Eucharistie: 12 octobre 2025
28ème dimanche du Temps Ordinaire — Année C
Des rencontres qui peuvent tout changer
Première lecture
Avec la première lecture, nous sommes vers la moitié du neuvième siècle, dans le Royaume du Nord, qui est fréquemment en conflit avec les Araméens qui habitent celle qui est, actuellement, la Syrie. Des pillards araméens, pénétrés dans le territoire d’Israël, avaient ramené prisonnière une fillette, qui devint la servante de la femme de Naamân, le général de l’armée araméenne. Naamân est « lépreux », un mot générique pour indiquer des affections variées au niveau de la peau.
La fillette dit à sa maîtresse : « Ah ! si seulement mon seigneur Naamân s’adressait au prophète qui est à Samarie ! Il le débarrasserait de sa lèpre » (v. 3)[1]. A cette nouvelle, Naamân, d’accord avec son roi, va chez le roi d’Israël et, ensuite, il se dirige vers la maison du prophète Élisée. Et Élisée lui envoie un messager qui lui dit : « Va, et tu te laveras sept fois dans le Jourdain ; et ta chair deviendra saine et tu seras purifié » (v. 10).
Naamân fait ce que le prophète lui a ordonné. Et, une fois guérit, conscient de la gratuité du don qu’il a reçu, il reconnaît, dans sa guérison, l’action de Dieu. Désormais Naamân veut servir ce Dieu, le Dieu unique. Et c’est ainsi que, comme remerciement pour la grâce reçue, il veut offrir un présent[2] au prophète. Mais le prophète refuse. Et alors, Naamân lui demande, comme don, un peu de terre, la terre sainte (Ex 3,5), la terre de Yahvéh (Isaïe 14,2)[3], là où il pourra offrir à Dieu des holocaustes et adorer le Dieu unique.
Lecture du Deuxième livre des Rois (5,14-17)
14 Naamân le lépreux, le général des Araméens, descend et se plonge dans le Jourdain sept fois, selon la parole d’Élisée, l’homme de Dieu ; et revient, sa chair, comme la chair d’un petit enfant : il est purifié. 15 Et il revient vers l’homme de Dieu, lui et tous ceux qui sont avec lui. Et il vient et il se tient devant lui et dit : « Voici donc, je connais qu’il n’y a pas de Dieu sur toute la terre que celui qui est en Israël. Et maintenant prend, je t’en prie, un présent de la part de ton serviteur ».
16 Et Élisée dit : « Yahvéh, devant lequel je me tiens, est vivant ! Je ne prendrai rien ! »
Naamân le presse de prendre mais lui, il refuse. 17 Et dit, Naamân : « Puisque tu refuses, qu’elle soit donc donnée, à ton serviteur, un peu de terre de ce pays autant que deux mulets peuvent en transporter. Car ton serviteur n’offrira plus d’holocauste ni de sacrifice à d’autres dieux qu’à Yahvéh seul Dieu d’Israël.
Parole du Seigneur.
Psaume
Du psaume 98 – composé probablement pendant le cinquième siècle avant la naissance de Jésus – nous allons lire les trois premières strophes[4]. L’auteur nous invite, et invite aussi le monde entier, à louer Yahvéh.
Dans la première strophe (v. 1), l’invitation est suivie d’une motivation. Il faut louer Dieu « car il a fait des merveilles ». Et ces merveilles sont, en particulier, la fin de l’exil à Babylone et le salut que Dieu a donné à son peuple.
La deuxième strophe insiste sur le « salut » (v. 2) accompli par Dieu. Ce salut est la manifestation « de son amour et de sa fidélité pour la maison d’Israël » (v. 3ab).
Si dans les deux premières strophes l’invitation à la louange était adressée, implicitement, à Israël, dans la troisième (vv. 3cd-4) cette invitation s’adresse à tous les habitants de la terre. En effet, les peuples sont invités à faire « pousser l’acclamation[5] pour Yahvéh » (v. 4). Et ça, parce que « Toutes les extrémités de la terre ont vu le salut de notre Dieu ».
Quant à nous, en écoutant ces trois strophes, nous allons intervenir avec un refrain qui reprend les mots du verset 2 :
Le Seigneur a fait connaître son salut
et révélé sa justice aux nations.
Et, en chantant ces mots, nous sommes conscient(e)s que la « justice » de Dieu est en faveur des opprimés[6].
Psaume 98 (versets 1. 2-3ab. 3cd-4)
1 Psaume. Chantez pour Yahvéh un chant nouveau,
car il a fait des merveilles.
Sa main droite lui a permis de sauver,
son bras réalise son action divine.
Refr. : Le Seigneur a fait connaître son salut
et révélé sa justice aux nations.
2 Yahvéh a fait connaître son salut,
sous les yeux des nations il a révélé sa justice,
3ab il s’est souvenu de son amour
et de sa fidélité pour la maison d’Israël.
Refr. : Le Seigneur a fait connaître son salut
et révélé sa justice aux nations.
3cd Toutes les extrémités de la terre
ont vu le salut de notre Dieu.
4 Faites pousser l’acclamation pour Yahvéh, terre entière,
acclamez et poussez des cris de joie et psalmodiez !
Refr. : Le Seigneur a fait connaître son salut
et révélé sa justice aux nations.
Deuxième lecture
La Deuxième lettre à Timothée est une invitation à fixer notre regard sur le Christ que Dieu a réveillé de la mort[7]. L’auteur y insiste : le Christ « a été réveillé, pour toujours » (v. 8). Mais cette action, que Dieu a accomplie dans Jésus, va avoir des conséquences pour l’humanité entière. Ceux et celles qui mettent leur foi en Jésus, dans sa mort et résurrection, sont – et doivent être – solidaires avec Jésus. L’auteur de la lettre nous assure : « Si nous avons commencé à mourir avec lui, avec lui nous vivrons » (v. 11)[8]. Et ici, le verbe ‘mourir’, utilisé au passé, fait référence au baptême. Nous avons commencé notre vie chrétienne en mourant avec celui que nous aimons, et la lettre nous invite à continuer sur ce chemin de fidélité envers lui. Nous devons faire face, toujours avec lui, à la souffrance. Avec notre comportement de chaque jour, nous ne devons pas le rejeter, le renier, nous devons lui rester fidèles[9].
Et, sur ce chemin, l’auteur de la lettre peut nous encourager lorsqu’il parle de son expérience comme porteur de la Bonne Novelle : « C’est en union avec Christ[10] que je souffre. Je supporte tout pour ceux que Dieu a choisis. C’est ainsi qu’ils auront la gloire qui dure toujours » (vv. 9-10).
De la Deuxième lettre à Timothée (2,8-13)
Timothée, mon enfant bien-aimé, 8 souviens-toi de Jésus Christ : il a été réveillé, pour toujours, d’entre les morts ; il est né dans la famille de David, son ancêtre ; voilà la Bonne Nouvelle que j’annonce. 9 C’est en union avec le Christ que je souffre et que je suis même attaché avec des chaînes comme un bandit. Mais la parole de Dieu n’est pas enchaînée. 10 C’est pourquoi je supporte tout pour ceux que Dieu a choisis, afin qu’ils obtiennent, eux aussi, le salut qui est dans le Christ Jésus. C’est ainsi qu’ils auront la gloire qui dure toujours.
11 La parole digne de foi est celle-ci :
si nous avons commencé à mourir avec lui, avec lui nous vivrons,
12 si nous résistons, nous régnerons aussi avec lui.
Si nous le rejetons, lui aussi nous rejettera,
13 si nous ne sommes pas fidèles, lui, il reste fidèle.
Car il ne peut pas se mettre en contradiction avec lui-même.
Parole du Seigneur.
Alléluia. Alléluia.
Rendez grâce à Dieu en toute circonstance :
c’est la volonté de Dieu à votre égard
dans le Christ Jésus. (1 Thess 5,18)
Alléluia.
Évangile
Dans la première lecture, la guérison du lépreux se réalise lorsque celui-ci accomplit ce qu’Élisée lui ordonne. Dans l’Évangile, la guérison s’accomplit lorsque les lépreux font ce que Jésus leur dit. Les lépreux sont invités à faire confiance à la parole de Jésus : conformément aux prescriptions du Lévitique (chapitre 14), ils n’ont qu’à se présenter aux prêtres. Ces prêtres, constatant la guérison, leur permettront d’être à nouveau accueillis dans la communauté religieuse et sociale.
Quant aux lépreux mentionnés dans l’Évangile, ils adressent à Jésus l’invocation que les psaumes adressaient fréquemment à Dieu (Ps 41,5 ; 51,3 ; 119,132). En effet, ils disent à Jésus : « aie pitié de nous » (v. 13)[11].
Parmi les dix lépreux, Luc souligne surtout le comportement du Samaritain. Pour les Juifs, un Samaritain est un hérétique, un étranger. Mais dans l’Évangile, surtout dans l’Évangile de Luc (10,33), le Samaritain devient un peu un modèle. Dans la page de ce matin, il est le seul, parmi les dix, à rendre gloire à Dieu (v. 15) et à manifester sa reconnaissance à Jésus (v. 16). En effet, l’activité de Jésus devient le motif pour rendre gloire à Dieu.
Et Jésus, pour sa part, reconnaît que le Samaritain n’a pas seulement été guéri ou « purifié » (vv. 14 et 17) ; sa foi l’a aussi « sauvé, définitivement » (v. 19)[12].
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (17,11-19)
11 Et il advint, lorsque Jésus faisait route vers Jérusalem et il passait au milieu de la Samarie et de la Galilée : 12 comme il entrait dans un village, dix hommes lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance 13 et eux-mêmes élevèrent la voix en disant : « Jésus, maître, aie pitié de nous ». 14 Et, en les voyant, Jésus leur dit : « Allez, montrez-vous aux prêtres ». Et il advint : pendant qu’ils allaient, ils furent purifiés.
15 L’un d’entre eux, voyant qu’il avait été guéri, retourna en glorifiant Dieu à grande voix. 16 Et il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus, lui rendant grâces. Et il était un Samaritain.
17 Répondant, Jésus dit : « Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Et les neuf autres, où sont-ils ? 18 Parmi eux, personne n’a pensé revenir pour donner gloire à Dieu, sauf cet étranger ». 19 Et il lui dit : « Relève-toi, va. Ta foi t’a sauvé, définitivement ».
Acclamons la Parole de Dieu.
Prière d’ouverture
Apprends-nous, Seigneur, à habiter
ce monde qui est le tien.
Tu nous as donné la puissance pour construire l’homme.
Tu as tout remis en nos mains.
Fais-nous comprendre combien inhumaine
peut être la force sans l’amour.
Donne-nous ton esprit de service et de respect.
Rends-nous tenaces et inventifs
dans notre souci pour tout homme.
Donne-nous confiance en l’homme et son avenir,
toi qui es le Dieu de l’homme et de l’avenir[13].
[Frans Cromphout, jésuite, Pays-Bas : 1924-2003]
Prière des fidèles
* Naamân, le général de l’armée, accueille la parole du prophète : il se lave dans le Jourdain et il se trouve purifié et guéri. C’est ainsi qu’il découvre, dans sa guérison, l’action de Dieu. Ensuite, en écoutant les paroles du prophète, Naamân apprend que Dieu est « Yahvéh », le Dieu qui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer. Permet aussi à chacune et à chacun de nous, Seigneur, de découvrir ton action dans notre vie, ton action et ton intimité qui nous dépasse, totalement.
* Seigneur Dieu, le poète chante les merveilles que tu accomplis à travers ton amour et ta fidélité. Et il nous dit que « toutes les extrémités de la terre ont vu le salut » que tu accomplis de ta main. Aide-nous à découvrir ta présence et ton amour même dans les situations difficiles que nous vivons jour après jour.
* La lettre à Timothée nous exhorte à nous souvenir de Jésus qui « a été réveillé, pour toujours, d’entre les morts ». Mais la lettre nous rappelle aussi que, au moment du baptême, « nous avons commencé à mourir avec lui », à mourir – et donc à renoncer – à la soif des richesses et du pouvoir. Sois notre compagnon, Jésus, sur ce chemin. C’est ainsi que « nous vivrons » avec toi.
* L’Évangile nous montre Jésus qui veut mettre fin à l’exclusion : l’exclusion des lépreux, des marginalisé(e)s en raison de leur peau saine ou malade, de leur appartenance ethnique et religieuse. Même dans des personnes refusées comme les Samaritains peut naître une glorification de Dieu. Fais-nous respirer et vivre un air semblable aussi dans nos quartiers.
[1] Pour le verbe hébreu traduit ici par « débarrasser » cf. M. Nobile, 1-2 Re. Nuova versione, introduzione e commento, Paoline, Milano, 2010, p. 306. D’autres détails dans L. Koehler – W. Baumgartner, Lexicon in Veteris Testamenti libros, Brill, Leiden, 1958, p. 72, sous la voix « ‘asap ».
[2] Pour le terme hébreu « berâkâh » utilisé pour indiquer un présent, cf. L. Alonso Schökel (director), Diccionario bíblico hebreo-español, Editorial Trotta, Madrid, 1994, p. 138.
[3] Cf. Nobile, O. cit., p. 304, qui renvoie à J. G. Plöger, ‘adama, dans Grande lessico dell’Antco Testamento, vol. II, 187-210.
[4] Pour la structure du psaume, cf. F.-L. Hossfeld, Psalm 98, dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger, Psalmen 51-100, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2007, p. 688. Cf. aussi B. Piacentini, I Salmi. Preghiera e poesia, Paoline, Milano, 2012, p. 522.
[5] Pour cette signification du verbe hébreu « roûa“ » cf. L. Alonso Schökel (director), Diccionario bíblico hebreo-español, Editorial Trotta, Madrid, 1994, p. 696.
[6] Ainsi J.-L. Vesco, Le psautier de David traduit et commenté, Cerf, Paris, 2006, p. 915, en commentant ce psaume.
[7] Pour la structure des versets 8-13, cf. M. Gourgues, Les deux lettres à Timothée. La lettre à Tite, Cerf, Paris, 2009, p. 276ss.
[8] Pour la forme verbale (aoriste ingressif) dans l’expression « si nous avons commencé à mourir avec », cf. C. Spicq, Les épîtres pastorales, Gabalda, Paris, 1969, p. 748s.
[9] Ce message contenu dans les versets 11-13 est une « profession de foi » qui – probablement – circulait dans les communautés chrétiennes. Cf. C. Pellegrino, Lettere a Timoteo. Introduzione, traduzione e commento, Edizioni San Paolo, Cinisello Balsamo (Milano) 2011, p. 177.
[10] Le pronom qu’on a au commencement du verset 9 fait référence à « Jésus Christ » mentionné au v. 8. Cf. Pellegrino, O. cit., p. 176.
[11] Cf. F. Bovon, L’Évangile selon saint Luc. 15,1-19,27, Labor et fides, Genève, 2001, p. 135.
[12] Cf. D. Marguerat et E. Steffek, Évangile selon Luc, dans Le Nouveau Testament commenté, sous la direction de C. Focant et D. Marguerat, Bayard – Labor et fides, Paris – Genève, 2012, p. 354. Cf. aussi A. Dettwiler, Dans les coulisses de l’Évangile. Conversations avec Matthieu Mégevand, Bayard – Labor et fides, Montrouge Cedex – Genève, 2016, pp. 171s.
[13] F. Cromphout, Un temps pour parler, Éditions Foyer Notre-Dame, Bruxelles, 1970, p. 24