul.
[1] Pour ce verset et les différences entre le texte hébreu et la traduction grecque, cf. la Bible TOB, p. 1839.
[2] J. Marböck, Jesus Sirach 1-23, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2010, p. 81.
[3] Cf. C. Spicq, L’Ecclésiastique, dans La sainte Bible. Tome 6. Proverbes ; Ecclésiaste ; Cantique des cantiques ; Sagesse ; Ecclésiastique / texte latin et trad. française d’après les textes originaux avec un commentaire. exégétique et théologique commencée sous la dir. de Louis Pirot ; contin. sous la dir. de Albert Clamer, Letouzey et Ané, Paris, 1946, p. 585. Cf. aussi J. Marböck, Jesus Sirach 1-23, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2010, p. 83.
[4] Cf. F.-L. Hossfeld, Psalm 68, dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger, Psalmen 51-100, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2007, p. 246ss.
[5] Cf. D. Barthélemy, Critique textuelle de l’Ancien Testament. Tome 4. Psaumes, Academic Press – Vandenhoeck & Ruprecht, Fribourg – Göttingen, 2005, pp. 430-432.
[6] Cf. D. Barthélemy, Op. cit., pp. 432-435.
[7] Le terme utilisé en hébreu peut signifier « troupeau d’animaux », mais aussi « tous les vivants ». Pour ce terme et ses différentes significations, cf. J.-L. Vesco, Le psautier de David traduit et commenté, Cerf, Paris, 2006, p. 596.
[8] Cf. F. Urso, Lettera agli Ebrei. Introduzione, traduzione e commento, San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2014, p. 185.
[9] Cf. C. Marcheselli-Casale, Lettera agli Ebrei, Paoline, Milano, 2005, p. 585. Cf. aussi F. Urso, Op. cit., p. 184.
[10] Cf. R. Fabris, Le lettere di Paolo. Traduzione e commento, vol. 3, Borla, Roma, 1980, p. 755.
[11] Cf. D. Marguerat et E. Steffek, Évangile selon Luc, dans Le Nouveau Testament commenté, sous la direction de C. Focant et D. Marguerat, Bayard – Labor et fides, Paris – Genève, 2012, p. 341.
[12] Cf. S. Fausti, Una comunità legge il Vangelo di Luca, Nuova edizione, EDB, Bologna, 2017, p. 519.
[13] D. M. Turoldo – G. Ravasi, «Nella tua luce vediamo la luce». Tempo ordinario. Solennità del Signore. Feste dei santi. Commento alle letture liturgiche, San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano), 2004, p. 576s.