Eucharistie: 1 juin 2025
7ème dimanche de Pâques — Année C
« Qu’eux aussi soient en nous » (Jean 17,21)
Première lecture
Ce matin, la liturgie nous présente le récit du premier chrétien mis à mort, Étienne, une des sept personnes très engagées au service de la communauté chrétienne de Jérusalem.
A Jérusalem, Étienne prend la parole pour porter le message de Jésus et sa nouveauté par rapport à Moïse. La réaction de certains juifs ne se fait pas attendre. Il y a ceux qui mettent le peuple en effervescence, il y a les abashingantahe et les scribes qui le conduisent au tribunal et l’accusent : Étienne annonce – disent-ils – que Jésus détruira le temple et changera les coutumes / règles que Moïse nous a transmises (6,14).
Devant ces accusations, Étienne réagit. Dans un long discours (7,1-54), il fait une relecture de l’histoire d’Israël. Il montre que Dieu, à partir d’Abraham, s’est manifesté et a œuvré à travers des hommes justes, tandis que d’autres personnes se sont opposées à Dieu, ont refusé sa parole, ont persécuté les prophètes. Ils ont aussi tué ceux qui annonçaient la venue du Juste. Et de ce Juste, qui est évidemment Jésus, Étienne dit : « maintenant vous êtes devenus, vous, les traîtres et les assassins, vous qui avez reçu la Loi communiquée par des anges et ne l’avez pas observée » (7,52s).
Ces mots suscitent immédiatement la réaction des gens du tribunal. Ils vont conduire Étienne hors de la ville. Là, au lieu d’une exécution dans les règles établies en Israël, il y a un lynchage populaire, une exécution sommaire : même ceux qui auraient dû être les témoins du procès[1] déposent leurs vêtements pour lancer des pierres et tuer Étienne.
C’est ce que Luc nous raconte dans la page que nous allons lire, une page qui nous présente le martyre d’Étienne dans la ligne de la mort de Jésus. Comme Jésus, Étienne implore le pardon pour ses bourreaux. Et si Jésus en mourant remet son esprit au Père, Étienne remet son esprit à Jésus interpellé comme « Seigneur ». Et nous avons ici, pour la première fois dans les Actes, une prière adressée non à Dieu mais à Jésus[2].
Lecture du livre des Actes des apôtres (7,55-60)
[Étienne était en face de ses accusateurs.] 55 Rempli de l’Esprit Saint, il fixait le regard vers le ciel : il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu. 56 Et il dit : « Voici : Je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu ».
57 [Alors ceux qui ont entendu ces paroles] poussent de grands cris et se bouchent les oreilles. Ils se précipitent tous ensemble sur Étienne, 58 ils le jettent hors de la ville et ils le tuent en lui lançant des pierres. [Pour lancer des pierres,] les témoins déposent leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme appelé Saul. 59 Pendant qu’ils lui lancent des pierres, Étienne prononce cette invocation : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit ». 60 Ensuite, il tombe à genoux et il crie de toutes ses forces : « Seigneur, ne les charge pas de ce péché ! » Et, après avoir dit ces mots, il s’endormit [dans la mort].
Parole du Seigneur.
Psaume
Le psaume 97 est un poème du cinquième ou du quatrième siècle avant la naissance de Jésus[3]. De ce psaume, nous allons lire trois strophes. Dans la première (vv. 1 et 2b), le poète chante Dieu, Dieu qui « règne » et qui se manifeste dans toute la création[4]. Cette manifestation de Dieu va provoquer la joie de la terre et de tous les peuples, même des îles lointaines. Cette joie est la réaction devant la justice et le droit qui, à partir du trône de Dieu, va s’installer dans le monde.
La deuxième strophe (vv. 6 et 7c) revient sur la justice de Dieu, « sa justice » et « sa gloire ». C’est ainsi que Dieu se manifeste. Et de cette manifestation de Dieu, même les cieux peuvent en parler. Voilà pourquoi le poète peur dire : « Racontez, cieux, sa justice, et voyez, tous les peuples, sa gloire » (v. 6).
Devant la manifestation de la justice et de la gloire de Dieu, devant la puissance de son salut que tous les peuples doivent reconnaître[5], les autres divinités ne peuvent que se mettre à genoux et s’anéantir, car elles n’ont aucune valeur, aucune consistance.
Enfin la troisième strophe (v. 9). Ici le poète s’adresse directement à Dieu pour lui dire : « toi, Yahvéh, tu es le Très-Haut sur toute la terre ». Et en déclarant la grandeur de Dieu, le poète mentionne encore une fois les autres dieux : par rapport à tous les dieux, Yahvéh, « tu t’élèves infiniment au-dessus ».
Bref : le poète du psaume insiste surtout sur la grandeur de Dieu, Dieu qui est roi, Dieu qui exerce sa justice, manifeste sa gloire et suscite la joie de toute sa création.
Mais, pour connaître l’identité de Dieu, une identité qui dépasse toutes nos connaissances, il faudra attendre Jésus. C’est Jésus qui, comme nous lirons dans l’Évangile, nous fera connaître son nom, Dieu « Père » (Jean 17,20-26).
Quant à nous, en écoutant ces trois strophes du psaume, nous allons intervenir avec les mots utilisés par le poète au versets 1 et 9 :
Yahvéh règne,
il est le Très-Haut sur toute la terre !
Psaume 97 (versets 1.2b. 6.7c. 9)
1 Yahvéh règne : que la terre danse de joie,
que se réjouissent les îles nombreuses !
2b La justice et le droit sont l’appui de son trône.
Refr. : Yahvéh règne,
il est le Très-Haut sur toute la terre !
6 Racontez, cieux, sa justice,
et voyez, tous les peuples, sa gloire.
7c À genoux devant lui, tous les dieux !
Refr. : Yahvéh règne,
il est le Très-Haut sur toute la terre !
9 Car toi, Yahvéh, tu es le Très-Haut
sur toute la terre,
tu t’élèves infiniment au-dessus de tous les dieux.
Refr. : Yahvéh règne,
il est le Très-Haut sur toute la terre !
Deuxième lecture
Pendant les derniers dimanches, nous avons lu différents passages de l’Apocalypse. Et ce matin nous allons écouter la dernière page de ce livre. Ici, au centre de cette page (v. 16), Jésus se présente : « Moi, je suis la racine et la descendance de David, l’étoile, l’étoile resplendissante du matin ». Si Jésus porte à l’accomplissement la figure de David, il en est aussi la source, l’origine. En effet, il est « l’Alpha et l’Oméga », (v. 13), il rassemble tout l’alphabet de la création et de l’histoire, il en est « le commencement et la fin » (v. 13) [6].
Au commencement et à la fin de notre page, Jésus déclare : « Je viens » (vv. 12 et 20). Voilà l’affirmation fondamentale, une venue qui met en marche la réaction de ceux qui l’accueillent. En effet, il y a ceux et celles qui accueillent l’invitation de Jésus et « lavent » (v. 14), maintenant, leurs robes. Ces personnes s’engagent dans la fidélité et dans la cohérence, parfois aussi – comme Jérôme et Joëlle et tous ceux et celles qui « ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau » (7,14) – en acceptant la mort qu’on leur impose.
Ces personnes qui se mettent en marche vers Jésus qui vient ne sont pas isolées. Il y a la communauté entière qui, comme une épouse, animée par l’Esprit, répond à l’invitation de Jésus, en lui disant : « viens ! » Et cette invitation prononcée par l’épouse-communauté est partagée aussi par différentes voix individuelles qui disent, elles aussi, « viens » (vv. 17.17.20).
Et, à Jésus qui nous dit, à chaque instant, « je viens vite » (vv. 12.20), nous pouvons nous aussi, à chaque instant, exprimer notre désir de le rencontrer et lui dire « viens ! ». Et il vient, dès maintenant, dans l’histoire, sur nos chemins[7], pour chacune et chacun de ses fidèles !
Lecture de l’Apocalypse de saint Jean (22,12-14. 16-17. 20)
Moi, Jean, j’ai entendu une voix, Jésus qui me disait :
12 « Voici : je viens vite, et mon salaire est avec moi pour rendre à chacun selon ce qu’il a fait. 13 Moi, je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. 14 Heureux et en marche, ceux qui lavent leurs robes, afin d’avoir droit à l’arbre de la vie et d’entrer, par les portes, dans la ville ! 16 Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange pour vous témoigner ces choses au sujet des Églises. Moi, je suis la racine et la descendance de David, l’étoile, l’étoile resplendissante du matin ».
17 Et l’Esprit et l’Épouse disent : « Viens ! »
Et celui qui écoute, qu’il dise : « Viens ! »
Et celui qui a soif, qu’il vienne, et celui qui veut, qu’il prenne de l’eau de la vie, gratuitement.
20 [Jésus,] qui témoigne ces choses, dit : « Oui, je viens vite ! »
« Amen ! Qu’il soit ainsi ! Viens, Seigneur Jésus ! »
Parole du Seigneur.
Alléluia. Alléluia.
Je ne vous laisserai pas orphelins, dit le Seigneur,
je reviens vers vous, et votre cœur se réjouira. (cf. Jean 14,18)
Alléluia.
Évangile
Dans sa dernière conversation avec ses disciples avant sa passion (Jn 13-17), Jésus prie : il prie pour ses disciples et aussi « pour ceux qui grâce à leur parole croiront en moi » (v. 20). Et Jésus prie le Père afin que ces croyants soient « en nous » (v. 21). L’unité de la communauté, et aussi de notre communauté, doit être comme l’unité entre Jésus et le Père, une unité réciproque « Comme toi, Père, [tu es] en moi, et moi en toi » (v. 21). L’unité de la communauté nous permet d’être vraiment uni(e)s à Dieu, d’être « parfaitement et définitivement un » (v. 23). Cette unité permettra aussi au monde de connaître que « tu m’as envoyé et que tu les as aimés, vraiment comme tu m’as aimé » (v. 23). Une affirmation extraordinaire : si nous faisons de notre communauté une unité, nous pouvons faire l’expérience que le Père nous aime « vraiment comme » il aime son Fils.
Et la finale de la prière de Jésus revient sur cette même idée : aux disciples j’ai fait connaître ton nom, ta personne, ta gloire, ton amour. Et « je le leur ferai connaître, afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux » (v. 26).
Quant au retour de Jésus vers le Père, dans la mort et la résurrection, son retour ne sera pas son absence, sa disparition. Les disciples pourront faire – et nous pouvons faire – l’expérience de l’amour du Père et de la présence, surprenante, de Jésus dans nos vies, sur nos chemins.
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (17,20-26)
Les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi : « Père saint, 20 je ne te prie pas seulement pour ceux-ci, mais aussi pour ceux qui grâce à leur parole croiront en moi, 21 afin que tous soient un. Comme toi, Père, [tu es] en moi, et moi en toi, qu’eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. 22 Et moi, je leur ai donné – don définitif – la gloire que tu m’as donnée, afin qu’ils soient un comme nous sommes un. 23 Moi je suis en eux, et toi en moi, afin qu’ils soient parfaitement et définitivement un, et que le monde connaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés, vraiment comme tu m’as aimé.
24 Père, ceux que tu m’as donnés comme don définitif, je veux que là où moi je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée, parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. 25 Père juste, le monde ne t’a pas connu ; mais moi, je t’ai connu, et ceux-ci ont connu que tu m’as envoyé. 26 Et je leur ai fait connaître ton nom, et je le leur ferai connaître, afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux ».
Acclamons la Parole de Dieu.
Prière d’ouverture
Nous te prions, Seigneur de la croix,
de nous faire comprendre
qu’est-ce-que signifie donner la vie pour toi.
Donne-nous de comprendre comment cette attitude intérieure
nous libère de beaucoup de lâchetés et de peurs :
elle suscite en nous une connaissance nouvelle de tes mystères,
elle nous prépare à construire vraiment ta maison.
Seigneur Jésus, reçois notre esprit, prends-le avec autorité,
prends-le toi-même parce que nous avons peur à accomplir ce geste.
Que ce soit toi-même à réparer cette maison qui tombe en ruine,
sauve notre société corrompue et pleine de peur,
donne du courage à celles et ceux qui, comme Etienne,
et aussi comme Jérôme et Joëlle,
soulèvent leurs yeux vers les cieux ouverts
et vers ta gloire d’homme crucifié et ressuscité d’entre les morts. Amen[8].
[D’après une homélie de Carlo Maria Martini, cardinal, Italie : 1927-2012]
Prière des fidèles
* Que le récit du martyre d’Etienne puisse nous encourager devant la mort de nos deux martyrs, Jérôme et Joëlle. Le Seigneur a accueilli leur esprit comme il a accueilli l’esprit d’Etienne. Ils sont vivants, avec le Seigneur qui les a accueillis et avec nous qui faisons mémoire de ces deux amis.
* Le psaume nous parle de Dieu qui instaure son Royaume – de droit et de justice. Et pourtant des personnes, malgré tout, continuent à servir « leurs petits-dieux », le pouvoir, la richesse, la violence aveugle. Mais pour les justes, pour ceux et celles qui s’engagent pour la justice, une lumière est semée. Aide-nous, Seigneur, à cultiver cette semence.
* L’Apocalypse nous annonce que Jésus vient. Et la communauté, soutenue par l’Esprit, et chaque croyant individuellement, sont animés par le désir de cette rencontre. Eh bien, que nos invocations « viens », « que ton règne vienne » et autres ne soient pas des mots vides. Qu’elles soient l’expression d’un vrai désir ; qu’elles nous aident à découvrir les signes de ta présence dans notre vie et dans le monde.
* En faisant mémoire de ce que Jérôme et Joëlle ont vécu et de la façon dans laquelle ils se sont engagés – jusqu’à leur mort violente – nous ne pouvons pas oublier ta parole : « je veux que là où moi je suis, eux aussi soient avec moi ». Que leur présence avec toi puisse nous encourager, dans la nostalgie que nous avons d’eux et dans notre engagement pour la paix et pour une réponse non-violente à ceux qui ont tué et, encore aujourd’hui, tuent.
[1] Pour ces ‘témoins’, cf. G. Schneider, Gli Atti degli Apostoli. Parte prima. Testo greco e traduzione. Introduzione e commento ai capp. 1,1-8,40, Paideia, Brescia, 1985, p. 663.
[2] Pour une comparaison entre la mort de Jésus et celle d’Étienne, cf. D. Marguerat, Les Actes des apôtres (1-12), Labor et fides, Genève, 2007, p. 276s.
[3] Cf. E. Zenger, Psalm 97, dans F.-L. Hossfeld – E. Zenger, Psalmen 51-100, Herder, Freiburg – Basel – Wien, 2000, p. 676s.
[4] A ce propos G. Ravasi (Il libro dei salmi. Commento e attualizzazione. Vol. II (Salmi 51-100), EDB, Bologna, 2015, p. 1016ss) parle de « la grande manifestation cosmique de Dieu ».
[5] Ainsi J.-L. Vesco, Le psautier de David traduit et commenté, Cerf, Paris, 2006, p. 910.
[6] Cf. J. Delorme – I. Donegani, L’Apocalypse de Jean. Révélation pour le temps de la violence et du désir, II. Chapitres 12-33, Cerf, Paris, 2010, p. 206ss.
[7] G. Ravasi, Apocalisse, Piemme, Casale Monferrato, 2007, p. 220.
[8] Cf. C. M. Martini, Invocare il Padre. Preghiere, EDB, Bologna, 2012, p. 173.